Ils n’étaient pas un, mais deux joueurs tricolores à atteindre la finale du juteux 3 000 6-max. Julien Sitbon et Samy Boujmala ont percé un field colossal de 1 241 entrées pour vivre ensemble leur toute première finale WSOP, avec plus d’un demi-million d’euros en jeu. Malheureusement pour les deux hommes, la finale a tourné court. Samy et Julien se contenteront des places d’honneur, tombant respectivement en sixième et cinquième position.
Event #32 : 3000 $ 6-max (Day 2 et finale)
Un beau rail français dans les tribunes de salle télévisée. Le parrain niçois “Tonin”, le sang de la veine Hicham, le coach et frère d’armes Virgile Turchi, les amis grinders, les potes qui ne connaissent rien au poker... Virgile fait d’ailleurs la jonction avec le clan Sitbon, en compagnie des Sonny Franco, Nico Chèvre Miel, Flavien Guénan et bien sûr Sonia, la compagne de Julien. Deux kops en fusion pour pousser nos deux Tricolores sur une finale WSOP.
Pas tant un hasard de voir la France si bien représentée sur une finale de 6-max. Entre les wins d’Olux, Jonathan Pastore, et plus récemment la 3e place de Sarah, on commence à être habitué aux perfs françaises sur les formats short-handed de Vegas. Malheureusement, nos deux héros du soir ont vu le run les quitter peu après le diner-break, pour finalement s’incliner en 6e et 5e position.
C’est Samy Boujmala qui est le premier à quitter la scène. Parti avec un bon stack à l’amorce des demi-finales, le Français a perdu deux gros coups à tapis au moment de la bulle TF… Contre Julien Sitbon. Un duel 9-9 contre A-2 ou l’ainé trouvait une double paire miraculeuse sur un board 8Q10Q10 puis un deuxième duel dès la main suivante, avec AQ contre le AJ de son compatriote.
Samy se retrouve cripple, mais se relancera quelques minutes plus tard en remportant le flip avec AQ contre le 1010 de Mark Ioli. Le Marseillais gagne sa place en finale, où il grattera un palier après l’élimination de Todd Ivens. Quelques mains plus tard, Samy prend ses responsabilités et envoie ses 11 blindes au CO sur la blinde d’Eshaan Bhalla. L’Américain se réveille avec paire de Rois et le board Q41039 mettra fin au superbe parcours de Samy Boujmala.
« Vu le scénario, j’aurais peut-être pu espérer mieux, sachant que joue le pot pour passer presque chipleader. Mais bon, c’était contre Julien, ça fait plaisir qu’il ait pu faire TF avec nous et il ne faut pas oublier tout ce qu’il s’est passé avant. Je retiens surtout beaucoup de satisfaction, beaucoup de fierté » affirme le Samy, tout sourire au moment de partager son ressenti.
Habitué de Vegas, le grinder sudiste a toujours été en réussite dans la capitale du jeu, sans pour autant claquer ce genre de score. « J’avais fait quelques beaux deep run. Genre douzième d’un Venetian où il y avait 300k à la gagne, ou bulle TF d’un WPT Aria, où il y avait aussi une tonne. J’avais aussi deep run le Main Event une fois, en terminant 300e et quelques. J’ai de bonnes sensations ici. J’avais prévu de faire toute la saison, ça démarre plutôt fort ».
Avec cette première finale WSOP, le minot réalise son 2e plus gros gain en carrière, pour 90 791 $… Deux mois après son exploit monégasque, où il terminait 5e pour 235 150 €. Deux accomplissements majeurs, deux perfs stratosphériques, quasi coup sur coup. Mais que se passe-t-il Monsieur Boujmala ?
« C’est une dinguerie, confirme Samy. Surtout, ce n'est pas comme si ça faisait trois ans que je jouais. Ça fait neuf ans de poker ! Je commençais à m’essouffler un peu, à me dire que c’est trop dur de faire des perfs comme ça, des TF EPT, WSOP… Et là il y a tout qui s’enchaine en deux-trois mois, c’est incroyable ! ».
Le fruit de la persévérance ? La simple réussite du moment ? D’après Samy, cette succession de perfs n’est pas uniquement liée au hasard. « J’ai mis pas mal de choses en place ces derniers mois. Le coaching, je fais du sport, le mindset va mieux. Je gère dix fois mieux mes émotions. Avec le recul, je crois que j’étais prêt techniquement avant, j’avais le niveau pour pouvoir faire ce genre de deep run, mais émotionnellement j’étais à l’ouest complet. Et si tes émotions prennent le dessus, tu ne peux pas faire de perfs comme ça. Et on va pas se le cacher, je run bien mieux ! La distribution de cartes n’est pas la même… Et la confiance aussi ! J’ai joué pas mal de spots sur ce 3k 6-max que je n'aurais pas pris l’année dernière, alors que j’avais plus ou moins le même niveau ».
Comme à Monte-Carlo il y a deux mois, Samy a eu la surprise et le plaisir de partager son run avec un compatriote. Après son ami Arnaud Enselme, c’est en compagnie d’un autre cador du poker français que Boujmala a pu boxer, se motiver et faire son chemin jusqu’en finale d’un WSOP.
« Avec Julien, on n’avait jamais été très proche. Mais puisqu’il est bon pote avec Virigile (Turchi) on s’est un peu rapproché ces derniers temps. On a eu un bon feeling, c’est quelqu’un que j’ai appris à connaitre et que j’apprécie de plus en plus. Et puis, Ju, c’est un bon soutien. Et je ne parle pas de technique. C’est quelqu’un de posé, qui a une grosse expérience du jeu, c’est toujours bien de l’avoir à côté de soi. Par contre, c’est un peu le même délire qu’avec Arnaud : on arrive en TF à deux, et on fait 6 et 5, comme à Monaco. Quand t’as deux Français en TF, tu espères faire mieux. Mais bon, une TF EPT, une TF WSOP, il n'y a pas mieux ».
Beaucoup de positivité aussi dans le discours de Julien. « C’est magnifique une table finale WSOP ! J’ai passé une très belle journée. En 6-max en plus, la structure était un peu moyenne mais au moins, on joue beaucoup de coups, ça fait vraiment plaisir », commente le joueur sur le chemin du Uber. Comme le racontait Samy, Julien n’oublie pas cette remontada heureuse, alors qu’il partait de chiploser, pour gagner sa place en table finale WSOP, lui aussi la première de sa carrière.
« J’avais déjà fait deux finales sur les WSOP à Rozvadov, mais ce n'est pas pareil. Pour autant, au moment d’arriver en table finale, je me sentais vraiment bien. Ce n'est pas pour mon ego ou quoi mais j’étais super détendu. Je ne sentais pas de pression dans les spots, je suis content de ce que j’ai fait. Quand j’ai passé ce A-2 contre 9-9 chez Samy, je me suis dit que ce n'était que du bonus ».
Évidemment, le compétiteur qu’est Sitbon n’a pas fait abstraction du bracelet qu’il pouvait y avoir au bout. « Je me suis réveillé ce matin en me disant “je suis à 60 left”, j’ai senti cette projection mais ça ne servait à rien, on était trop loin. À 10 left, je me dis qu’on est plus si loin que ça, mais puisque j’étais assez souvent short, je n’y pensais pas vraiment. Puis à 7 left, quand je gagne le flip (avec 9-9 contre A-10 pour sortir Todd Ivens), je me suis dit “ok, on est six, on va pouvoir boxer". Je savais que j’étais en mission, que je devais jouer mon poker comme il fallait et je pense avoir fait de mon mieux ».
Avec une average à 23 blindes, le tournoi devait cependant se décider sur une histoire de flip. Et si le premier est passé contre Ivens, le second contre Mark Ioli, sera quasi fatal. Un spot blinde contre blinde des plus standards. Limp SB Ioli, tapis pour les 20BB de l’Américain, payé par AJ et ça sera un flip contre les deux Zizous de Sitbon. Le board J97K5 donnera la paire supérieure à Ioli. Sitbon se retrouve cripple et sortira cinq minutes plus tard, son 33 s’empalant contre le AA de Johann Ibanez en BB.
Sitbon retient également le plaisir d’avoir partagé ce run avec Samy. « On est proche par Virgile (Turchi), on a joué au foot ensemble à Cannes, je l’avais suivi un peu sur son deep run à Monaco. Là encore, on s’est suivi sur ces deux jours de tournoi. Quand je double contre lui avec ce A-2, j’avais presque plus de peine pour lui que de plaisir pour moi, et ça ne m'est jamais arrivé ça dans toute ma vie. Dans ma tête, j’avais sauté. C’était vraiment très cool de partager ce run avec lui ».
Après trois petits deep runs, Julien lance définitivement ses WSOP avec cette perf’. Mine de rien, le score correspond à son deuxième plus gros coup en Live. Enfin, au moment où j’écris ces lignes puisque dès demain, Julien s’offrira une nouvelle vibration sur un tournoi également bien juteux. Dix minutes après son busto, Sitbon s’alignait en effet sur le 10 000 $ Mystery Bounty. Et trois heures plus tard, le Français baguait trois gros stacks de départ pour un Day 2, synonyme de coup d’envoi de la chasse aux enveloppes, à 50 left de l’argent. Une bonne journée au boulot pour Julien Sitbon.
Position | Joueur | Prix |
---|---|---|
1º | Mark Ioli | 558 266 $ |
2º | Johann Ibanez | 345 034 $ |
3º | Wing Liu | 241 767 $ |
4º | Eshaan Bhalla | 171 874 $ |
5º | Julien Sitbon | 123 992 $ |
6º | Samy Boujmala | 90 891 $ |
7º | Todd Ivens | 67 492 $ |