Le plus gros tournoi du monde a battu aujourd'hui ses propres records
Ils sont déjà plus de 9 000 inscrits... et la barre des 10 000 n'est pas hors de portée
Main Event 10 000 $ (Fin du Day 1D)
Le personnel des World Series of Poker a accompli deux exploits aujourd'hui. L'un est déjà en train de faire les gros titres, et entrera sans peine dans les annales du poker. Le second passera un peu plus inaperçu... et pourtant, il ne s'agit pas d'un mince accomplissement. Parlons d'abord de ce dernier. Après des années à échouer de convaincre les joueurs du Main Event de ne pas attendre la dernière minute (et donc le Day 1D) pour s'inscrire, afin d'éviter les traditionnelles congestions et pétages de plomb de la dernière journée de départ, on dirait que les organisateurs ont enfin réussi à faire passer leur message.... Car, avec quelque chose comme 4 100 inscrits, le Day 1D de 2023 fut de fait moins populaire que celui de 2022... mais sans que cela affecte l'affluence globale. Bien au contraire ! Avec plus de 9 300 inscriptions déjà comptabilisées, le record historique de l'édition 2006 est explosé. Quand on sait que le guichet restera encore ouvert pendant 36 heures (jusque 16h40 sur le deuxième Day 2), on se prend à rêver d'un field à cinq chiffres. Comme le dit le journaliste américain Donnie Peters au micro de son podcast, en cours d'enregistrement à côté de nous sur le banc de presse : "
L'objectifs des WSOP cette année était de battre le record. Ils sont en train de le pulveriser."
"
Chaque année, ils nous font le bluff du 10-handed : cette année, il est passé !" a souri
Davidi Kitai. C'est vrai : on a connu pas mal d'édition où les organisateurs ont été forcés d'agglutiner 10 joueurs autour de chaque table lors du Day 1D. Un format obsolète à une époque tournée vers le short-handed. Beaucoup ont fini par comprendre... et se rabattre sur le Day 1C, dont l'affluence a bondi de 70 % ! Résultat : l'intégralité du Day 1D s'est jouée en 9-max.
Alors, la barre magique des 10 000, on la saute ou pas ? Nous, on y croit... après avoir croisé des dizaines de joueurs qui débarquaient pour s'inscrire alors qu'il était minuit passé. Ils seront quelques centaines d'ultra-retardataires à se pointer vendredi et samedi, pour jouer les Day 2ABC et 2D. En attendant, retour sur quelques-uns des héros de ce dernier Day 1. -
Benjo
Un chipleader généreux
"Rah je suis dégoûté, je suis à 3 000 jetons de Martini !" C'est un Jérôme Finck taquin que nous avons retrouvé au moment de la traditionnelle cérémonie du bagging de fin de journée. "Ah non attends, il me reste une main pour lui passer devant." Ouverture du joueur UTG-2 à 1 300, payé par les trois joueurs qui suivent. Le Français est au bouton et place un squeeze à 8 000. Un fold, deux folds, trois folds, le plan s'apprête à se dérouler à la perfection... jusqu'à ce que le cut-off décide de pousser son maigre tapis au milieu, pour 600 de plus. Jérôme est un peu embêté, mais pas question d'abandonner le coup bien sûr, surtout avec une main comme T9. Pris en flagrant délit d'arrachage, il doit améliorer contre AJ, mais le board laisse les positions en l'état. Au final, tout le monde est content : le short stack qui se retrouve à passer le Day 2 avec un peu plus de 20 000 jetons au lieu de 8 000 et celui que l'on soupçonne être notre chipleader, tout sourire du haut de son tapis de 274 600. Pour ceux qui ne le connaissent pas, l'Alsacien s'est glissé dans le Top 50 de l'EPT Londres l'an dernier, et s'est fait coacher pour ce tournoi par un spécialiste français du Main Event. Cela fait quand même deux arguments pour un potentiel deep run. - Flegmatic
"Je termine à 58 000, mais je suis le plus heureux du monde. J'ai passé full pendant le dernier niveau et j'ai eu raison, il y avait un meilleur full en face. Si j'avais payé je serais dehors à l'heure qu'il est. J'ai envie de me br*****." Vous l'avez compris, Anthony Kazgandjian est content. Très content.
Davidi s’offre une seconde vie
« Je me voyais déjà dans ma chambre » confie
Davidi Kitai. On sent sur le visage du génie de la gratitude, un bonheur d’être encore présent dans ce Main Event, qui a bien failli tourner court.
« J’ai chatté avec top two contre brelan pour mon tapis… Et j’ai fait flush backdoor. Trèfle-trèfle ». Une horreur qui fera certainement cauchemarder son opposant. On ne le pleurera pas. Les dieux du poker ont cette fois décidé de sauver Davidi. Et le Génie sait parfaitement capitaliser lorsqu’on lui offre une deuxième vie.
« J’ai pris des bonnes décisions, j’ai fait deux petits hero-calls qui m’ont permis de monter près des 80 000. J’attendais ensuite le spot pour décoller sur la dernière heure, et il est arrivé ».
Sur un open du bouton, Davidi découvre deux beaux As en SB. Le 3-bet est enclenché, quand David entend soudain ces doux mots qui font frémir de plaisir chaque joueur de poker armé de deux flèches : « all-in ». Le Belge s’empêche de payer et voit son adversaire montrer un audacieux 89. Une belle main pour craquer les As. Davidi suera quelques secondes sur le flop 1072. Deux briques plus tard, le Génie s’envolait vers les 130 000 jetons. « J’ai bien fait de faire le 1D. C’était plus soft et le Day 2 sera également plus soft. Par contre, j’ai l’impression que pour avoir les papis, il faut vraiment venir dès le matin. J’affine petit à petit ma théorie sur les Day 1 » déclare Davidi, qui avait déjà tout vu du bluff sur le “10-handed”.
Davidi s’apprête bel et bien à rentrer dans sa chambre, mais il aura une nouvelle plus heureuse à annoncer à son clan. Place désormais à un day-off bien mérité, « en famille, détente » et Kitai reviendra samedi pour la suite du combat.
Pour la suite de la guerre,
Alexane Najchaus n’aura pas autant de munitions que son collègue belge. Grindant dans le dos de Davidi toute la journée, la spécialiste d’Expressos n’a pas trouvé de spots favorables, ni même de grosses cartes pour lancer véritablement son Main Event. Le petit skate qui portait comme toujours ses jetons a dû supporter un poids de moins en moins lourd au fur et à mesure de la partie.
Pour autant, LaSirenita ne s’est pas laissé complètement écailler. Découvrant la profondeur abyssale du Main Event, Najchaus s’est adaptée et a joué de patience pour se stabiliser juste en dessous des 30 000 jetons. « C’est encore très long, il reste sept jours » lâchait une Alexane toujours confiante.
Notre troisième Team Pro en lice sur ce Day 1D met également les jetons dans le sac. Après une journée sans grande frayeur ni sans trop de saveur,
Leo Margets a fait le boulot, en professionnelle, pour valider une petite plus-value.
« Les tables étaient très bien, très soft et assez amusante… Dommage de ne pas avoir accumulé plus de jetons. J’ai tout de même empoché 73 300, ce qui n’est pas si mal du tout ». - Fausto
La coloc enchantée
Du côté de Cédric Danneker aussi, il y a de quoi se réjouir. "J'étais tombé à 20 000 après n'avoir fait que fold, raconte l'ancien finaliste Top Shark, et je termine à 71 000. J'ai notamment fait quinte river contre un brelan qui n'arrive pas à fold sur un board 4 to straight." From IllicoBusto to IllicoDay2. En revanche, la remontada n'a pas eu lieu pour son voisin du jour Julien Sitbon. "Il a perdu avec brelan contre un flush draw qui est rentré et ensuite ses derniers 12 000 sont partis avec deux Rois contre deux 10." Un Français de perdu ? Un Français de retrouvé ?
Car à la table d'à côté, le colocataire de Cédric montait un stack de 152 000. Son nom ?
Léo 'Ya 2 ecoles' Lombardozzi. "
C'est chiant les tournois, je perds mon temps ici !, plaisante à moitié le Top Shark 2021, converti depuis longtemps aux joies du cash game.
En vrai, la prochaine fois que je viens à Vegas, je ne jouerai que le Main Event. Ça fait des semaines que je suis ici, j'avais prévu de jouer les WSOP, mais je n'ai fait que deux tournois. À la place, je n'ai fait que du cash game online. Bon, ça s'est bien passé, j'ai pris 65 000, mais j'aurais aussi bien pu le faire de chez moi." "Chez moi", une notion complexe à définir pour le Marseillais, qui vit entre Dublin et la Colombie. "
L'avantage maintenant, c'est que je me suis mis à l'espagnol. D'ailleurs, après ça, je file à Tijuana."
Pas toujours facile de suivre Léo, que ce soit géographiquement, ou au niveau du débit de parole. Intarissable, il nous raconte en vrac ce qu'il considère comme un gros fold avec 5-6 suité sur Dame-10-6-10-X - "Il mise trois quarts pot river, il se polarise vachement. Apparemment il avait Roi-Valet suité." - et réflexions plus globale sur le niveau de jeu des Américains. "Ils sont perdus dès qu'il s'agit de 3-bet préflop. Ils ne comprennent rien aux sizings. Alors que nous en cash game, on en joue tellement souvent ! Bon, je me suis quand même fait bluff par un mec qui a 4-bet As-2 off UTG+1. J'ai payé avec deux Dames, mais je n'étais pas content. Le flop est venu hauteur As tout à cœur. J'ai la Dame de cœur, je paie une fois et je perds au showdown. Je ne m'attendais pas à voir ça ici." Peut-être pas si chiant que ça les tournois finalement. - Flegmatic
KING5 : mieux vaut tard que jamais
Trois dedans, un dehors au sein de
Winteractivity, l'équipe KING5 ayant battu le record d'attente pour profiter de son Main Event en freeroll - leur victoire sur notre championnat par équipe remonte à 2020, en plein Covid. On vous a déjà causé d'
Alrick (en rouge), qui a vécu aux premières loges la traditionnelle arrivée
tardive et triomphalement grotesque de
Phil Hellmuth, avant d'être logiquement déplacé en table TV. Les feux des projecteurs : c'est ce qu'Alrick retiendra de son premier Main Event. Car côté poker, son tournoi n'a jamais véritablement décollé. "
Je me suis battu longtemps avec mes 15 blindes, j'ai tout fait pour garder le contrôle. Mais c'était cool. C'est le mot. La famille, les amis qui regardent, ma copine et mon fils. C'est pas tous les jours que tu joues au poker pour 20 000 spectateurs." Sur la dernière main, Alrick se fait proprement hero call par un adversaire qui n'a pas eu peur. "
J'ai 17 BB, je relance As-10 off en début de parole, payé une fois. Flop Q-J-2 avec deux trèfles, j'ai l'As de trèfle. Je 3-barrel, le turn tombe 6, la rivière un autre 6 qui fait rentrer les trèfles. Il m'a payé avec Roi-Valet !"
Avec 140 000,
Loïc (t-shirt blanc) mène le clan Winteractivity vers le Day 2. "
J'avais deux jeunes agros à ma gauche, on a commencé par se taper dedans... Puis après, on s'est calmés, et on s'est occupés des amateurs américains qu'il y avait dans le virage en face." Fut un temps où Loïc se battait pour exister sur le circuit pro (avec à la clé une 35e place à l'EPT Deauville en 2013). C'est en amateur qu'il dispute aujourd'hui son premier Main Event WSOP. "Je travaille dans la maçonnerie. J'ai une fille de 2 ans, et entre la vie de famille et la situation fiscale en France, j'ai préféré en rester là."
Pour
Florent (à gauche), la discussion à chaud post Day 1D était déjà le moment pour une sérieuse remise en question. "
C'était très dur ! J'ai super mal joué. Sur dix heures de jeu, j'ai dû jouer correctement trois heures, pas plus... J'ai du gaspiller au moins 20K.
C'est bizarre, j'ai bien commencé, et puis j'ai commencé à avoir peur. Je n'arrivais pas à jouer les coups comme il fallait. J'ai fait des calls pourris... Avec en plus la fatigue, on est là que depuis deux jours." On fait du mieux qu'on peut pour le rassurer : avec un stack de 73 400 (c'est plus que le tapis de départ), il pourra reprendre à zéro son tournoi samedi, après une journée entière de pause, muni de presque 100 blindes.
Alrick n'est pas le seul Winteractivty ayant eu le plaisir (sic) d'affronter un champion du monde. Thibaud : "
Tout a très bien commencé, la table était nickel, je gagnais tous les coups. Puis j'ai été déplacé à la table de Chris Moneymaker..." C'est contre lui que Thibaud a joué son plus gros coup de la journée. "
J'ouvre au bouton pour 1 000, call de la SB, il 3-bet à 5 000. J'ai paire de 10, je paie. Flop 4-4-5, il c-bet 5 000, je paie. Turn un autre 5, il envoie 13 000, bizarre, je paie. Rivière : un Valet. Il me met 20K.... Je réfléchis, je réfléchis, je le vois quand même bien sur un bluff. Je paie. Il me montre As-Valet." C'était bel et bien un bluff... jusqu'à la rivière. -
Benjo
Brèves de fin de Day 1D
Les Mizrachi sont au rendez-vous. Robert a déjà passé les 100 000, tandis que le petit frère Michael est arrivé en fin de soirée, le temps de grinder un petit 85 000
Tout en solidité, le colosse grec Alexandros Kolonias monte un petit stack à six chiffres dès le premier jour, avec 106 000 jetons
On ne sait pas si Nathalie Hof est encore de ce tournoi, mais son mari, Felipe Ramos, lui pourra sereinement préparer le repas, éliminé précocement de ce Main Event
On retiendra son entrée théâtrale dans la cage gardée par Phil Hellmuth. On retiendra moins sa sortie, puisque Le tigre Dan Jungle Man Cates a été dompté après deux heures de jeu
Runner-up il y a deux ans, George Holmes est sorti d’Atlanta pour son tournoi annuel. Parvenant au Day 5 une fois sur deux, il débute cette nouvelle édition avec un gros Day 1, terminé à plus de 160 000 jetons
Vendredi 7 juillet : demandez le Day 2 !
Ça y est, après quatre journées de départ, nous voici enfin au Day 2. Le premier d'entre eux démarrera avec
3 865 joueurs (dont
157 Français), en plus de tous les retardataires qui s'inviteront à la fête. Mais ne nous y trompons pas : sur le Main Event, celui-ci ne constitue qu'un prolongement du Day 1, avec un écrémage légèrement plus prononcé. Les places payées seront encore loin, les gros tapis auront largement le temps de s'écrouler, les short stacks pourront tranquillement se refaire la cerise, et beaucoup d'inconnus se révèleront à nous pour la toute première fois. Mais personne n'est pressé ici de toute façon, si ?
À noter que cette journée du 07/07 sonnera également le coup d'envoi du... Lucky 777 $ ! Un premier lot de consolation pour tous les déçus du Big One, à moins qu'ils ne préfèrent passer à quatre cartes sur le 1 500 $ PLO Bounty. On ne vous cache pas que nous ne comptons pas beaucoup nous y intéresser. Mais comment rivaliser avec le nouveau plus gros Main Event de tous les temps ?
Benjo, Fausto & Flegmatic