Ma première fois

- 31 juillet 2024 - Par VictorP

Je l'attendais avec impatience depuis mon arrivée chez Winamax il y a un an : à l'occasion des 54ᵉ WSOP cet été, le journaliste poker que je suis est parti couvrir les World Series of Poker pour la première fois. Une expérience ô combien intense. Entre le taff, de belles rencontres, la découverte de Vegas, et quelques bonnes galères en bonus, je vous raconte mon baptême du feu dans la folie de Sin City.

entrée

Lundi 1ᵉʳ juillet 2024, 07 h 00. Les yeux à peine ouverts, je me lève, l'esprit préoccupé par ce que qui m'attend au cours des trois prochaines semaines. Cette fois, ce n’est pas pour faire connaissance avec les joies d’un WPO à Bratislava ou d’un SISMIX à Marrakech. Non, ce mois-ci, c’est pour vivre le rêve de tout amoureux de poker que je me casse : je m'envole direction Las Vegas, pour le Main Event des World Series Of Poker ! Joueur de poker à mes heures perdues, ce n’est toutefois pas dans la peau de ce dernier que je m’apprête à expérimenter mes premiers championnats du monde de poker, mais dans celle d’un couvreur, arrivé un an plus tôt chez Winamax. 

Excité rien qu’à l’idée d’imaginer mon arrivée en terres américaines, je me rends compte rapidement que je vais devoir me dépêcher si je ne veux pas rater mon avion. Une fois prêt, en bas de mon immeuble, aux côtés de mon immense valise, attendant le taxi, l’excitation est telle que j’en oublie presque le plus important : mon passeport. Une erreur de débutant, je le reconnais... Mais, heureusement pour moi, sans gravité.

queue 10 h 00. Bien installé dans l'avion. Non, en fait, pas du tout. Assis au milieu d’une rangée de trois (sinon ça ne serait pas drôle), j'observe à mon grand désarroi l'arrivée d'un passager de chaque côté, me garantissant plus ou moins un pénible périple transatlantique. À ma gauche, Joe l’Américain n’ayant pas mis de déodorant depuis quelques jours. De l’autre, Mike le vétéran pour qui trouver le sommeil n’est pas un problème. Mais, encore aurait-il fallu ne pas oublier le fameux pince-nez pour éviter le concert à plein volume pendant tout le vol.

Conscient que je vais devoir prendre mon mal en patience, je tente de me mettre rapidement dans ma bulle en écoutant bon nombre de chansons de rap bien énervées pour faire abstraction du reste. Quelques heures de sommeil plus tard, je suis finalement réveillé par une hôtesse venue gentiment m’apporter mon diner. Pas de quoi me réconforter pour autant : le poulet est froid, les légumes également, et je n'arrive finalement qu’à manger un minuscule morceau de pain sur son lit de vache qui rit. Le grand luxe. Quelques heures plus tard, nous finissons enfin par arriver à Dallas pour notre escale, prêt à patienter cinq bonnes heures.

wsopJ’imagine alors pouvoir me balader dans l’aéroport muni d’un énorme sandwich comme ils les aiment au pays de l'Oncle Sam. Il en est tout autre. Je n'ai que mes yeux pour pleurer lorsque j’aperçois des centaines de personnes entassées dans une seule et même file d’attente pour passer la douane. Ma patience est de nouveau mise à rude épreuve. Mais qu’importe, dans quelques heures, je serai à Las Vegas : je ne vais pas me plaindre. Les heures défilent à vitesse grand V, et après en tout et pour tout dix-huit heures de voyage, me voilà enfin arrivé à destination.

Épuisé, mais heureux d'avoir atteint mon but, je découvre, tel un gosse en plein rêve, le côté démentiel de cette ville. Voitures, routes, buildings, casinos, je comprends vite qu’ici, plus c’est gros, mieux c’est. Le lendemain, à tête reposée, nous partons sillonner les dessous de cette terre de jeux. Mais, sous une chaleur proche des 45 degrés, nous comprenons rapidement qu’il est impossible de s’éterniser dehors, dans cette ville où marcher trente secondes suffisent à te faire suffoquer. Finalement, se reposer au bord de la piscine semble être la meilleure des solutions (un peu de brag, ça ne fait pas de mal). Le soir, on se retrouve avec toute l'équipe pour aller manger dans un super restaurant argentin. La viande est incroyable, le service... bien différent de ce que l'on peut vivre à Paris. Un pur plaisir !

wsopNe faisant mes débuts sur les WSOP que le lendemain, je pars à l'aventure au Orleans Casino afin d'y jouer mon premier tournoi à Las Vegas. Dix heures du mat', j'identifie un field légèrement plus âgé qu'à l’accoutumée. Je comprends assez rapidement ce à quoi je vais être confronté : jouer des mains en 9-way avec les rois du limp pendant six heures. Sacrée surprise ! Malgré beaucoup de plaisir pris aux tables, ce fut un échec. Les 4 000 $ promis au vainqueur n'iront pas dans ma poche. Next time.

Le lendemain, j'attaque enfin ! Je me rends au Horseshoe, prêt à entamer ma première journée de travail sur le Day 1B du Main Event des WSOP. Et là encore, l’immensité de la salle est telle que je me demande bien comment je vais réussir à mettre la main sur les quelques joueurs français à qui je souhaite parler. Sans seat draw à disposition, ça s'annonce très compliqué. Sans désespérer pour autant, je finis petit à petit par trouver ma place.

Heureux, les joueurs interviewés le sont visiblement. Petit big up au vainqueur de la Team Pro Expérience Renaud Gonon, avec qui j'ai adoré partager les avancées de son incroyable parcours sur le Main Event. Malgré quelques difficultés rencontrées tout au long de cette interminable première journée, j’estime alors avoir accompli ma mission de couvreur. Tout en sachant que le plus dur reste à venir. Heureusement, le très beau début de parcours de nombreux joueurs français me fait presque oublier la fatigue. Enjoué par ce qu’ils sont en train de réaliser, je me sens, au fil des jours, de plus en plus impliqué par leurs avancées. 

victor
Déjà très heureux à l’idée d’échanger avec la crème du poker français en pleine réussite sur ce Main Event, mon collègue Victor Saumont me donne quelques jours plus tard l’idée d’aller interviewer l’une des meilleures joueuses de l'histoire : l’immense Kristen Foxen, détentrice de quatre bracelets WSOP. Intimidé et persuadé qu’elle n’aura pas le temps de parler à un jeune journaliste français inconnu au bataillon, je pars tout de même tenter ma chance. Et qu’elle fut ma surprise lorsque la Canadienne a répondu positivement à ma demande d’interview, comme à son habitude, toute souriante et heureuse d’être encore en course à 18 left du titre le plus convoité du monde. D’autant qu’à côté de cela, deux Français continuent de nous faire rêver. Malo Latinois, que l’on a découvert quelques mois plus tôt lors de l’EPT Paris, et Malcolm Franchi, que l’on a plus l’habitude de voir dans les cercles de jeux parisiens, sont encore en lice pour potentiellement devenir le premier joueur français de l’histoire à remporter le Main Event des WSOP. On ne dirait pas comme ça, mais c'est quelque chose d'assez fou !

wsopDevant conserver toute impartialité, il devient néanmoins de plus en plus difficile de ne pas m’attacher à ces deux joueurs avec lesquels je n’ai cessé de sympathiser tout au long de ces rudes journées. Qu'on se le dise : je veux en voir gagner un. Et s'ils peuvent se battre tous les deux pour la victoire lors du heads-up final, c'est encore mieux. Mais, nos souhaits ne se réalisent pas toujours. À peine revenu du dinner break, c'est avec beaucoup de déception que je vois finalement Malcolm se lever de sa chaise en 11ᵉ position. Une frustration qui ne m’empêche toutefois pas de le féliciter grandement lorsque nos regards se sont croisés quelques minutes après. Devant une partie du clan français abattue par ce qu'il vient de se passer, je reste tout de même très heureux à l’idée de savoir qu’il y aura au moins un Français présent en table finale du Main Event, en la personne de Malo. En plein rêve, le Breton, membre de la Team Aim The Millions, l’est tout autant que nous, journalistes, émerveillés par ce qu’est en train de réaliser ce jeune joueur français pour qui le poker était encore un jeu inconnu cinq ans plus tôt. 

wsopImpatient à l’idée de le voir se frotter à quelques-uns des meilleurs du monde tel que Niklas Astedt, considéré comme l’un, si ce n’est, le tout meilleur à l’heure actuelle, je dois faire face à un problème de taille : je suis testé positif au Covid. Oui, ça existe encore ce truc. Une bien mauvaise nouvelle, j'étais si près du but. Mal en point, je ne peux malheureusement pas me rendre au Horseshoe pour assister à la finale de Malo. Devant ma télé, toujours autant persuadé qu’il va finir par remonter dans les hauteurs du classement, je n'ai plus que mes yeux pour pleurer lorsque je comprends que son rêve vient de prendre fin au sortir d’un cruel flip aux multiples rebondissements.

Et alors que Malo affirme, à chaud, se rendre compte de la chance qu’il a eu de pouvoir deep run ce tournoi-là en particulier, c'est aussi l'occasion pour moi de réaliser la chance que j’ai eue de vivre ces trois semaines, à Vegas, dans l’antre du poker.

wsopIl est maintenant l'heure pour moi de partir de Las Vegas, l'esprit partagé. Heureux de rentrer après trois semaines à avoir été quelque peu coupé du reste du monde. Mais, également nostalgique de tous les moments incroyables que j'ai vécus aux côtés de ma team : Benjo, Fausto, Tapis_Volant, Caroline et Renato. Les bons restos, les vibrations suite aux parcours des Français, les rencontres avec les joueurs, et pour finir en beauté, un petit road trip le temps d'une après-midi près du barrage Hoover. L'occasion de découvrir une construction gigantesque en plein désert, et de se rafraîchir le temps d'une courte mais incroyable baignade dans la réserve naturelle d'Eagle Wash.

Je peux enfin maintenant l'affirmer : un de mes rêves est devenu réalité.

Joueurs, joueuses, confrères journalistes et collègues de Winamax, je n’ai plus qu’à vous dire une chose : merci !

VictorP

WSOP 2024 : tous nos articles

Les Français sur le Main Event : un bilan statistique

- 18 juillet 2024 - Par Benjo DiMeo

Main Event 10 000 $ (Day 9 - Coup d'envoi de la finale)

FR sur le Main Event
L'élimination de Malo Latinois en neuvième position, au lendemain de celle de Malcolm Franchi (11e), a officiellement fermé le ban l'épopée tricolore sur cette édition 2024 du Main Event. Il est temps de faire le bilan !

N'y allons pas par quatre chemins : ce fut un excellent cru. D'abord parce qu'un compatriote s'est assis en table finale pour la première fois depuis 2018, et pour la huitième fois au total depuis la naissance du Main Event. Et aussi parce que plusieurs records ont été battus.

Il y a un an, on vous proposait un grand flashback retraçant les meilleures perfs françaises à travers l'ère moderne du Main Event. Cette fois, on va se concentrer sur les statistiques globales. Des données garanties 100 % vérifiées par la rédac, fruit de longues heures de recherche pendant les pauses de cette édition.

Les Français dans les places payées

Historique FR ITM
Chaque année, le score d'ITM s'améliore petit à petit, avec un net bond observé depuis l'après-Covid. On est de plus en plus nombreux à venir, et on est de plus en plus forts ! Bon à savoir : en 2015, le Main Event a commencé à récompenser 15 % des inscrits, contre 10 % précédemment.

Les Français dans le Top 100

FR au Day 6
La fin du Day 5 de cette édition 2024 avait été le théâtre d'un double exploit : 12 Français étaient parvenus à se qualifier, et nous, on avait réussi à tous les rassembler pour la photo finale ! (En compagnie du Marocain Mohamed Ali Houssam, en haut à gauche)

FR dans le Top 100
Avant l'édition 2009, on n'avait jamais eu plus de deux Français dans le top 100 du Main Event. Depuis, on est quasiment assuré d'en avoir à chaque fois un petit lot. Avec un record battu cette année !

Nombre d'ITM : les serial perfeurs

ElkY
Bertrand "ElkY" Grospellier détient le meilleur score de places payées sur le Main Event au sein du clan français... Sans jamais avoir fait mieux que la 122ᵉ place, cela remonte à 2009. Un record partagé avec Giuseppe Zarbo qui, oui, on sait, est Italien, mais à ce stade il fait depuis longtemps partie de la famille.

Joueur Nombre d'ITM
Bertrand Grospellier 6
Giuseppe Zarbo 6
Bruno Lopes 5
Antoine Saout 4
Benjamin Pollak 4
Alexandre Réard 4
Romain Lewis 4
Maxime Chilaud 4
Mesbah Guerfi 4

Quels statistiques et anecdotes en vrac

Marc Brochard
Marc Brochard, premier finaliste français du Main Event (photo : LivePoker)

260 : selon nos estimations, le nombre de Français ayant participé à l'édition 2024 du Main Event. Une affluence stable par rapport aux éditions les plus récentes.
508 : le nombre d'ITM français sur le Main Event depuis la création des WSOP en 1970.
1991 : l'année du premier résultat français sur le Main Event. Une 23ᵉ place signée d'un certain René Vernhet (connait pas !) qui, pour ses efforts, avait remporté... 9 200 $. Oui, moins que le buy-in initial. Et dire qu'il y en a qui se plaignent des payouts en vigueur en 2024...
1998 : l'année de la première finale française sur le Main Event, grâce à Marc Brochard, huitième pour 75 000 $. Un évènement qui n'avait connu aucune médiatisation à l'époque, Internet n'ayant pas encore provoqué la révolution que l'on connaît. Douze ans plus tard, lorsque Antoine Saout y parviendra à son tour, cela sera une autre histoire...
3ᵉ : le meilleur rang atteint par un Français sur le Main Event. C'est arrivé deux fois, grâce à Antoine Saout (2009) puis Benjamin Pollak (2017 - cette année-là, Saout trouve le moyen de faire 5ᵉ !)
31 851 576 $ : le montant cumulé des gains français sur le Main Event à travers les âges. Cette somme permettrait d'inscrire 3 185 joueurs. Ne nous demandez pas combien les tricolores ont dépensé en buy-ins : on n'en sait rien. Mais en calculant au doigt mouillé, on a envie d'affirmer que nous sommes légèrement "up". Très légèrement !

WSOP 2024 : tous nos articles

Les Américains seront-ils bientôt en minorité sur les WSOP ?

- 17 juillet 2024 - Par Fausto

On ausculte les drapeaux présents en finale du Big One au 21ᵉ siècle

Americain
En 2003, la victoire de Chris Moneymaker marquait un tournant dans l’histoire du poker. Elle initiait un boom, un âge d’or matérialisé, entre autres, par une montée en flèches des affluences sur les World Series of Poker.

De 839 entrées sur l’édition “Moneymaker” du Main Event, nous voilà à 10 112 participants sur cette cuvée 2024. Une démultiplication qui s’explique aussi par le débarquement toujours plus important des grinders Européens dans la Mecque du jeu. La mosaïque de nationalités engagées sur ce tournoi ne cesse de se colorer. En 2018, la barre des 100 nations participantes était officiellement franchie.

Sur leur terre, les Américains disposent toujours de la majorité absolue. Mais à chaque édition, ils doivent affronter plus en plus d'étrangers venus d’Europe, d’Asie, d’Australie… Une immigration largement boostée par les professionnels de poker, qui font logiquement des Championnats du monde une étape incontournable de leur calendrier.

Plus d’internationaux, plus de professionnels… Résultat : une table finale de plus en plus multiculturelle. En 2003, Chris Moneymaker prenait le dessus sur une table 100% américaine. Vingt ans plus tard, Daniel Weinman s’imposait devant un casting majoritairement européen : 6 des 9 finalistes venaient du Vieux Continent... ce qui n’a d'ailleurs pas empêché les États-Unis de faire 1ᵉʳ, 2ᵉ et 3ᵉ).

Cette année, quatre américains et un Canadien se sont assis autour de la table finale, face à un Bulgare, un Suédois, un Espagnol et un Français. Une confrontation balancée, qui témoigne à la fois de la domination numérique des nord-américains, et de la poussée européenne, qui ne cesse de rééquilibrer les débats d’année en année.
 

Finaliste WSOP
Petit à petit, l'Europe fait son nid !

Tout le monde s'en foot

- 2 juillet 2024 - Par Fausto

La grande fête de l’Euro a commencé ! Mais comment vibrer pour cette compétition lorsqu’on est neuf mille kilomètres de là, avec neuf heures de décalage horaire, dans un pays qui n’a rien à carrer du “soccer” ? Peut-on multitabler poker, Euro et Copa America ? Reportage mi-ballon, mi-jetons avec les supporters de Las Vegas.

Allegiant Stadium

Home-game, betting et jetlag

Jour de match chez Romain Lewis. Pour le départ de l’Euro 2024, le Team Pro Winamax a réuni quelques amis dans sa villa au nord de Las Vegas. Angleterre - Serbie en ouverture, une affiche que le Franco-Britannique du Team avait coché à son agenda depuis longtemps.

Les amis supporters sont invités à pousser les “Three Lions” dans une coloc qui respire la blancheur : Arnaud Enselme, Corentin Ropert, Jérémy Saderne, Maxime Parys, et Romain donc, un quinté gagnant qui comme chaque année, partage l’aventure des WSOP dans la même villa.

Direction Summerlin, l’un des quartiers les plus cossus et le parfait cliché de la zone résidentielle des séries américaines. Des ruelles calmes et larges, une enfilade de villas qui se ressemblent toutes, devant lesquels sont parqués d’énormes SUV et pick-ups, à côté du traditionnel panier de basket, qui s’érigent tels des bittes d’amarrages devant les maisonnées.

Home Game

Malgré l’horaire matinal, les supporters respectent la Coupe d’Europe de football et arrivent bien évidemment chargés de bières. A quinze minutes du coup d’envoi, certains grinders dorment encore, tandis que d’autres amoureux du ballon rejoignent l’assemblée. Bruno Lopes par exemple, qui vient de débarquer à Vegas, et Maxime Chillaud s’étalent dans les canapés en s’informant des “bets” pris par les copains.

« On veut des coups-francs directs, informe Romain Lewis.
- Il nous a tous engrainés à mettre un billet sur la côte à 20. Apparemment, l’Angleterre a de bons tireurs, explique Corentin, pas plus convaincu que ça.
- Attends, on a Trent, Trippier, Kane, Saka, énumère un Romain absolument dithyrambique sur l’effectif britannique.

La coloc’ a également misé sur le doublé de John Stones (côté à 200), un défenseur auteur de 3 buts en 72 sélections et s’enflamme donc à chaque corner obtenu par l’équipe d’Angleterre, dans l’espoir de voir leur favori planter un coup de casque.

Corentin Ropert a servi au kop les boissons. Stella Artois, cappuccino, eau minérale : le plan de jeu varie selon les supporters. C’est l’un des dilemmes de cet Euro. Le football invite à s’ouvrir une bonne blonde, mais dans ces conditions, le risque est que nous soyons à la bière dès 11 heures tous les matins pendant un mois de compétition.

Multi-tabler poker et football

Dans les bars de la ville, les fans de football ont choisi leur camp et descendent les pintes sans se soucier de l’horaire. « Tu peux commencer dès 9 heures et même 6 heures du matin avec les premiers matchs du jour » remarque Yoshi, le vidéaste qui suit Jonathan Pastore dans ces épopées pokeristiques. De nombreux supporters tricolores se sont retrouvés lundi au Tilted Kilt, un pub américain niché dans l’allée piétonne entre le Linq et le Flamengo, pour l’entrée en lice de l’équipe de France face à l’Autriche.

Tiltet Kilt

Une grande salle, la quasi totalité des tables vides : on sent que les Américains ne vont pas se lever pour regarder du “soccer”, surtout à cette heure-là. Pour observer le match, un écran de trois mètres sur quatre. Et si le spectacle n’est pas à votre gout, vous pouvez toujours dévier le regard sur les autres télés placardées un peu partout sur les murs, retransmettant matchs de baseball et les talk-shows sportifs de la finale NBA, sans le son.

Une quinzaine de Français sont présents, les maillots bleus sont de sortie : Vegas ou pas, la priorité est donnée à l’équipe de France de football. « On prend nos jours off sur les jours de match des Bleus, informe Mathieu Cardona en attaquant sa troisième pinte. Aujourd’hui, c’est foot, outlet (grand marché de produits démarqués où les joueurs aiment faire le plein de vêtements et cadeaux), restau brésilien… Et il y a peut être une table de craps qui va passer par là ».

Toute la délégation se met au régime américain. Pour accompagner le match, une énorme assiette de nachos recouverts de cheddar fondu, cheese burger à toutes les sauces ou « steak salad » pour ceux qui tenteraient tant bien que mal de garder la ligne. Avec une grande pinte de Budweiser ou de Blue Moon, bien sûr.

Nachos

Le petit déjeuner est servi (Tilted Kilt Pub)

Dans l’assemblée, seul Léandry résiste à l’appel de la bière. « Je reste au coca aujourd’hui. On doit aller jouer après, il faut rester sérieux », affirme l’ex-membre du Stream Gang.

Certains de ses homologues sont d’ailleurs déjà au charbon. Leur qualification au Day 2 du Monsterstack les oblige à regarder le premier match de bleu directement depuis la Ball Room du Horseshoe. Plutôt que d’indiquer les niveaux de blindes et le payout, les immenses écrans latéraux diffusent les dribbles chaloupés d’Ousmane Dembelé.

Paris Football

« J’étais un peu tiraillé entre le foot et le poker, confesse Samy Dubonnet, qui monte des colonnes sur le Day 2 du Monster Stack. Je regardais sur mon portable avec les écouteurs, puisque je ne conçois pas qu’on puisse regarder un match de foot sans le son. D’un côté tu as l’équipe de France, de l’autre tu as un tournoi qui avance, mais c’est du 9-handed, donc tu as un peu le temps. Disons que c’est pas le moment où tu es le plus focus sur le tournoi. S’il y a un tell à observer, tu ne le vois pas ».

Les Américains, eux, ne semblent absolument pas perturbés par les débordements de Kylian M’Bappe. Même en période de compétitions internationales, on sent que ce pays n’est encore et toujours pas celui du ballon rond. « Le soccer n’est clairement pas un sport majeur, affirme Eric, un Américain que je croise dans le Sportsbook (zone des casinos quadrillée de divers écrans pour regarder et parier en direct sur d’innombrables rencontres sportives) du Cosmopolitan. On n’est pas comme en Europe. Moi, je suis venu pour regarder la MLB (ligue de Baseball), pas l’Euro » explique ce Texan, les yeux rivés sur le match des “Dodgers” de Los Angeles.

Sportsbook Cosmopolitan

Un match de football égaré entre deux affiches de MLB (Baseball) et une pub Coca-Cola (Cosmopolitan Sportsbook)

« En fait, la MLS (ligue de football des USA), c’est trop naze. Le niveau est trop faible. Faire venir des joueurs comme Messi (récemment transféré au FC Miami), ça aide. Ça monte doucement, mais la plupart des Américains n'en ont rien à faire. A la limite, ils regardent les équipes internationales pendant la Copa America. Les Etats-Unis jouent demain, d’ailleurs ».

24 heures plus tard, retour dans ce même Sportsbook pour assister au match des “Yanks” contre l’Uruguay. Au coup d’envoi, la salle est quasi vide, encore plus que la veille. Et pour cause, le match est programmé un lundi, journée creuse de la ligue de baseball, qui ne retransmet que trois matchs, contre huit hier. Au coup d’envoi du match, personne ne chante, personne ne bronche. « Je ne sais même pas quel est ce match, je suis juste venu ici parce que ma fille joue un tournoi de poker. Je me suis posé en attendant qu’elle finisse » me confie David, du Massachusetts.

Au milieu de cette assemblée somnolente, un homme se lève d’un bond pour s’agacer d’une faute non sifflée contre les Américains. Serait-ce le seul fan de football présent dans la salle ?

Sportsbook 2

« La plupart des Américains s'en foutent de la Copa America. Moi, je suis un grand fan de soccer. J’y ai joué pendant des années. Mais je suis un peu tout seul, concède Michael, venu de Dallas, Texas. La Coupe du Monde 1994 avait donné un petit élan au “soccer”, mais on ne peut pas dire que ça ait continué. Il y a peu de jeunes athlètes qui se dédient à ce sport, qui est plutôt pratiqué par les femmes. Même si elle se joue aux USA, cette Copa America n’est pas un grand évènement pour les Américains ».

Comme les Européens égarés à Vegas, les fans de football locaux doivent lutter pour vivre leur passion du ballon rond dans des conditions correctes. Devant l’indifférence générale, il faut se démener pour rassembler d’autres passionnés devant l’écran d’une maison, d’un Pub ou d’un Sportsbook. A moins d’aller chercher le soccer directement à la source.

Enflammer les stades climatisés

Allegiant Stadium

Si la Coupe d’Europe se joue à 9 000 kilomètres de Las Vegas, la Copa America, elle, se joue aux Etats-Unis du 20 juin au 14 juillet, en parallèle de l’Euro, et en plein pendant les WSOP. Plusieurs matchs sont d’ailleurs programmés directement à Sin City. Un match de football à Vegas, sous 40 degrés ? Ne vous inquiétez pas, les Américains ont tout prévu.

« Le stade est totalement fermé et climatisé. Tu ne comprends vite qu’ils ont abandonné l'idée de se soucier de l'écologie, parce que pour climatiser un stade de 69 000 places… Et il faisait vraiment 20 degrés ! On était bien au frais, raconte Adrien Guyon, qui a profité d’un spectaculaire Brésil - Paraguay à l’Allegiant Stadium, la fameuse arène des Raiders de Las Vegas (football américain). Le stade est absolument énorme, hyper bien fait, t’as de la place, des porte -gobelets, un espace-bar de 60 mètres avec une terrasse ou des milliers de supporters peuvent regarder le match en prenant un verre. Evidemment, tout est calculé pour que tu restes trois/quatre heures, que tu consommes, tu dépenses tes sous au bar, dans les boutiques… C’est à l’Américaine » raconte l'ancien Team Pro, qui nous partage l’addition de la soirée. « 50 balles la course Uber aller, 175 balles la place standard, 19 balles pour deux Coca ».

Allegiant Stadium

Des prix “végassiens”, complètement dans la lignée des tarifs des autres spectacles, concerts et autres évènements sportifs qu'on peut trouver en ville. Mais ici, c’est le prix à payer pour vivre un match dans une véritable ambiance de football.

« Les gens qui viennent au stade, tu sens qu’ils aiment bien ce sport. Un grosse passion même ! C’était un match du Brésil donc 90% du stade était jaune. C’était très festif. Les Brésiliens sont super excités, ils se lèvent à chaque dribble, à chaque corner. Il y avait aussi des Paraguayens, des supporters qui dansaient… Ils perdaient 4-0 mais ils étaient à fond quand même ».

La Copa America offre ainsi la possibilité aux visiteurs de vivre un vrai match de football en se mêlant à une ambiance locale. Les fans de “soccer” sont loin d’être majoritaires dans ce pays, mais ils existent. Mais il faut aller au Sportstbook, ou directement au stade, pour les trouver.

Quant à la Coupe d’Europe, elle se déroule dans une indifférence aussi troublante que compréhensible. Les plus fervents supporters redoublent d’efforts pour préserver ce moment sacré. Se lever aux aurores pour regarder un match à 9 heures du matin, tourner à la bière dès le réveil et enchainer en allant buy-in le tournoi du jour. C’est la vie qu’ont choisi les supporters/grinders en cette période de WSOP.

WSOP 2024 : tous nos articles

Looking for Inaus

- 30 juin 2024 - Par Tapis_Volant

Et si Inaus venait de faire son entrée sur les WSOP 2024 ?
Event #73 : High-Roller Pot-Limit Omaha 25 000 $ (Day 1)

Salle Purple

Dans la vie d'un couvreur WSOP, tout est une affaire de timings. Pendant les temps morts, vous guettez les informations délivrées par le site officiel à la recherche de français qui auraient échappé à votre radar. C'est ainsi que je tombe sur le chip-count du 25 000 $ High-Roller PLO, en me disant qu'il ne risque pas d'y avoir beaucoup de tricolores dans cette épreuve de ballas, même si on attend l'arrivée imminente d'un certain Élie Nakache dans le field, prévue pour demain. Quelle n'est pas ma surprise quand je tombe sur le nom de Thomas Santerne dans le chip-count avec un stack de 108 000 jetons. Ni une ni deux, je décide de mener mon enquête. Comment se fait-il qu'on ait raté l'arrivée du jeune prodige actuel du poker héxagonal, celui qui s'est illustré entre autres en finissant runner-up du 100 000 € 8-Handed des Triton pour 1,7 millions en mai dernier, celui qui détruisait les 10 000 $ de GG.Poker online ?

PokernewsPourtant, croisé à Monte-Carlo, Thomas m'avait avoué qu'il ne pouvait pas venir sur les WSOP. Une petite bêtise de jeunesse l'empêcherait de traverser l'Océan Pacifique et de pénétrer aux Etats-Unis, un truc tellement anodin que je me dis qu'il est possible que l'interdiction ait été levée (on sait jamais, Grégory Chochon a le bras long, il paraît). Donc, j'y crois à cette nouvelle, peut-être que Thomas est là sur ce tournoi réservé aux fines lames du PLO. Deuxième petit problème que je vois, je n'ai pas le souvenir qu'il ait déjà joué au poker à 4 cartes, mais bon, connaissant l'animal, il pourrait très bien avoir appris les règles avant de s'envoler pour Sin City et nous faire une ElkY qui avait remporté son bracelet en Stud en apprenant les règles la veille. 

Je retrouve mon collègue Fausto pour un dinner-break bien gargantuesque au restaurant japonais Umiya et me remettre de mes émotions après la victoire d'Élie Nakache sur le 10 000 $ PLO Championship et lui fait part de la nouvelle. "Y a pas moyen, en plus s'il était là, il irait jouer le 10K$ du Wynn, il joue pas en PLO !", tranche-t-il. Entre deux sushis, les paris sont pris, je mets 10 balles sur la table (et oui, on n'est pas balla, même si on deep run des tournois !) avec l'envie de croire à cette bonne surprise.

Fitoussi_Hansen

De retour à mon bureau, je m'en vais découvrir la zone Purple du Paris, zone réservée pour les tournois high-roller, une zone où les sièges sont un peu plus confortables et les masseuses un peu plus présentes. Comme je suis le roi du timing, j'arrive bien sûr en plein pendant la pause. Difficile de retrouver la trace d'Inaus dans le field, je checke un peu les dernières tables qui jouent, découvre un Daniel Negreanu en train d'essayer de deviner la main de son adversaire, je vois Gus Hansen en train de parler de l'Aviation Club de France avec Bruno Fitoussi. Aucune trace de Thomas Santerne.

Chaise vide

Je cherche les couvreurs Pokernews pour tenter d'en savoir plus, mais sans succès. Après tout, ils ont relaté un coup entre Danny Tang et Thomas Santerne. A la reprise et après m'être renseigné sur l'apparence de Danny Tang sur Google, je trouve sa table. Une table où je ne vois personne qui ressemble à Inaus... mais une chaise est vide. Et s'il avait bust dans mon dos et que je n'allai jamais avoir de réponse à la question qui me taraude depuis quelques minutes ? Je ne m'en remettrais sûrement pas.

Sonny Franco

Et puis, alors que le jeu vient de reprendre, je parcours toute la salle en scannant chacune des tables, m'arrêtant pour prendre en photo Phil Ivey ou taper la discute avec Sonny Franco. "Et, tu sais s'il est là, Thomas Santerne ?", me demande Sonny. Je rigole intérieurement. Ça tombe bien, je le cherche. Sonny semble persuadé qu'il s'agit d'une erreur d'un couvreur de Pokernews. "S'il était là, il jouerait le 10K$ du Wynn, il joue pas PLO". Décidément, est-ce que Fausto aurait savamment organisé ce plan machiavélique pour me soutirer 10 balles qu"il splitterait avec un couvreur de Pokernews dans le coup ?

Inaus 2.0

Je continue mes investigations et tombe sur un grand mec de dos qui va s'asseoir sur une table dans le coin de la salle. Je l'observe minutieusement et m'approche, prêt à aller le saluer. "Salut Thomas - Euh, I'm Parker, sorry". Il ne s'agit pas de Inaus, mais il y a comme un petit air de ressemblance. On pourrait imaginer que quelqu'un ait pu le prendre pour lui. Je le prends en photo et me dis que si j'allais balancer ce sosie sur Facebook, on me mettrait peut-être bien des 6/10.

Pokernews

Finalement, je retrouve un des couvreurs Pokernews, et lui demande s'il peut m'éclairer sur la présence de Thomas Santerne dans le coverage. Visiblement un peu gêné, il me dit qu'il s'est trompé et que ce n'est pas lui, il a pris quelqu'un d'autre pour le grinder français et vient de réparer son erreur. Amusé, je lui montre la photo que je viens de faire. Il me dit que c'est effectivement ce mec-là qu'il a pris pour Thomas et me demande pourquoi j'ai été le prendre en photo. Je lui explique que je vais faire un article pour se foutre de sa gueule et il me met une droite (non, ça, c'est inventé !)

Enquête résolue, Détective_volant, une enquête qui m'aura coûté une bonne heure de temps et 10 balles. Merci Inaus et à bientôt sur Vegas, on l'espère !

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