La bulle éclate dans un chaos proche du grotesque
Main Event (Fin du Day 3)
"J'ai reçu des coups. J'en ai donné aussi."
"Je n'avais jamais vu le directeur du tournoi aussi énervé."
"J'ai couvert 15 Main Events, j'ai l'habitude des bordels monstres à la bulle, mais là c'était au-delà de tout ce que je pouvais imaginer."
Ainsi vos "couvreurs" préférés résumaient leurs impressions en salle de presse aux alentours de deux heures du matin, tandis que les 1 000 joueurs ITM sur le Main Event partaient se reposer après un interminable Day 3 fait de douze heures de poker et très exactement 2362 éliminations.
Un énorme foutoir. C’est ainsi et pas autrement que l’on peut décrire le spectacle qui s’est produit entre trois heures durant dans l’Amazon Room. Un Pandémonium magnifique, un joyeux bazar qui commence lorsque Jack Effel, le mythique directeur de tournoi des WSOP, annonce l'entame de la phase de "main par main." 1005 joueurs encore en course, c’est cinq de trop pour entrer dans l’argent de ce Main Event.
Quelques secondes de tension, le temps que les tables débutent leurs mains respectives, et puis la cohue commence. Les joueurs se lèvent de leur chaise, viennent voir les copains attroupés en bordure de salle. Certains attrapent une des bières alignées par dizaines sur les plateaux des serveuses qui déambulent dans l’Amazon. Beaucoup se mettent à filmer, d’autres appellent leur femme et le moment s’étend jusqu’à ce toutes les tables se décident quand soudain : Jack Effel annonce le lieu de la mise à mort !
« All-in and call table 589 ! ». À peine a-t-il le temps de terminer sa phrase qu’une horde de joueurs, spectateurs et journalistes se ruent vers ladite table, courant dans l’Amazon, zigzagant à travers les tables, enjambant les chaises pour assister au plus près à la scène.
Les plus dangereux restent assurément les caméramen et leurs lourds et imposants équipements, qui manquent d’assommer les joueurs à chacun de leur passage, sans aucune pitié pour les potentiels blessés, pourvu qu'ils aient le bon plan dans le viseur. Une fois arrivé, tout le monde dégaine son portable, son appareil photo, son selfie stick. On se bouscule, on monte sur les chaises, on se presse pour avoir le meilleur angle de vue, en attendant que le directeur de tournoi vienne commenter le duel.Il se fait attendre, une minute, puis deux, puis cinq, parfois dix, le temps que tout soit prêt et que les caméras d’ESPN se mettent en place. Après une attente interminable, le directeur arrive pour enfin dévoiler les mains… Paire d’As chez le shortstack contre… Dame-huit offsuit. La belle rencontre ! Un as dès le flop et tout le monde peut repartir à sa table.
Cette chorégraphie de l'absurde s’est répétée une demi-douzaine de fois. À chaque fois, une premium chez le joueur à tapis contre une merguez en face. La zone de tournoi d'ordinaire si policée n'obéissait à plus aucune règle. Badauds et curieux circulaient entre les tables, attroupements et bousculades éclataient un peu partout sans que personne y trouvait à redire. Pendant deux heures, les fous ont pris le contrôle de l'asile, sans que le Main Event ne puisse trouver son bubble boy.
Sous les coups d’une heure trente-quatre, le sol de l’Amazon tremble encore. Cette fois, le troupeau se rue vers la table 492 pour observer un énième tapis-payé. C’est Kevin Campbell qui joue son tournoi, avec le Grec Chris Alafogiannis dans le rôle du bourreau potentiel. Évidemment, Kevin montre deux As. Tous les regards, toutes les caméras sont braquées sur lui. Confiant, Kevin appelle son meilleur pote en FaceTime pour partager le moment. Le copain en question va assister en direct à une clim de légende.
En face, il y a A9. Pas simple pour craquer les flèches. Mais le flop donne de l’espoir. Un piégeux 978 provoque un premier hurlement autour de la table. La salle retient son souffle, tout le monde espère un 9. Nouveau frémissement sur la turn, un 10, puis à peine avons-nous le temps d’entendre la river que « YEEEEEEAAHHHHHHH » : 1 000 joueurs explosent. Le croupier vient de poser un impitoyable 9 qui offre le brelan à Chris Alafogiannis, mais surtout, l’ITM à tous les joueurs du Main Event. Sauf un.
Le pauvre Kévin se consolera avec un ticket gratos pour la prochaine édition. Les autres lèvent leur verre, se prennent dans les bras, appellent leur famille, leur stackeur, leurs potos pour annoncer la nouvelle. Ils viennent de faire l'argent du Main Event des WSOP 2021 et reviendront demain pour poursuivre leur rêve sur le Day 4 !Maintenant : on veut le chipcount ! Nous avons compté plus de 20 Français heureux mais fourbus au moment de l'éclatement de la bulle. Le chiffre définitif sera très certainement un poil supérieur. En attendant, on retrouve des tauliers comme Arnaud Mattern, Kool Shen, Ivan Deyra, Nicolas Dumont, Slimane Mamèche, Antoine Labat, ElkY, Jean-Luc Adam, Franck Kalfon, mais aussi des first timers tels Nicolas "Chevre.Miel", Gilles Lamy, Mickaël Scwhartz, Johan Martinet, Alexandre Servies, Elliot Kessas, José Astima... Des pros, des amateurs, des petits nouveaux, des vieux de la vieille : comme chaque année sur le Main Event, il y a de tout. Quelques petits tapis bleu-blanc-rouge ont transpiré pendant cette longue attente. C'est le cas par exemple de Samy Dubonnet, Romain Lewis, Antonin Teisseire ou encore Ulysse Harry, munis d'un tapis proche de celui qu'ils avaient reçu en début de Day 1 en échange des 10 000 $ originaux. S'il y a deux jours ce tapis avait de la gueule, aujourd'hui, avec 60 000, c'était plutôt comme marcher sur des œufs. Mais aucun des trois n'a cédé, avec une tactique parfaitement infaillible pour ne pas bust : ils n'ont pas joué un coup ! "On ne peut absolument rien faire, alors pourquoi rester à table ? Pourquoi se faire peur pour rien ? Il y a juste attendre, et ce sera l'argent", confiait Ulysse, tout sourire... à l'extérieur de la salle, au calme et au frais, tout simplement.
Pendant cette bulle qui a impliqué plusieurs joueurs à tapis... un Français s'est retrouvé sous les feux des projecteurs. C'était surtout avec grand plaisir que Robin Guillaumot a vu arriver une tonne de journalistes/caméramen enragés/spectateurs, puisque sur KJ363, Robin n'attendait que l'autorisation de Jack Effel pour retourner son jeu : 33 pour le carré. Et heureusement que la rivière lui a permis d'améliorer la force de sa main, car en face son adversaire possédait A9 pour couleur max !
D'autres en ont profité pour se régaler. Ils ne sont pas si nombreux, mais on pense tout de même à Clément Van Driessche, grimpé à plus de un million pendant cette période. Le membre de l'équipe NutsR sera notre porte-drapeau officiel pour le jour 4.
La liste complète des Français ITM sera publiée dès que possible. En attendant, rendez-vous dans la galerie pour découvrir des clichés inédits de la bulle !
Fausto & Veunstyle
La rivière avait d'autres projets pour lui !