Je l'attendais avec impatience depuis mon arrivée chez Winamax il y a un an : à l'occasion des 54ᵉ WSOP cet été, le journaliste poker que je suis est parti couvrir les World Series of Poker pour la première fois. Une expérience ô combien intense. Entre le taff, de belles rencontres, la découverte de Vegas, et quelques bonnes galères en bonus, je vous raconte mon baptême du feu dans la folie de Sin City.
Lundi 1ᵉʳ juillet 2024, 07 h 00. Les yeux à peine ouverts, je me lève, l'esprit préoccupé par ce que qui m'attend au cours des trois prochaines semaines. Cette fois, ce n’est pas pour faire connaissance avec les joies d’un WPO à Bratislava ou d’un SISMIX à Marrakech. Non, ce mois-ci, c’est pour vivre le rêve de tout amoureux de poker que je me casse : je m'envole direction Las Vegas, pour le Main Event des World Series Of Poker ! Joueur de poker à mes heures perdues, ce n’est toutefois pas dans la peau de ce dernier que je m’apprête à expérimenter mes premiers championnats du monde de poker, mais dans celle d’un couvreur, arrivé un an plus tôt chez Winamax.
Excité rien qu’à l’idée d’imaginer mon arrivée en terres américaines, je me rends compte rapidement que je vais devoir me dépêcher si je ne veux pas rater mon avion. Une fois prêt, en bas de mon immeuble, aux côtés de mon immense valise, attendant le taxi, l’excitation est telle que j’en oublie presque le plus important : mon passeport. Une erreur de débutant, je le reconnais... Mais, heureusement pour moi, sans gravité.
10 h 00. Bien installé dans l'avion. Non, en fait, pas du tout. Assis au milieu d’une rangée de trois (sinon ça ne serait pas drôle), j'observe à mon grand désarroi l'arrivée d'un passager de chaque côté, me garantissant plus ou moins un pénible périple transatlantique. À ma gauche, Joe l’Américain n’ayant pas mis de déodorant depuis quelques jours. De l’autre, Mike le vétéran pour qui trouver le sommeil n’est pas un problème. Mais, encore aurait-il fallu ne pas oublier le fameux pince-nez pour éviter le concert à plein volume pendant tout le vol.
Conscient que je vais devoir prendre mon mal en patience, je tente de me mettre rapidement dans ma bulle en écoutant bon nombre de chansons de rap bien énervées pour faire abstraction du reste. Quelques heures de sommeil plus tard, je suis finalement réveillé par une hôtesse venue gentiment m’apporter mon diner. Pas de quoi me réconforter pour autant : le poulet est froid, les légumes également, et je n'arrive finalement qu’à manger un minuscule morceau de pain sur son lit de vache qui rit. Le grand luxe. Quelques heures plus tard, nous finissons enfin par arriver à Dallas pour notre escale, prêt à patienter cinq bonnes heures.
J’imagine alors pouvoir me balader dans l’aéroport muni d’un énorme sandwich comme ils les aiment au pays de l'Oncle Sam. Il en est tout autre. Je n'ai que mes yeux pour pleurer lorsque j’aperçois des centaines de personnes entassées dans une seule et même file d’attente pour passer la douane. Ma patience est de nouveau mise à rude épreuve. Mais qu’importe, dans quelques heures, je serai à Las Vegas : je ne vais pas me plaindre. Les heures défilent à vitesse grand V, et après en tout et pour tout dix-huit heures de voyage, me voilà enfin arrivé à destination.
Épuisé, mais heureux d'avoir atteint mon but, je découvre, tel un gosse en plein rêve, le côté démentiel de cette ville. Voitures, routes, buildings, casinos, je comprends vite qu’ici, plus c’est gros, mieux c’est. Le lendemain, à tête reposée, nous partons sillonner les dessous de cette terre de jeux. Mais, sous une chaleur proche des 45 degrés, nous comprenons rapidement qu’il est impossible de s’éterniser dehors, dans cette ville où marcher trente secondes suffisent à te faire suffoquer. Finalement, se reposer au bord de la piscine semble être la meilleure des solutions (un peu de brag, ça ne fait pas de mal). Le soir, on se retrouve avec toute l'équipe pour aller manger dans un super restaurant argentin. La viande est incroyable, le service... bien différent de ce que l'on peut vivre à Paris. Un pur plaisir !
Ne faisant mes débuts sur les WSOP que le lendemain, je pars à l'aventure au Orleans Casino afin d'y jouer mon premier tournoi à Las Vegas. Dix heures du mat', j'identifie un field légèrement plus âgé qu'à l’accoutumée. Je comprends assez rapidement ce à quoi je vais être confronté : jouer des mains en 9-way avec les rois du limp pendant six heures. Sacrée surprise ! Malgré beaucoup de plaisir pris aux tables, ce fut un échec. Les 4 000 $ promis au vainqueur n'iront pas dans ma poche. Next time.
Le lendemain, j'attaque enfin ! Je me rends au Horseshoe, prêt à entamer ma première journée de travail sur le Day 1B du Main Event des WSOP. Et là encore, l’immensité de la salle est telle que je me demande bien comment je vais réussir à mettre la main sur les quelques joueurs français à qui je souhaite parler. Sans seat draw à disposition, ça s'annonce très compliqué. Sans désespérer pour autant, je finis petit à petit par trouver ma place.
Heureux, les joueurs interviewés le sont visiblement. Petit big up au vainqueur de la Team Pro Expérience Renaud Gonon, avec qui j'ai adoré partager les avancées de son incroyable parcours sur le Main Event. Malgré quelques difficultés rencontrées tout au long de cette interminable première journée, j’estime alors avoir accompli ma mission de couvreur. Tout en sachant que le plus dur reste à venir. Heureusement, le très beau début de parcours de nombreux joueurs français me fait presque oublier la fatigue. Enjoué par ce qu’ils sont en train de réaliser, je me sens, au fil des jours, de plus en plus impliqué par leurs avancées.
Déjà très heureux à l’idée d’échanger avec la crème du poker français en pleine réussite sur ce Main Event, mon collègue Victor Saumont me donne quelques jours plus tard l’idée d’aller interviewer l’une des meilleures joueuses de l'histoire : l’immense Kristen Foxen, détentrice de quatre bracelets WSOP. Intimidé et persuadé qu’elle n’aura pas le temps de parler à un jeune journaliste français inconnu au bataillon, je pars tout de même tenter ma chance. Et qu’elle fut ma surprise lorsque la Canadienne a répondu positivement à ma demande d’interview, comme à son habitude, toute souriante et heureuse d’être encore en course à 18 left du titre le plus convoité du monde. D’autant qu’à côté de cela, deux Français continuent de nous faire rêver. Malo Latinois, que l’on a découvert quelques mois plus tôt lors de l’EPT Paris, et Malcolm Franchi, que l’on a plus l’habitude de voir dans les cercles de jeux parisiens, sont encore en lice pour potentiellement devenir le premier joueur français de l’histoire à remporter le Main Event des WSOP. On ne dirait pas comme ça, mais c'est quelque chose d'assez fou !Devant conserver toute impartialité, il devient néanmoins de plus en plus difficile de ne pas m’attacher à ces deux joueurs avec lesquels je n’ai cessé de sympathiser tout au long de ces rudes journées. Qu'on se le dise : je veux en voir gagner un. Et s'ils peuvent se battre tous les deux pour la victoire lors du heads-up final, c'est encore mieux. Mais, nos souhaits ne se réalisent pas toujours. À peine revenu du dinner break, c'est avec beaucoup de déception que je vois finalement Malcolm se lever de sa chaise en 11ᵉ position. Une frustration qui ne m’empêche toutefois pas de le féliciter grandement lorsque nos regards se sont croisés quelques minutes après. Devant une partie du clan français abattue par ce qu'il vient de se passer, je reste tout de même très heureux à l’idée de savoir qu’il y aura au moins un Français présent en table finale du Main Event, en la personne de Malo. En plein rêve, le Breton, membre de la Team Aim The Millions, l’est tout autant que nous, journalistes, émerveillés par ce qu’est en train de réaliser ce jeune joueur français pour qui le poker était encore un jeu inconnu cinq ans plus tôt.
Impatient à l’idée de le voir se frotter à quelques-uns des meilleurs du monde tel que Niklas Astedt, considéré comme l’un, si ce n’est, le tout meilleur à l’heure actuelle, je dois faire face à un problème de taille : je suis testé positif au Covid. Oui, ça existe encore ce truc. Une bien mauvaise nouvelle, j'étais si près du but. Mal en point, je ne peux malheureusement pas me rendre au Horseshoe pour assister à la finale de Malo. Devant ma télé, toujours autant persuadé qu’il va finir par remonter dans les hauteurs du classement, je n'ai plus que mes yeux pour pleurer lorsque je comprends que son rêve vient de prendre fin au sortir d’un cruel flip aux multiples rebondissements.
Et alors que Malo affirme, à chaud, se rendre compte de la chance qu’il a eu de pouvoir deep run ce tournoi-là en particulier, c'est aussi l'occasion pour moi de réaliser la chance que j’ai eue de vivre ces trois semaines, à Vegas, dans l’antre du poker.
Il est maintenant l'heure pour moi de partir de Las Vegas, l'esprit partagé. Heureux de rentrer après trois semaines à avoir été quelque peu coupé du reste du monde. Mais, également nostalgique de tous les moments incroyables que j'ai vécus aux côtés de ma team : Benjo, Fausto, Tapis_Volant, Caroline et Renato. Les bons restos, les vibrations suite aux parcours des Français, les rencontres avec les joueurs, et pour finir en beauté, un petit road trip le temps d'une après-midi près du barrage Hoover. L'occasion de découvrir une construction gigantesque en plein désert, et de se rafraîchir le temps d'une courte mais incroyable baignade dans la réserve naturelle d'Eagle Wash.
Je peux enfin maintenant l'affirmer : un de mes rêves est devenu réalité.
Joueurs, joueuses, confrères journalistes et collègues de Winamax, je n’ai plus qu’à vous dire une chose : merci !
VictorP