Level 5 : Blindes 300 / 600 BB ante 600
Main Event 10 000 $ (Day 1C)
"Revivre des émotions fortes"
Arrivé samedi dernier à Vegas pour disputer le 10 000 $ du Wynn et le 10 000 $ Mystery Bounty des WSOP,
Benjamin Pollak commence à peine à sortir du jetlag et dormir plus de six heures par nuit. Ça tombe bien, aujourd’hui, il est en piste sur le Day 1C du Main Event, sept ans après
son retentissant exploit de 2017, lorsqu'il avait atteint la troisième place pour 3,5 millions de dollars.
Absent du circuit pendant près de trois ans, préférant changer les couches que se coucher aux tables des tournois live, MagicDeal souhaitait revivre des émotions fortes en retrouvant le circuit live. "Être papa, c’est du bonheur en continu, mais le poker, ce sont des hauts, des bas, une gestion des émotions fortes. Cela me manquait clairement pendant ces trois ans loin des tables."
S'il estime avoir perdu un peu de son niveau d'antan, Benjamin regarde tout de même les streamings du circuit Triton pour voir comment le poker évolue, et pour ne pas se retrouver largué. "Je fais des erreurs que je ne faisais pas avant, mais quand ça m'arrive, je les note dans un coin de ma tête et j'essaye de travailler dessus. Le poker évolue. Continuer à jouer, c'est aussi une manière de faire travailler mon cerveau, et ne pas rester sur mes acquis."
Quand je lui demande s'il repense souvent à 2017, il me confie que c'est sans doute pour cette raison qu'il est assis aujourd'hui à table : "Pour revivre ce genre d'émotions que seul le poker procure." Pas encore prêt à vibrer sur ce Day 1 qu'il a rejoint au cours du troisième niveau de la journée (il s'est installé directement face à Renaud, notre qualifié Team Pro Experience) considérant que "le tournoi commence vraiment au Day 3", Benjamin semble bien décidé à ne pas se laisser marcher dessus par la jeune génération. "Je n'ai pas encore pris ma retraite", me dit-il avant de placer un beau squeeze à 4x pour gratter quelques jetons et monter à 70 000 jetons. - Tapis_volant
"Mon cadeau d'anniversaire"
C'est bien connu : sur le Main Event des WSOP, les professionnels sont en minorité. Malgré son buy-in, le tournoi séduit des milliers d'amateurs venus du monde entier.
Yannick Malard est l'un d'entre eux. Joueur de poker récréatif, ce gynécologue de métier est venu de Gujan-Mestras jusqu'à Vegas pour une raison bien à lui. En effet, Yannick a décidé de se faire soi-même un très beau cadeau d’anniversaire : son ticket d’entrée pour sa première participation à un tournoi des WSOP. Et pas n’importe lequel. “
Ça fait déjà quelque temps que je voulais me faire ce petit plaisir. J’étais déjà venu à Las Vegas hors WSOP pour m’acclimater. Cette année, j’ai senti que c’était le bon moment. Je me suis préparé mentalement, psychologiquement et physiquement”, ajoute-t-il, le sourire aux lèvres.
Pour “se faire kiffer”, ce grand amoureux du live a dû délaisser ses patientes. Et s’il a prévu de les retrouver sous peu, il pourrait bien les faire attendre quelques jours de plus en cas de deep run sur ce Main Event. “Je souhaite de tout mon cœur aller le plus loin possible sur ce tournoi. Si je pouvais être ITM, ce serait déjà très beau. Concernant mon travail, j’aime beaucoup mes patientes, mais si je pouvais être dans l'obligation d'annuler mes prochaines consultations, je ne dirais pas non. Pour l’heure, celui qui a obtenu quelques résultats sur des tournois TexaPoker Series lui valant six lignes sur Hendon Mob, effectue un Day 1 plus que satisfaisant jusqu'ici puisqu’il comptabilise un tapis de près de 100 000. Une très bonne nouvelle pour celui qui aimerait “en ajouter une septième afin d'étoffer un peu son palmarès”. On te le souhaite ! - VictorP
Un homme à la mer
On vous présentait notre qualifié online un peu plus tôt dans ce coverage : c'en est fini des espoirs d'
Alex alias 'Zoreyz' sur ce Main Event au cours du dernier niveau de la journée.
Tombé à seulement 12 000 jetons, soit 20 blindes, Alex défend sa grosse blinde avec Q
9
après une relance à 1 500 de Justin Turner au bouton. Sur le flop 7
Q
8
, il check/raise all-in après la mise à 1 000 de son adversaire, mais a la mauvaise surprise de se faire snap call par Q
Q
pour brelan max floppé. Même si un 5
vient apporter un léger espoir de sauvetage, c'est un 4
qui vient fracasser les rêves du jeune joueur de la Réunion sur ce Main Event.
Comme il l'expliquait à mon collègue VictorP il y a quelques heures, Alex devrait en profiter pour jouer d'autres tournois sur les prochains jours pour faire passer la déception. - Tapis_volant
D'autres hommes à la mer
Que Victor se rassure, il n'est pas seul à monter à bord de la caravane des bustos. Et elle n'est pas remplie que par des amateurs, en témoignent les sorties de
Martin Kabrhel, Shannon Shorr, Chino Rheem, Shaun Deeb ou encore
Thomas Boivin (photo) tout au long de la journée.
Dernière star tombée à zéro jeton ?
Gus Hansen en personne. Notre dernière recrue de choc au sein du Team n'a jamais véritablement décollé aujourd'hui : c'est grosso modo huit heures d'une longue descente qu'a vécue le Danois, avec un atterrissage brutal sous la forme d'une paire de 10 qui a rencontré les Valets.
Autre élimination à signaler dans le clan W : celle d'
Aaron. Il nous résume dans le groupe Whatsapp des qualifiés Winamax : "
Stack 35 BB UTG vs mp (chip leader qui en met partout !) Top 2 sur AJ2ss ! Run dans bottom set et pas de miracle !!" -
Benjo
Et si on parlait d'autre chose ?
En 2011, quand je m’étais engagée un peu plus sérieusement dans la photographie de poker, je m’étais intéressée à tout ce qui gravitait autour du jeu. J’errais dans les couloirs du Rio, je parlais avec des cuisiniers, des blanchisseuses, des éclairagistes, des serveuses, des chauffeurs de taxi, et bien évidemment des croupiers. J’avais donc rencontré Ron, un vieux baroudeur de 80 ans qui fumait cigarette sur cigarette et qui prenait beaucoup de plaisir à me raconter ses histoires de "crouperies" qui remontaient aux années 70.
Dans sa bouche,
Stu Ungar était «
the young Stu »,
Doyle Brunson un copain avec qui il finissait parfois ses soirées dans des bars du strip, Jack Binion, son
dude préféré qui n’oubliait jamais de le faire monter dans le bateau des WSOP chaque année. Ron était intarissable sur ces sujets et je me réjouissais de le retrouver à une pause cigarette pour l’écouter.
Les années passaient et si Ron était toujours présent, il ne l’était bien évidemment pas de la même manière : sa démarche devenait de moins en moins fluide, ses phrases ponctuées par de longues toux grasses. À chaque début de saison, lorsque je voyais la flotte des croupiers débarquer dans les
ballrooms, mon cœur se serrait à l’idée que peut-être je ne reverrais pas Ron. Cette année n’a pas dérogé à la règle et ne l’ayant pas aperçu depuis le début de cette édition, je suis allée interroger un de ses collègues, qui semblait avoir un peu de temps pour taper la discute. Dieu merci, Ron était toujours là, mais, apparemment, relégué sur d’autres tournois, avec un rythme moins soutenu.
Soulagée, je me suis donc installée à la table d’
AJ (photo) qui n’avait aucun autre hôte à sa table. «
Pauvre homme ! » s’exclameront certains que je saoule sans aucun doute par mon irrésistible besoin de discuter. Mais le bougre avait l’air de s’ennuyer et paraissait voir d’un bon œil que je m’intéresse à un croupier, là où le reste des joueurs les calculent à peine. Comme à mon habitude, je me lance dans une série de questions plus ou moins intimes, car je vois bien que cet oiseau à l’allure posée est en fait un cas à part.
Un marginal de 75 ans, qui vient dealer quelques semaines par an que pour financer ses multiples voyages à travers le monde… D’ailleurs, il revient tout juste d’Afrique dont il me décrit avec ferveur les paysages désertiques de Namibie, le port de Tanger qui lui a fait étrangement penser à San Francisco, les roches noires de l’Algérie. En rentrant par New York, où il avait fait un stop pour voir des copains, Ron craque sur une vieille Ducati qu’il croise lors d’une promenade à Brooklyn et change ses plans pour la ramener à Vegas. Il prend la route et enquille plus de 5500 miles pour rejoindre la ville maléfique. Il n’a pas tout à fait récupéré, certes, mais ne regrette pas une seconde cette escapade : «
C’est la vie chérie, you have to eat it before she eats you ! »
Et là, c'est quoi l’idée ? Ron aura bien terminé la saison 2024 des WSOP. Il me montre une photo d’une petite maison où une vieille dame est assise sous le porche. C’est au Guatemala qu’il s’apprête à repartir dès la fin du Main Event. «
J’ai eu une histoire avec cette dame il y a bien longtemps, on travaillait ensemble chez BMW. »
Ah bon ? Mais vous n’avez pas toujours été croupier ? «
Pas du tout » s’amuse AJ, «
J'étais ingénieur pour des moteurs de motos (je comprends mieux alors l’emballement !)
C’est à la retraite que j’ai décidé de faire ça, c’était de la good money, et ça me permettait de voyager partout dans le monde. » Ron s’attarde alors sur mon appareil photo : «
La prochaine fois, je vous raconterai comment j’ai développé des photos d’Helmuth Newton quand j’avais 22 ans ! » -
Caroline Darcourt
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