Winamax

Semaine 2 - Épreuve 2

Top Shark Winamax

L'anecdote poker de « max.keane59 »

 

INTERVIEW DE MAXENCE KIEN : EN ROUTE POUR LA MEDAILLE D’OR


C’est une grande première dans les jeux olympiques d’été. Une épreuve de poker fera son apparition comme discipline olympique. 96 candidats venus des quatre coins de la planète se défieront et défendront les couleurs de leur nation. Une des 34 nations représentées aura le privilège d’inscrire son nom au palmarès pour la première médaille d’or de poker de l’histoire olympique.

Nous avons rencontré, sur place au Qatar, Maxence KIEN, un des cinq représentants français du team Winamax.

Lieu : Doha Grand Hôtel (Qatar), salon de thé dégustant un chicharito (cocktail local).

Date : Dimanche 4 Août 2024, 14h08 heure locale.

Bonjour Maxence, tu vas participer à la première édition des jeux olympiques de poker, aurais-tu pensé que le poker soit un jour discipline olympique ?

Bonjour, je dirais qu’au tout début du XXIe siècle, imaginer le poker comme épreuve olympique était utopique. Mais le monde évolue et son développement favorise l’ouverture de nouveaux horizons sportifs. Je suis heureux que le Comité International Olympique ait validé cette proposition. Le CIO a constaté que le poker avait sa place aux jeux en tant que sport. C’est un rêve pour tout sportif de participer un jour aux jeux olympiques. Je félicite la Direction Technique Nationale canadienne, présidé par Daniel Negreanu, qui a transmis un dossier solide aux CIO pour que le poker soit à l’honneur à ces jeux.

Pensez-vous que le poker et les échecs soient vraiment perçus aux yeux de tous comme des épreuves sportives comparés à la pétanque qui fait également son apparition dans ces J.O ?

Je pense que chaque discipline qu’elle soit d’ordre physique ou mentale mérite sa place un jour aux J.O. Le grand public se fait peut-être une idée erronée du poker ou des échecs. En effet, ce n’est pas une épreuve qui demande une grande force physique à l’état pure ou d’endurance mais nous avons des coaches chaque jour près de nous (coaches physiques et mentaux). On s’entraine tous les jours comme les footballeurs ou les nageurs. Des programmes sportifs nous sont imposés, nous côtoyons les salles de musculation. Nous sommes des professionnels. Comme dans chaque spécialité il y a une part de technique, la chance n’intervient que sur un pourcentage réduit.

Le fait que ces deux nouvelles disciplines, plus axées sur la réflexion et la technique, soient au programme des jeux olympiques procure une certaine fierté pour notre métier.

« Ici tout est grandissime, les infrastructures sont vraiment impressionnantes. »

As- tu eu le temps de visiter le village olympique depuis ton arrivée ?

Oui, c’est ce que j’ai fait dès mon arrivée, ici tout est grandissime, les infrastructures sont vraiment impressionnantes. Héberger toutes les délégations dans ce village est fantastique.

On sent que l’on entre dans une autre dimension. Environ 20.000 athlètes sont là dans un but précis : la médaille d’or ! C’est une expérience exceptionnelle, l’histoire d’une vie. Je suis conscient que je suis un privilégié puisque je fais partie des cinq joueurs français dans cette discipline (NDLR : chaque nation a le droit à 5 représentants au maximum).

Peux-tu nous présenter le parcours qui t’a amené jusqu’à moi, afin que le grand public te découvre ?

J’ai commencé à jouer régulièrement au poker en ligne en 2010 quand le poker a été légalisé en France sur internet. Fin 2012, j’ai eu la chance de me qualifier pour une académie de poker en ligne, « la top shark academy » qui offrait un contrat pro d’un an au meilleur académicien. J’ai passé de multiples épreuves poker et pédagogiques. En effet, il ne suffit pas d’avoir un bon niveau de poker, il faut également avoir un niveau littéraire et d’expression plus que correcte. J’ai donc écarté chaque semaine les joueurs de l’académie, enchainant les épreuves et les réussissant jusqu’à la dernière ligne droite. C’est la victoire finale dans le tournoi « MAIN EVENT » qui m’a propulsé vainqueur de cette formidable expérience.

Il faut admettre qu’à mon arrivée dans l’académie la communauté des joueurs ne me donnait pas favori du fait que je n’étais pas un « shark »(1) et que je jouais des petits buy in mais j’ai réussi à rivaliser avec les meilleurs et même à faire mieux qu’eux par la suite. Me voilà donc entrer dans la Team Winamax à 25 ans pour ne plus jamais en sortir.

Aujourd’hui à 37 ans, j’ai à mon actif trois titres majeurs (2) et plusieurs tables finales sur le circuit live. Au fil des années j’ai diminué la fréquence des tournois online pour mieux me concentrer sur les tournois live.

Comment et quand s’est passé l’intégration dans la Team Winamax et que représente cette équipe à tes yeux ?

L’équipe Winamax m’a accueillis début 2013, elle l’a fait de belle manière. J’ai rapidement été mis à l’aise. Nous avons fait des sorties sympathiques comme un weekend de rafting dans le sud de la France, une semaine sur les pistes de Courchevel avec l’ensemble des membres de l’équipe. Puis nous parcourons le monde entier maintenant, nous nous rendons à différents tournois de la planète, nous voyageons constamment. A ce jour, depuis mon arrivée dans l’équipe en 2013, nous sommes encore six joueurs sur seize à en faire partie. Nous avons Nicolas Levi, Ludovic Lacay, Marc Inizan, la jolie Gaëlle Baumann, l’incontournable et légendaire Michel Abécassis et moi-même. Michel est en quelques sortes notre père à tous pour sa sagesse. J’ai une admiration pour cet homme, il garde sans cesse cette attitude de jeunot aux tables de poker. Il me répétait à mes débuts: « crois en tes qualités », « joue ton jeu ».

La Team Winamax représente aujourd’hui beaucoup pour moi, car elle m’a fait évoluer, progresser d’année en année. Chaque membre de l’équipe a des qualités différentes, ils m’ont fait partager leur technique, leur savoir-faire, leur expérience. C’est, selon moi, la meilleure équipe de l’Hexagone.

« La communauté des joueurs ne me donnait pas favori … »

Quelles sont tes qualités, tes défauts ou axe de progression ?

Je me vois aujourd’hui comme un joueur assez complet. Je peux rendre fou mes adversaires de par ma créativité, mon expérience, ma technique sur certains moves. Je me sers très bien de l’image que je reflète à table. Je qualifie mon style de jeu de « LAG » (3) ce qui me permet de placer des bluff postflop. J’ai une bonne lecture de jeu de manière générale. En effet, j’identifie et j’analyse le type d’adversaire que j’ai en face de moi, certains détails, qui n’apparaissent pas aux yeux de tous, peuvent être fatals. Par ailleurs, il faut constamment prendre en compte les profondeurs de tapis, le profiling des adversaires pour faire les moves nécessaires.

Il faut avoir un mental d’acier car un mauvais coup peut déstabiliser sur un certain laps de temps. Il suffit d’être « carte dead »(4) pendant plusieurs heures et cette situation n’est pas toujours simple à gérer sur certains tournois.

Quelle différence faites-vous entre le poker en ligne et le poker live ?

Pour moi, le poker live est une mise en scène ou chaque joueur joue un rôle propre à son image. Des détails physiques, expression du visage, tenue vestimentaire, prestance à table, langage sont des paramètres que l’on ne peut pas remarquer en jouant en ligne. En live, être patient est très important.

Sur internet, on voit beaucoup plus de mains à l’heure et c’est moins convivial. Les indices récoltés sur nos adversaires se font simplement sur les sizing(5). Le temps d’action est limité. En ligne, on peut faire du multitabling si l’on s’ennuie.

D’ailleurs, j’ai remarqué que ton pseudonyme est max.keane59, peux –tu m’expliquer ce choix ?

Ce pseudo remonte à mon époque universitaire. Avec les copains on avait l’habitude de se rendre à la bibliothèque à la fin des cours, pour … jouer à football manager (NDLR : il éclate de rire). A cette période, il y avait deux joueurs de foot qui s’appelaient Roy Keane et Robbie Keane. C’est de là qu’on m’a surnommé Max Keane puisque c’était assez proche de mon nom de famille, puis « 59 » c’est pour mon département bien entendu.

Quel est ton programme pour la fin de cette année 2024 ?

Il me reste trois grandes étapes live après ces J.O, tout d’abord le World Poker Tour de Tokyo en septembre, suivi début novembre de l’European Poker Tour de San Remo et pour terminer la saison l’EPT de Moscou.

Aujourd’hui nous sommes à 10 jours du coup d’envoi de l’épreuve tant attendue, comment te sens- tu avant de démarrer cette épreuve olympique ?

Je me sens bien. Marc Durand, mon coach sportif, a mis en place un planning mélangeant sport, repos et détente pour faire le vide autour de moi et optimiser ma concentration sur cet événement. Je suis confiant et ma détermination est maximale.

Décrocher un titre olympique serait magnifique. Je sais que beaucoup d’espoirs sont fondés sur moi, mais c’est une pression positive. A savoir que mes camarades de jeu sont présents et que des dizaines de millions de français sont de tout cœur avec nous est une force considérable. Entendre l’hymne nationale avec la médaille d’or autour du cou nous procurerait une joie démesurée.

Je vais savourer les 10 jours à suivre, et je serais prêt pour entrer dans la compétition le jour J.

Merci Maxence pour ces réponses, je n’ai plus qu’à te souhaiter bonne chance !

(NDLR : buvant la dernière gorgée de son cocktail). Merci beaucoup.

Propos recueillis par Charles MONFORT, journaliste et rédacteur pour l’Equipe magazine.
cmonfort@lequipe.fr.

(1)    Shark : requin, joueur très fort qui plume les pigeons.
(2)    2016 Vainqueur du MAIN EVENT WSOP-E à Cannes, 2021 Vainqueur de l’EPT de Corse, 2022 Vainqueur de l’EPT du Luxembourg.
(3)    LAG : loose agressif : joueur qui entre dans beaucoup de mains de manière agressive, même si il n’a pas un bon jeu.
(4)    Carte dead : ne pas avoir de jeu du tout pendant une certaine période
(5)    Sizing : hauteur de la mise/relance.