C’est lui qui accompagne les joueurs du Team Winamax durant la première partie des WSOP : coach adjoint du Team Winamax depuis deux ans et demi, Melvin Pasquini est dans la place depuis dix jours. L’occasion de rencontrer ce spécialiste du coaching mental, qui nous explique son rôle auprès des pros à Sin City, et comment on exerce au quotidien le métier inventé par Stéphane Matheu il y a plus de quinze ans. Le Francilien de 28 ans nous raconte aussi son parcours hétéroclite avant d’intégrer la famille W. Interview d’un bras droit totalement épanoui auprès de la meilleure équipe de poker du monde.
Les WSOP, c’est plus d'un mois et demi de tournois. Comment planifiez-vous en amont cet événement incontournable dans la vie du Team Winamax ?
La plus grosse partie, c’est de la logistique. On se prépare trois mois avant pour gérer les budgets des joueurs, s’assurer que les inscriptions aux tournois vont être faciles. On demande toujours aux pros le montant de l'enveloppe qu'ils veulent envoyer sur les WSOP. On aime bien aussi savoir quand les joueurs arrivent, et en fonction de ça on décide de notre planning avec Stéphane Matheu. Dès qu’il y a six-sept joueurs minimum de l’équipe sur place, on se dit que l’un des coachs doit être là. Depuis un an, c’est moi qui viens avant Stéph, ensuite on passe une semaine ensemble, et je pars une semaine après. On reste un peu plus de trois semaines chacun, et Stéph reste jusqu’à la fin du Main Event.
Comment ça se passe quand aucun coach W n’est présent à Vegas pour le tout début des WSOP ?
Tous les joueurs sont capables de s’autogérer. Cette année, on était encore au SISMIX au début des WSOP, et Joao et Adrian sont arrivés très tôt à Vegas. Dans l’absolu, ils n’ont pas besoin de nous : tout est en place pour qu’ils n’aient pas besoin de nous. On a mis en place un processus pour qu’ils puissent s’inscrire aux tournois de manière fluide. Après ils se débrouillent.
Une fois arrivé à Sin City, quel est ton rôle auprès des joueurs sur place ?
Il y en a plusieurs. Le premier rôle est de m’assurer qu’ils puissent jouer et s'inscrire à tout ce qu’ils veulent, qu'ils disposent des fonds nécessaires. Ensuite il y a la partie représentation de Winamax : je m’assure qu’ils portent bien leurs logos, je fais un peu le lien quand ils sont sollicités pour des interviews. Même s’ils ont un programme chargé durant les World Series, il y a toujours ce rôle de joueur sponsorisé. Par exemple, on a distribué des vêtements Winamax aux joueurs qui viennent d'arriver, et la boutique Winamax voudrait que les joueurs les portent. C’est dans le rôle de représentation de la marque. La dernière partie, c’est support et coaching mental, la plupart du temps en table finale ou en cas de gros deeprun. Là, ce sont les joueurs qui viennent nous solliciter. On est au plus près d’eux, on reste avec eux toute la journée si c’est une table finale, comme ça ils peuvent venir nous voir facilement, ils savent qu’on est disponibles. Mon travail est qu’ils le sachent, mais moi je ne vais jamais vers eux pour leur dire de faire ceci ou cela.
Sur la table finale d’Adrian Mateos sur le High Roller à 50 000 $ par exemple, ça s’est passé comment ?
On s’est vu avant. Je lui demande toujours si ça va, s’il a besoin de quoi que ce soit, ce n’est pas une question anodine. Il n’est pas venu me solliciter après. Chaque joueur est différent, certains ont des demandes plus spécifiques que d’autres. Certains vont demander du temps à côté pour se voir, d’autres du coaching mental, d’autres n'ont besoin de rien. On s’adapte. 95% de notre job c’est vraiment de l’administratif, de la compta, et les 5% restants c’est pour le coaching mental. Stéph a contribué à créer la méthode ACCEDER de Pier Gautier, il la connait sur le bout des doigts, et j’ai été formé sur ça aussi, avant Winamax. Il a évidemment beaucoup plus d'expérience.
"Le maître mot, c’est fluidifier. Et jouer du mieux possible. S’il y a ça, on a gagné"
S'il y en a, quels sont les problèmes que vous pouvez avoir à gérer à Vegas ?
Des problèmes d’inscriptions qu’il faut résoudre rapidement. À l’époque des Top Sharks, il fallait aussi aider certains joueurs qui n’avaient pas d’ITIN. Ce ne sont jamais de graves problèmes, car justement on est là avec Stéph. Le maître mot, c’est fluidifier. Et jouer du mieux possible. S’il y a ça, on a gagné.
Les WSOP sont-elles aussi une occasion de renforcer l’esprit d’équipe du Team ?
Sur les EPT et les World Series, les joueurs sont dans une démarche d’athlètes de haut niveau. Ils se préparent, ils vont jouer, ils vont se coucher et le lendemain ils recommencent. Nous on essaie de les voir parce que ce sont des moments importants, on doit créer du lien, avec les dinner-breaks par exemple et les moments que l’on vient de passer [interview réalisée après un petit-déj avec le Team]. On essaie d’en faire trois ou quatre par été à Vegas. Mais le but n’est pas de faire du team building pendant les World Series ou les EPT, on garde ça pour le séminaire. Pendant les WSOP, c’est priorité à la performance. On crée du lien si on peut, si on a des opportunités, les joueurs aiment bien, c'est important. Mais la priorité c’est qu’ils jouent, et qu’ils jouent bien. C’est aussi là que tu vois que c’est un sport individuel et que c’est dur de fonctionner en équipe. Mais c’est normal : les joueurs font leur programme, il y en a qui jouent, d’autres qui viennent en famille, entre potes, entre grinders, d’autres tout seuls. S'il n'y a personne pour organiser des moments communs, c’est que tout le monde deeprun. Alors tant mieux, c’est le but.
Est-ce que tu sens une émulation particulière au sein du Team Winamax pour les WSOP ?
Pendant les WSOP, ils sont en mission : gagner un bracelet minimum. Il n’y a pas d’autre objectif, tout le monde vient là pour ça. Je pense que certains membres de l’équipe, quand ils ont commencé à jouer au poker, ne s’imaginaient pas qu’ils feraient un jour les WSOP. C’est le rêve de tout joueur de poker live. Alors évidemment, il y a une émulation particulière.
Et quand aucun membre du Team ne deeprun, tu fais quoi à Vegas ?
En fait, Vegas c’est plutôt calme, sauf les jours de table finale, où dans ce cas les journées peuvent être très longues. En dehors de ça, je fais du reporting : savoir qui a joué quoi, quels sont les résultats des joueurs… C’est une part importante du boulot. On se sert aussi de ce moment pour planifier le reste de l’année, car on a beaucoup de temps et les joueurs sont sur place.
Une fois que les WSOP seront terminées, en quoi consistera ton travail ?
Dès la fin des World Series, on va se tourner vers l’EPT Barcelone. Il y a aussi tous les events Wina qui arrivent, avec le lancement du WiPT [Melvin est régulièrement présent sur les différentes étapes], le WPO Bratislava, l’EPT Chypre… On passe directement à la planification de tout ça. En fait, les WSOP, ça ne change pas beaucoup des EPT : les pros sont beaucoup plus sollicités pendant un WPO par exemple, pour faire les commentaires du stream, les interviews, les vidéos, des activités avec les joueurs. Et du coup, nous aussi. Après les WSOP, cela peut aussi arriver que des joueurs viennent nous solliciter, pour en parler, si cela s’est mal passé pour eux par exemple. On a tous les chiffres, ils viennent aussi nous voir pour ça, c’est notre rôle d’avoir des données à disposition : qu’est-ce que j’ai joué, quel format, quel est mon ROI… Il y a des stats poussées, c’est très important pour nous et pour les joueurs. C’est ce que Stéphane a mis en place depuis quinze ans.
"C'est un monde où il y a plein d’entrepreneurs, les joueurs ne font pas que du poker. [...] C’est hyper stimulant comme ambiance."
Parlons maintenant de ton parcours avant d’arriver chez Winamax. Dis-nous tout !
J'ai fait une licence staps management des organisations sportives, on n'est pas si loin de mon rôle actuel. Puis je suis parti en voyage pendant un an en mode sac à dos, parce que je ne savais pas ce que je voulais faire. En rentrant, je n'en avait toujours pas la moindre idée, donc j’ai fait un service civique chez les pompiers de Paris, j’ai fait du secours en victimes pendant huit mois. J’ai fait aussi pompier volontaire en même temps, un boulot assez prenant, et c’était génial.
Puis j'ai fait une formation de coach mental. Il y a eu le Covid quand j'ai terminé, et tout était à l'arrêt sauf le poker. J'ai donc essayé de rebondir là, de voir les domaines qui fonctionnaient encore. J'ai continué à me former, juste après le Covid je m'occupais d’une équipe de poker pro qui jouait exclusivement online, que des Expresso. C’est comme ça que j’ai connu le poker. Il y aussi des joueurs de poker que j’ai coaché en indépendant. Et c’est lors de ma formation avec Pier Gautier à la méthode ACCEDER que j’ai postulé à l’offre de Stéphane Matheu, qui cherchait un coach adjoint. Cela fait deux ans et demi que je suis au sein du Team, c’est mon troisième Vegas.
Le poker, ce n’est donc pas un domaine dans lequel tu pensais évoluer un jour à la base ?
Pas du tout. Je ne joue pas, je ne sais pas jouer, je n’ai pas envie de me former non plus. Ce qui m’intéresse vraiment, c’est à quel point le poker est exceptionnel parmi tous les sports et activités. Je trouve ça incroyable que tu puisses t'asseoir à une table, et que du moment que tu paies tu puisses jouer. Tu peux te retrouver avec le meilleur joueur du monde, et potentiellement gagner. Ça n’existe nulle part ailleurs. Pour un joueur professionnel, il faut apprendre à le gérer, j'aime cet aspect : se faire éliminer par un joueur blindé, c’est dur, mais il a tout à fait le droit de jouer. C’est particulier à ce sport. Si tu me mets sur une piste de 200 mètres contre un spécialiste je perds, pareil dans les sports cérébraux, ou les jeux vidéos. Au poker, ce n’est pas toujours celui qu’on attend qui gagne.
C’est un milieu dans lequel tu te sens donc à ton aise ?
C’est un monde dans lequel je me plais à 100%, alors que je n’y connaissais rien à la base. Ce que j’aime aussi dans ce milieu c’est que c’est un monde où il y a plein d’entrepreneurs. Une fois qu’ils sont bien installés, les joueurs ne font pas que jouer : ils ont des affaires, des business, des idées. C’est hyper stimulant comme ambiance.