Winamax

Weinman, le jour d'ivresse

- 18 juillet 2023 - Par Fausto

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En à peine deux heures de jeu, Daniel Weinman écarte ses deux derniers opposants et remporte le Main Event WSOP, pour 12 millions de dollars. Après 16 ans de grind, le « pro américain préféré des pro américains » réalise l’exploit de sa carrière, sur un tournoi avec lequel il était en désamour, et qu’il a bien failli ne pas jouer. Le résultat du jour lui fera certainement changer d’avis, mais pas son quotidien d’ingénieur-grinder. Après cinq ans de conquête européenne, le joueur d’Atlanta ramène le Main Event en Amérique et entre à jamais dans la légende des World Series.

Daniel Weinman

Un héros blanc au milieu d’une foule noire. Vêtu de son sweat de grinder, Daniel Weinman attend la river la plus importante de sa vie, les fesses posées sur la barrière du rail, serré par la foule de supporters. Sa femme, ses parents, ses cousins, les Shaun Deeb, Jason Mercier, Josh Arieh, Matt Glantz… Tous revêtent le t-shirt noir floqué d’un rébus malin. Un verre de vin, une tête d’homme : "Wine", "man". Quelques secondes plus tard, Daniel est aspiré par cette horde noire, secoué par tout son clan effectivement ivre du bonheur que vient de leur servir Weinman.

Shaun Deeb l’encercle de ses larges bras, prêt à plaquer Daniel par dessus la balustrade à la manière d’un rugbyman. Matt Glantz décoiffe sa casquette, en perd la sienne, Jason Mercier et Josh Arieh hurlent de part et d’autres, même si Daniel n’a d’yeux que pour sa femme, qu’il trouve le moyen d’embrasser malgré les quinze personnes qui lui sautent dessus.

Daniel Weinman

Daniel Weinman et son rail avant la river

Daniel Weinman

Daniel Weinman et son rail après la river

Après le chahut, Daniel Weinman se prend la tête dans les mains. La posture d’un homme qui se demande si le rêve qu’il vit est bien réel.  Les mots “incroyable”, “indescriptible”, “irréel” reviendront d’ailleurs toutes les minutes dans la bouche du vainqueur, au moment d’enchainer les interviews. On le comprend volontiers. Daniel Weinman vient de réaliser le rêve de tout joueur de poker, en remportant le Main Event WSOP, pour 12,1 millions de dollars. Et pas n’importe lequel, le plus grand Main Event WSOP de l’histoire.

Daniel Weinman

Un A river, et le KJ tient face au J8 de Steven Jones, parti à tapis sur un board J524 : Daniel Weinman est Champion du Monde

« Il y a des millions de choses qui arrivent dans ma tête, c’est très difficile de le retranscrire avec des mots. Tu joues ce tournoi chaque année, tu ne penses jamais que tu vas le gagner, tu ne penses même pas que tu vas arriver en finale. C’est arrivé et j’ai pu jouer le meilleur poker que j’ai jamais joué de ma vie… C’est incroyable », déclarera le joueur au micro de Kara Scott, à chaud, quelques secondes après avoir été retourné dans tous les sens.

Entre la traditionnelle séance photo, les mises en scène de Poker Go et le balais des partenaires médiatiques, Daniel a une petite demi-heure pour sentir retomber la pression. Au moment de se présenter, enfin, vers la mêlée de journalistes, son sourire, lui ne s’est pas décroché.

"Je n'aime pas ce tournoi, la structure est trop bonne"

Daniel Weinman

Comme tout vainqueur modeste, Weinman se réfugie évidemment derrière la chance au moment de trouver des explications. Il est vrai que pour abattre un field de 10 043 joueurs, Daniel a bien connecté avec les cartes cette semaine.

« Il y a énormément de chance dans les tournois. J’ai très bien joué, c’est sûr mais il y a tellement de situations où j’ai été incroyablement chanceux ». Comme par exemple ce moment où il fait deux Valets contre deux Dames (de José Aguilera) contre deux Rois (chez Payne), à 14 left, pour un pot démentiel ?

« C’était une main folle. D’un point de vue stratégique, elle n’est pas très intéressante. C’est un coup doux-amer parce que c’est celui qui me propulse avant la finale, et c’est en même temps celui qui a mis K.O Josh Payne avec ce bad beat. Je pouvais voir à quel point cette main lui a fait mal. Il y avait de la douleur sur son visage, et ça m’a touché aussi. C’était dur ».

La douleur de l’élimination sur le Main Event WSOP, Daniel la connait bien. Enfin, pas à un stade si avancé. En 16 participations, le joueur n’avait jusque là atteint qu’une seule fois l’ITM, pour un deep run à 4 buy-in en 2011.

Daniel Weinman

« Ce sont mes 16e World Series, rappelle le pro américain. Chaque année, j’ai été présent de l’Event numéro 1 au dernier. Cette année, à l’approche du Main Event, j'étais proche du burn-out. Le festival était compliqué pour moi et je l’ai dit à plein de gens : “Je n’aime pas ce tournoi. La structure est trop bonne, confesse le joueur. J’ai donc appelé ma femme pour lui dire comment je me sentais et elle m’a répondu “Reviens”. C’est ce que j’ai fait. On a passé du temps ensemble, on a joué au golf… On est un peu revenu à une vie normale. Je n’étais même pas sûr de retourner à Vegas pour jouer ce tournoi ».

Daniel a tout de même eu la bonne idée de reprendre un billet pour Sin City… sur les conseils d’un ami, qui était le premier à lui sauter dessus après la river : Shaun Deeb.

« Shaun m’a passé un coup de fil. C’est un peu lui qui m’a convaincu de revenir. Je l’ai expliqué à ma femme en lui disant “De toute façon, je ne vais jamais gagner. Je l’ai ITM une fois en 15 essais. La plupart du temps, je vais juste perdre 10 000 $ et je reviens à la maison.” ».

Daniel Weinman

L’influence de Deeb et la proximité de Daniel avec toutes ces légendes du jeu en disent long sur le talent du grinder. Un homme qui s’est donné une chance dans le poker après avoir terminé ces études d’ingénieur, qui a vite compris le don qu’il avait pour les cartes et qui s’est entouré des meilleurs pour enchainer les succès, toujours plus grands, durant seize ans de carrière.

« Je suis ami avec ces gars depuis si longtemps, se rappelle Weinman. Shaun et moi, nous nous sommes rencontrés il y a onze ans en table finale (d’un 10 000 $ WSOP Pot Limit-Hold’em, où notre cher ManuB terminait d’ailleurs 5e). Juste deux gars qui s’amusaient beaucoup à table, qui se sont mis à jouer au poker chinois ensemble et qui ne se sont pas lâchés. Josh Arieh, ça fait encore plus longtemps, on joue à Atlanta ensemble depuis plus de quinze ans, Jason Mercier aussi. Avoir quelques-uns des meilleurs joueurs de poker à mes côtés, les voir me soutenir comme ça, c’est inestimable ».

Un 3-max vite fait bien fait

Daniel Weinman

Le joueur le plus technique et le plus expérimenté s’est imposé aujourd’hui. Daniel revient d’ailleurs sur les deux coups clefs, provoquant les éliminations respectives d’Adam Walton et Steven Jones.

« Contre Walton (qui tente le New-York Back Raise 80BB avec 8-8 contre son A-A), c’était l’une des premières mains où je mettais vraiment des jetons au milieu, rappelle Weinman. Je sais qu’Adam aime flat de grosses mains, il l’a déjà fait auparavant. J’ai size-up le squeeze avec l’espoir qu’il essaierait de tirer avantage de toute la dead-money au milieu. Je sais pas si c’est moi qui l’ait induce, ou si c’est lui qui avait déjà son idée en tête, mais ça a bien marché pour moi ».

Sur la dernière main du tournoi, ce KJ qui restera gravé dans les annales pokeristiques, le vainqueur semble avoir vite eu le bon instinct, comme en témoigne ce call turn assez rapide après avoir demandé le compte.

« Quand j’ai top-paire sur ce genre de board sec, je dois avoir beaucoup de check/raise, analyse Daniel. En termes de stack-size, c’était parfait pour check/raise, bet turn et shove river. Quand il entre dans le tank turn, pendant assez longtemps, je le vois sur une middle-paire ou sur un Valet faible. Et au moment où il shove, je ne pense pas qu’il soit en trap, même si ça fait bizarre de call pour autant de blindes juste avec une top paire ».

Atlanta, golf et ingénieur RFID

Daniel Weinman a gagné le plus prestigieux des tournois de poker, un bracelet très brillant mais aussi beaucoup d’argent. 12,1 millions de dollars très précisément. Un montant qui permet de voir venir, mais qui ne semble pas donner à son vainqueur la folie des grandeurs, puisque Weinman n’échappe bien entendu pas à la question préférée des journalistes : “Que va-t-il faire de toute cette oseille ?"

Daniel Weinman

« Ce n’est pas la réponse que les médias préfèrent entendre, mais je vais sûrement investir, mettre de côté. Je vais en garder une grande partie en dehors des tables, même si j’aime gamble assez fort de temps en temps, déclare le joueur. Je ne pense pas que mon quotidien va changer. Je suis déjà très heureux dans ma vie. Je me satisfais de choses assez simples quand je suis à la maison. Je serai au boulot la semaine prochaine. Je vais peut être un peu plus jouer au golf, peut être un peu plus voyager, mais sinon, la vie va juste continuer telle qu’est l’est ».

Quand il parle de “boulot”, Daniel ne parle pas de poker. Entre ses périodes de grind intensive, le joueur revient à l’une des ses premières passions : les logiciels. L’ingénieur de formation est d’ailleurs revenu dans sa Floride natale pour partager son temps entre les cartes et son autre projet professionnel.

« Quand je suis retourné à Atlanta il y a huit mois, j’ai rencontré un jeune homme qui démarrait une entreprise de matériels RFID. Ca s’appelle RF Poker (logo que tout le clan Weinman portait aujourd’hui dans le rail). On crée des tables comme celles que vous voyez en streaming, à la différence qu’on élimine “l’élément humain” dans la gestion de cette technologie, afin d’ôter toutes les incertitudes qui l’entourent. C’est beaucoup de fun. Je pense que j’aime encore plus l’ingénieurie-logiciel que je n’aime le poker. Pouvoir mêler ces deux choses, c’est un peu le job de rêve pour moi ».

Le héros repart du plateau télévisé avec tout son rail pour trinquer un coup. Leur Vegas se ponctue sur cette victoire, qui marquera leur histoire ainsi que celle du poker. Lorsqu’ils reviendront l’année prochaine, le poster de Daniel Weinman figurera à côté de celui d’Espen Jorstad. Enfin un portrait américain, après cinq ans de conquête européenne ! Comme Chris Moneymaker qui donnait le coup d’envoi de ce tournoi et Jamie Gold qui lui remettait il y quelques minutes son bracelet, Daniel Weinman ramène le Main Event en Amérique et inscrit son nom à jamais dans la légendes des World Series.

Daniel Weinman

Main Event WSOP 2023 - Résultats

Place Joueur Gains
1 Daniel Weinman (USA) 12 100 000 $
2 Steven Jones (USA) 6 500 000 $
3 Adam Walton (USA) 4 000 000 $
4 Jan-Peter Jachtmann (Allemagne) 3 000 000 $
5 Ruslan Prydryk (Ukraine) 2 400 000 $
6 Dean Hutchinson (Ecosse) 1 850 000 $
7 Toby Lewis (Angleterre) 1 425 000 $
8 Juan Maceiras (Espagne) 1 125 000 $
9 Daniel Holzner (Italie) 900 000 $

Daniel Weinman

Daniel Weinman

Steven Jones partait de trop loin

- 18 juillet 2023 - Par Flegmatic

Le grinder de l'Arizona termine runner-up pour 6 500 000 $
Underdog au départ du heads-up, il n'a pas pu renverser la vapeur le long d'un duel bouclé en moins d'une heure

Main Event 10 000 $ (Finale)

Steven Jones Rail

64 blindes contre 177. C'est un duel final particulièrement déséquilibré qui allait clôre le plus gros Main Event WSOP de l'histoire. D'autant que l'avantage se trouvait du côté du plus expérimenté des deux joueurs. Présent sur le circuit depuis plus d'une décennie, déjà finaliste WSOP en 2012, double vainqueur WPT et détenteur d'un bracelet remporté l'an dernier, Daniel Weinman se présentait comme l'immense favori de ce heads-up. Il n'y avait guère que dans le clan de son dernier adversaire Steven Jones que l'on aurait pu trouver des partisans d'une improbable remontada. De fait, ils avaient tout de même des raisons d'espérer.

Avec un tapis presque aussi costaud que ses gros bras, leur poulain était loin d'être en danger immédiat et pouvait faire durer le match. Les deux premières mains sont même à son avantage, lui permettant de grappiller 50 millions pour repasser la barre des 200. Cela restait presque deux fois moins que Weinman, mais l'espoir était permis. À l'inverse, l'histoire récente des WSOP se montrait impitoyable. Depuis dix ans, seul Ryan Riess a réussi à sortir vainqueur du heads-up après être parti derrière. Sauf que le rapport de force avec le fantasque Jay Farber n'était que de 45/55. En cette période de blockbusters, fallait-il donc classer la mission de l'agent Jones impossible ?

Sans se lancer dans une analyse technique détaillée, son style de jeu a rapidement conforté les prédictions. Retranché dans une stratégie passive, Jones n'a pas réagi face aux ouvertures préflop systématiques de Weinman, celui-ci se servant de son avance pour agresser au maximum. Par deux fois, Jones a tenté le hero call river avec une hauteur Roi, sans succès. Paradoxalement, c'est alors qu'il aurait dû la jouer small ball que Steven s'est emballé.

Steven Jones

Un peu moins d'une heure après le lancement du HU, les tapis sont revenus à leur état initial. La 24e (et dernière) main de ce duel démarre par une ouverture à sept millions de Jones au bouton, payée par Weinman. Ce dernier check le flop J52 pour mieux relancer à 18,5 millions le c-bet de 6 millions envoyé par Jones, qui paie. Turn 4 et deuxième barrel à 38 millions de Dan.

Jones entre dans le tank. Une minute passe, puis deux, puis trois, puis quatre, puis... "all-in". "How much?" demande Weinman. "146 millions total," lui répond le croupier. Weinman n'a pas besoin de réfléchir plus de trente secondes avant de payer et retourner KJ. Soupe à la grimace chez Jones, qui ne peut montrer mieux que J8. Seul un 8 peut le sauver. Toute autre carte marquera la fin de ce Main Event. Comme depuis le début de cette finale sur chaque coup à tapis payé, Steven et Dan rejoignent leur clan respectif pour regarder tomber la rivière.

Daniel Weinman

C'est un A. Daniel Weinman est sacré Champion du Monde 2023 pour 12,1 millions de dollars. Le plus gros premier prix jamais attribué à un vainqueur de Main Event WSOP. Runner-up au terme d'une finale globalement bien menée, durant laquelle il n'a presque jamais quitté le Top 3, Steven Jones "se contente" de 6,5 millions de dollars.

Steven Jones

Face à un différentiel de prix aussi énorme pour les trois premières places, rappelons à toutes fins utiles que les World Series of Poker n'autorisent pas de deal officiel – contrairement à ce que l'on peut voir régulièrement lors des finales de Main Events EPT par exemple. Bien sûr, cela n'empêche pas les joueurs de discuter entre eux "off the record" pour tenter de se mettre d'accord sur un éventuel partage des gains. La tournure extrêmement rapide de cette dernière journée et les décisions très high variance des deux joueurs éliminés aujourd'hui pourraient-elles être la conséquence d'un tel arrangement signé sous le manteau ? Avant même de reprendre sa place autour de la table, Adam Walton a balayé d'un revers de main cette éventualité. Chacun décidera en son âme et conscience de le croire ou non.

Steven Jones

Quoi qu'il en soit, c'est en partie cette énorme prise de risque de Walton qui a permis à Steven Jones d'accéder à ce heads-up. "Je me sens super bien, je suis très heureux, nous a-t-il confié. La phase à trois n'était pas du tout à mon avantage, donc j'étais complètement sous le choc de les voir s'affronter !" Beaucoup plus en retrait lors de cette journée supersonique, il avait fait le gros du travail la veille, profitant de la première partie de la finale pour maintenir sa position dominante. "Je me suis fait coacher entre le Day 8 et la finale, précise-t-il. Quand on arrive à ce stade du tournoi, il faut mettre toutes les chances de son côté. Je crois que cela m'a beaucoup aidé hier sur certains spots."

Nul doute que ces 6,5 millions de billets verts vont également bien lui profiter, lui dont la meilleure perf' jusque-là était une neuvième place sur le Colossus en 2018 pour un peu moins de 60 000 $. Agent immobilier du côté de Scottsdale, il va visiblement faire grossir son parc en "achetant quelques maisons en plus. Je crois que je vais aussi devoir prendre un conseiller financier ! En tout cas, cela me donne beaucoup plus de liberté pour la suite." On lui souhaite d'en profiter du mieux possible.

Walton : l'explosion en plein vol

- 17 juillet 2023 - Par Flegmatic

Adam Walton s'envoie en l'air après une heure de jeu
Le premier Américain à quitter cette finale termine 3e pour 4 000 000 $
Daniel Weinman est le nouveau favori pour le titre
Main Event 10 000 $ (Finale)

Adam Walton Rail

Avec trois joueurs entre 80 et 120 blindes, on était en droit de s'attendre à une longue, voire très longue phase à trois. Toutes nos prédictions ont volé en éclat : moins d'une heure après le coup d'envoi de cette ultime journée de Main Event, on connaissait l'affiche du heads-up final. Un improbable coup d'accélérateur dans la potentielle dynamique de cette table finale, que l'on doit à un homme, Adam Walton. D'entrée de jeu, ce dernier a prouvé qu'il n'était pas revenu autour de la table pour temporiser, quand bien même huit millions de dollars séparent la troisième de la première place.

Après avoir perdu un quart de son stack contre Steven Jones sur une histoire de deuxième paire moins bien kickée, nous l'avons ainsi vu 3-bet AK de small blind suite à une nouvelle ouverture au bouton de Jones. Jusque-là rien d'anormal, son compatriote restant dans le coup avec son AQ pour voir un flop J57 qui ne plait à personne. Walton opte toutefois pour un c-bet et voit Jones lui revenir dessus pour 22 millions. La réponse ne se fait pas attendre : tapis pour un total de 98,5 millions ! La machine Walton est relancée et poursuit sur sa lancée pour revenir à son tapis de début de journée, soit 84 blindes.

Adam Walton Rail #2

Un retour au statu quo qui ne prépare absolument pas à ce qui va suivre. Aux blindes 1M / 2,5M, Steven Jones ouvre à 6 millions au bouton avec Q6. Un cran plus loin, Walton se contente de payer avec 88. C'est alors que Daniel Weinman découvre AA. Aucun slowplay de sa part, le pote de Shaun Deeb place un squeeze en bonne et due forme, assez chérot, à 27 millions. Jones fuit dans la seconde mais pas Walton, qui claque immédiatement une pile de jetons au milieu en guise de "all-in", pour un total de 210 millions. Un étonnant New York Back Raise pour sa survie dans ce tournoi, qui ressemble aussi à un suicide ICM en plein jour, sous le feu des caméras.

Daniel Weinman Rail

Un pot de 427,5 millions vient de se former, de loin le plus gros jamais vu sur ce Main Event. Surtout, ce coup vaut littéralement des millions de dollars d'équité. Si Walton remporté ce 20/80, il fait tomber Weinman à six blindes. Si Weinman reste devant, il abordera le heads-up avec 177 blindes et un avantage de presque trois contre un par rapport à Jones. Ce dernier semble d'ailleurs tout aussi choqué que le reste des spectateurs. Alors que ce début de phase à trois lui avait été défavorable, il se retrouve en position de gagner 2,5 millions de dollars supplémentaires, en simple spectateur. L'heure est venue de dévoiler le board.

Adam Walton N&B

Flop : 735. Pas de bonheur immédiatement pour Walton, mais tout de même quelques backdoors.
Le 9 est en une, lui permettant d'ajouter quatre outs à son frêle total.
River : K.

Adam Walton OUT #2

Explosion dans les tribunes côté Weinman et Jones. Déception palpable chez Walton, qui s'en va saluer ses adversaires et son clan avant de quitter le plateau télévisé. Au micro de Jeff Platt, il préfère cependant voir les choses du bon côté. "C'était une expérience incroyable. Bien sûr, une fois arrivé là, on a envie d'aller au bout, concède-t-il. Daniel et Steven sont des mecs super, quoi qu'il arrive on aura un très beau champion. L'ambiance dans le rail était folle, je ne pouvais pas demander mieux." Quant aux quatre millions de dollars, "je ne sais pas encore à quel point cela va changer ma vie. Je vais m'acheter un bateau. Et ça va être un bon gros bateau !"

Jones - Weinman HU N&B

Daniel Weinman (443 000 000 - 177 BB) contre Steven Jones (159 500 000 - 64 BB) : le heads-up de ce Main Event des WSOP 2023 est avancé beaucoup plus tôt qu'on ne pouvait l'imaginer. Qui repartira avec le trophée suprême du poker de tournoi et le premier prix de 12,1 millions de dollars ? Il semblerait qu'un clair favori se dessine...

Money Rail

The money's on the table!

U.S.A. ! U.S.A. ! U.S.A !

- 17 juillet 2023 - Par Fausto

Victoire sans appel des États-Unis sur ce début de finale. Steven Jones, Daniel Weinman, Adam Walton ont éjecté un par un leurs concurrents européens. Déjà assurés de 4 millions, les trois hommes se battront demain pour 8 millions de plus.
Main Event 10 000 $ (Finale - Fin de la première journée)

Jones - Walton - Weinman

Des « U.S.A. ! U.S.A. ! U.S.A. ! » résonnent à tue-tête dans l’Event Center. Ils parcourent les gradins, s’envolent vers le toit du plateau télévisé et se dispersent partout dans les couloirs du Horseshoe. À Vegas, on a l’habitude d’entendre le refrain préféré des supporters américains. Aujourd'hui, on l’entend avec plus de vigueur et de décibels. Une hystérie justifiée : sur ses terres, l’Amérique a marché sur l’Europe en finale de ses World Series of Poker.

Walton

Adam Walton incontrôlable après s'être offert la dernière élimination du jour, avec ce piège tendu à Jan-Peter Jachtmann

Steven Jones, Daniel Weinman, Adam Walton. Voici les trois héros de l’Amérique qui ont dynamité aujourd’hui la table finale du Main Event WSOP. Elle était pourtant également composée de six européens au départ de la journée. Six heures et six éliminations plus tard, Steven, Daniel et Adam se sont débarrassés de tous leurs adversaires étrangers et reviendront entre “Ricains” pour jouer le titre de Champion du Monde et les 12 millions de dollars à la gagne.

« C’est très bien, parce que nous avons besoin d’un champion américain. Ça fait quand même quelques années maintenant, réagit Steven Jones, rappelant le titre de John Cynn, déjà vieux de cinq ans. Je suis surpris que les choses se soient passées comme ça, mais c’est un très bon scénario. Ce sont sûrement les deux gars que je connaissais le plus parmi les finalistes, donc je suis très excité de retourner au combat contre eux demain » poursuit le grinder de l’Arizona, chipleader à la fin de cette première partie.

« La variance peut être très étrange, observe Adam Walton, plus pragmatique au moment de commenter ce scénario fou. La table s’est déroulée de cette façon, mais je ne pense pas que les Américains aient été meilleurs au poker que les autres. La chance en a voulu ainsi » poursuit le joueur de Seattle, qui retient surtout l’ambiance survoltée du public américain. « C’était une explosion ! C’est tellement fun de voir tous ces gens autour de nous qui nous supportent. C’est une chose que je ne vivrai qu’une fois dans ma vie, c’est très grisant de se retrouver dans cette position ».

Adam Walton

Ces trois hommes, on ne les connaissait pas vraiment. Enfin, on avait déjà entendu le nom de Daniel Weinman, qu’on vous définissait comme “Le pro préféré de votre pro préféré”. Un grinder redoutable, expérimenté, polyvalent, multipliant les braquages depuis près de quinze ans et que les Shaun Deeb et autres Ryan Riess s’arrachent dans les fameuses “Fantasy”, ces drafts virtuelles où les joueurs parient sur leurs homologues qui vont raser les WSOP.

Entre ses deux victoires WPT, ses moult finales WSOP et son bracelet acquis en PLO l’an dernier, le natif d’Atlanta avait déjà accumulé près de 3,7 millions de dollars en carrière. Demain, il est assuré de prendre au moins autant, et peut-être même trois fois plus. Ironie du destin, c’est sur le tournoi qui lui a toujours échappé, avec seulement deux ITM en 16 participations, que Daniel Weinman (photo)  s’apprête à réaliser le grand casse de sa carrière.

Daniel Weinman

« Dan est surement le plus expérimenté du groupe donc il est peut-être légèrement favori, mais la partie va être très serrée » commente Adam Walton, au moment de faire les pronostics. Difficile en effet de dégager un favori, tant les stacks sont profonds et resserrés : 114 blindes pour Steven Jones contre 100 chez Weinman et 82 pour Walton.

« Le favori pour gagner ? C’est moi bien sûr ! Je suis le chipleader, affirme Jones plein d’enthousiasme. Je pense qu’il faut s’attendre à une très longue grind, parce que nous sommes tous très deeps ».

Jones - Walton

"La pression ? Pas du tout. On est déjà dans le Top 3, toute la pression est partie. Je veux juste rentrer dans le moment. Jusque-là, je n’ai jamais senti de la nervosité dans ce tournoi, j’espère que ça va continuer comme ça." Steven Jones, tout sourire et qui retrouvera son compatriote Adam Walton demain, avec qui il boxe depuis déjà quatre jours.

La partie risque en effet de durer et de se prolonger jusque tard dans la nuit. Entre Américains, Tony Miles et John Cynn avaient produit un heads-up interminable de plus de dix heures. On espère ne pas en avoir un remake. La profondeur laissera place à quelques moves, à de la créativité, à des plays de haute voltige, comme on en a eu aujourd’hui. Le palier de 6 millions de dollars entre la deuxième et la première place donnera-t-elle la prime à l’offensive ou les enjeux prendront-ils le pas sur le jeu ? Réponse à partir de 14 heures (23h heure de Paris).

Le chipcount des trois derniers prétendants au titre

Jones - Walton - Weinman

Siège Joueur Tapis Blindes
1 Steven Jones (USA) 238 000 000 119
2 Adam Walton (USA) 165 500 000 83
3 Daniel Weinman (USA) 199 000 000 100

Les éliminés du jour

9e : Daniel Holzner (Italie) 900 000 $
8e : Juan Maceiras (Espagne) 1 125 000 $
7e : Toby Lewis (Angleterre) 1 425 000 $
6e : Dean Hutchison (Écosse) 1 850 000 $
5e : Ruslan Prydryk (Ukraine) 2 400 000 $
4e : Jan-Peter Jachtmann (Allemagne) 3 000 000 $

Jachtmann : la descente aux enfers

- 17 juillet 2023 - Par Flegmatic

Bref chipleader à cinq joueurs restants, Jan-Peter Jachtmann s'incline en quatrième place (3 000 000 $)
Une sixième élimination qui marque la fin d'une journée noire pour le clan européen
Main Event 10 000 $ (Finale)

Jan-Peter Jachtmann OUT

Il était le dernier résistant du Vieux Continent face à trois Américains aux dents longues, privés de titre de Champion du Monde chez eux depuis 2018. Jan-Peter Jachtmann nous rappelait même Hossein Ensan, par sa nationalité bien sûr, mais aussi sa prestance, son assurance à table et son expérience. Après le double up de Ruslan Prydryk contre Steven Jones, il s'emparait même pour la première fois du fauteuil de leader. L'histoire allait-elle se répéter ? Le bracelet le plus convoité du monde du poker allait-il repartir en Allemagne pour la troisième fois en cinq éditions ? Vous connaissez déjà la réponse à ces questions.

Steven Jones

Tout s'est joué en trois mains pour "Jean-Pierre". Alors que l'un des superviseurs en charge du tournoi vient expliquer aux joueurs que la partie s'arrêtera finalement, non pas à quatre mais après la prochaine élimination (ou la fin du niveau 41), Jachtmann se retrouve à payer en grosse blinde une ouverture de Steven Jones, avant de check/call deux mises à 3,5 et 12 millions sur un flop 846 et un turn 2. Arrive alors la river, un 6, sur lequel l'Allemand décide de prendre l'initiative, pour 24 millions. Révélons maintenant sa main, un A4 qu'il décide de tourner en bluff, aidé par le bloqueur sur la couleur max. Problème : en face Jones a un monstre, 88 pour full max. L'Américain relance donc à 65 millions, entraînant un fold de Jan-Peter.

Jan-Peter Jachtmann

Quelques minutes plus tard, c'est la revanche. Tombé à 45 blindes, Jachtmann ouvre K8 au bouton et se fait payer par Jones et son KT en small blind. L'Allemand envoie un premier strudel à 5 millions sur le flop à 633. C'est payé Turn T. Les chances de Jachtmann de remporter le coup à l'abattage viennent de tomber à 0%. Bien sûr, il ne le sait pas et balance une énorme kartoffel à 20,5 millions. Jones ne s'embarrasse pas et annonce "all-in", demandant les 56 derniers millions de Jan-Peter, qui rend ses cartes au croupier dans la seconde.

Jan-Peter Jachtmann

Pour la première fois depuis des lustres, Jan-Peter Jachtmann se retrouve sous la barre des trente blindes. Elles ne survivront pas plus d'une poignée de mains. Caracolant en tête des charts, Steven Jones se permet d'ouvrir J4 UTG. Au bouton, Adam Walton tend le piège avec rien d'autre que AA. En grosse blinde avec KQ, Jachtmann tombe dans le panneau et pousse ses 27 BB au milieu. L'Allemand a besoin d'un miracle pour rester en vie. À la place, il se retrouve drawing dead dès le turn d'un tableau 9526K.

Adam Walton Rail

Vainqueur d'un bracelet à 661 000 $ douze ans plus tôt sur le PLO Championship, Jan-Peter Jachtmann échoue cette fois au pied du podium, pour un gain enviable de 3 millions de dollars. Mais au moment de répondre aux questions de Kara Scott après son élimination, sa déception était palpable par rapport à cette dernière demi-heure catastrophique. "J'étais soulagé après la sortie de Prydryk. Alors je crois que le fait de nous faire continuer à jouer après cela m'a fait perdre ma concentration, a-t-il avoué. En plus, je me sentais assez fatigué."

Aurait-il joué de la sorte si la partie avait repris à quatre lundi comme cela était originellement prévu ? Impossible de répondre à cette question bien sûr, mais l'aspect physique a visiblement joué un rôle important sur ce qui ressemble à une belle sortie de piste, à l'image de celle des joueurs européens. Ils étaient sept sur dix autour de la dernière table. Alors qu'ils ne sont plus que trois pour le titre, il n'en reste plus aucun.