Level 3 : Blindes 300 / 400 BB ante 300
Main Event 10 000 $ (Day 1D)
1 168 jours d'attente qui en valaient la peine
24 avril 2020 : le gang Winteractivity remporte brillamment le KING5 après une victoire 3-2 contre la TEAM IGNITE.
Été 2020 : le gang Winteractivity ne part pas à Vegas pour jouer le Main Event des WSOP en freeroll... parce qu'il n'y pas de WSOP : il y a juste le Covid.
Automne 2021 : les WSOP sont de retour pour une édition spéciale "Le Covid c'est fini, ou presque, mettez un masque quand même" mais le gang Winteractivity ne part toujours pas à Vegas, car il est encore bien compliqué de voyager aux USA depuis l'Europe.
6 juillet 2023 : ENFIN ! Thibaud, Loïc, Florent, et Alrick (il manque Mathieu, qui n'a malheureusement pas pu venir) arrivent à Vegas depuis Bar-le-Duc. La bande de potes d'enfance prend place dans la salle de bal du Horseshoe. Le Main Event des WSOP va commencer. Leur Main Event. Il était temps.
Au sein de la bande, il y en a un en particulier pour qui les 1 168 jours d'attente n'auront pas été vains. Comme les trois autres, Alrick alias _el_padrinho dispute le plus beau tournoi du monde en freeroll. C'est le privilège de tous les gagnants du KING5. Sauf que son package à lui s'est vu agrémenter en fin de Level 2 d'un bonus de taille, à la fois innatendu, réjouissant et flippant. Sur le coup de 16 heures, Alrick a vu débarquer à sa table le joueur le plus titré de l'histoire des WSOP, et aussi l'un des plus excentriques. Celui qui met chaque année un point d'honneur à faire de son arrivée (tardive) sur le Main Event un évènement à part entière. Une parade costumée absurde et kitsch, qui provoque à chaque fois plus de rires que d'applaudissements, mais dont le ridicule est pleinement assumé par l'intéressé.
Je regarde de plus près la table d'Alrick. Puis je comprends. Il manque un joueur à table. Le siège 5 est inoccupé. Un coup d'œil à la montre. Il est presque l'heure de la grande Entrée Triomphalement Tardive et Ridicule de Phil Hellmuth ©.
Les autres joueurs comprennent à leur tour. Alrick me demande des infos sur le style de jeu d'Hellmuth. "Il est serré, non ?" Je lui réponds que je serais bien incapable de donner la moindre information sur un joueur qui, malgré ses 17 bracelets de Champion du Monde remportés depuis 1989, se fait encore régulièrement traiter de pigeon par la communauté high stakes et les pros online élevés au GTO. J'essaie tout de même. "Je ne sais pas comment il joue, personne ne sait. Il fait n'importe quoi, n'importe comment, c'est comme s'il n'y avait que lui-même qui sait ce qu'il fait. Il va miser des montants qui n'ont aucun sens, sélectionner des mains qui n'ont aucun sens. Il ne va jamais faire ce que tu attends qu'il fasse, et tu vas galérer pour deviner ce qu'il a." En disant tout cela, je me rends compte que je sonne comme tous ces mecs sur Twitter qui, lorsqu'ils reconnaissent le génie d'Hellmuth (on répète : 17 bracelets), le font à contrecœur, et s'efforcent de saupoudrer leur compliment d'une bonne pincée de dédain.
16 heures : le show doit commencer. Katy Perry se met à hurler dans les hauts parleurs. Le titre est Roar car, comme il l'avait annoncé la veille, Hellmuth débarque en tenue de Monsieur Loyal. Il n'est pas tout seul : à sa traîne le suit un Daniel "Jungleman" Cates costumé en lion et encagé. Et aussi : 17 mannequins, pour autant de victoires sur les WSOP. L'affaire dure des plombes, Hellmuth tenant à visiter les deux salles du Horseshoe avant de s'asseoir. Son passage provoque plus d'indifférence qu'autre chose. Les milliers d'amateurs du Day 1D n'ont pas besoin d'un spectacle supplémentaire : ils ne sont pas devant leur télé, aujourd'hui ce sont eux les héros de leur propre histoire. Mais les WSOP laissent faire. It's good for the game, disent-ils, et je crois qu'ils ont raison. Au micro, Jack Effel s'efforce d'ailleurs de teinter son discours enthousiaste d'une bonne dose d'ironie. "C'est le moment le plus attendu du tournoi, n'est-ce pas ?" Pendant dix minutes, nous sommes au cirque. Heureusement que le ridicule ne tue. Mais aussi : heureusement que le poker sait ne pas se prendre au sérieux une fois de temps en temps.
Finalement, Hellmuth arrive à la table d'Alrick, encore non télévisée car ce n'est qu'après la pause qu'ils rejoindront le podium. Hellmuth s'assoit. "On sera en table télé après la pause", dit-il à ses adversaires, ne s'imaginant pas un instant qu'ils sont au courant depuis une bonne demi-heure. Un attroupement se forme. Les appareils photos cliquètent. J'ausculte le costume d'Hellmuth. Qualité : pitoyable, du genre soldé à 5 $ sur Amazon. Les mannequins tentent de faire ce qu'on leur a demandé de faire : sourire le plus large possible, quitte à risquer la paralysie faciale.
Apercevant une connaissance au loin, Hellmuth lève la main pour l'appeler. Son costume est mal boutonné, exposant un torse blafard à toute l'assistance. Une pensée surgit : je suis payé pour regarder ça. Je suis payé pour documenter ça. Je sors mon téléphone pour capturer les tétons quinquagénaire et les transmettre à la communauté entière. Phil Hellmuth, pour qui aucune publicité n'est une mauvaise publicité, sera le premier à me retweeter.
NOT my best look, no shirt on!! https://t.co/ITICOuEgRZ
— phil_hellmuth (@phil_hellmuth) July 6, 2023