Winamax

Shishi, avalanche d'émotions et légion de nuits blanches

- 14 juillet 2023 - Par Fausto

Il s’est mangé une horreur sur un pot à monstrueux à 78 left du plus beau tournoi du monde. Pour son premier Main Event, Shishi a vu son parcours féérique s’arrêter brutalement, sur une river qui restera peut-être à jamais son plus gros bad beat. « J’ai le droit de whine pour toujours », réagissait l'animateur du CP Radio, à chaud. Une petite balade le temps de “tuer le tilt”, puis Mikael revenait nous voir à la table des journalistes. Non pas pour "whine", mais pour partager son ressenti sur sa semaine irréelle, qui a fait vibrer le joueur, ses amis, ses followers et toute la communauté du poker français.

Shishi

« Ça m’a détruit, pose le joueur au moment de revenir sur le fameux bad-beat. D’abord, j’ai pleuré. Puis on a marché sur le Strip avec Timothé (son collègue vidéaste). J’avais envie de manger un truc gras et dégueulasse, confesse franchement le joueur, qui semble avoir digéré le busto en même temps que la malbouffe. On s’est baladé et j’avais l’impression de découvrir la ville. Avec ce deep run, je n’ai eu le temps de rien faire d’autres ».

Pendant le séjour, on n’a vu beaucoup de grinders nous dire qu’il passait plus de temps au bord de la piscine qu’aux tables de poker. Shishi, lui, n’a connu de Vegas que le bruit des jetons, les niveaux de deux heures et l’atmosphère unique du Main Event. « C’est vraiment un tournoi qui a une âme. Beaucoup de grinders m’en avaient parlé. Avec tous les CP Radios, il y avait beaucoup de choses que j’avais anticipé au sujet de ce tournoi. Le fait de ne pas se projeter, le côté survie, marathon, l’importance de prendre son temps… C’est comme si j’en avais fait l’expérience par procuration » déclare l'animateur, reprenant la formule que Benjo lui avait trouvée lors de son débrief de fin de Day 5.

Shishi avait visualisé le tournoi, mais il l’avait surtout très bien préparé. Depuis le début de l’année, le joueur de cash-game a entamé sa reconversion vers les MTT. Évidemment, c’est plus facile quand certains de vos amis figurent parmi les meilleurs joueurs du monde dans ce format. « J’ai vraiment bossé avec Sylvain (Loosli) et Flavien (Guénan). C’était aussi un prétexte pour créer du contenu sur la chaîne, mais grâce à ça, j’ai énormément progressé. Je me sentais à l’aise à table et j’ai vraiment pu mettre en pratique les choses que j’avais apprises ». Shishi a joué des lines subtils, remporté des pots énormes, tenu tête à Jason Koon… Cette performance n’aurait pas existé sans ces six mois de boulot.

Shishi

Le destin s’en est aussi mêlé. Comme lorsqu’en début de Day 2, Shishi créait un pot à 3 averages avec deux Rois contre deux As et frappait le Roi au flop. Deux jours plus tard, il vivait à son tour le cauchemar du poker en se faisant craquer deux As par deux Rois. Au Day 5, il prenait encore deux Rois contre deux Dames pour tomber à deux blindes… Le reste appartient à l’histoire.

Une histoire qui a fait vibrer le poker français, depuis les bords du rail de l’Event Center jusqu’en France. Dans les studios du Club Poker Radio, sur les écrans des abonnés Kill Tilt et dans des chambres de Paris ou du 95, combien de nuits blanches a causé Shishi ? Des dizaines, des centaines d’amis, followers, ou simple amateur de poker étaient derrière les coverages, Instagram, streaming pour pouvoir trouver la moindre information sur celui que les chipcounts appellent Mikael Berrio. 

« J’avais aussi tous mes potes hors poker. Ils ne comprennent rien au jeu mais ils ne dormaient pas non plus. Ils m’envoyaient des messages par rapport au coup, au coverage, pour savoir “qu’est-ce que ça veut dire ce truc” » rapporte Shishi, qui a également provoqué des émules dans la maison mère du Club Poker.

L’animateur de la meilleure émission de radio pokeristique inspirait à chaque nouvelle journée un billet d’humeur de son collègue et ami SuperCaddy. Des articles aussi mémorables que le parcours du joueur français, témoignant de la résonance de sa performance à travers notre communauté. C'est que Shishi est un fédérateur, un homme apprécié de tous les gens du métier, tous les passionnés des cartes, qu'on l'ait vu sur ses vidéos, entendu à la radio ou rencontré en chair et en os.

Shishi

Cette épopée restera gravée dans sa mémoire… Mais aussi sur Youtube puisque chaque chapitre de son aventure a été capté par la caméra de Timothé. À la manière d’une série mythique de Winamax, le vidéaste a suivi Shishi et ses collègues de Kill Tilt tout le long de ce Main Event. « Le Vlog va être énorme » s’enthousiasme le protagoniste, qui n’aurait jamais imaginé proposer autant de matière.

Le dérushage risque de prendre quelque temps mais on a déjà hâte de voir le futur « Dans la tête d’un Shishi ». Et de revoir le nouveau crack du MTT sur d’autres grandes étapes. N’oublions pas que ce n’était qu’une première.

Oléon : « On va revenir les valises pleines d'argent et de souvenirs »

- 5 juillet 2023 - Par Fausto

Pour son 59e annviersaire, Jérémy et Julien offraient à leur maman ce dont elle rêvait depuis longtemps : un voyage à Las Vegas. Cette famille de passionnés vivait ainsi leur première fois dans la capitale du jeu. Elle se ponctue par le one-time de Jérémy Oléon, 3e du Mini Main Event, pour 255 215 $. Une perf' stratosphérique, inattendue, sous les yeux de sa famille. Quelques minutes après son élimination, l’amateur auvergnat se livre à nos micros pour commenter son exploit.

Oleon

Jérémy, tu viens de finir 3e du Mini Main Event pour 255 215 $. Comment tu te sens ?

Le premier truc qui m’est passé par la tête, c’est un brin de déception. Quand on arrive là, on veut toujours viser plus haut et aller chercher le bracelet. Mais quand je prends un peu de recul, c’est juste incroyable. Je joue trois tournois dans l’année. Soit à Royat à coté de chez moi, ou sur un week-end à La Grande Motte une fois par an… Et je suis là, aux WSOP avec les plus grands. Finir 3e sur plus de 5 000 joueurs, je n'arrive toujours pas à réaliser, c’est juste incroyable. 

J’ai l’impression que tu prends déjà beaucoup de recul, alors qu’il y a cinq minutes, tu jouais une partie à un demi-million de dollars, où le chiplead valsait toutes les cinq minutes. Comment as-tu vécu tous ces swings ? 

C’était fort en émotions, mais j’ai réussi à rester dans ma bulle. Je suis resté concentré au maximum, j’essayais de faire abstraction de tout ce qu’il se passait à l’extérieur, de jouer mon jeu et de profiter surtout ! C’est le truc qui arrive une fois dans sa vie. Enfin, si ça arrive. Hier déjà, je n'avais même pas regardé les paliers d’après. Je ne voulais pas trop me projeter. Juste vivre le moment présent, jouer, profiter et aller le plus loin possible.

"Mon rêve, c'était d'avoir un ITM"

Justement sur les jours précédents, comment ça s’est passé ?

Les jours d’avant, j’avais fait le Colossus. J’ai joué 2h sur le 1A, deux heures sur le 1B et troisième bullet sur le 1C, j’ai joué une heure je pense. Vraiment, je ne m'étais même pas amusé. Le Mini Main, ça a bien commencé, j’ai joué un jeu peu low-variance et j’ai monté les jetons tranquillement. Je me suis retrouvé avec quatre startings stacks après deux heures. Après j’ai stagné, et j’ai quasi plus joué pendant quatre heures jusqu’à la bulle. Je me retrouve à 90 000, soit quatre blindes, mais mon objectif, c’était de faire l’argent. Je rêvais d’être ITM, d’avoir ma petite ligne WSOP Las Vegas… Je jouais pour ça ! J’aurais pu avoir n’importe quelles cartes à la bulle, je les aurais jeté. Même les As, j’aurais jeté, je voulais le min-cash.

Jérémy Oléon

Au Day 3, tu t’es retrouvé avec un gros avantage après le coup A-Q contre A-J, puis derrière, la finale a encore basculé.

Je fais un call un peu limite. Je le vois vraiment sur un tirage manqué. Ce qui me fait payer, c’est que je regarde ces jetons et je me dis si le call passe, il va lui rester 20 millions, l’autre 10 millions, j’en aurais eu 280. C’était le call de la gagne en fait. C’est ce qui me fait payer.

"C'est ma mère qui nous a appris le poker"

Jérémy Oléon

On avait rencontré ta maman Patricia lors du SISMIX. C’est elle qui vous a initié au poker ? C’est quoi vos habitudes de jeu dans la famille ?

On joue depuis longtemps avec ma mère et mon frère. C’est ma mère qui avait commencé à jouer à Royat, elle faisait des initiations au poker. Elle nous a appris, puis on s’est pris au jeu. On est des joueurs dans l’âme. J’adore jouer, pas seulement aux jeux d’argent. Mais ça reste un loisir, je joue quand j’ai le temps.

Patricia nous a dit que tout est parti d’un cadeau d’anniversaire : un voyage à Las Vegas que ton frère Julien et toi lui avez offert. Comment ça vous est venu ?

On savait qu’elle voulait aller à Vegas, mais elle ne parle pas un mot d’anglais donc Vegas toute seule, c’était compliqué. Elle avait failli partir toute seule quand même en décembre dernier. Elle était motivée. Avec mon frère, on s’est dit que ça ferait un beau cadeau. Pas de 60 ans, puisqu’elle n’aime pas fêter les dizaines, mais pour les 59 ans, c’est bien. Et nous aussi on adore le poker, donc on était content d’être là aussi. C’est quelque chose qu’on fait une fois dans sa vie.

Altéras

C’était une très belle idée de cadeau et je crois que le destin vous récompense aujourd’hui…

Oui, je n'en reviens toujours pas. On va revenir les valises pleines d’argent et de souvenirs. 

Est-ce que ça va te donner envie de revenir, de faire d’autres tournois, de jouer plus cher ?

Ce n'est pas ça qui me fera jouer plus cher. Ça va peut-être me donner envie de jouer plus, mais pour ça, il faut du temps. J’ai ma famille, j’ai mon boulot, j’ai des amis… Je n'ai pas envie de passer ma vie à travers les villes pour faire plein de tournois. Faire ce que je fais aujourd’hui, ça me va très bien. C’est plus qu’un kiff, mais c’est un moment, on va dire.

Jérémy Oléon

Juste après ta sortie, je t’ai vu d’ailleurs prendre le téléphone.

C’est ma femme et mes deux enfants. Déjà hier, avec le décalage, quand elle est allée se coucher, il restait quelques chose comme 350 joueurs. Quand je l’ai réveillée, on était plus que 5 et j’avais mis les jetons dans le sac, avec 147 000 assurés. Elle ouvrait les yeux et elle se disait “Quoi ? Qu’est-ce qu’il se passe ?”. Là, troisième, elle est super contente. Bien sûr, dommage de pas aller au bout. D’ailleurs, c’est celui qui était short qui se retrouve super chipleader. Il a enchainé les double-up, il y a ce coup où on partage… Mais bon, j’en ai touché aussi des comme ça pour être là aussi. C’est le poker.

Et du coup, on file buy-in le Main Event ?

Ah, non. On part vendredi de toute façon. Et puis on a nos femmes et nos enfants qui nous attendent. On va peut être faire le 800 $ du Venetian, mais on va surtout profiter de Vegas en famille.

Propos recueillis par Fausto Munz

Ian Matakis : 'Je n’avais pas prévu de jouer le POY : c’est arrivé en chemin'

- 2 juillet 2023 - Par Fausto

Il est l’une des sensations de ces WSOP et l’invité surprise dans la course au "Player of the Year“. Reg lambda il y a encore quelques semaines, Ian enchaine les performances remarquables et les deep runs depuis le début du festival. Surfant sur un run indécent, cet Américain d'origine grecque a enchainé une victoire sur le premier 500 $ un Online, par une finale sur le 600$, le 1 500$ 6-max et ce vendredi sur le 5 000 6-max. Ajoutez quatre Top 20, dont un sur le Millionaire-Maker devant plus de 10 000 joueurs et vous avez le favori pour le POY, à l’approche de la dernière ligne droite… Qui commence avec un nouveau Day 3, puisque le lendemain de sa dernière table finale, Ian Matakis se retrouve à 11 left du plus gros buy-in de sa vie, le 50 000 $ PLO et de 2 303 017 $

Matakis

Bonjour Ian. Tu es l’un des phénomène de cette édition WSOP et l’actuel leader du classement POY. Pour autant, le public français te connait très peu, pourrais-tu nous raconter ton back ground poker ?

Je joue de manière professionnelle depuis un peu plus de quatre ans, mais j’ai commencé à jouer très jeune. C’est ma grande sœur qui m’a appris les règles. On jouait dans la famille à des jeux pour quelques centimes. J’ai toujours eu un intérêt pour le jeu. J’ai commencé à grinder online quand j’étais à l’université et le chemin est parti de là. Maintenant, je joue aussi en Live. Tous les buy-in compris entre 500$ et 25 000$ m’intéressent.

Avais-tu prévu de concourir pour le “Player of the Year” cette année ?

Non. C’est arrivé en route, bien sûr. J’étais venu tout de même avec l’intention de jouer une grosse partie du programme. Mais maintenant, je joue plus et plus cher que ce que j’avais prévu. Je ne prends pas de Day-off, le POY est devenu un véritable objectif.

Comment juges-tu ta première partie des Series ?

(Il s’arrête et rit un instant) C’était bien. Il y a eu quelques moments cruciaux où je n’étais pas loin de faire encore mieux. Mais je ne vais pas me plaindre. Il y a plein de gens ici qui n’arrêtent pas de perdre, de run bad. De mon côté, ça a été un très bon été depuis le début et j’espère que ça va continuer.

On a l’impression que tu deep run tous les tournois auxquels tu t’inscris…

Oui, c’est assez incroyable. Hier encore, j’ai fini 7e du 6-max 5 000$. Ce matin, j’entre au Day 2 du 50 000 $ PLO avec seulement vingt blindes. Et me voilà à 11 left, avec un bag pour le Day 3. Je pense que je joue très bien, mais il n’y a aucun doute sur le fait que je run très bien depuis le début. Aucun.

Matakis

Un trio de prétendants se dessine, avec Shaun Deeb et Mickael Rodrigues. Ce sont des joueurs que tu connais ?

J’ai rencontré Deeb la nuit dernière. On a discuté un petit peu de tout ça, et à vrai dire, c’est lui qui m’a convaincu de m’inscrire sur ce tournoi qui est assez cher. Il est la raison pour laquelle j’ai joué ce PLO. Mickael, je l’ai rencontré aussi aujourd’hui. Ça a l’air d’être un mec bien et on s’est dit qu’on allait échanger sur nos connaissances poker. Il pourrait m’aider en mixed et moi en No-Limit.

As-tu la sensation de vivre un tournant dans ta carrière ?

Définitivement. Et ça me donne envie de m’entrainer davantage sur les différents jeux. Sur les prochains WSOP, j’aimerais jouer plus de variantes. Ces différents runs m’ont donné plus d’expérience et de confiance.

Merci Ian, et bonne chance pour le Day 3.

ITW : Ribouchon, grinder affuté, branleur assumé

- 29 juin 2023 - Par Fausto

Event #53 : 1 500 $ Millionaire-Maker

Il a pris deux bonnes heures pour digérer sa défaite en heads-up. Difficile cependant d’user le mot “défaite” quand on vient de remporter un million de dollars. Le bracelet lui a échappé de peu, mais dans le poker français, cette perf résonne comme une victoire. Elle constitue d’ailleurs le septième plus gros score réalisé par un joueur tricolore dans toute l’histoire des WSOP.

Cet exploit émane d’un homme bien connu du circuit, un visage que l'on voit, ou plutôt une voix que l'on entend depuis plus de douze ans. Florian Ribouchon n’est en effet pas connu pour avoir la langue dans sa poche. Quand il s’agit de balancer les vannes ou les chants avinés depuis le rail, il fait même partie des tous meilleurs. L’exercice de l’interview l’excite un peu moins. Avant de rejoindre justement le rail de Julien Sitbon, qui enchaine sur une nouvelle finale, quelques minutes après la sienne, Ribouchon a tout de même pris le temps de se livrer à nos micros. Il revient sur cette perf à sept chiffres, après douze ans de circuit, de hauts, de bas, de redressement et de plafonnements. Un score qui ne changera pourtant rien à ses habitudes, sa nature et à son côté “bralnleur” parfaitement assumé, loin du discours et des ambitions de high-stakers.

Ribouchon

Florian, comment te sens-tu après cette journée de poker ?

Un peu déçu, forcément. Ce n'est pas souvent qu’on est en heads-up d’un bracelet. Mais bon, il avait beaucoup d’avance. Et comme me disait Tonin (Teisseire) s’il y a un tournoi où c’est cool de faire deuxième, c’est celui-là. Il y avait tellement d’écart entre la troisième place et la deuxième place (350 000 $, contre “seulement” 200 000$ entre le 2e et le premier). J’avais l’objectif bracelet. Je savais que ça n’arriverait que dans quelques scénarios parmi tous les scénarios possibles. Finalement, je finis deuxième et je prends un million, il y a pire comme vie.

Tu me disais hier que tu étais sortie de précédentes finales avec des regrets. Qu’as-tu pensé de ta prestation aujourd’hui ?

Il y a cette dernière main ou je ne sais pas trop. Mais il était fort et il avait je ne sais pas combien d’avance. Ca ne doit pas valoir grand-chose. Sinon tout le reste, c’était bien. Je me sentais bien. Je n’étais pas stressé, car du moment où j’étais en accord avec moi-même, c’était bon. Les paliers à 350 000 $ ? C’était marrant. Pour moi, ce n'étaient pas des sous, c'étaient des numéros, des points. Je jouais pour des points.

Durant toute cette finale, tu avais des dizaines de potes derrière toi, littéralement. Ils étaient dans ton dos, à chanter, à t’encourager. Qui étaient ces gens et qu’est-ce que ça t’a apporté ?

C'est des gratteurs. Ils étaient juste là pour me gratter des sous. Non, pour la plupart c’est des très bons amis, il y a aussi des potes et même des gens que je connais “vite fait”. Ça fait kiffer, Tu as 60 personnes qui sont là pour toi, et tu sens qu’ils sont sincèrement heureux. Je montais sur l'estrade pour être avec eux pendant les all-in. Ma place, elle est là-bas avec eux. Normalement, c’est moi qui fais ce bruit.

Ribouchon

Ribouchon et son rail appelant la river

Ribouchon

Ribouchon et son rail après la river

Paul Guichard ne t’a pas lâché d’une semelle. On t’a vu aussi beaucoup parler à Alex Réard pendant les pauses. C'est important, ce soutien ?

J’aime bien tailler les gens mais parfois, il faut savoir faire l’inverse. Envers Alex (Réard), je suis très reconnaissant. Ce n’est pas quelqu’un que je vois tous les jours, mais ça fait dix ans qu’il est dans mon entourage poker. À chaque fois, il a des petits mots, il est là pour te donner des conseils, comme aujourd’hui. C’est difficile d’estimer la value de ces choses-là, mais ça compte énormément. Et puis, la partie s’est finie tôt, mais il était prêt à ne pas jouer le 5k 6-max pour m’encourager jusqu’au bout. Ça aussi, ce sont des signes qui ne trompent pas.

« On va pouvoir mettre du beurre dans les pâtes. Et même du jambon, de la sauce, du parmesan ! »

Avant de revenir sur cette perf’, tu peux nous retracer un peu ton parcours de grinder et sur tes débuts dans le poker ?

D’abord, j’ai joué au foot à un niveau correct. Ensuite, j’ai arrêté, je me suis mis aux jeux vidéo et dans le groupe avec qui j’étais il y en a qui jouaient au poker. Ce sont eux qu’ils m’ont mis dedans. Ils ne sont pas là aujourd’hui, mais je leur suis reconnaissant. Le mec en question saura se reconnaitre. D’ailleurs, on peut dire le prénom, merci Jerem’. J’ai arrêté l’école et j'ai fait une année d’interim. Puis je me suis fait insulter par un patron et je me suis dit “vas-y, plus jamais, je veux plus ça” ». Je me suis mis vraiment dans le poker à partir de 2008, 2009, c’est là que je suis passé pro.

Durant tes douze ans de carrière, tu as fait quelques coups d’éclat, sur des IPO, des WSOP-C Cannes, des WPT Deepstack à Paris… Mais ça faisait quelques années qu’on te voyait moins…

En fait, je me suis fait redresser en France il y a deux ans et demi. Ça m’a mis un petit coup. Donc après ça, je n'étais pas très frais. Là, on va pouvoir mettre du beurre dans les pâtes. Et même du jambon, de la sauce, du parmesan ! Nan, je n'étais pas très frais, mais ça va mieux maintenant. Depuis hier ça allait mieux déjà.

Ribouchon

Je ne sais pas si tu te souviens, mais l’année dernière en sortant du Main Event tu me disais…

Je sais très bien ce que tu vas me dire. J’étais sorti du Main Event et je t’avais dit “ça casse les couilles de pas être millionnaire”. Je m’en souviens très bien et j’y pensais même tout à l’heure. Pour autant, j’ai gagné 1 million, mais je suis encore loin d’être millionnaire. Enfin, je suis millionnaire jusqu’à ce que je paye les autres. Ceux qui m’ont acheté de l’action.

On peut dire que je suis millionnaire de cœur. Qu’est-ce que ça fait ? Comme dit Zidane, c’est bieng. Non, ça fait plaisir. Même pour les gens qui ont mis des sous sur moi depuis des années, c’est cool de pouvoir leur redonner. Parce qu’en fait, je ne serais pas venu sinon.

« Les blaireaux qui font des 100K en mangeant des graines, ce n’est pas moi »

Ça va changer quoi ce score ?

Pas grand-chose. J’ai monté plusieurs fois pas mal, j’ai re-dégueulé plusieurs fois pas mal. Je pense que là, j’ai compris, je n'ai plus envie de refaire de la merde. Je vais essayer de faire bien.

C’était quoi, du spew, de la mauvaise gestion de BRM…

Tout. On vit bien ici.

Est-ce que ce genre d’accomplissement faisait partie de tes objectifs ?

Faire une “TF” WSOP, oui. Gagner 1 million, non. Ca n’arrive jamais ça normalement. Je ne joue ni de 25k, ni même des 10 ou des 5k. Je n’ai pas vraiment d’objectifs à accomplir particulièrement.

Florian Ribouchon

Tu renvoies un peu cette image de joueur kiffeur, un peu en dilettante, ce qui est assez paradoxal dans un monde qui requiert énormément de travail, de discipline, que tu fournis surement par ailleurs ?

Pas trop non. Je suis un branleur moi. J’ai quand même un peu d’autres revenus à côté, ce qui me rend branleur. Si je ne les avais pas, peut-être que je me serais plus bougé le cul. Si je veux continuer à jouer et que le poker soit mon activité principale, il faut que je redevienne bon. Parce que je sais que depuis les dernières années, j’ai pris du retard c’est sûr. Il y a plein de mecs qui sont meilleurs que moi. Même les solvers. J’en fais un peu, mais quand j’en fais une heure, les autres ils en font vingt.

Est-ce que tu as envie de rattraper ce retard ?

Je pense qu’il faut trouver le juste milieu. Les blaireaux qui font les 100k là, en mangeant des graines, je ne ferai pas ça, c’est pas moi. Me remettre à niveau, ça oui. Je ne vais pas me mettre à jouer les tournois où je ne serai pas bon. Soit tu progresses en travaillant, soit tu restes à ta place à jouer les tournois moyens. Moi ma place, c’est de jouer les 1 000, 1 500, peut-être les 2 000, je ne suis pas perdu encore. Il y en a souvent qui pète les plombs après avoir fait un gros score, ils pensent être les meilleurs du monde. Je suis aussi fort qu’il y a cinq jours, je suis juste un peu plus frais, j’ai chatté un tournoi de 10 400 joueurs. Il faut savoir rester à sa place.

Propos recueillis par Fausto Munz

WSOP : le gros reportage Winamax

Brian Rast : « Sur le PPC , il n’y a aucun endroit où se cacher »

- 23 juin 2023 - Par Fausto

C’est un Brian Rast bien enthousiaste qui apparait sur l’estrade télévisée. Après avoir remporté un sixième bracelet WSOP, son troisième sur le Poker Players Championship, le plus prestigieux tournoi du monde, pour un peu plus de 1,3 million de dollars, Brian a effectivement des raisons d’être heureux. Mais sur la scène High Roller, rares sont les joueurs aussi démonstratifs. Quelques minutes après sa victoire, le champion revient sur ce tournoi unique qu’est le PPC, le triplé qu’il vient d’accomplir, et sur cette émotion, qu’il savoure pleinement.

Event #43 : 50 000 $ Poker Players Championship (Fin)

Rast

Brian, on te voit aujourd’hui très expressif, très heureux, très ému, presque plus que lors des autres titres…

Ce troisième titre, il signifie beaucoup. Jusqu'en 2018, je jouais tout, tout le temps. J’allais régulièrement dans la Bobby’s room. Maintenant, je joue les WSOP tous les jours, je ne fais plus de cash game. J’ai peut-être une perspective différente, parce que je vois ma carrière de joueur de manière différente. Depuis l’année dernière, mon focus est sur les tournois. Et voir que cela paie, c’est très gratifiant. 

Tous les titres sont satisfaisants, mais peut-être qu’en vieillissant, on apprend à savourer davantage quand les choses se passent bien. Aujourd’hui, ça s’est bien passé, mais ce n’est pas comme ça tous les jours. Les quinze derniers tournois que j’ai joués, j’ai du faire deux ITM. Le poker peut être dur dans ces moments-là. C’est beaucoup d’échecs pour des succès modérés. Et très rarement, il y a des grands succès. Je suis arrivé à un point dans ma vie où quand ça marche, il faut que j’en profite à fond.

Comment décrirais-tu cette émotion que tu exprimais au moment de remporter la main finale ?

C’est un mélange : du bonheur, du soulagement, de la fierté… Aussi, je pense à ma femme. Elle est au Brésil actuellement, mais la connexion que j’ai eu avec elle durant ce tournoi était très forte. Je lui envoyais un message à chaque break, je sentais cette confiance qu’elle avait en moi. 

Déjà, lors du Super High Roller Bowl (qu’il a gagné pour 7 525 000), ma femme avait été primordiale . Elle était venu au Day 1, ce qui n’arrive jamais et m’avalait fait écouter ce chant appelé “Sara e Kali”, une sainte portugaise. C’est un Mantra de trois minutes que j’écoutais à chaque pause. Normalement, je ne fais jamais ça. C’est étrange mais les moments où j’ai eu le plus de succès dans ma vie sont ceux où j’ai été le plus connecté avec ma femme. Cela procure énormément d’émotions.

Tu viens d'être nommé pour entrer au Poker Hall of Fame. Tu n’as jamais caché que c’était un de tes objectifs ultimes. Est-ce que tu penses y avoir ta place ? 

Entrer dans le Poker Hall of Fame me motive, et c’est aussi pour ça que je joue autant de tournois WSOP. J’ai joué les plus grosses parties de Cash Game, au Bellagio ou sur Full Tilt, j’ai joué les plus grands tournois du monde. Peut-être que je ne le fais plus aussi assidument aujourd’hui, mais j’ai eu ma période où je faisais ça. Et je gagnais. Pas autant que les Phil Galfond, Tom Dwan, mais je gagnais. Je pense juste que ce que j’ai fait parle de lui-même. Aujourd’hui, je continue de venir aux tables de poker et de faire ce que j’ai à faire du mieux possible. On verra ce que les gens du Hall of Fame pensent.

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Tu as joué pendant cinq jours contre les meilleurs joueurs du monde. Quelle était ta stratégie pour faire la différence face à ce field ?

Vous savez, contre les meilleurs du monde, il n’y a pas vraiment de stratégie d’exploitation que vous pouvez vraiment faire. Quand vous jouez des adversaires qui font plus d’erreurs, oui, mais au plus haut niveau, ce n’est pas comme ça que l’on peut faire la différence. Ils jouent un poker trop solide pour ça. Ce que j’essayais de faire, c’est de me concentrer au maximum, de regarder toutes les mains, même quand je ne suis pas impliqué et prendre le maximum de reads que je pouvais. Je me suis senti confiant dans la plupart de mes reads aujourd’hui, même contre les meilleurs du monde, et je pense que cela a joué.

Tu as gagné six bracelets, dont trois PPC, tu as joué les plus grosses parties, tu vas peut-êtree intégrer le Hall of Fame… Qu’est-ce qui vient après ça ?

Je vais jouer au poker pendant le reste de ma vie. J’adore ce jeu. Il y a quelques années je me disais que j’allais peut être devenir trader… Mais ce style de vie ne m’attirait pas. Je ne jouerai pas un poker aussi hardcore qu’il y a quelques années, quand j’étais un monstre, mais je jouerai toujours. Je ne veux pas d’un job où je dois être à fond tout le temps. Le poker a ça d’unique. : si tu t’en vas pendant deux semaines sans jouer, ce n’est pas grave. Tu es off puis tu es on et c’est ce que j’aime.

C’est pour ça que je ne veux pas gérer une entreprise où gérer quelque chose au quotidien. J’ai peut-être la chance d’être assez bon au poker pour pouvoir gagner ma vie avec ça, d’investir cet argent et j’espère que cela va continuer. Donc je vais continuer à jouer. Et les WSOP sont devenus mon moment préféré. Parce que je joue tous les jeux. 

C’est vrai que le poker, et je dirais malheureusement pour moi, a commencé à être “solvé”. Je dis ça parce qu’avant, j’étais relativement meilleur avant que les gens n’aient des réponses des solvers. J’ai continué de travailler, mais je n’aurais plus jamais cet avantage que j’avais il y a huit ou neuf ans. Pour autant, j’adore les World Series. Des tournois comme le "PPC" ou le Dealers Choice sont mes plus belles opportunités, parce qu’il n’y a aucun endroit où se cacher. Je pense que je peux jouer n’importe quelle variante à un très haut niveau. Évidemment, certains sont meilleurs dans certains jeux. Mais avec l’expérience que j’ai, je pense avoir une compréhension globale du jeu et de toutes les variantes, notamment en Big Bet. Et on ne trouve ces tournois qu'ici, pendant les WSOP.