Ces débuts de WSOP 2022 ne manquent pas de perfs françaises. Au Bally's, la palme revient bien sûr désormais à Léo Soma, qui a ouvert le compteur de bracelets tricolores avec la manière en s'offrant le 6-max à 1 500 $ pour plus de 450 000 $. Quelques jours plus tôt, Renaud Cellini signait lui la première finale bleu-blanc-rouge sur le Deepstack à 600 $. Mais avant cela, avant même que le coup d'envoi de ces World Series ne soit donné, Christopher Marcadet avait sonné la charge sur un Monster Stack à 600 $ au Venetian, bouclé en deuxième place pour 36 790 $. Le temps de sa pause sur le Monster Stack, nous sommes partis à la rencontre de ce jeune joueur de 28 ans qui a déjà cumulé de multiples casquettes depuis le début de sa carrière : joueur tous terrains, président de club, streamer, et team pro d'un nouveau circuit. Récit de vingt minutes intenses enchaînées à un débit mitraillette.
Bonjour Christopher et enchanté. Est-ce tu peux te présenter brièvement ?
Salut tout le monde, c'est Christopher, Chris pour les intimes et ChrizzCasual sur internet. J'ai 28 ans, dont un peu plus de 10 ans à jouer au poker, je suis originaire d'Orléans et j'habite aujourd'hui à Budapest.
Ça a commencé comment le poker pour toi ?
J'ai découvert le jeu avec des potes de mon club de tennis de table d'Orléans [il a été classé au mieux 40, pour les pongistes qui voudraient se mesurer à lui, NDLR]. Ils faisaient tous partie de l'Orléans Poker Club à cette époque. Moi j'étais un peu trop jeune, mais dès que j'ai eu 18 ans, je me suis inscrit pour intégrer le club.
Le début d'une longue histoire avec l'OPC.
Longue et compliquée, oui ! J'ai d'abord été membre pendant un an, puis le club a été mis en sommeil : il n'y avait tout simplement plus personne pour reprendre la direction. Ça m'a longtemps intéressé et deux ans plus tard j'ai contacté deux anciens membres pour relancer l'affaire. Ils ont accepté à condition que je prenne le poste de président, et c'est parti comme ça.
D'entrée, il y a eu des complications...
On s'est vite rendus compte que tout le matériel nous avait été volé par l'ancien propriétaire. Il nous a raconté qu'il avait contacté d'anciens membres pour qu'ils viennent le récupérer et que, face à leur absence de réponse, il avait tout balancé à la poubelle. Sauf que derrière, on a retrouvé des tables dans certains home games de la région... Heureusement, dans un autre local, on avait stocké de vielles tables qui avaient au moins 6-7 ans et dataient du premier partenariat avec Winamax. Pareil pour la jetonnerie, la majorité nous avait été volée. Avant, on était l'un des plus grands clubs de France, on avait de quoi faire 350 stacks. Là, on ne pouvait plus en monter que 80. Je découvre aussi qu'il n'y a pas un seul euro en trésorerie. J'ai donc soldé tout ça pour repartir sur des bonnes bases.
Il a ensuite fallu remonter le projet.
J'avais trouvé un restaurant pour qu'ils nous hébergent, sauf que quasiment la veille pour le lendemain, ils m'ont appelé pour me dire que ce n'était plus possible. J'étais commercial à l'époque, je n'avais pas peur de toquer aux portes. J'ai fini par trouver preneur auprès des sauveteurs-secouristes du Loiret, qui nous ont loué leur local pour 200 € par dimanche. Là-dessus, je demande 60 € par cotisation, je nettoie les tables qui étaient quand même dans un sale état et je contacte Winamax pour signer un premier contrat. On avait quelques joueurs professionnels qui rakaient pas mal, ça nous a bien aidé. Tous les ans, je demandais aussi un peu de jetonnerie et au bout de deux ans, j'ai démarché des partenaires pour apposer leur logo sur des tables personnalisées pour 250 € pièce et le 16 septembre 2018 on a pu faire notre manche de reprise (photo ci-dessus).
Mais ça ne s'est pas arrêté là.
Le 3 mai 2019 on a lancé notre premier deepstack (photo ci-dessous), avec du matos prêté par Winamax. On ne disposait que de cinq tables à ce moment-là et on a fait 3h30 de route depuis Orléans pour aller en récupérer d'autres qui venaient de servir pour une étape Winamax Poker Tour. C'était un événement entièrement gratuit, parce que je crois profondément en ça dans l'associatif, accessible à tous les licenciés de France. On a fait 430 entrées sur le Main Event, qui offrait un ticket live Wina à 550 € à la gagne. J'ai fait travailler ma famille sur l'événement, parce qu'on manque toujours de bras dans l'associatif. C'était un super moment.
Et aujourd'hui, où en est l'Orléans Poker Club ?
Le club est en très bonne santé ! On compte près d'une centaine de licenciés, on a un ordinateur portable tout neuf, un vidéoprojecteur, vraiment tout ce dont on a besoin. Mais je ne suis plus président aujourd'hui : j'ai déménagé à Budapest avec ma copine en début d'année, et j'ai laissé les rênes à l'ancien vice-président, Nicolas Pichon. En tout cas, pour toutes ces années à échanger régulièrement, l'ensemble de l'Orléans Poker Club et moi-même remercions Winamax pour sa confiance et son professionnalisme.
En parallèle de toute cette aventure, tu t'es forgé une solide carrière de joueur.
Je me suis lancé pro en 2016, après avoir été licencié économique. Je gagnais déjà un bon complément de salaire aux tables, je connaissais quelques joueurs et je me suis dit pourquoi pas. J'ai joué en MTT pendant trois ans, puis j'ai laissé ça de côté pendant un an, durant lequel j'ai aidé un ami qui venait de se lancer dans un bar à bières, type V&B. J'avais besoin de retrouver le contact social. Je suis ensuite retourné au poker, en ajoutant le streaming. Bon, je ne fais pas que du poker, je streame aussi du casino, ce qui ne passe pas trop chez certaines personnes, mais j'aime le gambling sous toutes ses formes à la base. Maintenant, je joue principalement en cash game live, en Expresso online et je reviens jouer des tournois lors des périodes de Series. Difficile de passer à côté quand on a joué en MTT toutes ces années ! J'ai d'ailleurs pris 25 000 € et 12 000 € sur des Championship à 250 € sur Winamax. Dans l'ensemble, ça se passe bien : il y a des hauts et des bas, mais je n'ai jamais connu d'année perdante.
Tout ça nous amène donc à ce Vegas 2022 et cette grosse perf' au Venetian, de loin ton meilleur résultat en live. Raconte-nous.
On arrive le 27 mai avec des potes avec qui on a loué une maison pas très loin de l'Orleans. De base, j'avais prévu d'aller à la pool party de David Guetta au Encore, mais certains étaient chauds d'entrée de jeu. Ils arrivent à me convaincre d'aller jouer ce 600 $ au Venetian. Je joue une quinzaine de mains et je me fais sortir set over set. Derrière, je galère un peu à re-entry - je n'avais pas pris assez de cash et pensais pouvoir buy-in avec ma carte - mais ça se passe beaucoup mieux. Je passe le Day 1 avec environ deux averages et au Day 2 tout va assez vite, notamment entre 12 left et le début de la finale à huit. J'ai le septième tapis, beaucoup d'autres short stacks doublent, je me retrouve en bataille de blindes pour mes neuf dernières BB avec Roi-Dame off contre As-9 et je fais le Roi. Deux orbites plus tard, je suis encore en BvB contre le deuxième plus short, je fais tapis pour 14BB avec As-4 et il a As-7. Flop 7-5-10, il me dit GG et commence à vouloir me check. Turn : 6. River : 8. C'est la folie ! Après ça, je leur marche dessus à quatre left et, alors que je pense partir en pause chipleader à trois joueurs restants, les deux autres joueurs jouent un énorme pot sur lequel un des deux se fait sortir. On se retrouve donc en heads-up, avec 7,5 millions chez moi et 10,5 millions pour lui. Je propose un deal, mais apparemment mon adversaire [un certain Joshua Suyat, NDLR] est un régulier du Venetian et il refuse. Une vingtaine de mains plus tard, je me retrouve à call trois barrels sur un board avec deux tirages couleur manqués (que je ne bloque pas) et je termine donc deuxième.
1er tournoi à Vegas et première perf ! Ça fait du bien pour la confiance. Merci à tous pour vos messages les plus gros tournois restent à venir on va fight and focus la suite !
— ChrizzCasual (@chrizzcasual) May 30, 2022
Stay Tuned #PlayerOne pic.twitter.com/Jl9H7UoKOg
Pas de regret à avoir, donc ?
Le seul, c'est d'être passé à côté du deal et d'avoir dû jouer un heads-up à 18 000 $. D'autant que je ne joue jamais plus cher que 1 500 $ en live. Mais non, à côté de ça, c'était super.
Est-ce que ça change le reste de ton programme ?
Non, je ne m'enflamme pas. J'avais prévu autour de 20 000 $ de buy-in et quelques sessions de cash game en 2 $/5 $. La seule différence, c'est que je vais peut-être tenter des shots un peu plus chers en cash game. En revanche, si jamais il y a une deuxième perf', par exemple sur ce Monster Stack [Christopher tournait autour du stack de départ au troisième break, soit 50 blindes, NDLR], là je pourrais envisager de rester après le 7 juillet et pourquoi pas jouer le Main Event, qui est pour l'instant trop cher pour moi.
Autre chose à ajouter ?
Oui, avec tout ça, j'ai failli oublier parler du PlayerOne Poker Tour. C'est un circuit live qui s'inspire de ce que fait Winamax, en proposant à la fois un festival de poker à des tarifs abordables et des activités sympas à côté. J'ai un double rôle pour eux : je suis à la fois streamer officiel et membre de leur Team Pro, qui compte actuellement huit membres. Le prochain événement aura lieu du 28 novembre au 5 décembre au casino Portomaso de Malte, avec un Main Event à 300 € et 100 000 € garantis. On va organiser des manches qualificatives sur Winamax pour remporter un séjour complet là-bas. Il y a déjà eu des festivals à Rozvadov et ils sont en négociation avec plusieurs autres casinos d'Europe. Toutes les infos sont sur la page Facebook et le site officiel.
Merci beaucoup Chris et bonne chance pour la suite de ton Vegas !
Merci à toi, et à très vite !