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Axel Hallay : « Je suis fait pour les High-Rollers »

- 15 juin 2023 - Par Rootsah

Hallay
Avec Grégoire Auzoux, il est l'autre joueur français à avoir investi la scène des tournois high-stakes du circuit live ces derniers mois. Et on peut dire que les débuts se passent bien pour Axel Hallay : après une première finale sur un event à 10 300 $ de la PCA en janvier aux Bahamas, le résident londonien a commencé ses WSOP en fanfare en prenant une belle 4e place sur le premier High-Roller des Championnats du Monde, encaissant là son plus gros gain en carrière, soit 363 326 $. Dix jours après son deeprun, le Français revient sur cette perf' majuscule, mais aussi sur son intégration dans la scène du poker high-stakes et ses objectifs futurs.

Bonjour Axel. Un peu de temps a passé depuis ta finale sur le 25k... À froid, quel est ton ressenti sur ta performance dans ce High Roller WSOP ?

Je suis un peu mitigé. Je suis super content d’avoir refait une finale sur un High Roller, c’était vraiment cool. Mais il y a un peu de frustration de ne pas avoir win. Quand tu est chipleader à six joueurs restants, tu te vois déjà gagnant… Et je voulais ce bracelet. En plus les enjeux étaient quand même assez massifs, ce qui peut être “life-changing’ pour ta carrière. Sur le plan technique, les seuls moves sur lesquels j’avais quelques doutes ont été validés par mes amis joueurs et mon coach : tout le monde était d'accord pour dire que j’ai bien joué durant cette finale, même si j’aurai pu faire un petit peu mieux sur certaines choses. 

Avant d'arriver en finale, tu t'es retrouvé très shortstack lors du Day 2, que tu as finalement terminé chipleader. Comment as-tu géré ce swing ?

Au début du Day 2, j’étais bien. Mais je perds flush over flush contre Sean Winter, ce qui me laisse avec trois blindes. Ensuite, j’ai chatté les double-ups, j’ai bien run toute la journée, et je termine chipleader. C'est là où je me suis dit : “Huit joueurs left, on n’est pas loin, j’ai un gros chiplead…” Et j'étais content de mon jeu au Day 2. Je n’avais pas trop de stress et d’émotions avant le Day 3 honnêtement, c’est assez standard comme situation. La pression arrive surtout en table finale. 

En tout cas, tu n’es pas un vieux de la vieille sur le circuit des High Rollers [Axel ne facture aucune perf sur un High Roller à cinq chiffres avant 2023].

On va dire que j’ai commencé en 2023. J’ai joué un 50k à Prague en décembre 2022 tout de même, puis les Triton Series à Chypre récemment, les High Rollers sur les EPT... Je commence à m’y mettre. C’est le début de ma carrière sur les Super High-Stakes, mais on s’habitue, c’est comme tout.

Pourquoi avoir décidé de passer au niveau supérieur cette année ?

Il y a plusieurs raisons. Déjà, j’ai la chance d’avoir un deal de staking. On peut se dire que sur ces “stakes”, on va monter les échelons un à un… Mais en fait, on n’aura jamais la bankroll suffisante pour jouer ce genre de tournois, il faut des millions. Rien que pour jouer un 50k, il faudrait 10 millions de "roll"… Peu de gens s’en rendent compte, mais tout le monde est staké sur ces tournois, même les tops players. Bon, il y a aussi quelques mecs qui sont légitimes, qui ont monté des millions dans leurs business, et quelques joueurs qui ont la bankroll nécessaire tout de même.

Hallay 3
La deuxième chose, c’est que je pense avoir le niveau pour jouer ces tournois. Je pense que je suis un peu fait pour ça, c’est la suite logique de ma carrière. Je suis quelqu’un qui n’envoyait pas beaucoup de volume par rapport à d’autres grinders, mais je passais beaucoup de temps à étudier, bosser mon jeu sur les solvers. D’autres mecs ne sont pas dans cette optique, ils ont simplement un jeu très solide à leur limite. Moi qui ait une approche plus théorique du jeu, ça me permet de jouer les High-Stakes. Quand je joue contre un "top monde" comme Chidwick, Dvoress, Petrangelo ou Koon, je ne me fais pas éclater. Contre eux, je joue comme contre l’ordinateur, alors que d'autres regs peuvent avoir des leaks, comme les millionnaires asiatiques aux Triton, contre qui tu peux jouer full exploit. Je pense que mon profil est fait pour jouer ces fields-là, cela représente une énorme EV pour ma carrière. De plus, c’est ce qui me motive le plus aujourd’hui en terme de sensations, de vibrations et de reconnaissance. Ce sont quand même des tournois assez prestigieux. Je vais faire ça pendant deux-trois ans, et on verra bien : ça passe ou ça casse. Après, ce serait mieux pour tout le monde que ça se passe bien !

Dans quels domaines penses-tu posséder une marge de progression pour être encore meilleur sur ces High Rollers ?

Déjà, je suis plus à l’aise. Quand tu as joué plusieurs tournois à 25k, tu prends l’habitude. Là où je peux progresser, c’est dans la connaissance de certains joueurs en particulier, comme Sean Winter par exemple. Et durant la TF du 25k, j’ai un peu peur d’avoir lâché des tells : parmi les trois joueurs restants, il y avait deux des mecs les plus réputés en tells physiques, Sean et Chance Kornuth, ce n’était pas évident. Il y a aussi l’aspect mental, car ces enjeux génèrent tout de même beaucoup de pression. Chaque coup peut potentiellement changer ta carrière, si tu gagnes très gros derrière… Alors qu’il y a des mecs qui ont l’habitude de jouer pour des gains à sept chiffres.

Quel est ton rapport à cette pression nouvelle ?

Ça ne me plaît pas beaucoup, mais il faut que j’apprenne à la gérer. C’est à la fois super grisant et très paralysant. Ce n’est pas comme si tu lançais une petite session online…

« Une majorité des regs super high-stakes ne sont pas si bons que ça. Certains sont juste connus et riches ! »

Que penses-tu du niveau général de ces tournois High-Rollers en live ?

Je pense qu’en réalité, une majorité des regs super high-stakes ne sont pas si bons que ça. Certains sont juste connus et riches ! Ils sont forts, mais je ne me sens pas derrière techniquement. En revanche, il y a une dizaine de joueurs qui sont là depuis au moins une dizaine d’années et qui sont clairement meilleurs que moi : ceux déjà mentionnés, mais aussi Mateos, Isaac Haxton... C’est inspirant.  Et j’ai un peu envie de montrer que j’ai les compétences. Quand tu joues un Triton ou un High Roller, la moitié de la table peut être composée d’excellents regs, et l’autre de récréatifs asiatiques. Il faut jouer différemment selon les profils. Par exemple, dans le tournoi à 1 500 $ que j’ai joué cette semaine [interview réalisée mardi, NDLR], il n’y a pas un seul spot où j’ai joué GTO. Les mecs ont tous beaucoup de faiblesses.

Tu as déjà joué quatre finales WSOP depuis le début de ta carrière. Le bracelet est-il finalement un vrai objectif pour toi ?

Ça commence à faire beaucoup ! J’avais fait 3e, 6e, 4e… Je me disais que cette fois, c’était la bonne, sur un 25k… Tu te dis que ça va finir par passer. Là, après quatre finales, j’ai vraiment envie d’un bracelet maintenant. Cette année, où l’année prochaine, inch’allah. Mon autre gros objectif en terme de résultats, c’est de gagner un Triton.

Justement, tu as donc pu te rendre à Chypre en mai, où aura lieu pour la première fois une étape de l’European Poker Tour en octobre. Que penses-tu du spot ?

Déjà, il n’y a pas que des gros tournois là-bas, lmais aussi des festivals avec des Main Events à 5k ou 3k. Honnêtement, c’est un bon spot, et quand ce sont les Triton, l’organisation est top. C’est prestigieux, tout est parfait pour donner envie aux joueurs de revenir. C’est bien rodé, tu as une personne à chaque table qui note toutes les mains sur une tablette, pour l’application [ce qui permet de suivre chaque main en direct : téléchargez-là, l'essayer, c'est l'adopter - Note de l'auteur de ces lignes].

Hallay 2
Avant de jouer des buy-ins à cinq chiffres, comment as-tu débuté dans le poker ?

Il y a un peu moins de dix ans. J’étais en stage de fin d’études à Paris. À l’époque, je faisais beaucoup de compétition d'échecs. Et j’en avais marre, je stagnais. Puis j'ai rencontré un pote qui lui jouait au poker, et qui m’a montré. Le stage terminé, j’ai commencé à travailler dans la finance, mais ça ne m’a pas convenu, et je jouais de plus en plus au poker. Je suis vite parti, et en cherchant un boulot, je me suis fixé des objectifs sur quatre ou six mois au poker. Comme je les ai atteints, je suis passé pro. J’ai contiunué à progresser et commencé à gagner mieux ma vie qu’avec un vrai boulot, donc je n'avais pas de raison de m’arrêter… C’est la meilleure décision de ma vie. Je suis pro depuis huit ans maintenant.

Tu as débuté sur quel format ?

Je ne faisais quasiment que des tournois. Des sit’go au tout début pour apprendre à jouer, mais j’ai monté les "stakes" petit à petit, en commençant sur les tournois à 1 €. Et j’ai beaucoup travaillé, je suis réputé pour ça. Même si je passe beaucoup de temps à coacher et pas tant que ça à grind, cela m’a bien servi de me mettre à bosser assez tôt la théorie.

Comment vois-tu la suite de ta carrière ?

Idéalement, j’aimerai arrêter à 35 ans. Là, j’en ai 31. Cela me fait donc quatre ans, majoritairement dans les high-stakes ou super high-stakes. Si ça se passe mal, je jouerai moins cher, ou je jouerai online. Après, si ça se trouve, j’en aurai marre avant, car quand tu es joueur ça arrive, et dans ce cas il faut arrêter.

Quel est ton programme pour le reste de ton Vegas 2023 ?

Il y a le 10k Secret Bounty [Axel est chipleader du Day 2 au moment où nous écrivons ces lignes]. Je vais jouer pas mal de tournois WSOP, avec cet objectif bracelet. Il y a aussi un 10k sur la fin, après le Main Event. Les plus gros tournois sont passés [Axel n'a pas joué le 50k et le 100k], mais il en reste, notamment au Wynn et à l’Aria. Je vais jouer seulement en Hold’em. Les variantes ? Peut-être. Sur ces WSOP, j’ai joué le 1 500 $ Badugi, où j’avais des bases. Mais j’ai peur que ça me prenne trop d’énergie et me demande trop d'efforts, et j’ai envie de m’hyper-spécialiser en Hold’em.

Propos recueillis par Rootsah

Restez branchés à notre rubrique "Interviews" : vous y retrouverez bientôt un entretien avec le vainqueur de ce fameux 25k High Roller, le Suisse Alexandre Vuilleumier !