La Razzia Seiver

- 2 juillet 2024 - Par Fausto

Trois bracelets remportés en trois semaines de WSOP. Scott Seiver réalise un exploit hors-normes le confortant dans la mission impossible qu’il s’est fixée : conquérir un bracelet dans chaque variante du jeu.

Seiver

« C’est un sentiment de satisfaction difficile à décrire. Au moment où je vous parle, je suis sur un nuage. Ça signifie tellement pour moi. C’est aussi un pas dans un voyage personnel qui m’anime, où je rêve de remporter un bracelet dans chaque discipline de poker qui existe ». C’est en ces mots puissants et ambitieux que Scott Seiver répondait, à chaud, à l’interview traditionnel post-victoire, devant les micros de Pokernews.

En s’imposant ce dimanche 30 juin sur le Deuce to Seven No-Limit dans sa version "Championship", Scott Seiver remportait effectivement son troisième bracelet de l’été, le septième de sa carrière, et le cinquième dans une variante différente.

Celui-là est glané dans un format particulièrement intense, swingy, où l’affrontement psychologique et la notion de “bluff” prennent une part considérable. « C’est un tournoi incroyablement spécial. Selon moi, c’est un des plus prestigieux de l’année, et je l’ai toujours convoité, depuis très longtemps » poursuivait Scott.

Cette victoire confirme les qualités de lecture, la capacité de Scott Seiver à situer, décoder ses adversaires et à se repérer dans un jeu qu’il semble maitriser à la perfection. Son talent pour les mixed-games est reconnu par tous les maitres de variantes et cet improbable triplé n’en est que la démonstration matérielle. Mais d’où vient ce don de Scott pour les “mixed-games” ?
 

Scott Seiver

Seiver Super Saiyan 1

Scott Seiver

Seiver Super Saiyan 2

Scott Seiver

Seiver Super Saiyan 3

Sky is the Limit-Games

« J’ai découvert les mixed-games dans ma deuxième partie de carrière, note Scott, que l’on retrouve le lendemain autour des tables du 10 000 $ Mystery Bounty. La première, c’était exclusivement du No-Limit Hold’em. Surtout du heads-up online. C’est à partir du moment où je me suis vraiment mis au Live, à Vegas, que je suis tombé amoureux des variantes ». Raconte-nous, père Seiver.

Scott Seiver

Scott le jeune (2008, crédit photo : Card Player)

« Quand j’ai déménagé à Las Vegas (en 2008), je me mettais à jouer beaucoup plus de Live. J’ai commencé à trouver le Hold’em de plus en plus ennuyeux, surtout en full-ring. Un jour, je suis à l’Aria, et je vois une table de “Mixed-Games” qui se monte. Je me suis assis, j’ai découvert les jeux et j’ai adoré les gens. Je voyais des profils et des interactions très différentes que celles d’une table de No-Limit. Ce sont réellement les gens que je trouvais aux tables qui ont démarré mon histoire d’amour avec les mixed-games ».

À ce moment-là, Scott Seiver est déjà un “Top” de No-Limit. Vainqueur d’un bracelet sur un massif 5 000 $, pour 755 891 $, le New-Yorkais remporte un High Roller L.A Poker Classic pour un demi-million, avant de commencer ses premières campagnes “mixed-games” sur les WSOP, en 2010.

Première année, trois demi-finales, (en NL 2-7 Single Draw à 1 500 $, Seven Stud 1 500$ et H.O.R.S.E 3 000 $), ainsi qu’une finale en 8-game. L’année suivante, tout juste vainqueur d’un WPT Championship à 1 618 000 $, il atteint sa première finale de Poker Players Championship (7ᵉ). Multipliant les tables finales à chaque édition, Scott doit cependant attendre 2018, et sa 9ᵉ finale en mixed-games, pour ouvrir son compteur, avec une victoire sur le 10 000 $ Limit Hold’em Championship.

Un jeu, pour les gouverner tous

Seiver remet ça l’année suivante sur le 10 000 $ Razz Championship, pour 301 421 $. Un petit bracelet en No-Limit Hold’em en 2022 (sur un 2 500 $ Freezout de 752 joueurs), histoire de montrer qu’on sait toujours jouer avec deux cartes et enfin, ce fabuleux triplé de 2024, avec trois bracelets récoltés, sur le Omaha Hi-Lo Championship, le 1 500 $ Razz et le 10 000 No-Limit 2-7 Lowball Draw Championship. Ajoutez sur le parcours trois deuxièmes places, 23 tables finales WSOP (au total) et vous tenez l’un des palmarès les plus accomplis et les plus impressionnants de l’histoire des WSOP. Mais comment parvient-on à ce niveau de succès dans autant de jeux différents ?

Scott Seiver

« J’ai appris en jouant, affirme Scott. J’étais assez chanceux pour avoir déjà une bankroll décente grâce au No-Limit Hold’em. J’ai toujours voulu jouer contre les meilleurs. Ça ne m’inquiétait pas de perdre. Ce que je voulais, c’était affronter les meilleurs adversaires possibles. J’ai joué assez cher très vite, je perdais et j’essayais de comprendre à chaque fois ce qui n’allait pas, ce que les autres faisaient de mieux. J’ai continué à me battre en partant de là ».

La polyvalence de Scott s’explique par le fait qu’il ne voit pas neuf variantes différentes, mais bien un seul grand jeu, déclinés en plusieurs formats.

« Je pense que beaucoup apprennent le poker en étudiant un format de poker en particulier. Je ne vois pas le poker de cette façon. Je dirais que je vois le jeu avec plus de hauteur. Pour moi, toutes les formes de poker, ne sont qu’un seul jeu. Il n’existe selon moi qu’un grand principe qui doit guider le jeu et j’essaie de l’appliquer dans chaque format », explique Seiver. C’est seulement après avoir décelé les concepts phares et commun à toutes les variantes de poker, que Scott s’intéresse aux spécificités, notamment théorique, de chaque “mixed-games”.

« Il faut comprendre le jeu. Puis, il faut comprendre les différents jeux. Chaque variante a son manuel d’instruction et il faut savoir ce qui fonctionne le mieux pour chacune d’entre elle. À un niveau plus élevé, il faut maitriser la théorie. Des concepts mathématiques poussés, peu importe le jeu auquel vous jouez, ils s’appliquent dans tous les formats. Regarder le poker de cette forme vous fera devenir un bon joueur de poker et non pas un bon joueur dans une variante ».

Qu'est-ce qu'il ne faut pas faire pour un POY ?

Scott Seiver

Scott Seiver s’apparente ainsi au joueur de poker ultime. Sa maîtrise profonde des concepts, sa polyvalence et son expérience font du New-Yorkais l’un des joueurs les plus respectés, les plus accomplis et l’un des chasseurs de bracelet les plus affutés. Sa compétitivité dans tous les formats en fait un prétendant naturel pour le très convoité titre de “Player of The Year”, dont il est avec trois bracelets le leader provisoire évident. Et pourtant, pas de tant de points que ça.

Trois bracelets en un festival, c’est une belle performance. Mais hormis ces trois titres, Scott Seiver n’a réalisé que des min cashs insignifiants (10 ITM au total au 1ᵉʳ juillet). Même pas une autre table finale... le nul !

À l’inverse, Jérémy Ausmus a certes du mal à conclure, mais a la bonne idée d'atteindre une finale WSOP tous les cinq jours. 3ᵉ d’un Freezout 2 500 $ de 1 200 joueurs trois jours plus tard, runner-up sur le 100 000 $, 7ᵉ sur le 250 000 $, 6ᵉ du PPC et 4ᵉ de ce même 2-7 Lowball Draw Championship, remporté par Seiver. Six tables finales en un mois de WSOP. Dans le compte en banque comme au classement POY, ça fait de très beaux chiffres.

Classement POY

Classement "WSOP Player of The Year" au 1er juillet 2024

« Remporter le POY, ça voudrait tout dire, affirme Seiver. Pour dépasser Jérémy, il fallait que je fasse premier ! Ce qui est complètement fou sachant que j’ai gagné trois tournois. Cependant, il est en train de réaliser un festival incroyable, l’un des plus beaux World Series qu’on ait jamais fait. Je suis juste chanceux et reconnaissant de pouvoir être juste devant lui pour l’instant ».

Aussi improbable que cela puisse paraître, quatre joueurs ont déjà réussi à récolter trois bracelets sur une seule édition de WSOP. Ted Forrest en 1993 (en Stud, Razz et Omaha8), Phil Hellmuth cette même année 93 (3 en trois 3, deux en No-Limit Hold’em, puis un en Limit Hold’em), Phil Ivey en 2022 (Stud, Stud Hi-Lo et S.H.O.E) et enfin Jeff Lisandro (Stud, Stud Hi-Lo et Razz). Georges Danzer avait également réalisé cet exploit en 2014, mais en prenant le premier bracelet loin de Vegas, sur les WSOP éditn "Asia Pacific".

Depuis l’introduction du “POY” en 2004, tous les joueurs ayant remporté trois bracelets (Lisandro et Danzer, donc) sont devenus “Player of The Year”. Les deux seuls joueurs à avoir atteint six tables finales en une édition (Robert Campbell en 2019 et Ian Matakis en 2023), le sont également devenus. Cette année, la course est tellement irréelle qu’une de ses conditions ne sera pas suffisante pour prétendre à ce titre honorifique et l’un des plus prestigieux du poker moderne.

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