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En à peine deux heures de jeu, Daniel Weinman écarte ses deux derniers opposants et remporte le Main Event WSOP, pour 12 millions de dollars. Après 16 ans de grind, le « pro américain préféré des pro américains » réalise l’exploit de sa carrière, sur un tournoi avec lequel il était en désamour, et qu’il a bien failli ne pas jouer. Le résultat du jour lui fera certainement changer d’avis, mais pas son quotidien d’ingénieur-grinder. Après cinq ans de conquête européenne, le joueur d’Atlanta ramène le Main Event en Amérique et entre à jamais dans la légende des World Series.
Un héros blanc au milieu d’une foule noire. Vêtu de son sweat de grinder, Daniel Weinman attend la river la plus importante de sa vie, les fesses posées sur la barrière du rail, serré par la foule de supporters. Sa femme, ses parents, ses cousins, les Shaun Deeb, Jason Mercier, Josh Arieh, Matt Glantz… Tous revêtent le t-shirt noir floqué d’un rébus malin. Un verre de vin, une tête d’homme : "Wine", "man". Quelques secondes plus tard, Daniel est aspiré par cette horde noire, secoué par tout son clan effectivement ivre du bonheur que vient de leur servir Weinman.
Shaun Deeb l’encercle de ses larges bras, prêt à plaquer Daniel par dessus la balustrade à la manière d’un rugbyman. Matt Glantz décoiffe sa casquette, en perd la sienne, Jason Mercier et Josh Arieh hurlent de part et d’autres, même si Daniel n’a d’yeux que pour sa femme, qu’il trouve le moyen d’embrasser malgré les quinze personnes qui lui sautent dessus.
Daniel Weinman et son rail avant la river
Daniel Weinman et son rail après la river
Après le chahut, Daniel Weinman se prend la tête dans les mains. La posture d’un homme qui se demande si le rêve qu’il vit est bien réel. Les mots “incroyable”, “indescriptible”, “irréel” reviendront d’ailleurs toutes les minutes dans la bouche du vainqueur, au moment d’enchainer les interviews. On le comprend volontiers. Daniel Weinman vient de réaliser le rêve de tout joueur de poker, en remportant le Main Event WSOP, pour 12,1 millions de dollars. Et pas n’importe lequel, le plus grand Main Event WSOP de l’histoire.
Un A river, et le KJ tient face au J8 de Steven Jones, parti à tapis sur un board J524 : Daniel Weinman est Champion du Monde
« Il y a des millions de choses qui arrivent dans ma tête, c’est très difficile de le retranscrire avec des mots. Tu joues ce tournoi chaque année, tu ne penses jamais que tu vas le gagner, tu ne penses même pas que tu vas arriver en finale. C’est arrivé et j’ai pu jouer le meilleur poker que j’ai jamais joué de ma vie… C’est incroyable », déclarera le joueur au micro de Kara Scott, à chaud, quelques secondes après avoir été retourné dans tous les sens.
Entre la traditionnelle séance photo, les mises en scène de Poker Go et le balais des partenaires médiatiques, Daniel a une petite demi-heure pour sentir retomber la pression. Au moment de se présenter, enfin, vers la mêlée de journalistes, son sourire, lui ne s’est pas décroché.
"Je n'aime pas ce tournoi, la structure est trop bonne"
Comme tout vainqueur modeste, Weinman se réfugie évidemment derrière la chance au moment de trouver des explications. Il est vrai que pour abattre un field de 10 043 joueurs, Daniel a bien connecté avec les cartes cette semaine.
« Il y a énormément de chance dans les tournois. J’ai très bien joué, c’est sûr mais il y a tellement de situations où j’ai été incroyablement chanceux ». Comme par exemple ce moment où il fait deux Valets contre deux Dames (de José Aguilera) contre deux Rois (chez Payne), à 14 left, pour un pot démentiel ?
« C’était une main folle. D’un point de vue stratégique, elle n’est pas très intéressante. C’est un coup doux-amer parce que c’est celui qui me propulse avant la finale, et c’est en même temps celui qui a mis K.O Josh Payne avec ce bad beat. Je pouvais voir à quel point cette main lui a fait mal. Il y avait de la douleur sur son visage, et ça m’a touché aussi. C’était dur ».
La douleur de l’élimination sur le Main Event WSOP, Daniel la connait bien. Enfin, pas à un stade si avancé. En 16 participations, le joueur n’avait jusque là atteint qu’une seule fois l’ITM, pour un deep run à 4 buy-in en 2011.
« Ce sont mes 16e World Series, rappelle le pro américain. Chaque année, j’ai été présent de l’Event numéro 1 au dernier. Cette année, à l’approche du Main Event, j'étais proche du burn-out. Le festival était compliqué pour moi et je l’ai dit à plein de gens : “Je n’aime pas ce tournoi. La structure est trop bonne”, confesse le joueur. J’ai donc appelé ma femme pour lui dire comment je me sentais et elle m’a répondu “Reviens”. C’est ce que j’ai fait. On a passé du temps ensemble, on a joué au golf… On est un peu revenu à une vie normale. Je n’étais même pas sûr de retourner à Vegas pour jouer ce tournoi ».
Daniel a tout de même eu la bonne idée de reprendre un billet pour Sin City… sur les conseils d’un ami, qui était le premier à lui sauter dessus après la river : Shaun Deeb.
« Shaun m’a passé un coup de fil. C’est un peu lui qui m’a convaincu de revenir. Je l’ai expliqué à ma femme en lui disant “De toute façon, je ne vais jamais gagner. Je l’ai ITM une fois en 15 essais. La plupart du temps, je vais juste perdre 10 000 $ et je reviens à la maison.” ».
L’influence de Deeb et la proximité de Daniel avec toutes ces légendes du jeu en disent long sur le talent du grinder. Un homme qui s’est donné une chance dans le poker après avoir terminé ces études d’ingénieur, qui a vite compris le don qu’il avait pour les cartes et qui s’est entouré des meilleurs pour enchainer les succès, toujours plus grands, durant seize ans de carrière.
« Je suis ami avec ces gars depuis si longtemps, se rappelle Weinman. Shaun et moi, nous nous sommes rencontrés il y a onze ans en table finale (d’un 10 000 $ WSOP Pot Limit-Hold’em, où notre cher ManuB terminait d’ailleurs 5e). Juste deux gars qui s’amusaient beaucoup à table, qui se sont mis à jouer au poker chinois ensemble et qui ne se sont pas lâchés. Josh Arieh, ça fait encore plus longtemps, on joue à Atlanta ensemble depuis plus de quinze ans, Jason Mercier aussi. Avoir quelques-uns des meilleurs joueurs de poker à mes côtés, les voir me soutenir comme ça, c’est inestimable ».
Un 3-max vite fait bien fait
Le joueur le plus technique et le plus expérimenté s’est imposé aujourd’hui. Daniel revient d’ailleurs sur les deux coups clefs, provoquant les éliminations respectives d’Adam Walton et Steven Jones.
« Contre Walton (qui tente le New-York Back Raise 80BB avec 8-8 contre son A-A), c’était l’une des premières mains où je mettais vraiment des jetons au milieu, rappelle Weinman. Je sais qu’Adam aime flat de grosses mains, il l’a déjà fait auparavant. J’ai size-up le squeeze avec l’espoir qu’il essaierait de tirer avantage de toute la dead-money au milieu. Je sais pas si c’est moi qui l’ait induce, ou si c’est lui qui avait déjà son idée en tête, mais ça a bien marché pour moi ».
Sur la dernière main du tournoi, ce KJ qui restera gravé dans les annales pokeristiques, le vainqueur semble avoir vite eu le bon instinct, comme en témoigne ce call turn assez rapide après avoir demandé le compte.
« Quand j’ai top-paire sur ce genre de board sec, je dois avoir beaucoup de check/raise, analyse Daniel. En termes de stack-size, c’était parfait pour check/raise, bet turn et shove river. Quand il entre dans le tank turn, pendant assez longtemps, je le vois sur une middle-paire ou sur un Valet faible. Et au moment où il shove, je ne pense pas qu’il soit en trap, même si ça fait bizarre de call pour autant de blindes juste avec une top paire ».
Atlanta, golf et ingénieur RFID
Daniel Weinman a gagné le plus prestigieux des tournois de poker, un bracelet très brillant mais aussi beaucoup d’argent. 12,1 millions de dollars très précisément. Un montant qui permet de voir venir, mais qui ne semble pas donner à son vainqueur la folie des grandeurs, puisque Weinman n’échappe bien entendu pas à la question préférée des journalistes : “Que va-t-il faire de toute cette oseille ?"
« Ce n’est pas la réponse que les médias préfèrent entendre, mais je vais sûrement investir, mettre de côté. Je vais en garder une grande partie en dehors des tables, même si j’aime gamble assez fort de temps en temps, déclare le joueur. Je ne pense pas que mon quotidien va changer. Je suis déjà très heureux dans ma vie. Je me satisfais de choses assez simples quand je suis à la maison. Je serai au boulot la semaine prochaine. Je vais peut être un peu plus jouer au golf, peut être un peu plus voyager, mais sinon, la vie va juste continuer telle qu’est l’est ».
Quand il parle de “boulot”, Daniel ne parle pas de poker. Entre ses périodes de grind intensive, le joueur revient à l’une des ses premières passions : les logiciels. L’ingénieur de formation est d’ailleurs revenu dans sa Floride natale pour partager son temps entre les cartes et son autre projet professionnel.
« Quand je suis retourné à Atlanta il y a huit mois, j’ai rencontré un jeune homme qui démarrait une entreprise de matériels RFID. Ca s’appelle RF Poker (logo que tout le clan Weinman portait aujourd’hui dans le rail). On crée des tables comme celles que vous voyez en streaming, à la différence qu’on élimine “l’élément humain” dans la gestion de cette technologie, afin d’ôter toutes les incertitudes qui l’entourent. C’est beaucoup de fun. Je pense que j’aime encore plus l’ingénieurie-logiciel que je n’aime le poker. Pouvoir mêler ces deux choses, c’est un peu le job de rêve pour moi ».
Le héros repart du plateau télévisé avec tout son rail pour trinquer un coup. Leur Vegas se ponctue sur cette victoire, qui marquera leur histoire ainsi que celle du poker. Lorsqu’ils reviendront l’année prochaine, le poster de Daniel Weinman figurera à côté de celui d’Espen Jorstad. Enfin un portrait américain, après cinq ans de conquête européenne ! Comme Chris Moneymaker qui donnait le coup d’envoi de ce tournoi et Jamie Gold qui lui remettait il y quelques minutes son bracelet, Daniel Weinman ramène le Main Event en Amérique et inscrit son nom à jamais dans la légendes des World Series.
Main Event WSOP 2023 - Résultats
Place | Joueur | Gains |
---|---|---|
1 | Daniel Weinman (USA) | 12 100 000 $ |
2 | Steven Jones (USA) | 6 500 000 $ |
3 | Adam Walton (USA) | 4 000 000 $ |
4 | Jan-Peter Jachtmann (Allemagne) | 3 000 000 $ |
5 | Ruslan Prydryk (Ukraine) | 2 400 000 $ |
6 | Dean Hutchinson (Ecosse) | 1 850 000 $ |
7 | Toby Lewis (Angleterre) | 1 425 000 $ |
8 | Juan Maceiras (Espagne) | 1 125 000 $ |
9 | Daniel Holzner (Italie) | 900 000 $ |