Qui est le boss du (Mixed) Game ?

- 27 juin 2022 - Par Fausto

Un sixième bracelet dans une sixième variante différente pour Brian Hastings. Un cinquième bracelet, le quatrième consécutif, pour le triple vainqueur du Dealer Choice Adam Friedman. Voilà des performances qui forcent le respect chez les passionnés de variantes. Ces exploits invitent à nous poser la question : mais qui est donc le vrai GOAT des « mixed games » ? Éléments de réponse avec les spécialistes du milieu.

Polyvalence, bracelets et palette technique

friedman

« Je vois beaucoup de joueurs qui excellent dans une variante. Mais les meilleurs sont ceux qui les maîtrisent vraiment toutes. Et il y en a peu, pose David Benyamine, premier arrivé dans le carré Purple, où en ce dimanche s’apprête à démarrer le Poker Players Championship. Difficile de dire qui est le meilleur, mais pour moi l’un des plus solides, c’est Mike Gorodinsky ».

Le champion du PLO8 Championship 2008 évoque ici l'un des guerriers les plus redoutés du royaume des Mixed Games. Depuis près de dix ans, Mike Gorodinsky sabre les plus grands tournois de variantes avec une régularité déroutante. Un rapide coup d’œil à son palmarès vous fera saisir le profil du bonhomme.

Gorodinsky

Sa première perf à six chiffres survient sur un 8-game à 5 000 $ au PCA 2010. L’année suivante, il termine 2e de ce même tournoi… Puis le regagne en 2012. Un premier bracelet WSOP en Omaha/Seven Stud Hi-Lo en 2013, puis le graal du joueur de variantes deux ans plus tard, avec la victoire du Poker Players Championship devant Jean-Robert Bellande pour 1 270 086 $.

Le genre de titre qui permet de prétendre au statut de meilleur joueur de variante du monde ? « Ce n’est qu’un bracelet, relativise l’intéressé, qui ne prête pas attention au nombre de titres WSOP pour dire qui est meilleur qu’un autre. Le volume de tournois et le run jouent trop pour que ce soit vraiment significatif. D’autant que beaucoup de joueurs de Mixed Games ont un background en cash game. Pour moi, les meilleurs, ce sont ceux qui arrivent à être très bons à la fois en format Big Bet et en Limit. Si je devais en citer un, je dirai David Oppenheim, certainement le plus fort en variantes en CG ».

David Oppenheim n’est pas le genre de joueur qu’on croise régulièrement sur le circuit. Pour le voir, il faut plutôt regarder du côté des tables les plus chères de Mixed Games, notamment sur les rooms online. Et d’après Julien Martini, c’est là qu’on trouve les boss de fin.

Martini

« Pour savoir qui est le meilleur, tu regardes qui se fait “sit” et qui ne se fait pas sit (c’est à dire, sur les rooms online, quel joueur attire les adversaires et quel joueur a du mal à en trouver en raison de son niveau trop élevé). Pour moi, c’est Johannes Becker. J’ai travaillé avec lui, notamment en Deuce to Seven. Je me demandais si j’allais apprendre quelque chose, parce que j’avais déjà des connaissances, et après deux heures de coaching, je me suis dit que je ne comprenais rien à ce jeu. C’est un autre niveau ».

Une compétition à part

Difficile de mettre d’accord les spécialistes : chacun a son favori. Peut-être pourrait-on trouver un consensus sur les critères permettant de définir le G.O.A.T des Mixed Games ?

Au-delà du fait d'être un joueur complet, Julien Martini met en avant deux points différents. « Au départ, je pensais que le plus fort était celui qui trouvait le plus souvent la meilleure solution dans les situations données. On pourrait dire, celui qui fait le moins d'erreurs. Mais pour définir le meilleur joueur, ça ne suffit pas. Regarde Phil Ivey dans les années 2000. Pourquoi c'était le meilleur ? Parce qu'il ne tiltait jamais, qu'il était capable de quitter une table sans problème pour en trouver une plus profitable, parce qu'il se mettait à chaque fois dans les conditions pour jouer son A-game »

Benyamine

Dans un autre ordre d'idée, David Benyamine insiste sur certaines données spécifiques aux variantes. « Ce ne sont pas les mêmes atouts qu'en Hold'em, Ce sont deux compétitions complètement différentes, tranche-t-il, pointant les écarts de dynamique et d’atmosphère entre les deux mondes. Il y a beaucoup plus de pression en No-Limit. La nature même du jeu demande davantage de patience, plus de condition physique et parfois d’inspiration, puisque par définition, tout peut se jouer sur un coup. En “Mixed Games”, l’expérience et les qualités de lecture jouent un rôle plus important. Un autre point qui n’existe pas en Hold’em, c’est la capacité à repérer les jeux où l’adversaire a des faiblesses pour en tirer profit, notamment dans le Dealer Choice ».

Q.I poker, ressources disponibles et progression

Joao

« L’intelligence de jeu, le QI poker est à prendre en compte, affirme Joao Vieira. Je pense ici à un joueur comme Scott Seiver... Quoique ce gars-là n’est pas mal non plus » fait remarquer le Portugais en pointant du doigt Shaun Deeb qui le rejoint pendant la pause. En termes de compétitivité, ce n’est pas la même chose qu’en Hold’em où le niveau de jeu moyen a explosé. En mixed games, l’augmentation est plus lente. L’étude du jeu reste primordiale, mais l’expérience joue énormément ».

« Je suis assez d’accord, confirme Shaun qui se joint à la conversation. C’est surtout qu’il n’y a pas assez d’endroits pour jouer ce genre de tournois et beaucoup moins de ressources pour travailler son jeu. C’est plus compliqué d’avoir accès à des solvers, ce genre d'outils ».

Deeb

« Je ne compte plus le nombre d’amateurs qui me disent “j’adore jouer en Mixed games, mais je ne trouve aucun outil pour travailler mon jeu”, confirme Julien Martini. Les logiciels, les livres théoriques sont beaucoup plus rares. Il existe des choses, mais les professionnels partagent beaucoup moins leurs secrets » 

Plus rares sont les ressources, plus profonde est la mine d’or. Car si la route pour arriver au sommet est plus étroite, une fois que l’on y est, on est moins nombreux à profiter de la vue. « Si tu es un très bon joueur de Mixed Games aujourd’hui, tu peux faire beaucoup d’argent. Alors que pour être autant gagnant en No-Limit, tu dois vraiment exceller » conclut le Team PMU.

Mizrachi

Michael Mizrachi, l'homme qui a gagné trois fois le Poker Players Championship (2010, 2012, 2018)

Et puisque beaucoup de ces "Tops" qu'on a cité se retrouvent aujourd'hui dans le field, que peut-on dire du niveau de ce PPC ? « En vérité, le niveau est plus faible qu’il y a quelques années puisque beaucoup de joueurs viennent du Hold’em pour tenter des shots en variantes », affirme Allen Kessler, quatre fois runner-up d’un tournoi WSOP de variantes. Julien Martini n'est pas vraiment du même avis. « Le field que tu vois là, c’est ce qu’il se fait de mieux dans l’histoire des Mixed Games. Et la compétition sera encore plus rude dans dix ans, c’est certain. C’est juste que contrairement au Hold’em ou le niveau a augmenté de manière stratosphérique, la progression se fait pas à pas ».