Américains et Européens à parts quasi égales

- 15 juillet 2024 - Par Benjo DiMeo

Qui sont les finalistes du Main Event des WSOP 2024 ?

Main Event WSOP
Cinq joueurs issus du continent Américain contre quatre venus d'Europe. Avec un léger avantage en jetons pour les joueurs d'outre-Atlantique...

Siège 1 : Boris Angelov (Bulgarie)
52 900 000 (33 BB)

Boris Angelov
Un palmarès live ouvert après le Covid, en 2021, qui décolle véritablement cette année, avec une très lucrative deuxième place à Monte Carlo. Des gains online qui ont dépassé le demi-million de dollars. Sans même avoir besoin de consulter son état civil, on devine en Boris Angelov un jeune joueur, aussi talentueux que pressé : le voilà qui embraye franchement avec une finale sur le Big One qui fera de lui un millionnaire, minimum. Durant les demi-finales, le Bulgare a été sauvé par un Jessie Bryant très généreux, qui tente de lui prendre ses 11 dernières blindes avec 22 : face à KK, il ne réussira qu'à le maintenir en vie. Derrière, Angelov passera une nouvelle fois par la case "all-in préflop", gagnant cette fois un coin-flip contre Malo Latinois. Anecdote random : il y a dix jours, il terminait le Day 1C avec moins que le tapis de départ. Comme vous pouvez le constater, il a su rester patient. - Benjo

Siège 2 : Malo Latinois (France)
25 500 000 (16 BB)

Malo Latinois
Le premier Français à atteindre la finale du Main Event depuis 2018 est un jeune Breton qui ne s'est mis au poker qu'il y a cinq ans. Cela ne l'a pas empêché de commencer les demi-finales dans l'enviable position de chip-leader... avant de s'en prendre plein la gueule tout au long du Day 8. Retombé dans les profondeurs du classement, il devra sa survie à une couleur floppée tenant bon contre le brelan de Jason Sagle. On l'avait rencontré en 2023 sur l'EPT Paris (16ᵉ), tout juste une semaine après sa victoire sur la Million Week de Winamax : mardi, on le retrouvera sur la plus grosse partie de poker de la planète. Putain, quel pied ! - Benjo

Siège 3 : Brian Kim (USA)
94 600 000 (59 BB)

Brian Kim
Vissée en permanence sur son crâne, la casquette floquée du logo du circuit ultra high stakes Triton envoie un message pas spécialement subliminal à ses adversaires : les gars, moi je joue beaucoup plus cher que vous. Né aux États-Unis de descendance Coréenne, Brian Kim réside actuellement à Sydney, Australie. Sa carrière a débuté au début des années 2010, mais ce n'est qu'en 2022 qu'il commencera à véritablement faire parler de lui, avec un bracelet remporté en ligne sur un High Roller à 5 300 $, suivi par une quatrième place sur le WPT de Noël du Bellagio. Dès lors, il deviendra incontournable sur les tournois les plus chers, accumulant rapidement de plus de 7 millions en places payées live. Les deep-runs sur le Main Event des WSOP, Kim connaît aussi : 499ᵉ en 2012, 955ᵉ en 2018, 790ᵉ en 2021, 23ᵉ en 2021. Le voilà maintenant en passe de faire oublier tous ces demi-résultats, muni d'un gros tapis constitué en partie grâce à l'élimination de Yegor Moroz. - Benjo

Siège 4 : Niklas Astedt (Suède)
94 200 000 (59 BB)

Niklas Astedt
Tout simplement le joueur préféré de ton joueur préféré. Tous les top pros nous rebattent les oreilles à propos de Niklas Astedt, le désignant à chaque fois comme l'un des meilleurs joueurs de MTT online de sa génération, si ce n'est LE meilleur. La prestation de Lena900 sur le Main Event n'a aucunement fait mentir ces témoignages, bien au contraire. Ses gains sur GG Poker dépassent les 22 millions, tandis que sur PokerStars, il cumule quantité de titres SCOOP et WCOOP. Sur le classement mondial des joueurs en ligne établi par PokerStake.com, il a été en tête pendant 97 semaines consécutives : même Michel Sardou n'a pas fait mieux au Top 50. Astedt a tellement gagné que personne ne saurait vous dire combien, probablement pas même lui. 30 millions ? Plus ? On s'en fout, la vrai question, c'est : qu'est-ce qui manque au Suédois ? Une très grosse victoire en live, et/ou un bracelet WSOP. C'est le moment de faire d'une pierre deux coups. - Benjo

Siège 5 : Joe Serock (USA)
83 600 000 (52 BB)

Joe Serock
Les plus jeunes seront peut-être passés à côté de lui, malgré sa dégaine de grand échalas et sa tenue vestimentaire, plus adaptée à une rave party en forêt qu'au plateau télé des WSOP. Mais les anciens, eux, ils savent : Joe Serock, c'est pas n'importe qui. On le croisait déjà sur tous les jours aux WSOP à la création de la rédac' Winamax, au milieu des années 2000. Aujourd'hui, l'Américain cumule 4,5 millions de dollars de gains en live, avec comme meilleurs scores une seconde place sur un 6-max à 2 500 $ en 2009 et deux podiums World Poker Tour en 2012. Agressif contre tout le monde en demi-finales, y compris les poids lourds Niklas Astedt et Kristen Foxen, Serock est resté aux commandes de son destin tout au long du Day 8, occupant le fauteuil de chip-leader un bon moment, et éliminant Jason James (coin-flip) et la Foxen déjà citée. Sa position confortable pourrait bien permettre à ce pro discret (sauf pour ses fringues, donc) de passer véritablement de l'ombre à la lumière, vingt ans pile après les débuts de sa carrière de pro. - Benjo

Siège 6 : Jordan Griff (USA)
143 700 000 (90 BB)

Jordan Griff
Le Day 8 de Jordan Griff aurait pu se terminer sur la première main du Day 8. Parti à tapis avec paire de Dames sur un flop As-10-3, l’Américain s’empale contre le brelan de 3 de Jessie Bryant. Pan ! Le 2-outer miraculeux se matérialise comme par magie sur la rivièrer et Jordan Griff se remet sur ses étriers. Au lieu de se faire botter, l’Américain part au triple galop, piétine le stack de Malcolm Franchi, le désarçonne sur un setup et terminera même la journée avec un carré pour prendre le plus gros pot du tournoi à Joe Serock. L’amateur de l’Illinois, qui cumulait jusque-là moins de 50 000 $ de gains en live vit un rêve éveillé et tentera de le prolonger sur une table finale de Main Event, qu’il attaquera avec un chiplead aussi improbable que confortable. - Fausto

Siège 7 : Jonathan Tamayo (USA)
26 700 000 (17 BB)

Jonathan Tamayo
L’archétype du pro américain. Stakhanoviste, le grinder du Texas cumule près de 150 lignes Hendon Mob, toutes acquises au pays de l’Oncle Sam (à l’exception de deux sorties aux Bahamas, quand même). Au passage, il a tout de même pris une bague WSOP-C à Palm Beach, gagné un beau Wynn Summer Classic et déjà deep run le Main Event, lors de l’année Joe Cada (21ᵉ pour 352 patates). Parti avec un stack confortable, l’Américain a surtout joué les spectateurs en demi-finales, se contentant de rester dans la course, sans jamais engager son tapis. Résultat : sa position ne sera pas la plus enviable en début de finale. L'info qui tue ? De tous les finalistes, Tamayo est le seul ayant fait le choix (controversé) de sauter le Day 1 pour s'inscrire directement au Day 2. - Fausto

Siège 8 : Andres Gonzalez (Espagne)
18 300 000 (11 BB)

Andres Gonzalez
A gagné à peu près tout ce qu'il était possible de gagner sur PS, derrière le pseudonyme wisopekeno. Un vrai grinder, très réputé au sein de la communauté espagnole, Andres Gonzalez est resté discret durant les demi-finales. Un peu comme dans la vie. "Il m'a demandé de supprimer un article sur sa troisième place au Wynn Championship il y a deux semaines, parce qu'il préfère qu'on ne parle pas de lui dans les médias, nous raconte un confrère ibérique. ET MAINTENANT IL EST EN FINALE DU MAIN EVENT." Effectivement, cela va désormais être compliqué de se cacher. - Benjo

Siège 9 : Jason Sagle (Canada)
67 300 000 (42 BB)

Jason Sagle
Des moves peu GTO, mais une très belle lecture du sabot. Jason Sagle a dégouté plus d’un adversaire aujourd’hui, n’hésitant pas à payer avec de superbes merguez pour griller ses opposants. Par exemple, un call 9-7 off 9 BB deep en grosse blinde face à un open-shove As-Dame de Guillermo Otero. Ou encore, cet impitoyable 6-5 off mettant fin au tournoi de Gabriel Moura, qui payait à raison avec Q-9 en bataille de blindes. En plus de son style imprévisible, le Canadien pourra faire parler son expérience, ses premières perfs remontant au début des années 2000. Il avait d’ailleurs terminé 23ᵉ du Main Event WSOP lors de la cuvée Greg Raymer (2004). - Fausto

Il ne reste plus que des millionnaires en course

WSOP / Reportage
C'est le grand retour d'une tradition qui avait été brièvement abandonnée, concernant l'échelle des prix : tous les finalistes sont assurés de quitter la partie en millionnaires (même si on soupçonne que certains d'entre eux le sont déjà, vu leur palmarès ou leurs plays un peu mabouls en demi-finales). En contrepartie, le gagnant va prendre un poil moins... mais il prendra tout de même beaucoup.

# Gains
Vainqueur 10 000 000 $
2e 6 000 000 $
3e 4 000 000 $
4e 3 000 000 $
5e 2 500 000 $
6e 2 000 000 $
7e 1 500 000 $
8e 1 250 000 $
9e 1 000 000 $

48 heures d'attente avant la finale

WSOP / Reportage
Qu'est-ce qu'on fait aux WSOP lundi ? Réponse : RIEN ! C'est la traditionnelle journée de pause d'avant finale. Oh, il y aura tout de même de quoi jouer au Horseshoe : le Day 3 du 6-max à 10K, le Day 2 du HORSE à 25K, le démarrage de trois tournois différents... Mais on ne sera pas là pour y assister : la rédac' va profiter de ce jour off pour se reposer, et pourquoi pas gagner *notre* Main Event de l'été à nous : le H.O.R.S.E. à 240 $ de l'Orleans, qui débutera à 16 heures. Souhaitez-nous bonne chance !

La finale du Main Event débutera le mardi 16 juillet à 13 h 30, heure locale (22 h 30 en France).

Benjo, Fausto, Victor_P & Caroline Darcourt
 

Wouf
Wouf

WSOP 2024 : tous nos articles

Malo Latinois, du rêve à la réalité

- 15 juillet 2024 - Par VictorP

Après l'élimination de Malcolm Franchi en 11ᵉ position, Malo Latinois représentera seul le clan Français en table finale du Main Event des WSOP. Son stack a perdu de sa superbe, mais peu importe son résultat final, la vie du jeune Breton sera changée à tout jamais

latinois
Cette histoire est celle d’un jeune homme originaire de Bretagne, dont la vie est en train de changer grâce à ce qu’il est en train d’accomplir sur le Main Event des WSOP. Alors qu’il n’avait pas la moindre idée de ce qu’était le poker il y a encore cinq ans, Malo Latinois vient de réaliser le rêve de tout joueur de poker : aujourd'hui, il a validé son ticket pour la table finale du plus beau tournoi du monde. “On est plus que neuf ! On est en table finale dans deux jours, et je suis assuré d'un million de dollars ! Je ne vous entends pas, mais je vous aime, gros bisous à vous”. Ses parents sont les premiers à qui il a appris la nouvelle, par téléphone, pendant que le clan français venu le soutenir chante à tue-tête une bruyante Marseillaise.

"Dites-moi que ce n'est pas une blague"

latinois
Arrivé pour la première fois de sa vie à Las Vegas avec un nouveau statut, celui de joueur de la Team Aim The Millions chapeautée par l'illustre Clément Richez, le jeune Français, que l’on avait rencontré en 2023 sur l’EPT Paris (16ᵉ) à peine une semaine après sa victoire sur la Million Week de Winamax pour 140 000 €, n’aurait jamais imaginé un seul instant vivre un tel moment suspendu dans le temps. “J’ai l’impression d’être dans un rêve, et que tout ce qu’il se passe n’est pas réel. Premier Vegas, premier Main Event, et je me retrouve en TF. Réveillez-moi, dites-moi que ce n’est pas une blague !”

Non, ce n’est pas une blague. Malo Latinois aura bel et bien sa place sur la plus belle finale de l'année, sur le plus gros Main Event de l'histoire du poker, pour tenter d’aller décrocher le titre suprême et les dix millions de dollars promis au vainqueur. “Avant ce dernier tournoi, je n’avais fait aucun ITM à Vegas. Mais, je suis resté serein, car je savais qu’il restait encore le Main Event. Et me voilà assuré de remporter au minima un million de dollars. C’est juste irréel” ajoute-t-il. Trouver ses mots, Malo n’arrive pas réellement à le faire au moment où on lui tend le dictaphone. Mais qu’importe, les émotions sont telles que l’on lui pardonne volontiers, surtout après la journée qu’il vient de passer “Désolé, mais c’est vraiment difficile de décrire ce que je ressens. C’est juste fou, je ne sais pas quoi te dire d’autre, il va déjà falloir que je redescende sur Terre".  

"Dix fois plus heureux"

Ce que l'on retiendra des demi-finales de Malo, c'est qu'elles furent très, très difficiles, et ont vu sa position se détériorer fortement. Arrivé au Horseshoe dans la peau du chipleader avec plus de 60 millions de jetons, le Breton a vu la réussite d'entrée de jeu, ou presque. "C’est une journée que je ne suis pas prêt d’oublier. Confiant lorsque j’arrive avec le chiplead, je me retrouve rapidement dans des pots où je perds pas mal de jetons. J’ai ensuite navigué entre 15, 20, voire 30 blindes, et j’ai su tenir bon. Alors, que demander de plus ?". 

Malo Latinois
Si se plaindre semble difficilement faisable lorsque l'on est finaliste du Main Event, cela ne l’empêche pas de garder les pieds sur terre, et de regretter certains de ses choix. “Il y a un coup que je regrette vraiment. Mais lorsque j’y pense, j'essaie de me rappeler tout le monde fait des erreurs sur le Main Event, c’est impossible de ne pas en faire. La vérité, c'est que je repars ce soir avec trois fois moins de jetons qu’hier, mais je suis dix fois plus heureux !"

Réaliser l'impensable

latinois
Sur son nuage, Malo n’a pas envie d’y redescendre, et nous non plus. Mais pour cela, il y a une chose dont il a visiblement besoin plus que toute autre chose : du repos. “On en parlait avec les joueurs à la table, mais on est complètement tous défoncés par la fatigue. Je n’avais jamais connu un tel niveau de fatigue jusqu’à ce Main Event. Alors, maintenant, s’il y a bien une chose que je vais privilégier, c’est du repos, du repos, et encore du repos".

Mardi, Malo Latinois reviendra au Horseshoe avec 26 millions de jetons (15 BB) pour prendre part à la table finale du Main Event, six ans après la dernière apparition d'un Français dans le dernier carré - celle d'Antoine Labat (10e en 2018). L'objectif ultime ne sera pas simple à réaliser... mais s'il veut continuer d'écrire l'histoire, jusqu'à parvenir à faire ce qu'aucun joueur français n'a jamais fait auparavant, Malo Latinois va devoir croire en ses rêves et aller remporter, pour le plus grand bonheur de toute la commu', le Main Event des WSOP.

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Coelho coulé

- 15 juillet 2024 - Par Benjo DiMeo

Diogo Coelho est éliminé en 10ᵉ place (800 000 $)
La table finale officielle est prête !
Level 39 : 800 000 / 1 600 000 BB Ante 1 600 000
Main Event 10 000 $ (Day 8)

L'élimination de Malcolm Franchi avait provoqué la constitution de la table finale à dix. Il ne restait plus qu'une élimination avant la conclusion du Day 8. Combien de temps cela allait durer ? Sur le banc de presse, les anciens, qui ont connu des éditions cauchemar où la phase "10-handed" a parfois duré six heures, huit heures, voire plus, ne se faisaient pas trop de bile cette fois. Avec deux stacks en dessous de 10 BB, ceux d'Andres Gonzalez et Diogo Coelho, il était très probable que les choses bougent rapido.

Diogo Coelho
Ce fut le cas : l'ultime phase des demi-finales n'aura duré que quarante minutes. Et entre les deux joueurs en danger, tous deux issus de la péninsule ibérique, c'est le Portugais qui a été privé d'un siège autour de la plus belle finale de l'année.

Relance à 6,8 millions de Diogo Coelho UTG : c'est de facto une mise all-in, car cette mise représente 60% de son tapis. UTG+2, Niklas Astedt se contente de payer. Les autres joueurs fold, le flop est retourné :

KQ6.

Naturellement, le peu d'argent qu'il reste à Coelho part au milieu, mais le Portugais, premier de parole, n'appuie pas sur le bouton lui-même : c'est Astedt qui envoie la sauce après un check de Coelho.

Allez, les jeux !

AJ pour Coelho, un tirage ventral contre...
AK chez Astedt, top-paire top-kicker.

Diogo Coelho
Le turn est une Q, la rivière un 8. Il est 22h40 : le Portugal ne sera pas en finale mais améliore son meilleur score sur le Main Event (en 2017, Pedro Oliveira avait terminé 11ᵉ), la table finale à neuf est prête... et une Marseillaise éclate spontanément sur le plateau télé. Car un Français en fait partie : Malo Latinois !

Restez branchés pour une présentation complète des finalistes et un entretien avec notre héros bleu.

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Franchi, c'était bon-bon-bon

- 15 juillet 2024 - Par Fausto

Un set-up imparable prive Malcolm Franchi d'une table finale de Main Event WSOP. Eliminé en 11e place, le reg Parisien réalise malgré tout un exploit hors normes, qui propulse sa carrière de joueur, pour un gain de 800 000 $
Main Event 10 000 $ (Day 8)

Malcolm Franchi

À une marche du rêve. Dans ce Main Event, Malcolm Franchi a tout fait. Escaladé des montagnes de jetons sur les premiers jours, rampé à travers les tunnels de shortstack du Day 5 au Day 7, passé des flips décisifs, bataillé sans relâche, tendu des pièges, patienté des heures, chuté au pire des moments, ressurgi des enfers… Une odyssée de huit jours, 80 heures à jouer aux cartes pour se retrouver aux portes de la table finale du plus grand tournoi du monde.

Malgré des vents contraires, un bluff raté, des pions perdus ici et là, le Parisien s’accrochait et trouvait les ressources pour revenir près des vingt blindes, alors que le field descendait sous les 15, puis les 12, puis les 11 joueurs. Encore une élimination, et Malcolm réaliserait le rêve de tout joueur de poker. C’est là que Jordan Griff open 3 200 000 depuis le bouton. En grosse blinde, Malcolm découvre AQ. Avec 19 BB, la décision est évidente : tapis pour ses 34 700 000 jetons ! La configuration semblait magnifique jusqu’à ce que Malcolm entende dans la demi-seconde le “call” de Jordan. L’Américain retourne AK, la main qu’on ne voulait pas voir.

Un run-out 84979 et c’est déjà fini. En quelques secondes, Malcolm passe d’une possible finale à l’élimination brutale. Le joueur prend la porte en 11e position, peut être la plus déchirante des places du poker de tournoi. Le rêve s’écroule. Cette table légendaire qui semblait à portée de main, il ne s’y assiéra pas.

“Une immense fierté”

Malcolm Franchi

Malcolm s’extirpe de l’Event Center quelques instants. Il a besoin de prendre un temps seul. Toute cette émotion qu’il a si bien gérée durant ses huit jours de tournoi retombe d’un coup. Le joueur déguste quelques instants, reprend doucement ses esprits, sèches les quelques larmes sur ses joues puis revient dans l’arène pour l’interview. La voix posée, quoiqu’encore légèrement tremblante, mais la tête haute. Malcolm n’a pas perdu, loin de là. Il a accompli quelque chose d’immense.

"Là, maintenant, il y a deux choses qui me traversent. Je ne sais pas vraiment laquelle prend le plus de place dans ma tête : une immense fierté et une immense déception, pose le joueur avec un calme épatant. Quand on joue un tournoi de poker, on joue pour le gagner bien sûr, mais je ne m’attendais pas à faire ce deep run là, à aller aussi loin sur ce tournoi-là. Ensuite, il y a les circonstances. J’ai passé 23 heures de jeu avec moins de dix blindes, et je n’ai jamais craqué. J’ai toujours bien sélectionné mes spots, même short. Je suis fier de ce que j’ai accompli, de comment j’ai joué, de comment j’ai compris les dynamiques. Et pourtant, je suis aussi extrêmement déçu de m’arrêter là. Quand on était 80, tu te dis “on est encore loin”, mais quand tu es onze… Et qu’au moment où tu bust, le floor apporte les racks à table et re-draw la dernière table du tournoi, la redescente est dure".

Malcolm rappelle ici son parcours du combattant, qui l’a vu traverser les jours malgré un stack boiteux. La patience, le mental dont il a fait preuve pour revenir dans la partie et passer les différentes phases du tournoi, alors que les enjeux devenaient vertigineux. Pourtant, Malcolm ne bronchait pas. Il restait posé, serein, assis sur cette chaise installée à l’envers comme pour attendre un massage qui ne venait jamais, la respiration tranquille, l’œil alerte, à jouer son poker, sans se poser plus de questions.

Malcolm Franchi

"Même aujourd’hui, j’ai ressenti zéro pression. J’ai joué comme si je jouais un “random” 300 balles quotidien à Paris. Pour ça aussi, je suis fier de moi. Je n’ai pas ressenti d’anxiété ou de stress. Bien entendu, je faisais attention à ne pas faire d’erreur ICM, parce qu’on joue des gros paliers, mais je n’avais pas de boule au ventre, j’étais à l’aise". Mais comment un joueur qui n’a jamais expérimenté ce genre de deep-run, qui plus est sur un buy-in à cinq chiffres peut-il aussi bien gérer la pression ?

"Il y a ma mère et ma copine qui m’ont dit tous les jours depuis le Day 4 qu’elles étaient fières de moi. Du coup, j’avais déjà accompli quelque chose de grand, peu importe quand ça s’arrêtait, j’étais prêt à ce que ça s’arrête. C’est ce que je te disais hier, j’étais en freeroll en émotions et en argent. Ça m’a permis d’être en dehors de tout ce stress".

On sent que déception de l’élimination se mêle, dans une réaction chimique unique, au bonheur d’avoir accompli ce deep-run. Malcolm savoure ce qu’il décrit très justement comme “une réussite”, en ayant tout de suite une pensée pour les proches, qu’ils soient familiers du poker ou non. "J’avais envie de rendre fier les gens qui ont cru en moi. Aujourd’hui, je l’ai prouvé. Je ressens énormément de gratitude par rapport à ça. J’ai réussi, mais je ne l’aurais pas fait tout seul. Mon entourage m’a aidé à réussir. Je pense à ma mère, à ma copine et une personne en particulier qui m’a aidé dans le poker, mais dont je ne peux pas citer le nom, mais son petit surnom c’est “poulet”".

Le reg de live nouvelle génération

Malcolm Franchi

À moins que vous ne squattiez les clubs parisiens, avant ce Main Event il y a peu de chances pour que vous ayez eu vent de Malcolm Franchi, un joueur plus habitué aux low buy-ins du circuit français qu’aux World Series of Poker. Sa carrière a pris un tournant aujourd’hui, et pas seulement par le résultat. Tout le long de ce Main, le joueur a montré qu’il avait l’étoffe pour boxer sur ce genre de ring.

Malcolm, c’est le reg de live nouvelle génération. Un joueur qui connait les clubs comme sa poche, qui a fait du “Circus” sa deuxième maison, mais qui n’oublie pas de perfectionner son jeu ailleurs que dans les établissements en durs. Un passionné de poker, qui s’endort sur son bureau "devant une review de Wina Series” et qui, sans être un grinder online, peut se lancer un Coffee Time à 9 heures du mat’ pour tuer l’ennui. "Je suis un peu insomniaque, donc quand je n’ai rien à faire à 9h, je grind un p’tit peu online. Mais ce n’est pas la priorité. Du moins, pour l’instant", nuance Franchi, qui dispose pourtant d’une palette technique digne des bons grinders d’internet.

"Même si je ne joue pas online, je fais énormément de reviews. C’est surtout pour comprendre le field qui joue GTO, pour pouvoir m’adapter à leur jeu, même si je garde mon côté joueur de live, déclare Franchi, qui s’est également mis à niveau sur l’aspect mental. Je travaille avec Audrey (Verlomme, coach mentale) depuis octobre dernier. Cette année, sur les quelques deeps runs que j’ai eu, je n’avais pas passé mes coups charnières. Avec Audrey, on en a beaucoup parlé pour savoir comment appréhender ces situations mentalement, ça m’a beaucoup aidé”.

Malcolm Franchi

Faut-il travailler avec Audrey Velrhomme pour passer ses coups à tapis sur les WSOP ? Entre les exemples de Julien Pérouse, Jonathan Pastore, Gregory Teboul et désormais Malcolm Franchi, on est en droit de se poser la question. Ce qui est sûr, c’est que Malcolm était préparé pour ces coups charnière. Et que sur ce tournoi, il les a passés, à l’image de cette fin de Day 7 fantastique, qui le voyait revenir de l’avant-dernière place à la tête de course.

Sur ce dernier jour, Malcolm n’a pas eu de réussite particulière pré-flop. C’est sa gestion de l’ICM, son adaptation aux configurations de table et sa résistance short-stack qui lui ont permis d’aller si loin. Le double-up contre Malo lui permettait de récolter les jetons nécessaires pour tenir, et voir deux concurrents se faire éliminer avant lui (Kristen Foxen et Gabriel Moura). Deux bustos synonyme de palier à 200 000 $, élevant ainsi son butin à 800 000 $ de gains. Un score qui changera à jamais sa carrière de joueur, et même sa vie, tout simplement.

Malcolm Franchi

"J’avais un stackeur, calme Malcolm. Et je suis aussi très heureux parce que ça fait plus d’un an qu’il me fait confiance. Moi, ma bankroll, elle explose, et lui, il a ce rendu-là. Un beau rendu même. Ce que ça va changer ? Je ne peux pas répondre à cette question, puisque je n’y ai pas réfléchi. Je ne m’étais pas projeté, je ne savais pas combien j’allais prendre".

Malcolm doit prendre le temps de voir ce qui changera dans son quotidien de grinder, mais il sait déjà les ambitions qu’il a dans ce jeu. La performance qu’il réalise aujourd’hui le fait avancer à pas de géant sur la route qu’il s’est fixé et qui se matérialisera à travers des titres. “En MTT, mon objectif, c’est de gagner un bracelet et un EPT, annonce le joueur. Cette perf’, elle va me permettre de me rendre plus dispo sur le circuit EPT. J’ai fait mes premiers ces dernières années, avec ma première place payée à Paris en février. C’est un bon propulseur pour atteindre mes futurs objectifs, c’est sur."

Malcolm Franchi Malo Latinois

Depuis dix jours, Malcolm a partagé l’aventure avec Malo Latinois, qu’il a même eu pour voisin durant tout ce Day 8. Un joueur qui aura naturellement une place particulière dans la carrière de Malcolm. Son élimination lui permet d’accéder à la table du Main Event des WSOP. "C’est quelqu’un que je ne connaissais pas du tout, mais on a un très bon ami en commun, Ludovic Uzan (membre ATM ainsi que de la Team Elite, qu’on a également découvert sur ce tournoi), que j’avais rencontré au WPO Madrid. De par Ludo, ça fait quelques jours qu’avec Malo, on discute ensemble pendant les pauses. Et c’est vrai que ce sera un souvenir gravé à vie. On a été deux Français à 12 left du Main Event, c’est énorme. Et à la question de si je vais rester pour le supporter, mon sac est déjà dans le rail, donc on y va tout de suite !".

Malcolm Franchi Malo Latinois

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Moura mouru

- 15 juillet 2024 - Par Benjo DiMeo

Gabriel Moura éliminé en 12ᵉ place (600 000 $)
Level 39 : 800 000 / 1 600 000 BB Ante 1 600 000
Main Event 10 000 $ (Day 8)


Gabriel Moura
Dans le jargon, on appelle ça "une sortie à la con" (oui, le jargon du poker est parfois un poil simpliste et vulgaire). Juste après le bust de Kristen Foxen, la pause-dîner débutait. À son retour 75 minutes plus tard, Gabriel Moura ne disposait plus que de 14 millions, soit 9 BB, pour se défendre. Trente minutes plus tard, le Brésilien les mettait au milieu de grosse blinde, après un quasi-shove de Jason Sagle de petite blinde.

Avec son 65, le Canadien était en pleine tentative d'arrachage éhonté, ce qu'avait parfaitement compris Moura puisqu'il a payé avec un maigre Q9.

Le flop J98 a confirmé l'avantage de Moura, avant que ne tombe un turn 7 faisant tomber sa cote à presque zéro. La rivière 5 ne lui apportera pas l'une de ses quatre outs.

Comme pour la plupart des joueurs encore en lice à l'entame des demi-finales, Gabriel Moura explose son total de gains de carrière, qui passent de 192 010 $ à 792 010 $. "J'ai sauté, mais j'ai sauté en me battant. Je reviendrai l'année. Je vous aurai tous !" conclut Gabriel Moura au micro du stream, les yeux dirigés vers la caméra.

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