''J'ai presque honte d'être encore là''

- 30 juin 2022 - Par Flegmatic

Pourtant loin d'être un spécialiste des mixed games, Koray Aldemir est toujours bien placé pour un improbable doublé Main Event/PPC
Event #56 : Poker Players Championship 50 000 $ (Day 4)

Koray Aldemir

Le monde du poker pouvait-il trouver un meilleur ambassadeur de Koray Aldemir ? On peut même regretter que le règne de l'Allemand en tant que Champion du Monde fut le plus court de l'histoire des World Series of Poker, tant il sait se montrer disponible, avenant, simple... mais toujours aussi talentueux et redoutable à une table de poker, quel que soit le buy-in ou la variante. Car avant de remettre son titre en jeu sur le Main Event à partir de dimanche, celui que l'on connaissait principalement comme une terreur des high stakes en No-Limit Hold'em est venu s'offrir un petit plaisir : se frotter pour la toute première fois à la crème des joueurs de variantes du monde entier.

Et ce, avec succès : non content de faire partie des treize joueurs payés, Koray est solidement installé dans le Top 4 à onze joueurs restants du Chip Reese Trophy, à la surprise d'absolument tout le monde... et surtout lui ! "Je ne m'attendais pas du tout à aller aussi loin, nous a avoué le Champion, plus humble que jamais. Pour être honnête, j'ai même un peu honte d'être encore là et de m'en sortir aussi bien, alors que je ne connais pas si bien que ça tous ces jeux. Bien moins en tout cas que la majorité des joueurs de ce tournoi."

Koray Aldemir serait-il donc le fish de ce PPC, l'énorme baleine ayant aligné 50 000 $ sur la table pour surfer sur sa réussite aux World Series ? N'exagérons rien. "J'ai toujours aimé alterner entre les variantes, je jouais notamment les épreuves de mixed games des SCOOP il y a quelque temps. Et puis autour de début 2020, je me suis dit que je devrais m'y mettre un peu plus sérieusement. Mais le Covid est arrivé et les tables de No-Limit Hold'em étaient tellement belles que j'ai laissé de côté les variantes." Il faut attendre le retour du poker live pour le voir s'y mettre véritablement. "J'ai joué tous les tournois mixed games low stakes l'an dernier," avec deux places payées en 8-Game et en H.O.R.S.E. en guise d'échauffement. "Alors cette année, pourquoi pas le PPC."

Koray Aldemir

À tournoi hors du commun, qui plus est pour un rookie, préparation spéciale ? "Non, lâche-t-il en souriant. J'ai plusieurs amis qui jouent régulièrement les mixed games, donc je leur pose des questions, on discute de mains, mais en dehors de ça, rien de particulier." Et quand dans le groupe d'amis en question figure un certain Johannes Becker, lui aussi toujours en course et actuellement assis juste à sa gauche, on imagine que les conseils sont du genre avisés. "Il fait partie des meilleurs, abonde Koray, en écho aux propos tenus plus tôt dans le tournoi par Julien Martini. Parmi ceux qui restent, je mettrais aussi Matthew Ashton et Daniel Cates parmi les plus dangereux."

À l'inverse, si l'on suppose avec raison que le No-Limit est son meilleur jeu au sein des neuf alternant sur ce tournoi, où se sent-il le plus vulnérable ? "Probablement sur les jeux de Stud. Les mises sont si petites, c'est beaucoup plus difficile pour moi d'évaluer mon équité." Voilà qui a le mérite d'être franc, et qui n'impacte en rien ses bonnes sensations à table. "Je me sentais déjà très bien avant le tournoi, et je m'amuse beaucoup depuis le début. Et maintenant, j'ai de bonnes chances d'atteindre la finale." En toute décontraction, sans se poser de questions. "Je dirais que je ressens même moins de pression cette année que les précédentes. Bien sûr, des gens viennent me parler, me demander des photos, ce qui n'arrivait pas avant, mais ça ne me distrait pas." Cette sérénité, cette aisance, pourraient bien être les clés pour l'emmener vers ce que seul Scotty Nguyen a réalisé, entre 1998 et 2008 : remporter le Main Event et le Poker Players Championship. Nul doute que ce doublé-là, signé en moins de sept mois, ferait entrer Koray Aldemir dans le cercle des très grands.

Koray Aldemir Banner

Tout en haut de l'affiche. Jusqu'à demain sur ce PPC ?

Victor Choupeaux, carte unique du poker tricolore

- 25 juin 2022 - Par Flegmatic

Victor Choupeaux WSOP 2022

Où en est Victor Choupeaux en ce mois de juin 2022 ? Figure connue et reconnue de la communauté française depuis plus de dix ans, 'Crokou', de son pseudo sur les tables de Winamax, continue de garder une flamme intacte pour notre jeu de cartes préféré. De retour à Las Vegas huit mois après une campagne WSOP 2021 catastrophique, il reste plus motivé que jamais dans sa quête de bracelet et dans celle de devenir à la fois une meilleure personne et un joueur toujours plus complet. Des ambitions élevées qu'il concilie depuis quelque temps avec une autre passion dévorante, qu'il partage volontiers sur les réseaux sociaux, autour de Sorare, un jeu de Fantasy Football reposant sur des cartes en NFT. Il fallait bien une bonne heure pour discuter de tous ces sujets, de la fournaise d'un bord de piscine à la fraîcheur du salon de sa villa à l'ouest du Strip.

Salut Victor et merci pour l'accueil. Quand tu ne joues pas au poker, ton fil Twitter est rempli d'images de cartes de joueurs de foot. Tu peux nous expliquer de quoi il s'agit ?

C'est Sorare, un jeu de Fantasy Football, pas si éloigné du Jeu de l'Entraîneur chez Winamax ou de Mon Petit Gazon. En fait, avec d'autres joueurs français comme Romain (Lewis) et Guillaume (Diaz), on avait commencé sur Fantasy Premier League, un jeu gratuit qui se basait uniquement sur la première division anglaise. À partir d'un budget imparti, il faut choisir ses joueurs en les achetant aux enchères et chaque manager marque des points en fonction des performances réelles des joueurs alignés. Il n'y a rien à gagner, c'est juste pour se la raconter entre potes, mais on était quand même à fond. Sorare, c'est différent : chaque joueur y est matérialisé par une carte, qui est en fait un NFT, avec donc une valeur en Ethereum - la deuxième plus grosse cryptomonnaie derrière le Bitcoin. Il y a donc un véritable aspect monétaire et un engagement financier plus ou moins prononcé en fonction de ce qu'on est prêt à mettre.

Il y a différents types de cartes ?

Elles sont classées en plusieurs catégories en fonction de leur rareté. À chaque nouvelle saison, de nouvelles cartes sont imprimées. Les cartes les plus accessibles, les jaunes, sont dites "limited" et disponibles en mille exemplaires. Viennent ensuite les rares (rouges, 100 exemplaires), les super rares (bleues, 10) et la carte unique (noire), qui a forcément une plus grosse valeur que les autres.

Comment se déroulent les compétitions ?

Elles sont "gratuites" : il n'y a pas de prix d'entrée en dehors des cartes qu'il est nécessaire d'acheter pour participer. Les contests sont ensuite divisés en niveaux de rareté des cartes - les cartes rares ne peuvent être alignées que dans des compétitions rares - puis en régions géographiques. Le "Champion Europe" regroupe par exemple les cinq principaux championnats européens, il y a aussi la zone Asie, États-Unis, Amérique du sud, etc. Et la majorité des matchs sont pris en compte. Karim Benzema peut ainsi être utilisé à la fois en championnat d'Espagne avec le Real Madrid, en Ligue des Champions ou en sélection internationale. Les top managers s'arrangent d'ailleurs pour être sur plusieurs tableaux à la fois. En se débrouillant bien on peut se retrouver à jouer tous les trois jours.

Et on gagne quoi ?

Un prizepool est établi, qui dépend du nombre de joueurs et fonctionne sur un système pyramidal, exactement comme un tournoi de poker. À la différence que seuls entre 7 et 8% des managers sont "payés", sous forme de cartes plus ou moins rares. Il y a vraiment une répartition des lots "top heavy", c'est à dire que les joueurs qui terminent sur le podium gagnent de bien meilleures cartes que les autres. Dans ma division, il y a environ 15 000 managers (pour 130 000 au total qui possèdent plus d'une carte), donc c'est évidemment très dur de finir tout en haut. J'ai fait deuxième au mieux, mais l'objectif c'est de gagner pour peut-être chopper Kylian Mbappé. Tout le monde veut Mbappé. En rare, il doit valoir pas loin de 20 000 €.

Comment on fait pour gagner alors ?

Chaque équipe se compose de cinq joueurs : un gardien de but, un défenseur, un milieu, un attaquant et un autre joueur de champ, quel que soit son poste. Pour perfer, il faut que les cinq fassent un super score en même temps. Alors quand tu en as quatre qui ont sorti un gros match, et que ton cinquième s'apprête à jouer, tu vibres !

Et toi, tu joues sur quoi ?

Je suis sur les championnats européens. C'est ce que je connais le mieux, c'est ce qui est le plus médiatisé. Je regardais déjà beaucoup de matchs avant de me mettre à Sorare, et je voulais continuer à me focaliser sur la qualité, sur ce qui se fait de mieux. C'est ça qui est intéressant pour moi : ce mélange de fun, de compétition et de rentabilité. Ça permet non seulement de garder la beauté du foot, mais moi ça m'y a même redonné goût.

"La commu est saine : je suis devenu pote avec des gens que je ne connaissais pas trop, ou que je ne connais que d'Internet"

Il y a une stratégie optimale pour perfer ?

Disons que là encore il y a un peu le même phénomène qu'au poker : quand tu commences, tu ne connais pas trop les bons plays, les meilleures choses à faire. Tu fais des erreurs et tu apprends. Globalement, il n'y a pas de secret : il faut suivre l'actualité, le mercato, l'état de forme des uns et des autres, les blessures, savoir quand certains font leur retour, s'il faut en prendre un autre en remplacement, ne pas se laisser embarquer par la hype...

Tu as déjà fait des mauvais coups ?

Je me suis planté sur Toni Kroos. Il y a quelques mois, il faisait partie des joueurs les plus chers, sauf qu'il a 32 ans et qu'il a annoncé sa retraite internationale. En plus il y a un gros embouteillage au milieu de terrain au Real Madrid : ils viennent de recruter le Français Aurélien Tchouaméni, il va donc jouer moins de matchs. Et comme on a absolument besoin de joueurs titulaires, je suis sorti de ce bourbier et j'ai dû le revendre avec une belle perte.

Et à l'inverse, ton meilleur achat ?

J'ai pris Karim Benzema en rare pour 5 000 €. Et j'ai aussi acheté Darwin au Benfica juste avant qu'il signe à Liverpool. Je le suivais depuis un moment et il a bien pris en valeur depuis.

Tu te situes où dans la hiérarchie ?

J'ai une quarantaine de cartes, je suis assez haut par rapport à la masse globale, mais je reste très loin du top.

On voit beaucoup de joueurs répondre à tes tweets. Tu es un genre de leader de tendances dans le milieu ?

Pas vraiment, mais ce qui est très sympa c'est qu'il y a un gros aspect communautaire. J'échange avec d'autres joueurs par simple amour du jeu, dont quelques Français comme Sonny (Franco), Tom (Jarry) ou Actarus [Nicolas Ragot, NDLR], un ancien gros joueur de poker qui fait maintenant partie des top managers. La commu est saine : je suis devenu pote avec des gens que je ne connaissais pas trop, ou que je ne connais que d'Internet, juste par envie de progresser et de s'entraider. Je suis d'ailleurs sur un super groupe Discord de Français, qui s'appelle SoAddict.

Victor Choupeaux SISMIX

Mixer Sorare et poker, quoi de plus facile pour un ancien DJ, ici aux platines lors du SISMIX 2017 avec son collectif de l'époque Bonne Nouvelle.

Même en suivant de loin, on peut parfois voir passer des cartes vendues à des prix délirants. Comment ça fonctionne ?

D'un côté, il y a un marché primaire, sur lequel Sorare met en vente des cartes, avec un système d'enchères. C'est ici que les choses peuvent partir en sucette sur certaines cartes uniques. On a atteint un nouveau record récemment avec la carte unique d'Erling Haaland, l'ex-attaquant de Dortmund qui vient de partir pour Manchester City et qui a été acheté à 700 000 €. Ensuite, on peut choisir de garder ou de revendre ses cartes. Ça se passe alors sur un marché secondaire, entre managers, où on négocie jusqu'à se mettre d'accord sur le prix. Des outils existent, comme Sorare Data, qui est un site permettant de connaître le cours du marché et les cotes de chaque joueur.

"Si je dois choisir entre un bracelet et Mbappé en carte unique, je prends le bracelet !"

Financièrement, ça marche bien pour toi ?

Disons qu'en ce moment je perds de l'argent parce que les cryptomonnaies sont en chute libre, mais à long terme ça devrait aller. À la fois pour l'Ethereum et pour Sorare. Même si des périodes comme celles que l'on vit éprouvent notre foi, je crois dans le concept. C'est une plateforme qui va grandir, qui a envie de devenir n°1 dans le foot et de s'ouvrir à d'autres sports. Des joueurs comme Antoine Griezmann et Gérard Piqué ont beaucoup investi dessus, et l'entreprise a levé énormément dernièrement [580 millions en septembre 2021, un record en France, pour porter leur valorisation à 4,3 milliards, NDLR]. Et puis c'est Français, on est aussi un peu chauvin. En tout cas, en terme purement financier, je ne le vois pas du tout comme une éventuelle transition.

Ça te prend combien de temps par semaine ? Ça n'empiète pas sur ton planning poker ?

Ce n'est pas facile à estimer mais je dirais entre cinq à dix heures. Je vais aussi regarder quelques matchs le week-end, donc forcément faire un peu moins de volume. Mais ma priorité reste le poker : c'est mon métier et ma seule activité financière. Si je dois choisir entre un bracelet et Mbappé en carte unique, je prends le bracelet sans hésiter !

Victor Choupeaux Seminole

Crédit photo : Eurosport

Le poker venons-en. Tu as passé deux mois aux États-Unis l'été dernier. Le live te manquait ?

Exactement. En fait, après avoir quitté Londres il y a 4-5 ans, j'ai vécu dans plusieurs pays d'Amérique du sud (Costa Rica, Colombie) et j'habite maintenant au Mexique, à Playa del Carmen. On grind l'après-midi, on sort le soir, la vie y est très sympa et beaucoup moins cher. Tout ça pour dire que vivre là-bas facilite grandement le fait de venir aux États-Unis. Je suis parti l'été dernier avec deux très bons potes belges, Thomas Boivin et Johan Schumacher. J'ai d'abord passé un mois à Vegas, où j'ai fait deux tables finales au Wynn puis au Venetian. Derrière, on part pour Hollywood, à côté de Miami, jouer le Seminole Hard Rock Poker Open. Les conditions de jeu étaient super et le niveau vraiment pas terrible. J'ai joué jusqu'au 5 000 $ (dans lequel j'ai d'ailleurs mis trois bullets), je termine quatrième du 1 100 $ et je deal le 600 $ en repartant avec le trophée (photo ci-dessus), ce qui était très important pour moi. Au global, c'était un super séjour, j'ai vraiment eu des sensations et j'ai même senti que l'expérience accumulée durant toutes ces années commençait à payer.

Comment ça ?

Je trouvais que j'avais une bonne présence à table, mes reads étaient bons et j'ai même commencé à déceler quelques tells, alors que ça n'avait jamais été mon fort. Et j'ai trouvé un bon entre-deux dans mon jeu : d'un côté, j'ai réussi à exprimer mon agressivité dans les moments-clés, quand mes adversaires commençaient à avoir peur (bulles et gros paliers) ; de l'autre j'ai parfois fait le dos rond quand ça se passait moins bien, j'ai su rester tight et folder.

Dans la lancée de ces bons résultats, arrivent les WSOP... et là c'est la catastrophe : aucune place payée en près de quarante tournois. Que s'est-il passé ?

Je viens à Vegas pour un mois et demi avec le Team NutsR. Je fournissais un peu de coaching pour les joueurs au Cambodge et, en échange, Romain (Nussmann) était mon coach sur toutes les questions liées au mindset, au développement personnel et à la gestion des émotions, ce qui m'a d'ailleurs beaucoup aidé. Donc je me retrouve avec eux, je buy-in pour 60-65 000 $ et tu l'as dit, zéro ITM. Mentalement, c'était un très gros challenge, d'autant que j'avais de grosses attentes. Je me sentais prêt pour aller chercher mon premier bracelet, mais je ne passais pas un dinner break. J'étais satisfait au niveau des choses que je pouvais contrôler, je n'ai envoyé balader aucun tournoi, je suis resté motivé, mais sur la fin, je perdais un peu espoir. J'avais envie de bien faire et en plus je voyais les autres joueurs du Team qui repartaient au charbon, jour après jour, donc je n'avais pas envie de passer pour un glandeur. Je reconnais que tout n'a pas tout le temps été parfait de mon côté, mais je n'ai pas non plus fait d'erreurs monstrueuses. Au final, 38 tournois, ça correspond à une ou deux sessions online, ce n'est pas si horrible. Parfois, on fait des runs absurdes dans un sens comme dans l'autre. Donc en sachant tout ça, je suis revenu cette année comme si de rien était, content de jouer les World Series. J'ai ma place ici, je suis capable de gagner un bracelet et ça me fait toujours autant rêver.

"J'aime l'idée d'être un joueur tous terrains"

Tu n'as pas douté ?

Je m'ouvre de plus en plus vers le cash game donc oui, j'ai pensé un temps à partir vraiment dans cette direction-là, mais le poker de tournoi continue de m'attirer, aussi ingrat qu'il puisse être parfois. J'ai rencontré des joueurs de cash game au Mexique ou ailleurs qui sont millionnaires, mais qui n'ont pas du tout de notoriété, pas de Hendon Mob : c'est un choix de vie et de carrière totalement différent. De mon côté, je fais en sorte de concilier les deux. J'aime cette idée d'être un joueur tous terrains.

En parlant de ça, tes deux premières places payées de l'été sont en Pot-Limit Omaha. C'est ton nouveau jeu préféré ?

Cela fait plusieurs années que je me suis lancé en cash game PLO, et en MTT quand j'en trouve. Je pense que je ne suis pas loin d'être un spécialiste, en tout cas je me sens bien dans cette variante. Je crois que j'aimerais bien y gagner mon bracelet. J'ai pas mal deep run le premier tournoi : je termine quinzième après avoir longtemps survécu avec pas grand-chose. Je suis même tombé à deux blindes à 40 joueurs restants. Ça met en avant les qualités de patience et de discipline que j'ai développées dernièrement. Et forcément, quand on arrive en demi-finales, on a envie de faire TF.

Victor Choupeaux WSOP 2017

Ça t'a rappelé 2017, où tu avais terminé troisième du Mixed NLHE/PLO ?

Je reste à la recherche de cette sensation que je n'ai connu que cette fois-là. Ressentir ce soutien physique, c'est incomparable, ça m'avait beaucoup touché. On l'a vu aussi récemment sur la finale de Maxime (Parys) et Samuel (Anclevic) - qui a d'ailleurs été mon coloc' au Costa Rica. Je n'ai pas pu être là parce que je me sentais un peu malade, mais à chaque fois que c'est possible, je suis hyper content d'être présent pour les autres. Quand tu es à table, ça te booste et ça crée d'énormes souvenirs qui vont bien au-delà de l'argent. Et quand tu es dans le rail, tu as l'impression de faire la différence, tu te sens investi.

Il y a trois tournois de Mixed NLHE/PLO cette année aux WSOP, à 5 000, 1 500 et 600 $. Tu as prévu de les jouer ?

Le 5 000 peut-être pas, ça va dépendre, mais les deux autres oui. Les mecs qui jouent ça sont en principe moins bons en PLO et ils croient qu'ils vont pouvoir se rattraper en No-Limit. Moi j'aime toujours le Hold'em et je continue de beaucoup le travailler, donc je pense avoir un bon edge.

"Deep run le Main Event, c'est un autre gros objectif"

Et le Omaha High-Low, ça te tente ?

Je n'ai pas encore essayé mais je suis curieux, il parait que c'est pas mal. De toute façon, dans cet objectif de bracelet, je me dis que j'ai tout intérêt à apprendre de nouvelles variantes, devenir un joueur plus complet. Je perdrais sans doute un peu d'EV à ne pas être concentré à fond sur le Hold'em mais ça me correspond bien. Ensuite, ce n'est pas tout de vouloir : il faut se faire coacher et surtout savoir où jouer. Et ce n'est pas si évident, d'ailleurs même les regs de ces jeux-là ne jouent pas tant que ça. J'ai surtout l'impression que ceux qui sont au top restent au top, que la hiérarchie est difficilement bousculable. Bon, ce n'est pas ma priorité mais je laisse la porte ouverte.

Victor Choupeaux - Phil Ivey

Quelle est la suite de ton programme pour les semaines qui restent ?

Je vais jouer tous les tournois à 3 000 $ et moins. Ce sera plus souple que l'an dernier, je me mets moins de pression. Et bien sûr le Main Event : le deep run c'est un autre gros objectif. J'ai un énorme rapport affectif avec ce tournoi, j'ai toujours suivi les épisodes avec Norman Chad et Lon McEachern. Même après dix ans de Vegas, dès que j'ai des jetons, je suis comme un gosse ! Je ne l'ai cash que deux fois, dont un Day 4 en 2018 où j'ai même été en table TV avec Phil Ivey : c'est des sensations de fou. Cette année, je vise donc mon premier Day 5. La structure, l'engouement, l'ambiance que génère ce tournoi, c'est incomparable. Socialement, c'est une aventure exceptionnelle. Tu n'as pas le sentiment de devoir marcher sur les autres pour aller loin : si tu te retrouves quatre jours plus tard à côté d'un mec avec qui tu as joué au Day 1, c'est même tant mieux, tout le monde est content !

Quelques écarts prévus en dehors des WSOP ?

Je ne pense pas, non. Les conditions de jeu sont bien meilleures cette année qu'au Rio, et ce qui me fait vibrer, c'est le bracelet. Les tournois des autres casinos, même s'ils peuvent être très beaux, ont moins d'importance à mes yeux.

Et pour le reste de l'année ?

Je reviendrai sûrement en Europe jouer un EPT ou deux, si les dates coïncident avec une visite dans ma famille ou chez des potes. Mais à part ça je compte privilégier le circuit américain, retourner notamment à Miami jouer quelques WPT. Je commence à bien les cerner les Ricains, ils posent moins de problème que les Européens et le niveau moyen laisse franchement à désirer. En plus pour moi c'est beaucoup plus pratique : moins de distance, moins de frais, moins de jetlag... Il faut que j'aille faire un tour au Texas, apparemment c'est la folie là-bas [ce que nous avait déjà avancé Romain Lotti quelques jours plus tôt, en parlant de "caverne d'Ali Baba", NDLR]. On peut même trouver de belles parties online via des applications locales. Il y a une belle offre ici, très complète, donc pourquoi s'en priver ? Et à côté de ça, continuer de jouer les principales Series online. Essayer de vivre une vie sympa, quoi !

On te le souhaite, Victor ! Merci beaucoup et à très vite autour des tables.

Léo Soma, la pépite valentino-cambodgienne

- 19 juin 2022 - Par Fausto

Dix jours après sa victoire sur le 1 500 $ 6-max pour 456 889 $, Léo Soma fait le point sur sa performance exceptionelle et se livre sur son parcours de grinder, des terrains de handballs valentinois jusqu’au centre de formation cambodgien. Après une entrée fracassante dans le grand bain du poker mondial, le jeune Olux ne manque pas d’ambition.

Leo

Salut Léo. Au moment de soulever le bracelet, tu avais encore du mal à réaliser. Est-ce ce que tu as pu prendre la mesure de cet exploit ?

Un petit peu, surtout grâce aux nombreux messages que j'ai reçu. Il y a des gens à qui j’avais pas parlé depuis des années, qui étaient sur le streaming à 7h du matin et qui m’ont écrit. Ça rend la chose plus concrète. Et puis ça fait dix jours maintenant, j’ai déjà rejoué quelques tournois, maintenant on est reparti au combat.

Quels sentiments te viennent une fois l'émotion redescendue  ? 

Enormément de fierté. Et du plaisir aussi ! C’était incroyable de partager ça avec toute l’équipe. Depuis, il y a pas mal de blagues autour de ça. Je suis un peu devenu le champion du monde de la bande. Le premier pour Nutsr, et le début d'une longue série j’espère.

« Si il y a quelques mois, on m’avait dit qu'Elky serait mon traducteur… »

Elky Leo

Avant de parler de Nutsr, on va revenir au tout départ, à Valence (Drôme). C’est là que tu es né ?

Oui, j’ai grandi à Etoile-sur-Rhône à côté de Valence, d’ou la première étoile sur le maillot. C’est un village de 4 000 habitants quand même. Le premier truc qui me vient en tête, c’est le handball. J’étais sportif, j’avais un groupe de potes à l’école avec lequel on s’est tous mis au hand. Ça fait écho au fait d’être en team. Déjà en primaire, on était cette bande de sept, on a commencé le handball ensemble et c’est toujours mes meilleurs potes aujourd’hui.

On a progressé ensemble, on était dans une classe sportive, on a fait les championnats de France… Mais je n’ai pas poussé au très haut niveau en senior. J’ai dû choisir entre mes deux passions, le poker et le handball, et le poker a pris le pas petit à petit.

Tu avais déjà cet état d'esprit compétitif ?

J’étais à fond handball jusqu’à mes 17 ans. Mon premier titre, je l’ai eu avec la sport-étude de Valence, en gagnant le Championnat de France Excellence. C’était une section sportive, à peu près comme un pôle espoir. Je n’ai pas vraiment envisagé le handball professionnel. Je n’avais pas tout à fait le physique d’un demi-centre de haut niveau.

Soma handball

De numéro 2, Léo Soma est passé numéro 1 (Le Dauphiné, lors du fameux challenge Pierre Grillon de Bourg-lès-Valence)

Tu grindais en parrallèle de tes études ?

J’ai fait un Bac S puis prépa Maths Sup - Maths Spé. Je ne savais pas vraiment ce que je voulais faire après la Terminale. J’étais bon dans les matières scientifiques, donc on m’a dirigé vers une prépa maths, on me disait que ça ouvrait des portes. J’étais pas contre l’idée de faire prof' de maths. Il y avait un rythme de travail intéressant, avec les vacances qui tombent pendant les WSOP par exemple…

Le poker était donc déjà bien arrivé dans ta vie ?

Je jouais déjà avec mes amis avant mes 18 ans. Dès mes 18 ans, je me suis inscrit sur tous les sites. Le jour de mon anniversaire, je suis même allé au casino me faire une partie de cash. Ma famille jouait un petit peu, j’ai des souvenirs de parties après les repas de Noël quand j’étais tout jeune. 

Ma mère m’a pas mal soutenu aussi mine de rien. À Valence, il n’y a pas de casino mais à deux heures de route, il y a La Grande Motte, donc quand je voulais faire des petits tournois, c’est elle qui m’accompagnait en voiture, parfois même pour deux heures de route.

soma pasino

Léo lors de l'un de ses premiers tournois, sur le Wonder8 de Cannes (Crédit Texapoker)

Qu’est ce qui te plaisait dans ce jeu ?

J’ai toujours aimé les jeux de stratégie, notamment sur PC. Je jouais à League of Legends ou Team Fight Tactics. L’un des aspects qui me plait beaucoup, c’est l’unicité de toutes les situations. Tu ne joues jamais deux fois la même main. Et puis, je m’y suis mis en regardant la télévision, en tombant sur les replays des tables finales EPT. Je voyais les grands noms avec les Negreanu et ElkY, et ça me passionnait. Il y a dix ans, je regardais ces stars et il y a dix jours, c’est Elky qui nous emmène au resto après la win. C’est même lui qui a traduit mon interview avec PokerGO.

S’il y a quatre mois, on m’avait dit que j’allais aller aux WSOP, que j’allais gagner mon deuxième tournoi et qu’ElkY serait mon traducteur, j’aurais rigolé bien fort.

Du Pasino La-Grande-Motte au Cambodge

À quel moment est arrivé le projet NutsR ?

En allant au casino quelques fois, j’ai rencontré quelques gens de mon âge, alors qu’ils sont plutôt rares dans le casino. Je sympathise notamment Clément « JK », on faisait quelques tournois ensemble et c’est lui qui a d’abord eu l'idée d’aller chez NutsR. Je l’entends parler de NutsR avec un ami dans la voiture, alors qu’on est en chemin pour un tournoi. Il postule et un mois après, il est parti au Cambodge. C’était fin 2019.

Plusieurs fois dans l’année, il m’appelle pour me présenter le projet. Il savait que mes études ne m’inspiraient pas tant que ça, et puis ensuite, le confinement est arrivé.

On est en mars 2020, je n’avais plus de motivation dans les cours et je voulais me mettre à fond au poker. J’ai joué quasiment tous les jours pendant le confinement. Je gagne un beau tournoi d’entrée, je monte de limites, je me fais défoncer, et sur l’un des derniers jours du confinement, je fais ma plus belle perf, pour 22 000.

C’est là que j’entre en contact avec NutsR, notamment via mon ami Clément. Je passe l’entretien au printemps, ça se passe bien, et le temps de faire les paperasses, je pars au Cambodge en novembre 2020.

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Léo Soma dans son sasse de grinder chez Nutsr (Crédit photo Sab' Leviathan)

C’est un pays bien lointain et surtout une structure bien particulière. Comment se passe ton acclimatation ?

Le rythme était compliqué au départ. Chez NutsR, on dort à des heures un peu spéciales. Moi je dors de 13h à 21h heure locale. Je m’étais un peu adapté en France, en prenant un rythme de grind plus calé sur les horaires de tournois. Sur l’environnement. On est dans un hôtel entre Français donc si on ne sort pas on ne se rend pas compte qu’on est ailleurs, mais le Cambodge on s’y fait vite. Je n'ai pas encore appris la langue, mais je m’y sens bien. Les horaires nocturnes sont compliquées pour ceux qui aiment le wake board, les activités de pleine journée. Moi j’aime bien la nuit, j’aime bien sortir, donc j’arrive à tirer des points positifs de ce rythme.

Comment tes parents ont accueilli ce projet ?

Ma mère m’a toujours beaucoup soutenu. Quand j’ai parlé du Cambodge pour la première fois, elle m’a dit « C’est quoi cette histoire, il n'y aura pas de Cambodge » mais en rediscutant deux, trois jours plus tard, sur la route de La Grande Motte pour un tournoi d’ailleurs, elle a compris pourquoi je voulais le faire. La claque a été un peu plus grosse pour mon père, surtout quand il a compris que j’allais lâcher les études pour aller là-bas.

À NutsR, comme se passe ta progression ?

J’ai eu de la chance d’avoir Clément au départ. Il m’a un peu pris sous son aile, pour savoir sur quels points m’améliorer. J’ai progressé très vite grâce à lui. Avant, je n'’avais pas vraiment de potes qui prenaient le poker sérieusement. Là, tu découvres dix nouveaux joueurs d’un coup, plus compétents que toi. Les premiers mois, j’ai surtout pensé à apprendre, à acquérir des compétences, pour voir ce que ces personnes pouvaient m’apporter. J’ai moins joué, j’ai été break-even pendant les six premiers mois, puis après les perfs sont tombées. La plus grosse notamment sur un 105 $ avec plein de Day 1, que je gagne devant plus de 10 000 joueurs pour 70 000 $. Ca a fait décoller ma roll, et je suis passé d'un buy-in moyen de 35 à 70. 

J’ai continué d’augmenter par la suite, les Series de septembre se sont très bien passées. En novembre, le Team part pour son premier Vegas et je m’étais mis comme objectif d’être dans l’équipe pour l’édition suivante. J’ai mis à profit la période de Vegas pour grinder de manière intensive et ça m'a bien réussi.

Soma

Qu’est-ce qui rend NutsR si particulier par rapport aux autres Teams de poker ?

Le projet c’est vraiment de reproduire ce qui se fait dans les centres de formation sportifs, de manière à mettre les joueurs dans les meilleures conditions pour performer. L’esprit d’équipe est une valeur forte aussi à NutsR. Ça a été d’ailleurs l’un des points prioritaires pour choisir l’équipe. On voulait qu’il y ait une bonne entente et cette année ça se passe vraiment bien.

Le premier Vegas avait été plus compliqué. Kortex avait fait un joli deep run, Antoine Goutard avait trouvé une table finale, ça a un petit peu rattrapé mais globalement la plupart des objectifs avaient été ratés. Il y a eu une remise en questions, ils ont un peu fait toutes les erreurs de la première fois, notamment d’un point de vue logistique, et là ça se passe beaucoup mieux, notamment grâce à Franck, qui s’occupe à la fois du coaching mental et en même temps de toute la logistique des repas et des transports.

Tu me disais après la victorie que ce bracelet donne du sens au projet de l’équipe...

Le bracelet, c’est l’objectif de chacun des joueurs et un accomplissement pour la Team. Kortex nous a dit qu’il n’avait jamais autant vibré sur cette TF, même sur ses propres deep runs. Boris [Berthomet] mettait énormément d’ambiance. C’est aussi une victoire pour l’équipe.

« Faire quelque chose d’exceptionnel »

Tu gagnes un bracelet à 23 ans, l’accomplissement ultime du joueur de poker. Comment vas-tu revoir tes objectifs ?

J’aime marcher avec des objectifs ambitieux. Le bracelet évidemment en faisait partie, mais à plus long terme. J’ai dû ré-évaluer, en parlant avec mon coach mental. Il faut vite se replonger dans le grind, avec l’envie d’être performant. Maintenant, j’aimerais accomplir quelque chose d’exceptionnel, comme refaire un deep run sur un field massif. Pourquoi pas d’ailleurs sur ce même Vegas. J’aime beaucoup les gros fields, surtout avec des structures très lentes. Même Online, je me sens très bien sur ce genre de tournois. Ce qui me motive, ce sont les titres. Les montants sont beaux, mais ce sont juste des scores à battre et en étant staké, toute la somme n’est pas pour nous.

soma

Crédit WSOP

Est-ce qu’il y a des joueurs qui t’inspirent, qui te donnent envie d’avancer ?

Pour citer des joueurs de poker, ce sont deux membres du Team Winamax. En regardant Dans la tête d’un pro, j’ai vraiment beaucoup aimé la série sur Naza. Les discussions avec Stéphane Matheu, la résilience dont fait preuve João, son mindset et sa détermination, c’est impressionnant. Et sinon bien sûr Adrián Mateos, pour le côté petit jeune qui débarque et qui défonce tout le monde. Ca donne envie de faire la même chose. Dans un futur proche, je ne me vois pas jouer les buy-ins qu'il joue, mais dans un projet long-terme, placer des gros bluffs aux meilleurs joueurs du monde, ça me plairait bien.

Les nombreuses vies de Christopher Marcadet

- 11 juin 2022 - Par Flegmatic

Ces débuts de WSOP 2022 ne manquent pas de perfs françaises. Au Bally's, la palme revient bien sûr désormais à Léo Soma, qui a ouvert le compteur de bracelets tricolores avec la manière en s'offrant le 6-max à 1 500 $ pour plus de 450 000 $. Quelques jours plus tôt, Renaud Cellini signait lui la première finale bleu-blanc-rouge sur le Deepstack à 600 $. Mais avant cela, avant même que le coup d'envoi de ces World Series ne soit donné, Christopher Marcadet avait sonné la charge sur un Monster Stack à 600 $ au Venetian, bouclé en deuxième place pour 36 790 $. Le temps de sa pause sur le Monster Stack, nous sommes partis à la rencontre de ce jeune joueur de 28 ans qui a déjà cumulé de multiples casquettes depuis le début de sa carrière : joueur tous terrains, président de club, streamer, et team pro d'un nouveau circuit. Récit de vingt minutes intenses enchaînées à un débit mitraillette.

Christopher Marcadet

Bonjour Christopher et enchanté. Est-ce tu peux te présenter brièvement ?

Salut tout le monde, c'est Christopher, Chris pour les intimes et ChrizzCasual sur internet. J'ai 28 ans, dont un peu plus de 10 ans à jouer au poker, je suis originaire d'Orléans et j'habite aujourd'hui à Budapest.

Ça a commencé comment le poker pour toi ?

J'ai découvert le jeu avec des potes de mon club de tennis de table d'Orléans [il a été classé au mieux 40, pour les pongistes qui voudraient se mesurer à lui, NDLR]. Ils faisaient tous partie de l'Orléans Poker Club à cette époque. Moi j'étais un peu trop jeune, mais dès que j'ai eu 18 ans, je me suis inscrit pour intégrer le club.

Le début d'une longue histoire avec l'OPC.

Longue et compliquée, oui ! J'ai d'abord été membre pendant un an, puis le club a été mis en sommeil : il n'y avait tout simplement plus personne pour reprendre la direction. Ça m'a longtemps intéressé et deux ans plus tard j'ai contacté deux anciens membres pour relancer l'affaire. Ils ont accepté à condition que je prenne le poste de président, et c'est parti comme ça.

Orléans Poker Club

D'entrée, il y a eu des complications...

On s'est vite rendus compte que tout le matériel nous avait été volé par l'ancien propriétaire. Il nous a raconté qu'il avait contacté d'anciens membres pour qu'ils viennent le récupérer et que, face à leur absence de réponse, il avait tout balancé à la poubelle. Sauf que derrière, on a retrouvé des tables dans certains home games de la région... Heureusement, dans un autre local, on avait stocké de vielles tables qui avaient au moins 6-7 ans et dataient du premier partenariat avec Winamax. Pareil pour la jetonnerie, la majorité nous avait été volée. Avant, on était l'un des plus grands clubs de France, on avait de quoi faire 350 stacks. Là, on ne pouvait plus en monter que 80. Je découvre aussi qu'il n'y a pas un seul euro en trésorerie. J'ai donc soldé tout ça pour repartir sur des bonnes bases.

Il a ensuite fallu remonter le projet.

J'avais trouvé un restaurant pour qu'ils nous hébergent, sauf que quasiment la veille pour le lendemain, ils m'ont appelé pour me dire que ce n'était plus possible. J'étais commercial à l'époque, je n'avais pas peur de toquer aux portes. J'ai fini par trouver preneur auprès des sauveteurs-secouristes du Loiret, qui nous ont loué leur local pour 200 € par dimanche. Là-dessus, je demande 60 € par cotisation, je nettoie les tables qui étaient quand même dans un sale état et je contacte Winamax pour signer un premier contrat. On avait quelques joueurs professionnels qui rakaient pas mal, ça nous a bien aidé. Tous les ans, je demandais aussi un peu de jetonnerie et au bout de deux ans, j'ai démarché des partenaires pour apposer leur logo sur des tables personnalisées pour 250 € pièce et le 16 septembre 2018 on a pu faire notre manche de reprise (photo ci-dessus).

Mais ça ne s'est pas arrêté là.

Le 3 mai 2019 on a lancé notre premier deepstack (photo ci-dessous), avec du matos prêté par Winamax. On ne disposait que de cinq tables à ce moment-là et on a fait 3h30 de route depuis Orléans pour aller en récupérer d'autres qui venaient de servir pour une étape Winamax Poker Tour. C'était un événement entièrement gratuit, parce que je crois profondément en ça dans l'associatif, accessible à tous les licenciés de France. On a fait 430 entrées sur le Main Event, qui offrait un ticket live Wina à 550 € à la gagne. J'ai fait travailler ma famille sur l'événement, parce qu'on manque toujours de bras dans l'associatif. C'était un super moment.

Orléans Poker Club Deepstack

Et aujourd'hui, où en est l'Orléans Poker Club ?

Le club est en très bonne santé ! On compte près d'une centaine de licenciés, on a un ordinateur portable tout neuf, un vidéoprojecteur, vraiment tout ce dont on a besoin. Mais je ne suis plus président aujourd'hui : j'ai déménagé à Budapest avec ma copine en début d'année, et j'ai laissé les rênes à l'ancien vice-président, Nicolas Pichon. En tout cas, pour toutes ces années à échanger régulièrement, l'ensemble de l'Orléans Poker Club et moi-même remercions Winamax pour sa confiance et son professionnalisme.

En parallèle de toute cette aventure, tu t'es forgé une solide carrière de joueur.

Je me suis lancé pro en 2016, après avoir été licencié économique. Je gagnais déjà un bon complément de salaire aux tables, je connaissais quelques joueurs et je me suis dit pourquoi pas. J'ai joué en MTT pendant trois ans, puis j'ai laissé ça de côté pendant un an, durant lequel j'ai aidé un ami qui venait de se lancer dans un bar à bières, type V&B. J'avais besoin de retrouver le contact social. Je suis ensuite retourné au poker, en ajoutant le streaming. Bon, je ne fais pas que du poker, je streame aussi du casino, ce qui ne passe pas trop chez certaines personnes, mais j'aime le gambling sous toutes ses formes à la base. Maintenant, je joue principalement en cash game live, en Expresso online et je reviens jouer des tournois lors des périodes de Series. Difficile de passer à côté quand on a joué en MTT toutes ces années ! J'ai d'ailleurs pris 25 000 € et 12 000 € sur des Championship à 250 € sur Winamax. Dans l'ensemble, ça se passe bien : il y a des hauts et des bas, mais je n'ai jamais connu d'année perdante.

Tout ça nous amène donc à ce Vegas 2022 et cette grosse perf' au Venetian, de loin ton meilleur résultat en live. Raconte-nous.

On arrive le 27 mai avec des potes avec qui on a loué une maison pas très loin de l'Orleans. De base, j'avais prévu d'aller à la pool party de David Guetta au Encore, mais certains étaient chauds d'entrée de jeu. Ils arrivent à me convaincre d'aller jouer ce 600 $ au Venetian. Je joue une quinzaine de mains et je me fais sortir set over set. Derrière, je galère un peu à re-entry - je n'avais pas pris assez de cash et pensais pouvoir buy-in avec ma carte - mais ça se passe beaucoup mieux. Je passe le Day 1 avec environ deux averages et au Day 2 tout va assez vite, notamment entre 12 left et le début de la finale à huit. J'ai le septième tapis, beaucoup d'autres short stacks doublent, je me retrouve en bataille de blindes pour mes neuf dernières BB avec Roi-Dame off contre As-9 et je fais le Roi. Deux orbites plus tard, je suis encore en BvB contre le deuxième plus short, je fais tapis pour 14BB avec As-4 et il a As-7. Flop 7-5-10, il me dit GG et commence à vouloir me check. Turn : 6. River : 8. C'est la folie ! Après ça, je leur marche dessus à quatre left et, alors que je pense partir en pause chipleader à trois joueurs restants, les deux autres joueurs jouent un énorme pot sur lequel un des deux se fait sortir. On se retrouve donc en heads-up, avec 7,5 millions chez moi et 10,5 millions pour lui. Je propose un deal, mais apparemment mon adversaire [un certain Joshua Suyat, NDLR] est un régulier du Venetian et il refuse. Une vingtaine de mains plus tard, je me retrouve à call trois barrels sur un board avec deux tirages couleur manqués (que je ne bloque pas) et je termine donc deuxième.

Pas de regret à avoir, donc ?

Le seul, c'est d'être passé à côté du deal et d'avoir dû jouer un heads-up à 18 000 $. D'autant que je ne joue jamais plus cher que 1 500 $ en live. Mais non, à côté de ça, c'était super.

Est-ce que ça change le reste de ton programme ?

Non, je ne m'enflamme pas. J'avais prévu autour de 20 000 $ de buy-in et quelques sessions de cash game en 2 $/5 $. La seule différence, c'est que je vais peut-être tenter des shots un peu plus chers en cash game. En revanche, si jamais il y a une deuxième perf', par exemple sur ce Monster Stack [Christopher tournait autour du stack de départ au troisième break, soit 50 blindes, NDLR], là je pourrais envisager de rester après le 7 juillet et pourquoi pas jouer le Main Event, qui est pour l'instant trop cher pour moi.

Autre chose à ajouter ?

Oui, avec tout ça, j'ai failli oublier parler du PlayerOne Poker Tour. C'est un circuit live qui s'inspire de ce que fait Winamax, en proposant à la fois un festival de poker à des tarifs abordables et des activités sympas à côté. J'ai un double rôle pour eux : je suis à la fois streamer officiel et membre de leur Team Pro, qui compte actuellement huit membres. Le prochain événement aura lieu du 28 novembre au 5 décembre au casino Portomaso de Malte, avec un Main Event à 300 € et 100 000 € garantis. On va organiser des manches qualificatives sur Winamax pour remporter un séjour complet là-bas. Il y a déjà eu des festivals à Rozvadov et ils sont en négociation avec plusieurs autres casinos d'Europe. Toutes les infos sont sur la page Facebook et le site officiel.

Merci beaucoup Chris et bonne chance pour la suite de ton Vegas !

Merci à toi, et à très vite !