Michel Leibgorin loupe le bracelet d'un cheveu.
Il termine runner-up pour 81 412 $ après une brillante prestation
Event #63 : No-Limit Deuce to Seven Single Draw 1 500 $ (Finale)
On était en droit de rêver à un nouveau bracelet français sur ce Vegas 2024, plusieurs semaines après la victoire surprise de Thibault Périssat sur le Super Turbo Bounty, grâce à l'incontournable Michel Leibgorin large chipleader à six joueurs restants du Deuce to Seven No-Limit Single Draw à 1 500 $ qui avait réuni 453 entrants. Et pourtant, la malédiction française a encore frappé, puisque notre tricolore a buté sur la dernière marche, comme Johan Guilbert il y a quelques jours, alors que le bracelet lui tendait les bras.
Devenu malvoyant après une réaction allergique rare à un médicament il y 21 ans, Michel, qui utilise une loupe éclairée pour regarder ses cartes et part déjà avec un gros désavantage à cause de son handicap, disputait cette table finale sur une table tout à fait standard, loin des projecteurs des tables télévisées de la salle principale du Horseshoe. Pour la simple et bonne raison qu’hier, en fin de journée, il ne voyait même plus ses cartes à cause de la lumière des projecteurs. Une heure dans le noir, avant de demander au floor s’ils pouvaient être déplacés sur une table normale pour continuer à jouer dans de bonnes conditions pour lui.
Malgré une entame difficile qui l’a vu faire doubler rapidement Owais Ahmed, un sacré client en variantes, Michel a rapidement repris les rênes de la table finale, en pratiquant un poker hyper-agressif contre des adversaires qui ont eu bien du mal à s’adapter. Et pourtant, notre Français n’est responsable que d’une seule élimination sur cette table finale. C’est en grattant les jetons un à un qu’il a continué à se maintenir tout en haut du chipcount.
Après la sortie rapide de Tzu Peng Wang en 6ᵉ position, c’est l’épouvantail de la table finale Ali Eslami qui prenait la porte en 5ᵉ place. Ce dernier était l’un des joueurs qui faisait le plus peur à Michel ce matin, victime d’un beau draw qui rentre chez le futur vainqueur David Funkhouser alors qu'il était parti avec une main plus forte, et cédant ses derniers jetons quelques minutes plus tard contre David Tucker.
À quatre joueurs restants, c'est le moment que choisit Michel pour reprendre le pouvoir. Et le tout quasiment sans abattage. Une agression permanente preflop, des 3-bet qui mettent ses adversaires dans des situations compliquées, des grosses mises qui rendent perplexes, mais poussent ses voisins à folder, et il se détache largement pour dépasser les 4 millions, avant de s'offrir le scalp d'Owais Ahmed. Le joueur américain envoie son tapis de six blindes et se fait payer très rapidement par notre Français. Il décide de tirer une carte avec son 10-7-6-2 mais découvre qu'il est drawing-dead puisque Michel Leibgorin reste pat avec 8-5-4-3-2. Grâce à cette élimination, notre tricolore passe à 5,5 millions et a l'équivalent du tapis de ses deux derniers adversaires réunis.
Mourant, David Funkhouser va se refaire une santé en se montrant très agressif preflop, poussant son tapis cinq fois d'affilée pour revenir dans la course. Il élimine au passage le très passif David Tucker, en restant pat avec un 10-6-5-3-2 tandis que son adversaire tirait fin avec son 10-6-4-2 (seulement un 3 le faisait gagner).
Le heads-up peut alors commencer entre les deux hommes, avec un léger avantage pour David Funkhouser avec 6,3 contre 4,9 millions sur les blindes 80 000 / 160 000. On imagine que l'opposition peut durer longtemps entre deux joueurs qui se sont pas mal chauffés pendant cette table finale, avec clairement l'avantage pour le Français. Finalement, il ne faut qu'une poignée de mains pour connaître le dénouement. Sur la main finale, David Funkhouser ouvre à 400 000 et se fait 3-bet à 1,1 million par Michel Leibgorin. Après une intense réflexion, il réclame le stack du français, à savoir 4,1 millions, et c'est snap !
David Funkhouser détient un 9-8-7-6-4 et Michel est à tirage avec un 8-6-3-2. Il tire une carte. Un 9, un 7, un 5 et un 4 le font gagner. Malheureusement, il découvre un Roi qui le fait se lever de son siège en lâchant un "merde" exprimant toute sa frustration. Très respectueux, son adversaire vient le saluer, admiratif devant le jeu produit par son adversaire tout au long de cette table finale.
Les Français présents dans le rail, Slimane Mamèche en tête, ne manqueront pas de féliciter Michel pour cette belle place de runner-up pour 81 412 $. Pourtant, Michel Leibgorin est inconsolable. Ses larmes ne peuvent plus couler, mais la tristesse est bien là, après avoir touché le bracelet du bout des doigts.
"Je me sens détruit, confesse-t-il, on devrait être super heureux de faire une deuxième place, mais c'est la tristesse qui domine. J’attends depuis tellement longtemps ce bracelet que je suis dévasté. Il était juste à portée de main, il était là. C’est un rêve depuis que je viens ici, depuis 1995, ça fait 10 000 nuits que j’en rêve de ce put*** de bracelet, il était à portée de main."
Sur la dernière main de son tournoi, Michel avouait ne pas être sûr de son choix. "Je ne sais pas si j’ai fait le bon call, faudrait que je demande à Julien Martini, ou à des vrais spécialistes de la variante. C'est mon jeu de prédilection, mais je ne suis pas sûr d'avoir pris la bonne décision. À ce moment-là, il jouait quand même très bien. Donc, je me dis bon, je vais tirer, si je prends le coup, je suis à 10 millions, il ne lui reste plus rien, allez. Il avait pris deux fois les bonnes décisions contre moi, ça m’avait bien énervé. Je me suis dit, c’est un mec qui réfléchit bien quand même. Je n’étais pas si serein, pas si sûr de moi pour aller grinder contre lui. Je me suis dit que c’était un spot à prendre, une fois que j’ai mis les 1,1 million, je le vois sur un 10-9, ou un 10-8, je me dis bon, je joue 20 cartes, j’ai ma cote... et puis non, je n'avais que 16 cartes, je ne sais pas si j’ai la cote, je demanderai."
Après vérification, Michel Leibgorin avait 30% contre la main de son adversaire dans cette situation précise et regrettera peut-être d'avoir pris ce gamble alors qu'il avait passé une table finale parfaite, en évitant les confrontations compliquées et en se servant de son agressivité pour empocher beaucoup plus de pots que les autres.
La déception était grande pour Michel Leibgorin, qui au moment du heads-up disait à son adversaire "I never was so close to a bracelet!" en regardant le bijou apporté par le floor entre les deux joueurs. Pour sa troisième table finale sur un event des WSOP, il n'a clairement pas démérité et s'est même montré très impressionnant, mais devra retenter sa chance pour remporter la breloque tant espérée. Est-ce qu'une si belle occasion se représentera un jour ? Rien n'est moins sûr, mais quand on pense que Michel disait, au début du Day 2, que "c'est la seule chose qui lui manque dans la vie", on peut être certain qu'il se battra encore pour essayer de faire mieux dans les années à venir.
Reprenant ses esprits après quelques minutes à errer, il se montrait philosophe : "Voilà, c’est la vie. Demain, je serai content. Au moins, je fais un Vegas positif, c’est déjà ça, c’est mon troisième Vegas positif d’affilée, ça n'arrive pas tout le monde. Même si je joue encore, il sera positif, je te garantis, au niveau de la gestion de l’argent, moi, je mets tout au coffre-fort, je leur perce les yeux, ils voient plus le jour. Je vais me reposer un peu, maintenant, et je vais sans doute rejouer un peu encore."
WSOP 2024 - Event #63 No-Limit 2-7 Single Draw 1 500 $
453 inscrits (re-entries inclus) - Prizepool 604 755 $
# | Joueur | Prix |
---|---|---|
1 | David Funkhouser (USA) | 123 314 $ |
2 | Michel Leibgorin (France) | 81 412 $ |
3 | Charles Tucker (USA) | 54 868 $ |
4 | Owais Ahmed (USA) | 37 764 $ |
5 | Ali Eslami (USA) | 26 555 $ |
6 | Tzu Peng Wang (Taïwan) | 19 087 $ |