Les places payées du Main Event s'ouvrent dans une atmosphère festive et détendue
Le clan tricolore bat son record de joueurs ITM sur le Big One
Sur les écrans indiquant le nombre de joueurs restants, le compteur reste figé pendant de longues minutes. 1 348 survivants, dans un Main Event qui n’offre que 1 300 places payées. Puis d’un coup d’un seul, le nombre descend de 13. Les floors viennent d’enregistrer les dernières éliminations.
Il en est ainsi à chaque nouvelle salve. Toutes les cinq minutes, le tableau de bord affiche 35 puis, 12, puis 5, puis 4 joueurs de trop pour atteindre l’ITM. Il est 23 heures 40, Jack Effel prend le micro : le "main-par-main" peut commencer.
La chorégraphie habituelle se met en place. Les spectateurs se ruent autour des barrières. Les copains encouragent, les conjoints envoient leur amour, un baiser à leur moitié pour surmonter l’épreuve fatidique. Au micro, les floors leur répètent incessamment de ne pas pénétrer dans l’espace de jeu, mais toute cette effervescence devient difficile à contrôler.
Dans l’arène, le temps s’étire pour les shortstacks, qui calcule le nombre de coups qu’il leurs reste avant de se retrouver sans jetons. Ils voient les blindes arriver dangereusement vers eux, sont prêts à tout folder pour survivre. « Même si je touche deux As, je couche, affirme Nicolas Torrossian, qui compte moins d’un stack de départ au début du main par main. Ironie du sort, le Français est assis deux places à droite de Kevin Campbell, le bubble-boy de l’année dernière, et qui était sortie… Avec les As (contre As-9).

Du côté des gros stacks, c’est la détente. Ils abusent de leur tapis, mettent la pression, ramassent les blindes puis se lèvent pour aller discuter avec le pote de la table d’à côté, généralement armé d’une bière, que le staff amène sur de larges plateaux. Toutes les trente secondes, un nouveau serveur apparaît des cuisines pour se diriger vers la salle, puis se fait dévaliser aussitôt par une armée de joueurs qui se ruent sur lui, puis mettent les dollars directement dans sa poche, en échange des précieuses pintes. L’attente donne soif.
C’est que les minutes sont longues entre les différents
all-in & call. Il faut attendre que toutes les 115 tables aient fini, que l’on sache le nombre de joueurs à tapis, que les caméras et
Jack Effel
soient informés de leur localisation et de l’ordre de retransmission. À chaque nouvelle donne, les joueurs doivent attendre en cinq et dix minutes. Pour tuer l’ennui, ils font connaissance avec leur voisin de table, se lèvent ou appellent carrément un pote, ou leur famille par Skype pour partager le moment. J’ai vu par exemple des bébés et des enfants en bas âge regarder en direct un bulle de ce Main Event par iPhone interposé.
Des téléphones et tablettes connectés qui d’un coup, se font bousculer par une batterie de caméra PokerGO. Le floor Nate ouvre la voie avec autorité pour laisser passer l’escadron : Jack Effel arrive pour raconter le coup à tout le monde, via les haut-parleurs. Lui et sa meute iront de tables en tables pendant 80 minutes, pour trouver les quatre derniers bustos.
Deux salles, trois bubble-boys, une bulle
Le premier est mis à tapis directement sur sa grosse blinde. À vrai dire, le pauvre
Seyed Nabavi n’a même pas de quoi payer l’ante. Le chipelader de la table
Phuoc Nguyen lui a tout demandé avec K

7

, en position favorable contre son 10

3

. Le flop J

6

6

5

8

ne sera d’aucune aide à Seyed. Il ne reste plus que 1 303 joueurs dans ce Main Event, puis 1 302 après une autre élimination. L'histoire ne retiendra pas le nom du joueur mais on n'oubliera pas la scène : celle d'un homme vivant une déception comme seul le Main Event peu en produire, restant figé deux longues minutes à table, le temps de réaliser et encaisser, puis qui se lève d'un coup, sonné, les larmes lui venant presque aux yeux.
Quelques tours seront nécessaires avant de trouver de nouveaux sortants. L’effervescence repart de plus belle, les plateaux de bières tournent à plein régime, les joueurs vont et viennent dans les salles de jeu, mais tout le monde s’arrête lorsque les enceintes se rallument. En effet, l’affluence de ce Main Event était si nombreuse qu’une seule room ne peut accueillir 1 300 personnes.
Les survivants sont donc répartis entre l’Event Center et la Paris Ballroom. Évidemment, les joueurs situés dans l’un, ne peuvent pas assister aux all-in & call situés dans l’autre et c’est donc par le son que les joueurs peuvent vivre la bulle, sur les enceintes diffusant les commentaires de Jack Effel qui va de tables en tables pour raconter l’action… Qui se termine quatre fois sur cinq par « We’ve got a double-up !».
Après vingt minutes sans élimination, une nouvelle annonce de Jack Effet provoque les clameurs. « We’v got five all-ins and calls (nous avons cinq tapis payés) ». Un joyeux frémissement parcourt la salle. Ça pourrait être pour maintenant. Si deux des cinq mains causent une élimination, c’en est fini !
Mis à tapis de blinde,
Robert Lipkin espère une main pour pouvoir défier le 9

9

du Hijack. Il retourne… 5

4

. Q

8

K

J

7

. Lipkin est out. Et de un.
Le deuxième joueur à tapis dans l’Event Center répond au nom d’
Ognjen Sekularak. Avec son Q

J

, il est bien devant le Q

5

de Ian Armstrong sur le flop Q

J

8

. Le 7

turn agite un peu la foule, le 10

la fait carrément exploser ! En une couleur
backdoor bien salace, les 1 300 survivants de ce Main Event 2022 viennent d'entrer dans l'argent.
Enfin, peut-être pas Tom Mc Cormick qui lui aussi est à tapis dans le Paris Ballroom. S’il bust, il devra splitter le premier palier de 15 000 $ avec ces deux compagnons d’infortune. En attendant que Jack Effel et son arsenal de caméras fassent le voyage jusqu’à la salle, le grand-père a sorti sa Bible bleue sur la table, en parfaite harmonie avec sa casquette « I Love Jesus ». Il a l’air tellement gentil que pour une fois, les autres joueurs réclament le double-up du possible bubble-boy. « A King ! », scande la foule, puisque Tom a mis sa dernière blinde avec K
3
, contre le 7
6
de Vladimir Geshkenbein.
Quelques sueurs sur le flop 8
4
4
. Puis un cri de déception sur le 5
turn. Jésus n'a pas su éviter la quinte ventrale, la rivière sera retournée par pure forme : Tom rejoint ces deux prédécesseurs tandis que le Russe met définitivement fin à la bulle de ce Main Event 2022.
Excursion en terres françaises
Profitant d'un tournoi virtuellement mis à l'arrêt pendant une bonne heure et demie, nous avons eu largement le temps de faire trois fois le tour de la salle et prendre des nouvelles d'un maximum de joueurs. Parmi ceux qui attendaient la bulle patiemment, sans stresser mais sans aucun intérêt à tenter un move, il y avait
Timothée Scotti (120 000, "
c'est mon premier Main Event depuis 2019, je ne le joue que quand je gagne un sat"),
Sarah Herzali (218 000),
Ludovic Sultan (108 000),
Mickael Guenni (250 000),
Rosalie Petit (150 000, photo), ou encore
Jérôme Zerbib (220 000). Avec ses 500 000,
David Susigan pouvait afficher un grand sourire : short-stack douze heures plus tôt, il avait réussi à passer le premier flip, celui de la survie, lui permettant de rejouter au poker et monter des jetons. Du côté des joueurs en position dominante, qui avaient tout loisir d'endosser le rôle de capitaine de la table, il y avait le décidément incontournable
Julian Milliard, Igor D'Ursel, Maxime Chilaud, Adrien Guyon, Serge Chechin, Thi Nguyen et
Karim Rebei, tous planant au-dessus de la stratosphère du million : ce Day 3, ils ne l'ont pas vécu à la place du mort, mais au volant.
Ayant semble-t-il souscrit un abonnement à vie aux ITM sur le Main Event,
Giuseppe Zarbo a eu tout loisir de se foutre de nous lorsque l'on a suggéré que les organisateurs allaient peut-être arrêter le Day 3 avant la bulle. "
Mais Benjo tu es fou ! Évidemment qu'ils vont faire la bulle ce soir ! Y a les caméras et tout. Tu devrais le savoir, après quinze Main Event !" C'est pas faux... et c'est avec l'assurance d'un vieux routard que Zarbo a enregistré son 282e ITM sur le plus beau tournoi du monde avec un stack de 400 000, un peu plus que celui de
[joueur inconnu], le banquier d'affaires qui lui n'en était qu'à son premier, de Main Event.

D'autres joueurs se sont fait remarquer par leur absence, comme
Adrien Allain, Virgile Turchi, Eric Bensihmon ou
Harry Touil. Ce dernier était pourtant encore assis même pas trente minutes avant le lancement du
hand for hand. Mais parmi certains qui avaient déserté les lieux, il n'y avait pas que des
bustos. Témoin
Alexandre Girardin (photo), croisé à l'extérieur en compagnie des fumeurs. "
Qu'a-t-on de mieux à faire ?", lui ai-je demandé en allumant une clope de plus. "
On a le temps de finir le paquet !" a-t-il lâché. Avec ses 500 000, celui qui doit sa présence sur le Main Event à 25 euros n'avait pas, lui aussi, grand-chose à faire que d'attendre tandis que Jack Effel courrait de table en table à la recherche du prochain éliminé. Dehors ou dedans, cela revenait au même.

À une table près du rail,
Sylvain Cisterna restait sagement assis avec ses 550 000, tandis que
Jérémy Saderne tentait de ne pas se faire éblouir par les projos de la table télé. Avec un stack final en dessous de la moyenne (310 000), il confiera après coup ne pas avoir joué une seule main sur les deux dernières heures de la journée.
Paul Amsellem (photo), lui, partait en quête d'une deuxième bière : avec ses 10 blindes, puis bientôt 8 après l'augmentation de niveau, c'est un triomphe modeste qu'il pouvait savourer avec quelques gorgées au houblon, après deux journées entières passées à graviter avec le tapis de départ et guère plus. Téléphone en main,
Romain Lewis faisait profiter ses followers d'un live Instagram, tout en nous racontant le spot de rêve qui avait relancé une journée entamée de manière catastrophique : deux As contre As-Roi. "
Il m'a pris pour un fou, il m'a 5-bet all-in. J'avais 200 000 et lui 250 000."
Malgré l'heure tardive et la proximité du dénouement, il était encore l'heure pour faire des découvertes, comme
Samy Bechahed, découvert par hasard par notre confrère Florence Mazet : avec son drapeau américain sur chip-count, le supporter du PSG qualifié via un satellite sur Winamax nous échappait depuis trois jours. Muni du tapis de départ en début de Day 3, une succession de paires d'As le tirera des profondeurs du classement : c'est avec presque un demi-million et donc en total détente qu'il vivra la bulle.
Thomas Eychenne, Matteo Cavelier, Samuel Dray, Simon Wiciak, Cyril Peralez, Florian Ribouchon, Gaëlle Baumann, Antoine Labat, David Rotschild, Alexandre Réard, Pierre De Almdeira : la liste des Français qui attendaient la délivrance aux alentours de une heure du matin s'étire semble-t-il à l'infini. Elle est ici incomplète, mais il est déjà assuré que le fichier officiel que nous relaierons d'ici peu contiendra un nombre record de tricolores ITM. Année après année, nos rangs grossissent sur le plus beau tournoi de poker du monde. En quantité comme en qualité.
Une mention pour ceux qui n'ont pas vécu la bulle du Main Event 2021 :
Bruno 'Kool Shen' Lopes, Benjamin Ane, Antonin Teisseire, Ugo Faggioli, Cédric Angosto, Thomas Deleiris, Matthieu Teffaud, François Pirault, Loïc Debregeas, Benjamin Hammann, Laury Vanlerberghe, Quentin Roussey, Ahmed Sylla, Adrien Allain, Virgile Turchi... Liste non exhaustive, bien entendu.
Jeremy Saderne a passé une bonne partie de la journée sur le plateau télévisé, à une table qui comportait notamment Talal Shakerchi. Le détenteur d’un bracelet WSOP signe aussi son premier ITM sur le Main Event et reviendra avec 310 000
Thomas Eychenne réussit son 2e ITM en trois participations et disposera de 484 000 jetons pour le Day 4, après une journée qui l’a vu tomber très bas : “La patience a payé !”
Pour Flo Ribouchon, il n’y aura pas 36 solutions demain, avec un tapis de 140 000 qui représentera 17 BB
Pour son premier Main Event, celui qui est passé sous nos radars toute la journée (mais pas celui de notre collègue Flo) malgré son survet' du PSG termine avec 484 000. Bravo Samy Bechahed ! “Maintenant, ce n’est que du bonus. On va pouvoir prendre des risques demain !”
Mickael Guenni a fait ce qu’il sait le mieux faire : résister. Il termine avec environ 250 000
Sarah Herzali réussit sa troisième place payée sur ce tournoi
JC Tran, l’une des légendes de ce jeu, signe rien de moins que sa 7e place payée sur le Big One ! La première, c’était en 2004
Fausto, Benjo & Rootsah
WSOP : le gros reportage Winamax
WSOP : la galerie photo de C. Darcourt