Au lendemain de sa victoire sur le Summer Celebration à 800 $, le plus Français des Italiens se confie
Hier soir, tu es parti te coucher en Champion du Monde. Tu peux nous décrire les sensations au réveil, toi qui joue les World Series of Poker depuis plus de quinze ans ?
Ce matin, j'ai regardé les vidéos de la dernière main du tournoi. J'avais des frissons. C'est surtout le fait que tous les copains étaient derrière. Cela m'a procuré des émotions énormes. Je ne faisais même pas attention à la somme en jeu [504 180 $, NDLR]. C'était surtout le bracelet qui comptait. Et plus que le bracelet : la victoire, sur les World Series. Après, quand j'ai réalisé que j'avais reçu des centaines de messages, de tous les copains, de tout le monde, j'ai compris que c'était quand même quelque chose d'énorme.
Dans une autre interview, tu as insisté sur l'importance du côté sportif. Tu essaies d'inculquer tes enfants l'esprit de compétition. Ta fille est devenue athlète de haut niveau... L'accomplissement, le fait d'avoir été jusqu'au bout, cela semble le plus important pour toi.
Depuis qu'ils sont tout petits, je répète à mes enfants que l'important c'est de gagner, pas de participer. Pour moi, c'est la bonne approche. Évidemment, on ne peut pas gagner à chaque fois. Mais il faut se préparer pour gagner, il faut avoir pour objectif de gagner. Ma fille Alessia s'entraîne avec acharnement pour atteindre ses objectifs, elle est focus. Derrière, bien sûr qu'elle ne gagne pas tout le temps, mais elle met tout pour atteindre la perf. Et quand la perf arrive, ce n'est pas hasard. Il y a une construction, un mental, une force qui te fait avancer.

Le travail technique, je ne peux pas en faire beaucoup, à cause de mon boulot. Donc mon travail technique, c'est : essayer d'apprendre quelque chose sur chaque tournoi. Les tournois des World Series, par exemple, ils sont à part, on ne les joue pas de la même manière. Et sur les EPT, tous les autres tournois le reste de l'année, tu apprends des techniques des autres. Tu essaies d'être une éponge. Sinon, je regarde des vidéos. Dans la Tête d'un Pro, je regarde tout le temps ! J'aime bien l'approche de pas mal de joueurs : Pierre, Adrián... Pierre, j'ai beaucoup appris de certaines de ses mains, j'ai eu l'occasion de lui dire.
Sur ce Summer Celebration, est-ce que tu as l'impression d'avoir « step up », d'avoir apporté à table un truc en plus qui t'a permis de gagner ?
C'était un tournoi avec une structure très rapide, et très peu de profondeur. Du coup, il y a des mains qu'il était impossible de jouer. Des paires de 3, de 4... je ne pouvais pas faire tapis pour 15 BB avec ce genre de mains, je devais attendre des meilleurs spots. À l'inverse, tu pouvais trouver des spots en regardant les stacks des autres joueurs. Je te donne un exemple : on est aux blindes 100 000 / 200 000, on est ITM depuis longtemps, et le chip-leader est à ma droite avec 10 millions, moi j'ai 3,5 millions. Il limp, et moi j'ai 7-2 à trèfle. Je sais qu'il ne pourra jamais payer une relance, car il n'a pas relancé lui-même. Donc j'ai fait tapis avec mon 7-2. Je ne vais pas jouer de cette manière sur tous les tournois ! Dans l'ensemble, j'ai vraiment essayé d'atteindre chaque palier, et de prendre les spots pour faire tapis, plutôt que d'open avec 15 BB. Car faire directement tapis avec 15 BB, ça t'en fait gagner 4, c'est énorme. Pareil avec As-Dame, je préfère faire all-in que d'open, et gagner les blindes. Prendre les blindes une fois par tour pour se maintenir, c'était ça l'objectif.
Le coup clé, celui qui te propulse vers le bracelet, il se produit à trois joueurs restants...
J'ai As-9, un tapis de 45 millions, et le gros chip-leader il a 200 millions, et le short-stack, ancien gros chip-leader, a 35 millions. Le chip-leader open-shove au bouton, je sais qu'il est très large. Le short-stack réfléchit longtemps avant de payer pour son tapis. Là, je comprends qu'avec As-9, je suis devant lui. J'ai deux choix : soit folder, et probablement arriver en heads-up, mais je serai très short. Ou alors gagner le coup, et avoir une vraie chance de prendre le bracelet. Si je perds ce coup-là, de toute façon je termine deuxième, car j'ai plus de jetons que le short. [En tête face à Q




En heads-up, tu as été très agressif...
Il m'a gagné un coup où j'étais bien devant, il a touché, mais après j'ai continué à attaquer. Je pense qu'il ne comprenait pas mes bluffs !
Parlons de ton statut un peu particulier. Un Italien, mais qui en France depuis très longtemps. Tu as très vite été adopté par tous les joueurs de poker français. Hier, il y avait beaucoup de monde pour te soutenir... que des Français !
Je vis en France depuis 1996, cela représente plus de la moitié de ma vie ! Je vis à Antibes, je travaille à Paris, je fais la navette depuis 21 ans. Tout le monde me connaît dans le poker. Mais... je suis Italien à 100 %. Donc [pour la cérémonie de remise de bracelet] j'ai demandé si on pouvait envisager de jouer les deux hymnes nationaux. On m'a dit non ! Alors évidemment, s'il faut choisir, ça sera l'hymne italien. Mais j'aimerais bien, tout de même, qu'on essaie de chanter la Marseillaise aussi, en a cappela... S'ils me donnent le micro, je le fais !
Tes enfants, ils se considèrent comme...
Français ! Nés en France, élevés en France. Ils ont la double nationalité, mais ils ont toujours vécu en France. Ses compétitions, c'est dans l'équipe de France qu'Alessia les dispute.
Tu finiras tes jours en France ?
Je pense que oui. Surtout en vivant dans le sud. C'est trop beau. Et j'ai une phrase fétiche : il faut toujours désirer ce qu'on a. Mon rêve dans la vie, c'est de conserver ce que j'ai déjà, et continuer de l'apprécier tous les jours. En premier lieu ma famille.
Et dans le poker, tu as un nouveau rêve après ce bracelet WSOP ?
Peut-être gagner sur un autre circuit. EPT, WPT...
Parlons de ce logo Winamax que tu portais en table finale. Les gens qui verront les photos, ils vont peut-être se dire qu'on t'a filé du blé, qu'il y a eu un arrangement en coulisses... Alors que pas du tout ! C'est toi qui a réclamé un autocollant avant le début de la finale ! Explique-nous un peu.
Je connais bien les équipes de Winamax. Je connais bien les dirigeants aussi. Et en ce moment, ma société collabore avec Winamax.
Justement, dis-en nous plus sur ta boîte.
J'ai une société de conseil en finance, et on aide aussi les entreprises pour tout ce qui concerne la responsabilité sociétale des entreprises (RSE) : mise en conformité, obligations... [pour simplifier, cela concerne la contribution volontaire des entreprises aux enjeux du développement durable, NDLR]. On a accompagné Winamax pour les aider à obtenir des certifications ISO nécessaires à leur activité.
Cela remonte à quand, tes débuts d'entrepreneur ?
J'ai fondé ma société en 2004. Aujourd'hui, on a 250 collaborateurs qui font du conseil en finance. Soit en support opérationnel, soit sur des projets finance, comme la mise en place d'outils comme les RP, PM... [là, Giuseppe se met à rentrer dans des explications techniques ultra-pointues, on dirait Adrián Mateos en train de solver un spot GTO - je vous passe les détails car je ne comprends pas tout]. On ne travaille qu'avec des grands groupes : Engie, Louis Vuitton, EDF, Société Générale, Danone, avec lesquels on a de gros contrats, et un beau chiffre d'affaires. En fait, Winamax est notre plus petit client ! [rires]
Tu n'as jamais pensé à entreprendre quelque chose spécifiquement dans le poker ?
J'adore l'entreprenariat. Quand j'ai créé ma troisième boîte, je me suis pris deux fois le mur. Mais un échec n'est pas un échec : c'est un apprentissage. Et il y a un truc que je répète toujours : mon deuxième échec est la plus grande réussite de ma carrière. Car même si ça n'a pas marché, j'ai appris énormément. J'encourage les gens à entreprendre. Mais il faut savoir que c'est quelque chose qui t'occupe 24 heures sur 24, en termes de focus. Ça te réveille la nuit, tu y penses dès le réveil. Le moment où l'on se lance, il est particulier. La réussite, quand elle arrive, est visible, mais les efforts qu'il y a derrière pour y arriver, on ne les voit pas. Passer de 1 à 10, c'est beaucoup plus dur que de passer ensuite de 10 à 100.
[Réponse intéressante, mais un peu à côté. Du coup, je retente.] Pas de projets dans le poker, donc ?
Tu veux dire, devenir pro ?
Non, pas ça !
Ah, OK... Oui, j'ai quelques investissements à côté. Mais je n'aime pas trop en parler. Disons qu'avec mon ami Apo, on a une très bonne relation !
Dernières questions... tu as démarré le Main Event aujourd'hui, un tournoi que tu connais par cœur : tu as atteint six fois les places payées depuis 2011. Un conseil pour gérer le Day 1, pour ceux qui se lancent pour la première fois ?
Je ne late reg pas, car honnêtement, il y a beaucoup trop d'amateurs... pas éclairés ! Moi, je me considère comme un amateur éclairé. Les fautes dans le jeu, ils en font dès le début, il y a des jetons à gagner tout de suite. Les 30 000, 40 000 jetons que tu peux gagner sur le Day 1 grâce aux fautes des amateurs, ils font que ça vaut la peine d'arriver à l'heure. À part ça, je dirais qu'il faut être patient. Le tournoi est très long. Statistiquement, on reçoit une premium toutes les 45 mains. Donc les grosses mains finissent toujours par arriver. Mais il faut faire attention, garder les pots petits. On peut perdre beaucoup avec deux As sur le Day 1 ! Les jetons perdus ont plus de valeur que les jetons gagnés. Surtout sur le Main Event !
Ton bracelet, il va finir où ?
Sur une étagère, avec les trophées de ma fille... et les miens. Elle en a beaucoup plus que moi ! [rires] Mais quand même, le bracelet, ça vaut au moins plusieurs coupes, non ?
Un mot pour tous ceux qui t'ont suivi à ta distance ?
Merci pour le soutien, pour tous les messages qui font chaud au cœur. J'espère vous rencontrer. Rêvez, n'écoutez rien !
Résultats - Summer Celebration 800 $
7 078 inscrits - Dotation 3 698 201 $
Place | Joueur | Pays | Prix |
---|---|---|---|
Vainqueur | Giuseppe Zarbo | Italie | 504 180 $ |
Runner-up | Ryo Kotake | Japon | 332 840 $ |
3e | Wai Kit Lo | Hong Kong | 248 320 $ |
4e | Jonathan Stoeber | USA | 186 650 $ |
5e | Ciaran Duffy | Irlande | 141 350 $ |
6e | Yansong Kou | USA | 107 850 $ |
7e | Ionannis Panagopoulos | Grèce | 82 920 $ |
8e | Marat Shafigullin | Russie | 64 250 $ |
9e | Quinterol Mallette | USA | 50 161 $ |
Chaque moment crucial de la finale a été vécu avec ferveur. Comme ce double-up à sept joueurs restants...
That First @WSOP Bracelet Feeling
— PokerNews (@PokerNews) July 5, 2025
Massive congratulations to Giuseppe Zarbo on winning WSOP Event #80: $800 Summer Celebration for $504,180 and his first WSOP bracelet
Full recap on PokerNews pic.twitter.com/Q0Z5AMncUn