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Lhuillier, la perf à l’anglaise

- 15 juin 2023 - Par Fausto

Axel Hallay, Sarah Herzali, Alex Réard, Julien Sitbon, Samy Boujmala… Les cinq premiers finalistes français de ces WSOP étaient tous bien connus de nos services. Mais pendant que les deux derniers cités bataillaient sur le 3 000 $ 6-max, un autre bleu faisait des étincelles, sur l’ultime table du 1 500 $ Freezeout. Un grinder de l’ombre, anglophile, qui est allé cherché sur un field monstrueux le plus bel exploit de sa carrière, ni vu, ni connu… Enfin, jusqu’à aujourd’hui.

Event #28: Freezeout No-Limit Holdem 1 500 $ (Day 3 / Finale)

Lhuillier

Dans les tribunes du spot télévisé, on cherche le rail tricolore venu soutenir notre représentant bleu. Jean Lhuillier vient d’atteindre la finale du 1 500 $ Freezeout, un tournoi massif de 2 046 joueurs, promettant plus de 400 briques pour l’heureux vainqueur. Pourtant, pas de drapeau bleu affiché, ni de visages du poker français dans les gradins. Les supporters de Jean sont bien présents. En revanche, ils parlent tous anglais.

« C’est notre ami français, on est venu ensemble d’Angleterre » lance Charlie, dans un accent scouse bien prononcé. Le natif de Liverpool appelle les cartes comme un fou aux côtés de son pote James.

« Kiiiiiiiing ! Niiiiiiiine ! » scande les deux hommes, alors que Jean est à tapis avec K9 contre le 1010 de Benjamin Hector. Malheureusement, leurs prières ne seront pas exaucés. Un board QA362chhsd et le parcours de Jean s’arrête en 4e position. Sur un field de 2 046 joueurs, ça reste un beau run. Lhuillier vient de réaliser la perf de sa vie, pour 137 159 $ !

Gears of War, croupier et Good Morning England

Lorsque Jean vient auprès de ses deux acolytes britanniques, il s’exprime dans un anglais parfait, à croire que l’homme est né de l’autre côté de la Manche.

« J’habite en Angleterre depuis onze ans, explique le Normand. À l’époque, j’étais croupier. J’avais suivi une formation Cerus, j’ai fait un an à Perpignan, un an à Bordeaux, puis je suis parti en Angleterre, à Birmingham. C’est là que je me suis rendu compte qu’il y avait des joueurs qui gagnaient leur vie avec le poker. En France, j’étais plutôt à la roulette et au blackjack. Pour moi, le poker, c’était un truc de gambler. Mais, non, j’ai compris que c’était un jeu de skill ».

Lhuillier

Une découverte qui réveille le compétiteur sommeillant en Jean Lhuillier. « Depuis petit, je jouais beaucoup à des jeux en ligne. Je faisais des compétitions de Gears of War. J’ai toujours aimé les compétitions de jeux vidéo. Je me suis dit qu’il y avait un truc à faire avec le poker et je m'y suis mis à fond ».

Nous découvrons le grinder le jour de sa consécration, sur son “one time” en finale des World Series. Mais avant d’arriver sous les projecteurs de Vegas, la route fut longue.

« Ça fait environ dix ans que je joue. J’ai commencé avec des petits tournois, mais ça ne se passait pas super bien. J’avais environ 2 000 € de bankroll. Je me suis mis en cash game, en commençant avec la 2NL. J’ai commencé en mode gros nit de full ring, je regardais des vidéos, je jouais contre les gens et je m’adaptais. Aujourd’hui, je joue en 1k NL, le graphe ne s’est jamais arrêté de monter » raconte Jean.

Un profil “grinder online”, qui tente cette année ces premiers shots à Vegas. « Je suis venu trois fois ici. D’abord avec mon ex-girlfriend… Enfin, mon ex-copine, désolé, je suis complètement "anglifié". Et deux fois pour le poker, dont la première fois en janvier. Je suis venu pour le Cash game, ça se passait bien, puis j’ai joué des limites très hautes, qui m’ont couté très cher » confesse le Normand.

Pas de quoi abattre Lhuillier, qui retente l’aventure cinq mois plus tard, avec ses deux mêmes compagnons de voyage, pour un mois de cash game et de WSOP. « J’ai perdu 5k assez rapidement, puis en 5-10, ces quatre derniers jours, j’ai atomisé les tables, pose le joueur. J’ai pris 27 000 $ en quatre sessions ! Je sentais que le run good allait continuer, et puis là 137 000 $… Ça ne s’arrête pas ! ».

Mais alors, comment ce spécialiste de cash game est allé chercher une perf à six chiffres sur un énorme tournoi WSOP ?

« J’ai toujours été un mec slow »

Lhuillier

« D1, D2, D3… Physiquement, il faut être chaud pour enchainer les jours, commente Lhuillier, qui découvre les structures du Nevada. J’ai assez chatté tout le long mais puisque c’est une “Clock” très longue, chose dont je n’ai pas l’habitude, j’ai pris mon temps. J’essayais de read les fishs de la table. Je prenais des spots low-variance contre les bons joueurs et j’essayais de prendre les jetons des moins bons, qui overplay les spots ou overfold ».

Pas vraiment habitué à l’exercice du Live, le joueur dégage une étonnante sérénité, que ce soit au moment d’arriver en table finale comme en l’interview. « Certes, il y a un peu de pression quand tu arrives en finale de WSOP… Mais en vrai, j’étais confiant. Je me suis bien préparé ce matin, j’ai vu les Hendon de tous mes adversaires, il n'y avait personne d’impressionnant, j’étais confiant. Je ne sentais pas vraiment cette pression. En fait, je ne suis pas un mec qui stress beaucoup. Je suis plutôt calme. À table, je ne tilt jamais. J’ai toujours été un mec slow. Je suis en mode méditation un peu tout le temps ».

K-9, "bankroll boost" et quête de High-Stakes

D’un point de vue des cartes, Jean résume son tournoi à « une histoire de Roi-neuf ». « Sur les deux tables restantes, j’étais chipleader. Je gagnais tout, je raisais bien… Puis je perds deux coups contre Roi-Neuf avec des mains dominantes. Avec As-Roi, puis As six et je tombe sous les vingt blindes au moment de la finale. Et la main où je bust, c’est encore avec K-9. J’envoie tout avec 10BB CO, c’était peut-être une erreur mais Roi Neuf, c’est la main du tournoi qui m’a bien couté ».

Jean a tout de même trouvé un spot clef en début de finale, avec un coup qui vaut son pesant d’or. « C’est en tout début de TF. Le bouton jam avec 11 big blindes et j’ouvre A9 en SB. Il y’a beaucoup de snacks autour des quinze blindes, donc la pression ICM est énorme. Je tank toute ma vie, ils appellent le “Time” et je finis par payer. J’avais un read sur le mec. À un moment il me parle, et je vois sa lèvre trembler. Je me dis qu’il ne se sent pas bien, je paie, il a 66 Et le flop vient KK9. Si je perds ça, je suis éliminé et je prends 20k. La, je fais 4e et je prends 137 ! ».

Lhuillier

Un gain colossal pour ce joueur qui va changer son Vegas, et potentiellement toute sa carrière de joueur. « C’est un vrai “bankroll boost”. Maintenant, je peux faire le Main sans avoir à vendre, donc c’est parfait. Pour le Cash game, c’est un score qui va me permettre de jouer plus haut c’est sûr. Après, je joue sur GG Poker en 1K NL déjà. Je vais sûrement me faire un peu plus de Live » affirme le résident de Nottingham, qui malgré son ton calme et posé, ne cache pas ses ambitions.

« Je veux atteindre les plus hautes stakes de cash game. Je veux aller "challenge" les plus gros joueurs. J’ai toujours eu des histoires de BRM, mais maintenant que je suis bien à l’aise, je pense que je vais pouvoir faire les choses bien et atteindre les grosses limites. Même pour aller tâter les LinusLove et tout ça ». Avec ce score remarquable et ses ambitions affichées, c’est bien la dernière fois que ce grinder perf “à l’anglaise”. Jean Lhuillier vient de se faire un nom à Vegas, et ce n’est pas la dernière fois que l'on parlera de notre ami anglophile. GG Jean.