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Weinman, le jour d'ivresse

- 18 juillet 2023 - Par Fausto

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En à peine deux heures de jeu, Daniel Weinman écarte ses deux derniers opposants et remporte le Main Event WSOP, pour 12 millions de dollars. Après 16 ans de grind, le « pro américain préféré des pro américains » réalise l’exploit de sa carrière, sur un tournoi avec lequel il était en désamour, et qu’il a bien failli ne pas jouer. Le résultat du jour lui fera certainement changer d’avis, mais pas son quotidien d’ingénieur-grinder. Après cinq ans de conquête européenne, le joueur d’Atlanta ramène le Main Event en Amérique et entre à jamais dans la légende des World Series.

Daniel Weinman

Un héros blanc au milieu d’une foule noire. Vêtu de son sweat de grinder, Daniel Weinman attend la river la plus importante de sa vie, les fesses posées sur la barrière du rail, serré par la foule de supporters. Sa femme, ses parents, ses cousins, les Shaun Deeb, Jason Mercier, Josh Arieh, Matt Glantz… Tous revêtent le t-shirt noir floqué d’un rébus malin. Un verre de vin, une tête d’homme : "Wine", "man". Quelques secondes plus tard, Daniel est aspiré par cette horde noire, secoué par tout son clan effectivement ivre du bonheur que vient de leur servir Weinman.

Shaun Deeb l’encercle de ses larges bras, prêt à plaquer Daniel par dessus la balustrade à la manière d’un rugbyman. Matt Glantz décoiffe sa casquette, en perd la sienne, Jason Mercier et Josh Arieh hurlent de part et d’autres, même si Daniel n’a d’yeux que pour sa femme, qu’il trouve le moyen d’embrasser malgré les quinze personnes qui lui sautent dessus.

Daniel Weinman

Daniel Weinman et son rail avant la river

Daniel Weinman

Daniel Weinman et son rail après la river

Après le chahut, Daniel Weinman se prend la tête dans les mains. La posture d’un homme qui se demande si le rêve qu’il vit est bien réel.  Les mots “incroyable”, “indescriptible”, “irréel” reviendront d’ailleurs toutes les minutes dans la bouche du vainqueur, au moment d’enchainer les interviews. On le comprend volontiers. Daniel Weinman vient de réaliser le rêve de tout joueur de poker, en remportant le Main Event WSOP, pour 12,1 millions de dollars. Et pas n’importe lequel, le plus grand Main Event WSOP de l’histoire.

Daniel Weinman

Un A river, et le KJ tient face au J8 de Steven Jones, parti à tapis sur un board J524 : Daniel Weinman est Champion du Monde

« Il y a des millions de choses qui arrivent dans ma tête, c’est très difficile de le retranscrire avec des mots. Tu joues ce tournoi chaque année, tu ne penses jamais que tu vas le gagner, tu ne penses même pas que tu vas arriver en finale. C’est arrivé et j’ai pu jouer le meilleur poker que j’ai jamais joué de ma vie… C’est incroyable », déclarera le joueur au micro de Kara Scott, à chaud, quelques secondes après avoir été retourné dans tous les sens.

Entre la traditionnelle séance photo, les mises en scène de Poker Go et le balais des partenaires médiatiques, Daniel a une petite demi-heure pour sentir retomber la pression. Au moment de se présenter, enfin, vers la mêlée de journalistes, son sourire, lui ne s’est pas décroché.

"Je n'aime pas ce tournoi, la structure est trop bonne"

Daniel Weinman

Comme tout vainqueur modeste, Weinman se réfugie évidemment derrière la chance au moment de trouver des explications. Il est vrai que pour abattre un field de 10 043 joueurs, Daniel a bien connecté avec les cartes cette semaine.

« Il y a énormément de chance dans les tournois. J’ai très bien joué, c’est sûr mais il y a tellement de situations où j’ai été incroyablement chanceux ». Comme par exemple ce moment où il fait deux Valets contre deux Dames (de José Aguilera) contre deux Rois (chez Payne), à 14 left, pour un pot démentiel ?

« C’était une main folle. D’un point de vue stratégique, elle n’est pas très intéressante. C’est un coup doux-amer parce que c’est celui qui me propulse avant la finale, et c’est en même temps celui qui a mis K.O Josh Payne avec ce bad beat. Je pouvais voir à quel point cette main lui a fait mal. Il y avait de la douleur sur son visage, et ça m’a touché aussi. C’était dur ».

La douleur de l’élimination sur le Main Event WSOP, Daniel la connait bien. Enfin, pas à un stade si avancé. En 16 participations, le joueur n’avait jusque là atteint qu’une seule fois l’ITM, pour un deep run à 4 buy-in en 2011.

Daniel Weinman

« Ce sont mes 16e World Series, rappelle le pro américain. Chaque année, j’ai été présent de l’Event numéro 1 au dernier. Cette année, à l’approche du Main Event, j'étais proche du burn-out. Le festival était compliqué pour moi et je l’ai dit à plein de gens : “Je n’aime pas ce tournoi. La structure est trop bonne, confesse le joueur. J’ai donc appelé ma femme pour lui dire comment je me sentais et elle m’a répondu “Reviens”. C’est ce que j’ai fait. On a passé du temps ensemble, on a joué au golf… On est un peu revenu à une vie normale. Je n’étais même pas sûr de retourner à Vegas pour jouer ce tournoi ».

Daniel a tout de même eu la bonne idée de reprendre un billet pour Sin City… sur les conseils d’un ami, qui était le premier à lui sauter dessus après la river : Shaun Deeb.

« Shaun m’a passé un coup de fil. C’est un peu lui qui m’a convaincu de revenir. Je l’ai expliqué à ma femme en lui disant “De toute façon, je ne vais jamais gagner. Je l’ai ITM une fois en 15 essais. La plupart du temps, je vais juste perdre 10 000 $ et je reviens à la maison.” ».

Daniel Weinman

L’influence de Deeb et la proximité de Daniel avec toutes ces légendes du jeu en disent long sur le talent du grinder. Un homme qui s’est donné une chance dans le poker après avoir terminé ces études d’ingénieur, qui a vite compris le don qu’il avait pour les cartes et qui s’est entouré des meilleurs pour enchainer les succès, toujours plus grands, durant seize ans de carrière.

« Je suis ami avec ces gars depuis si longtemps, se rappelle Weinman. Shaun et moi, nous nous sommes rencontrés il y a onze ans en table finale (d’un 10 000 $ WSOP Pot Limit-Hold’em, où notre cher ManuB terminait d’ailleurs 5e). Juste deux gars qui s’amusaient beaucoup à table, qui se sont mis à jouer au poker chinois ensemble et qui ne se sont pas lâchés. Josh Arieh, ça fait encore plus longtemps, on joue à Atlanta ensemble depuis plus de quinze ans, Jason Mercier aussi. Avoir quelques-uns des meilleurs joueurs de poker à mes côtés, les voir me soutenir comme ça, c’est inestimable ».

Un 3-max vite fait bien fait

Daniel Weinman

Le joueur le plus technique et le plus expérimenté s’est imposé aujourd’hui. Daniel revient d’ailleurs sur les deux coups clefs, provoquant les éliminations respectives d’Adam Walton et Steven Jones.

« Contre Walton (qui tente le New-York Back Raise 80BB avec 8-8 contre son A-A), c’était l’une des premières mains où je mettais vraiment des jetons au milieu, rappelle Weinman. Je sais qu’Adam aime flat de grosses mains, il l’a déjà fait auparavant. J’ai size-up le squeeze avec l’espoir qu’il essaierait de tirer avantage de toute la dead-money au milieu. Je sais pas si c’est moi qui l’ait induce, ou si c’est lui qui avait déjà son idée en tête, mais ça a bien marché pour moi ».

Sur la dernière main du tournoi, ce KJ qui restera gravé dans les annales pokeristiques, le vainqueur semble avoir vite eu le bon instinct, comme en témoigne ce call turn assez rapide après avoir demandé le compte.

« Quand j’ai top-paire sur ce genre de board sec, je dois avoir beaucoup de check/raise, analyse Daniel. En termes de stack-size, c’était parfait pour check/raise, bet turn et shove river. Quand il entre dans le tank turn, pendant assez longtemps, je le vois sur une middle-paire ou sur un Valet faible. Et au moment où il shove, je ne pense pas qu’il soit en trap, même si ça fait bizarre de call pour autant de blindes juste avec une top paire ».

Atlanta, golf et ingénieur RFID

Daniel Weinman a gagné le plus prestigieux des tournois de poker, un bracelet très brillant mais aussi beaucoup d’argent. 12,1 millions de dollars très précisément. Un montant qui permet de voir venir, mais qui ne semble pas donner à son vainqueur la folie des grandeurs, puisque Weinman n’échappe bien entendu pas à la question préférée des journalistes : “Que va-t-il faire de toute cette oseille ?"

Daniel Weinman

« Ce n’est pas la réponse que les médias préfèrent entendre, mais je vais sûrement investir, mettre de côté. Je vais en garder une grande partie en dehors des tables, même si j’aime gamble assez fort de temps en temps, déclare le joueur. Je ne pense pas que mon quotidien va changer. Je suis déjà très heureux dans ma vie. Je me satisfais de choses assez simples quand je suis à la maison. Je serai au boulot la semaine prochaine. Je vais peut être un peu plus jouer au golf, peut être un peu plus voyager, mais sinon, la vie va juste continuer telle qu’est l’est ».

Quand il parle de “boulot”, Daniel ne parle pas de poker. Entre ses périodes de grind intensive, le joueur revient à l’une des ses premières passions : les logiciels. L’ingénieur de formation est d’ailleurs revenu dans sa Floride natale pour partager son temps entre les cartes et son autre projet professionnel.

« Quand je suis retourné à Atlanta il y a huit mois, j’ai rencontré un jeune homme qui démarrait une entreprise de matériels RFID. Ca s’appelle RF Poker (logo que tout le clan Weinman portait aujourd’hui dans le rail). On crée des tables comme celles que vous voyez en streaming, à la différence qu’on élimine “l’élément humain” dans la gestion de cette technologie, afin d’ôter toutes les incertitudes qui l’entourent. C’est beaucoup de fun. Je pense que j’aime encore plus l’ingénieurie-logiciel que je n’aime le poker. Pouvoir mêler ces deux choses, c’est un peu le job de rêve pour moi ».

Le héros repart du plateau télévisé avec tout son rail pour trinquer un coup. Leur Vegas se ponctue sur cette victoire, qui marquera leur histoire ainsi que celle du poker. Lorsqu’ils reviendront l’année prochaine, le poster de Daniel Weinman figurera à côté de celui d’Espen Jorstad. Enfin un portrait américain, après cinq ans de conquête européenne ! Comme Chris Moneymaker qui donnait le coup d’envoi de ce tournoi et Jamie Gold qui lui remettait il y quelques minutes son bracelet, Daniel Weinman ramène le Main Event en Amérique et inscrit son nom à jamais dans la légendes des World Series.

Daniel Weinman

Main Event WSOP 2023 - Résultats

Place Joueur Gains
1 Daniel Weinman (USA) 12 100 000 $
2 Steven Jones (USA) 6 500 000 $
3 Adam Walton (USA) 4 000 000 $
4 Jan-Peter Jachtmann (Allemagne) 3 000 000 $
5 Ruslan Prydryk (Ukraine) 2 400 000 $
6 Dean Hutchinson (Ecosse) 1 850 000 $
7 Toby Lewis (Angleterre) 1 425 000 $
8 Juan Maceiras (Espagne) 1 125 000 $
9 Daniel Holzner (Italie) 900 000 $

Daniel Weinman

Daniel Weinman

Alex Réard ou la force tranquille

- 18 juillet 2023 - Par Benjo DiMeo

Alexandre Réard décroche son deuxième bracelet WSOP. Son premier gain à sept chiffres est remporté sur l'un des tournois les plus difficiles de l'été. Après la consécration en 2021 vient le temps de la confirmation pour l'un des tauliers du poker français, impressionnant de maîtrise et de sérénité tout au long des quatre derniers jours.
Event #90 : NLHE 6-max Championship 10 000 $


Alexandre Reard 2e bracelet WSOP 10K 6-max Winamax reportage coverage
« Champions du monde !
Champions du monde !
CHAMPIONS,
CHAMPIONS,
CHAMPIONS, DU MONDE ! »


Il est 14h32 à Las Vegas en ce lundi 17 juillet, et sur le plateau télévisé du plus gros tournoi de poker du monde, les deux derniers joueurs en course font la grimace. Leurs factions de supporters aussi.

À quelques mètres des spotlights braqués sur Daniel Weinman et Steven Jones, un autre tournoi des WSOP vient de s'achever. Et pas dans la discrétion. Les clameurs qui s'élèvent de cette table secondaire menacent carrément de voler la vedette aux ultimes prétendants à la couronne suprême du poker. Pire encore : ces chants et célébrations sont hurlés en français. Définitivement pas la langue la plus populaire au pays de l'Oncle Sam.

C'en est trop pour les familles et amis de Weinman et Jones, qui tentent une contre-offensive depuis les gradins. « USA ! USA ! USA ! » Effectivement : le Main Event va s'achever par la première victoire américaine depuis 2018. Mais les Français encore présents à Las Vegas pour les ultimes tournois des WSOP 2023 n'en ont cure. Ils sont là pour célébrer le nouveau triomphe d'un de leurs meilleurs représentants. Alexandre Réard vient de remporter son second bracelet de Champion du Monde. Sur l'un des tournois les plus difficiles au programme, qui plus est. Ce n'est pas le Main Event, quand bien même il a rassemblé plus de 10 000 joueurs, qui va gâcher leur quart d'heure de gloire bleu-blanc-rouge.

Alexandre Reard 2e bracelet WSOP 10K 6-max Winamax reportage coverage
Florian Ribouchon, Jonathan Therme, Erwann Pecheux, Julien Sitbon, Arnaud Enselme, Romain Lewis, Ivan Deyra, Rosalie Petit, Davidi Kitai... Parmi ceux qui célèbrent leur héros du jour, on trouve de tout : ceux qui ont déjà vécu ce moment unique, ceux qui sont passés à deux doigts de le vivre, et ceux qui se disent « la prochaine fois, c'est sûr, ça sera moi. »

Légère et bon enfant, la joie débridée du clan tricolore prend cependant l'air d'un cheveu dans la soupe solennelle qu'on nous sert toujours à la fin du Main Event. Les « Sssssssh » commencent à monter depuis les gradins et du côté des arbitres. L'un des hommes en costard, le toujours autoritaire Charlie Ceresi, doit prendre les choses en main. « OK, vous allez l'avoir, votre photo souvenir. Mais on va faire ça vite, et dans le calme. » La troupe de supporters est invitée à faire le tour de la barrière afin de rejoindre Réard à table. La scène est absurde : on leur demande de laisser éclater leur joie pour les objectifs... mais avec le bouton "Mute" enclenché. Les cris s'élèvent tout de même, impossibles à réprimer. Les appareils photos mitraillent. Puis Ceresi disperse la foule. Le Main Event doit retrouver son cours normal.

Hier soir, lorsqu'une trêve provisoire a été déclarée sur l'Event #90, le fameux 6-max à 10 000 $ l'entrée, il ne restait plus que quatre joueurs sur les 550 inscrits. Alexandre Réard était de très loin le favori, avec plus de 50 % des jetons devant lui. De retour au Horseshoe à 13 heures, le Parisien était à l'heure pour son speed date avec l'histoire. En 90 minutes, le plat de résistance était consommé, le dessert commandé, l'addition réglée. Le second bracelet était à lui, accompagné d'un beau million de dollars. Le premier gain à sept chiffres de sa carrière.

Alexandre Reard 2e bracelet WSOP 10K 6-max Winamax reportage coverage
Réard a reçu un coup de main du hasard pour se débarrasser de Justin Liberto en quatrième place : un As-10 qui s'améliore sur le turn contre deux 10 et réduit au silence un joueur dont il se méfiait beaucoup. Derrière, c'est Stephen Chidwick qui s'est chargé d'AJ Kelsall, avec un As-5 tenant bon contre Valet-10, puis une paire de 8 restant en tête contre As-4.

Le heads-up final ne fut qu'une formalité expédiée en trente minutes : même pour le n°4 de la All Time Money List (49 millions de dollars de gains de carrière), la marche était décidément trop haute face à un Réard en maîtrise de bout en bout. Lorsque Chidwick s'est mis à tapis avec 83 sur un turn 8526, l'un des meilleurs joueurs de l'histoire ne pouvait espérer qu'un split contre la quinte 43 du Français. Un miracle qui ne viendra pas, le 2 sur la rivière venant entériner la domination sans partage de la force tranquille du poker français.

« J'ai eu une pensée pour Romain [Lewis] », rigole Réard tandis que les photographes installent leurs trépieds et flashs. « À ses débuts en live, il s'était retrouvé en heads-up contre Chidwick sur un side-event de l'EPT Prague, il avait terminé deuxième. » Mais lorsque le même Romain s'est de nouveau retrouvé en finale face à l'Anglais six ans plus tard, sur l'un des derniers tournois des WSOP 2021, c'est lui qui a eu le dernier mot. Aujourd'hui, c'est au tour de Réard de confirmer la tendance : lorsqu'un Français est en finale, Chidwick n'est désormais plus favori pour la victoire...

Les WSOP 2021, reparlons-en : c'est sur cette édition qu'Alexandre Réard avait remporté son premier bracelet. « Tout sauf un hasard », titrait-on à l'époque après sa victoire sur un 5K 8-max. Son second titre WSOP, il est allé le chercher sur un tournoi deux fois plus cher, et très certainement deux fois plus relevé (au moins). Le « 10K 6-max » des WSOP : un tournoi culte, à l'aura presque mythique. Un peu le Main Event de la génération online.

Alexandre Reard 2e bracelet WSOP 10K 6-max Winamax reportage coverage
Laquelle de ces deux victoires est la plus forte ? Le champion a forcément du mal à choisir. « La première est à part... parce que c'est la première. Aujourd'hui, c'est encore plus beau, clairement, pour plein de raisons : le prize-pool, le format 6-max, le joueur en face à la fin... Et puis, c'est le deuxième, quoi ! En termes de saveur, le premier est meilleur, il y a ma femme qui était à mes côtés, la cérémonie de remise du bracelet était très touchante. En termes de consécration, en revanche, celui-ci est le plus fort. »

Ce fameux 6-max à 10K, Réard le joue chaque année depuis qu'il a atteint le niveau et la bankroll nécessaires pour affronter les meilleurs joueurs de No-Limit Hold'em du monde. « Je ne l'ai raté qu'une fois, en tout j'ai dû le jouer cinq fois. » L'an passé, il avait déjà deep-run, atteignant la dernière journée de l'épreuve. Un mauvais souvenir pour beaucoup de monde à Las Vegas. « Il y a eu ce faux attentat terroriste... » Une fausse alerte, mais une panique véritable, avec des blessés et des traumatismes. « J'étais revenu au Day 3 avec le poignet cassé, le bras cassé, pas soigné... Je n'étais pas dans de bonnes conditions, je n'avais même plus envie de jouer ! Alors cette année, quand je suis arrivé au Day 3, je ne voulais pas louper ma chance. J'étais dans de bonnes conditions, en pleine possession de mes moyens. »

« Quand j'arrive sur un tournoi comme ça aujourd'hui, je sais que je fais partie des meilleurs »

Des paroles qui sonneront vrai pour tous ceux présents derrière le rail pour observer les deux dernières journées de l'édition 2023. Ils y auront vu un Réard impressionnant de maîtrise, prenant les commandes de la partie très tôt durant le Day 3, et restant solide sur ses appuis durant les rares moments où son tapis a chuté. Pour arriver à se sentir aussi à l'aise à la fin d'une compétition si relevée, il faut disposer d'un peu d'expérience. « Je me sens très serein pendant les deep-runs, maintenant. Avant, il y avait toujours un peu de stress, j'avais moins d'expérience, j'étais moins bon. Forcément, ça joue. Aujourd'hui, quand j'arrive sur un tournoi comme ça, je sais que je fais partie des meilleurs, je n'ai pas de doute là-dessus. J'ai confiance en moi, et dans mon jeu. Je sais qu'il faut de la réussite, et j'en ai eu. Quand tous les ingrédients sont réunis, j'essaie de saisir l'opportunité. Et je pense que j'arrive à la saisir plus souvent que jamais. »

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En 2021, Alexandre Réard avait remporté un 5K 8-max déjà bien relevé. Aujourd'hui, on l'applaudit tout en haut du 10K 6-max. Comment on fait, pour passer de très bon joueur à top player ? Le Français met en avant l'importance du mental. « Je travaille avec des coachs depuis des années, pour solidifier le mental. J'ai le même coach depuis deux ans, Christophe. Je le salue, car c'est un peu grâce à lui aussi cette victoire. Ensuite, il y a les groupes de travail, les échanges permanent avec plein de joueurs très très fort. D'ailleurs, il y en a pas mal qui n'ont pas encore eu les résultats qu'ils méritent. »

Selon Alexandre Réard, derrière chaque « railbird » applaudissant la victoire d'un compatriote, il y a un futur Champion du Monde en puissance. « Cela crée de l'émulation. C'est génial de voir que ta victoire rend les autres heureux. Cela motive tout le monde. Consciemment ou non, quand on assiste à une victoire, on va se dire 'Moi aussi, j'aimerais être là'. Et ce n'est pas un sentiment négatif du tout, au contraire. Cela motive à bosser, à aller de l'avant. C'est sain, cela pousse à se surpasser. »

Revenons quelques années en arrière et mettons Alexandre Réard dans la position du railbird sans vrai palmarès. Quel fut son déclic à lui ? « Il y a très longtemps, ça devait être en 2012 ou 2013. Aurélie [son épouse, elle aussi pro, NDLR] avait gagné un tournoi Ladies qui l'avait qualifiée pour les WSOP Europe. On était invités au Majestic à Cannes, pour nous c'était déjà un truc de fous. Moi je jouais au poker, j'allais à l'Aviation Club de France. Ça se passait correctement mais je n'avais absolument pas la bankroll pour jouer les WSOP Europe, pas même les side-events. Et je me retrouve là, à la pause d'un des tournois, je vois débarquer tous les pros français de l'époque, les Américains aussi... En les regardant, je me suis dit 'Un jour, je jouerai ces tournois-là.' Dix ans après, je mesure le chemin parcouru. Et ça fait très plaisir, c'est sûr. »

Alexandre Reard 2e bracelet WSOP 10K 6-max Winamax reportage coverage
Dans le clan des meilleurs joueurs français, chacun a sa personnalité. Il n'est pas dur d'attribuer un rôle à Alexandre Réard. Lui, c'est la force tranquille. Un mec qui reste serein quelles que soient les circonstances. Constant dans ses perfs comme dans son attitude. Il déroule. On l'a encore vu aujourd'hui. Cette vision des choses, l'intéressé ne la nie pas. « Ce serait de la fausse modestie de dire le contraire. Ça s'est bien passé sur ce tournoi, j'ai eu beaucoup de jeu, j'accueille ça sereinement. Les erreurs aussi d'ailleurs : j'en fais, et c'est pas grave, c'est comme ça qu'on apprend. » Et lorsqu'il repère un souci, Réard agit. « L'un de mes points faibles, ça va souvent être la fatigue. Et là justement, sur ces WSOP, je l'ai gérée. Je ne me suis pas pressé, j'ai retiré plusieurs tournois de mon programme, des épreuves qui m'intéressaient moins. »

On avait d'ailleurs commencé notre reportage début juin avec le récit d'un gros deep-run : une troisième place sur un 2 500 $, bonne pour 192 000 $ de gains. Qu'est-ce qu'il s'est passé, durant cet entre-deux de cinq semaines ? « J'ai moins joué, justement ! J'ai sélectionné. Il faut apprendre à se connaître, écouter son expérience. Par rapport à des joueurs de 25 ans, je vais peut-être avoir moins d'énergie pour enchaîner plein de tournois d'affilée. Je sais que mon niveau va s'en ressentir. Donc, voilà : tu fais des choix, tu prends des décisions. »

Moins de tournois au programme, certes, mais avec un objectif qui restait très clair : aller chercher un deuxième bracelet. « En début de séjour, je me suis senti très bien, très pro, pendant 15 jours. J'étais avec Anthony Kazgandjian, un très bon joueur de cash-game, très rigoureux. On était dans une très bonne atmosphère. Puis je suis arrivé dans une villa, j'ai retrouvé des potes. Et là, le séjour est devenu un peu plus léger. Attention, je n'ai pas abusé, ce n'est pas mon genre. Mais on se laisse vite prendre au jeu : c'est Vegas, on est entre copains, on s'amuse, on kiffe le moment. Là, c'est devenu plus difficile. D'ailleurs, après ma finale vous m'aviez demandé si je considérais ce Vegas comme déjà réussi. J'avais répondu 'Ça va dépendre de la suite', car si derrière je ne fais pas d'ITM pendant un mois, c'est trop long, ce n'est pas à la hauteur de mes attentes. Bon, aujourd'hui, je peux te répondre clairement : oui, il est réussi ce Vegas [rires] ! »

Un bracelet, deux bracelets... combien en veut-il ? « Les bracelets, c'est un vrai objectif depuis un an, quand j'ai appris que le record en No-Limit Hold'em, c'était cinq. À vérifier... Si c'est vraiment le cas, alors c'est ça mon objectif, battre ce record. » On n'en voudra pas à Réard de ne pas tenir compte de l'extraterrestre Phil Hellmuth, dont 10 des 17 bracelets ont été remportés en NLHE... « Après, j'ai d'autres objectifs perso. La 'Triple Crown' en est un. Je joue déjà tous les EPT, maintenant il va falloir jouer un peu plus de tournois World Poker Tour. On n'en gagne pas si on n'en joue pas ! »

Côté pognon, ça commence à rigoler franchement. Réard crève officiellement les 5 millions de dollars de gains de carrière en live, avec un gros million remporté d'un seul coup. « La première perf' à sept chiffres, ce n'était pas un objectif. Mais j'y avais pensé à Rozvadov, quand je fais la grosse TF [celle du Main Event, l'an passé, NDLR]. Il y avait 1,4 ou 1,5 million à gagner, mais je finis huitième, je tombe sur un setup. Je n'ai pas pu réellement défendre mes chances, mais ce n'est pas grave, il faut l'accepter. C'est pareil quand ça se passe bien, d'ailleurs : il faut l'accepter aussi, en profiter. »

Alexandre Reard 2e bracelet WSOP 10K 6-max Winamax reportage coverage
Avec cette victoire, Réard remporte au passage un pari lancé en début de WSOP, qui réunissait tous les Français déjà détenteurs d'un bracelet en No-Limit Hold'em. « C'est Jonathan Pastore qui a eu l'idée, ça lui tenait à cœur. » Qui allait être le premier à en gagner un deuxième ? « Ceux qui avaient gagné un bracelet online pouvaient participer, mais il fallait que le second se produise en live. C'est drôle, car j'ai failli mettre fin au pari direct, dès le début des WSOP. Derrière, on a cru que personne n'allait le gagner. Et j'y arrive tout à la fin... » Tous les participants ont misé 2 000 €. La moitié du prize-pool sera reversé à une œuvre de charité, déjà choisie par son épouse.

Dès demain, Alexandre Réard sera dans l'avion pour retrouver l'Europe, la famille, les amis. « Je ne change pas ce qui était prévu, c'est à dire des vacances en France. Après ça, il y aura l'EPT Barcelone, la machine repartira jusqu'à la fin de l'année, j'ai un gros programme. Mais en attendant, j'ai un bon gros mois sans toucher de cartes. Je vais retrouver Aurélie, ça fait quand même un mois que je ne l'ai pas vue. Et puis mes parents, la famille... »

Aujourd'hui, les WSOP ont surpris tout le monde en annonçant un gros festival d'hiver aux Bahamas : 15 bracelets et des dizaines de millions de dollars garantis à Atlantis (l'ancienne maison de la PCA) au début du mois de décembre. Un « WSOP Paradise » qui entre en concurrence frontale avec l'EPT Prague, mais aussi le World Poker Tour au Wynn. Comment choisir ? « J'adore Prague, j'adore l'EPT, j'y vais tous les ans. Mais l'an dernier, quand j'ai vu les chiffres du Wynn, j'ai fait mon choix. J'ai envie d'un titre WPT. Je serai donc à Vegas en décembre. » Une collection de bracelets à agrandir, des titres inédits à chercher sur les autres festivals majeurs de la planète : c'est annoncé, Alexandre Réard ne va guère se reposer au cours des mois à venir.

Alexandre Reard 2e bracelet WSOP 10K 6-max Winamax reportage coverage

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[Vidéo] Le Flash WSOP : Alex Réard chope un bracelet, Dan Weinman champion du monde !

- 18 juillet 2023 - Par Benjo DiMeo



Quelle dernière journée ! Après un été compliqué pour les Français, Alex Réard est allé chercher le second bracelet tricolore en deux jours après celui de Julien Sitbon. Une performance XXL pour Alex qui remporte le second titre WSOP de sa carrière. À quelques mètres de sa table, c'est Daniel Weinman qui remporte le plus prestigieux des trophées en s'imposant sur le Main Event pour 12 100 000$. Revivez cette folle journée dans ce Flash où vous en apprendrez également un peu plus sur les célèbres fontaines du Bellagio.

Event #94 : 8-Handed NLHE 5 000 $

- 18 juillet 2023 - Par VictorP

Alex Keating
Alex Keating (USA) 701 688 $

A quelques jours de la fin des WSOP, les récréatifs avaient pour la plupart quitté le navire, laissant ainsi place à de rudes affrontements entre regs. Et à ce jeu-là, Alex Keating a fini par avoir le dernier mot. Reconnu pour son palmarès en live déjà bien garni (3 367 785 $), le natif de Saratoga (New-York) n'avait cependant jamais décroché le Graal. Mais ça, c'était avant. Au terme d'un combat l'ayant opposé à de grands noms tels que Viktor Bloom, Alex Foxen, David Peters, ou encore Phil Laak, l'Américain a su tirer son épingle du jeu et ainsi sauver un Vegas au cours duquel il n'avait pas encore brillé. "Je me sens bien. Je réfléchis à ce que je suis censé faire maintenant. Je dois aller au mariage d'un ami, donc je vais inviter mes amis conviés en 1ère classe à mes côtés. Ils vous apportent du caviar et du champagne. Ce sera ma façon de célébrer".

813 joueurs (re-entries inclus)

 5 Français ITM
34e : Johan Guilbert 18 217 $
44e : Cédric Schwaederle 15 596 $
96e : Nicolas Vayssieres 8 815 $
103e : Mathieu Smith 8 059 $
114e : David Fhima 8 059 $

Photo : WSOP.com

Event #95 : Super Turbo NLHE 1 000 $

- 18 juillet 2023 - Par VictorP

Paul Berger
Paul Berger (USA) 216 645 $

Il n'avait pas prévu de disputer l'ultime tournoi de ces WSOP. Mais lorsqu'il a vu que ce dernier turbo se disputait sur une seule journée, Paul Berger n'a pas hésité un seul instant. Et personne ne pourra lui reprocher. Quelques heures après son inscription, il posait, sourire aux lèvres, en compagnie de son premier bracelet. Et pas n'importe lequel : le dernier de l'été. Le rêve de tout joueur de poker finalement ? Oui, mais... : "Le bracelet c'est super, mais l'argent remporté est plus important à mes yeux car la majeure partie sera versée à un orphelinat au Népal. Faire son meilleur résultat en live et savoir que c'est pour une bonne cause, ça c'est cool !". Une âme charitable pour clôturer le bal, et les WSOP sont maintenant terminés !

1 482 joueurs (re-entries inclus)

7 Français ITM
  27e : Sylvain Tia 5 998 $
126e : Cédric Schwaederle 2 001 $
131e : Mathieu Smith 2 001 $
160e : Thomas Cazayous 1 751 $
190e : Julien Sitbon 1 601 $
210e : Virgile Turchi 1 601 $
216e : Alan Goasdoue 1 601 $

Mais aussi...
222e : Davidi Kitai (Belgique, Team Winamax) 1 601 $

Photo : WSOP.com