Winamax

Un jour, je ferai comme Shaun Deeb

- 15 juin 2023 - Par Fausto

Il y a deux jours, je troquais mon costume de couvreur contre celui de joueur, pour vivre mon tout premier tournoi WSOP. Puisque je raffole des variantes, c’est sur le tout nouveau 8-Game 6-max que je me lançais dans le grand bain, sur le terrain des Shaun Deeb, Robert Mizrachi…. Mais si le légendaire Deeb profitait de ce tournoi pour agrandir sa collection de bracelets, mon dépucelage, lui, fut cataclysmique. Récit d’un premier tournoi WSOP, vu de l’intérieur.

Event #27 : 8-game Mix 1 500 $

Fausto Deeb

J’attendais ce jour depuis des mois. Au moment de découvrir le programme des WSOP, que j’allais bientôt rejoindre pour une troisième campagne de coverage avec Winamax, je vois ce magnifique 8-game, disputé en 6-max et placé en début de festival.

Quel amateur de poker n’a pas rêvé de jouer un jour un tournoi des World Series ? Je me revois il y a dix ans dans mon lit de lycéen, tard dans la nuit, à enchaîner les épisodes Youtube du coverage ESPN. Je fantasmais devant l’immensité de l’Amazon Room, en écoutant les jeux de mots vaseux de Norman Chad, et répétant à voix haute le jingle de « Jack Link’s Beef Jerky », sponsor de l’époque. Cette année, l’heure était venue. Comme dit le générique d’un autre jeu de cartes ayant bercé mon enfance : « A toi de jouer ! ».

J’ai donc conjugué ce rêve d’enfant avec ma passion pour les variantes. En France, impossible de trouver une partie Live de Stud, de Deuce to Seven ou Omaha Hi-Lo. Pour goûter à ces variantes exotiques, je m’entraînais sur le seul tournoi 8-game de la grille Winamax, le fameux 10 balles de 20h, qui ne démarre qu’une fois sur deux par manque de joueurs.

Cette fois, c’était un 1 500 $ de 789 entrées et récompensant le vainqueur d’un bracelet de champion du monde.

Hormis les quelques zéros de plus au buy-in, le cadre, le field, la pression et le fait que ce tournoi peut changer ma vie, aucune différence avec le 10 € de Wina. Et puis, j’ai quand même réussi à le gagner 20 fois (contre des joueurs ne connaissant pas toutes les règles). Pourquoi pas faire de même sur un WSOP (contre Shaun Deeb, Robert Mizrachi, Nick Schulman et consorts) ?

Bref, le jour-J arrive. Comme je suis sérieux, j’ai pris mon ticket la veille. Un petit frisson au moment de voir la caissière recompter tous ces billets de 100 $. Jamais de ma vie, je n’ai mis autant d’argent dans une partie de cartes !

Comme je ne suis pas si sérieux, je me laisse embarquer par Michael Rodrigues, tout juste sacré sur le 1 500 $ Badugi et qui m’a proposé après l’interview d’aller voir Rick Ross au Drai’s, l’immense discothèque du Link’s pour fêter sa victoire. Une proposition qui ne se refuse pas, surtout avec un autre passionné de “mixed-games”, qui me transmettra certainement la chance du champion.

Après une nuit de show à l’américaine, de hip-hop et d’after avec des Mexicains dont on préfère ne pas connaître la provenance de la richesse, je trouverai tout de même la force de refuser une énième tournée de Greygoose pour rentrer à la maison sous les coups 5h. 

Une petite nuit de sommeil, un tour à la piscine pour se rincer le cerveau et j’ai rendez-vous avec mon histoire, à 14h, pour débuter le plus gros tournoi de ma vie.

From chipleader to busto en deux heures

La sève monte au moment de trouver ma table, en section Black de la grande salle du Paris. Six joueurs seulement par table, quel plaisir ! Sur le tapis, une petite pile de plaques noires gravées des huit jeux auquel on jouera, un par orbite (Deuce to Seven, Razz, Stud, Stud8, PL Omaha, Omaha8, No Limit Hold’em et Limit Hold’em). 

pions

La fameuse photo du joueur arrivant à table pour signifier à ses potes le départ de son premier tournoi WSOP.

Pour commencer, ça sera le Stud ! Une variante à l'anceinne, beaucoup joué par les Américains, où il faut constituer la meilleure combinaison avec les sept cartes devant nous, trois cachées et quatre ouvertes.

Ce sont des jeux de “Limit”, les montants des mises sont définis sur chaque “street” et dès le premier coup, on se retrouve à quatre dans le pot. J’ai payé avec trois petits cœurs, j’en recevrais un quatrième, puis un cinquième et tout le monde paie jusqu’au bout ! « On a de l’action d’entrée » s’exclame mon voisin américain, qui call mon dernier bet avec brelan de valets et je prends un gros coup dès la toute première main : après deux minutes, me voilà chipleader du tournoi ! Mazette !

Un départ rêvé mais qui ne signifie évidemment pas grand-chose. J’ai gagné 4 000 jetons sur les 25 000 de départ, et la partie continue en Razz, Deuce to Seven, Stud 8… Pour bien appliquer le système des Ante et les ordres de mises, je regarde mes voisins, qui ont l’air bien plus rodé à l’exercice des variantes en Live. Sur Wina, tout se fait tout seul. Je me retrouve par exemple à fixer un joueur pendant deux minutes, jusqu’à ce qu’ils me disent “it’s on you”, puisque l’ordre de mise change au fur et à mesure des tirages sur les jeux de Stud. 

Pas de visages connus à ma table, mais tout le monde a l’air de tenir les cartes. Difficile cependant d’être excellents dans les huit variantes. En 8-game, il faut vite repérer les lacunes de ses adversaires, afin de les prendre pour cible dans leurs jeux faibles. Je vois qu’un joueur est légèrement perdu en Deuce to Seven (un jeu où il faut faire la pire main possible, à savoir hauteur 7). Il oublie de valoriser un combo évident, hésite longtemps sur les cartes qu’il doit redonner au croupier… Deux coups plus tard, j’ai une main pour l’attaquer ! 

Après une série de tirages fâcheux, le joueur en question trouve un Low hauteur “8-6”, tandis que je n’ai pu trouver mieux qu’un ”9-6”. Me revoilà au stack de départ.

Une vingtaine de minutes plus tard vient le “NL Texas Hold’em”. Un jeu que les amateurs de variantes n’apprécient pas forcément, pour son côté trop répandu et puisque contrairement aux autres jeux, il se joue en “No-Limit”. Les stacks peuvent donc valser en un seul coup. Et c’est d’ailleurs ce jeu qui va broyer mon stack. Un 3-bet avec As-Dame en SB, payé par UTG. Un barrel petit sur 24K, un second un peu plus gros sur la turn 8, avec l’idée de 3-barrel bluff à tapis sur beaucoup de river. Pas le temps d’appuyer sur la détente, le joueur rebondit sur mon “second bar” avec un "all-in". J’ai perdu la moitié de mon stack. 10 000 jetons seulement alors qu’arrive la première pause.

Légèrement sonné mais pas résigné. En “mixed-games”, l’expression “one chip, one chair” est encore plus vraie, et puis, les blindes ne sont pas encore trop élevées. Je reviens plein de bonnes intentions, prêt à remonter la pente. Une demi-heure plus tard, j’avais déjà sauté.

C’est bien simple, je n’ai gagné aucun coup après le retour de pause. Une bonne main de départ en Razz où je ne tire que des cartes hautes. Un nouveau coup de Deuce to Seven raté et les blindes me grignotent jusqu’à tomber à 6 000 puis 3 500 jetons. Avec 7 blindes, je trouve A3 au bouton en “Limit Hold’em”. Bien obligé d’open 1 000. La grosse blinde s’arrête un temps, regarde mon stack miséreux et annonce le raise. Impossible de se coucher pour se garder cinq blindes. Tout part au milieu, le joueur montrera A-8. “Domination nation”, comme disait Norman Chad. Un 8 dès le flop, c’est fini. Mon premier tournoi WSOP a duré 2 h 30.

Adieu veau, vache, cochon, bracelet

Je sors du tournoi abattu et traine mes jambes dans les couloirs bondés du Bally’s. Je cherche la sortie la plus proche, m’affale de tout mon poids sur le mur du casino et allume la clope de la défaite. Je rumine ce tournoi en enfer, mon rêve brisé en à peine trois niveaux, mon run affreux, mes espoirs déçus… Je check mon portable. Je reçois encore des messages Instagram de la communauté française qui m’encourage pour mon premier tournoi. Comment leur dire que c’est déjà fini ?

Pour ne rien arranger, un joueur français me croise devant la sortie et commence à me raconter les bad beats qu’il vient de souffrir sur le 800 $ Deepstack. J’essaie de lui faire comprendre gentiment que j’en ai rien à cirer et repart vers la salle télévisée. Quelques amis joueurs et confrères sauront me remonter le moral. Deux heures de digestion, un tour à la piscine, un rack de Ribs sauce barbecue quelques bières avec les collègues et ça y est, on peut passer à autre chose et repartir de l'avant. Aujourd’hui, le plaisir fut de courte durée mais une chose est sûre, je reviendrai... après avoir été chercher assistance auprès de ce vrai joueur tout terrain qu'est Shaun Deeb. Découvrez son interview post-victoire.
 

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