Dominación Nación

- 20 juin 2024 - Par Flegmatic

L'Espagne place trois joueurs en finale et vise un troisième bracelet en trois semaines
Event #44 : NLHE 2 000 $ (Day 3 et Finale)

Le poker espagnol est-il en train de vivre un nouvel âge d'or ? Cela y ressemble fort. Porté par la locomotive Adrián Mateos, qui a intégré en début de mois le Top 10 de la All-Time Money List à même pas 30 ans, c'est tout un écosystème qui semble se transcender à chaque grand rendez-vous. Alors que les espoirs français sur l'Event #44 un classique tournoi de Hold'em à 2 000 $, portés par Damien Le Goff, se fracassaient en douzième place sur un cruel lancer de pièce perdu (As-Roi qui n'améliore pas contre une paire de 8), nos voisins ibériques plaçaient non pas un, non pas deux, mais bien trois représentants autour de la table finale à dix.

Javier Gomez

Une quarantaine de tournois à peine ont trouvé preneur depuis le début de ces WSOP (sur 99), et déjà l'Espagne a une occasion en or de conquérir son troisième bracelet de l'été. Le week-end dernier, le surprenant Antonio Galiana brisait coup sur coup les rêves de victoire de Romain Lewis puis Johan Guilbert en TF du 2 500 $ Freezeout. Quelques jours plus tard, Sergio Aido réparait une anomalie en allant chercher sa première breloque sur le 50K, devançant au passage son ami de toujours Adrián Mateos, resté au pied du podium. Cette fois-ci, les trois conquistadores se nomment, par ordre décroissant de tapis au départ de la TF, Javier Gomez (photo), Juan Carlos Vecino et Javier Zarco. Trois profils d'une solidité à toute épreuve.

Présent sur le circuit depuis près de dix ans, le premier a éclos en 2015 en signant une première finale EPT à Malte, avant de remporter le WPT Prague sous les yeux de votre serviteur. Ont suivi en 2017 une finale sur un 25K à Monte-Carlo et une victoire sur un 5K du Venetian, une deuxième TF EPT à Prague en 2022 et, tout récemment, une troisième place sur le High Roller FPS, encore à Monaco. "Et en 2021, il a fait troisième d'un Super GG Millions pour plus de 800 000 $, complète notre ancien collègue de Winamax.es Álex, resté cette année à la maison, mais qui reste un obsevateur privilégie de ces WSOP. Il est le plus expérimenté des trois, le plus "froid" aussi, et celui qui est le moins susceptible de s'envoyer en l'air."

Juan Carlos Vecino

Deux crans à sa gauche, Vecino aussi fait preuve d'un palmarès conséquent, mais sévit principalement online. Basé en Estonie, il est le prototype du jeune grinder, alternant entre MTT et Expresso. "Il a remporté un gros SCOOP et un Sunday Million," poursuit Álex, en plus de deux piques collectés sur des Side Events EPT en 2018 et 2019, entre Barcelone et Monte-Carlo.

Javier Zarco

Si ces trois-là jouent pour leur premier bracelet, Javier Zarco est celui qui s'en est approché le plus près. En 2015, il échouait à une marche du titre sur le Millionaire Maker, encaissant tout de même un joli chèque de 790 000 $. Quatre ans plus tard, il accédait de nouveau à une finale WSOP sur un énorme field, celui du Monster Stack, qu'il quittait brièvement en neuvième place. À son crédit toutefois, une gagne à plus de 550 000 $, sur un 3 500 $ du Venetian en 2017. "Il a étudié aux États-Unis, complète la bible Álex, ce qui explique ses nombreux résultats là-bas et ses deux finales WSOP-Circuit. C'est après le Millionaire Maker qu'il s'est focalisé à 100% sur le poker."
 


Depuis 2016, les Espagnols ont placé cinq fois deux de leurs représentants en table finale d'un tournoi WSOP, et à chaque fois, ils sont repartis avec le bracelet. Cette fois, ils sont trois. Le six sur six est-il inévitable ?

L'Invincible Armada

Gomez, Zarco, Vecino : nous avons là affaire à trois professionnels chevronnés... ce que sont quasiment tous les joueurs espagnols qui se rendent, été après été, à Las Vegas, toujours plus nombreux. Álex encore : "D'année en année, de plus en plus d'Espagnols viennent jouer l'ensemble des World Series. Il n'y a pas si longtemps, ils étaient en minorité. Aujourd'hui, ceux qui ne viennent que pour la période du Main Event sont nettement moins nombreux. Nous sommes une centaine dans le groupe WhatsApp des "Espagnols à Las Vegas". En enlevant ceux, comme moi, qui ne sont pas sur place, une poignée de journalistes, photographes et autres membres des médias, je dirais qu'il y a entre 70 et 80 joueurs déjà sur place."

Juan Maceiras

L'an passé, ils étaient autour de cent Espagnols à avoir joué le Main Event, pour un nombre record de 26 ITM, soit un impressionnant ratio d'un joueur sur quatre payé. Encore plus dingue, deux avaient atteint le Top 10, Jose Aguilera échouant aux portes de la table finale officielle, quand l'ancien Team Pro PS Juan Maceiras (photo) s'arrêtait en huitième place. À titre de comparaison, la France, on s'en souvient amèrement, n'avait pas dépassé le Day 6, Clément Richez portant notre drapeau jusqu'en 50ᵉ position "seulement".

Le parallèle fait mal, et il n'a peut-être pas lieu d'être sur un échantillon d'années et de tournois aussi faible, mais il n'en cache pas moins une réalité factuelle : l'Espagne mise davantage sur la qualité que la quantité. La petite communauté d'il y a dix ans n'en finit plus de grandir, mais reste toujours aussi soudée. L'émulation globale tire tout le monde vers le haut et les résultats suivent. "Sur le Main Event, on va avoir quelques amateurs, des qualifiés ou une poignée qui viennent avant tout pour se faire plaisir. Mais tous les autres sont des pros."

Winamax Live Sessions ES Episode 9

Javier Gomez était déjà l'une des stars de l'épisode du jour des Winamax Live Sessions.

Et encore, le pays se permet de laisser quelques-uns de ses meilleurs éléments à la maison. Ou plutôt, en Andorre, où la majorité des pros espagnols s'expatrient pour raisons fiscales. Problème : contrairement à la France, la principauté pyrénéenne et les États-Unis n'ont pas signé d'accords fiscaux. En tant que résident andorran, il n'est donc pas possible de bénéficier d'un numéro ITIN, qui permet d'éviter d'être taxé à hauteur de 30% sur ses gains, comme n'importe quel Américain. Les high stakers que sont Vicent Boscà, Vicente Delgado – dont vous pouvez par ailleurs admirer chaque semaine les excès aux tables des Winamax Live Sessions ESJuan Pardo ou Ramón Colillas n'ont donc aucun intérêt à venir jouer cher de ce côté de l'Atlantique.

Au niveau européen, il ne fait aucun doute que l'Espagne domine cette scène high roller, avec d'autres noms supplémentaires comme Nacho Moron, Roberto Perez, Lander Lijo, Sergi Reixach et Ka Kwan Lau. Il est loin le temps où Carlos "The Matador" Mortensen, dont la carrière s'est par ailleurs quasi exclusivement construite aux États-Unis, représentait le poker ibérique à lui tout seul. Aujourd'hui, chaque joueur espagnol représente une menace réelle sur n'importe quel tournoi majeur du circuit. "Nous sommes les meilleurs, c'est aussi simple que ça !", conclut Álex. On serait presque tenté de croire : le temps de taper ces lignes, Javier Gomez s'est envolé en tête du 2K à sept joueurs restants, devant... Juan Carlos Vecino et Javier Zarco. Eh bien dans ce cas : a por ellos!

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