Winamax

Hugo Pingray : 'Le Monster Stack a changé ma vie !'

- 3 juillet 2019 - Par Tapis_Volant

Hugo Pingray est de retour et aimerait devenir le premier Français à gagner deux bracelets à Vegas

Pingray

Vainqueur du Monster Stack des WSOP pour 1 327 083 $ en 2014, Hugo Pingray est resté pendant plus de trois ans le dernier Français à avoir remporté un bracelet. Retiré loin des tables de jeu pendant plusieurs années, se contentant de quelques rares apparitions sur le circuit, Hugo est de retour cette année à Vegas, d'abord pour s'amuser un peu mais avec dans un coin de la tête l'idée de devenir le premier Français à obtenir deux bracelets au Rio.

Alors, Hugo, ça fait quoi de revenir sur le lieu de ton exploit ?

Ca fait 2 ans que je n'avais pas mis les pieds ici à Vegas, c’est toujours aussi excitant, le Rio, l’Amazon Room. Tu retrouves tout ce que tu as aimé quand t'étais là. Rien n'a vraiment changé.

Et toi, qu'est-ce que cette victoire a changé dans ta vie ?

Je ne peux pas le nier, une victoire comme ça, c’est game changer, en terme de statut, en terme d’argent, en terme de liberté que ça t’apporte pour la suite de ta vie, ça t'apporte de la tranquilité, c’est sûr que ça a changé ma vie, même si je n'ai pas décidé de continuer dans cette voie là. On m’en parle encore beaucoup, quand je reviens ici, c'est un sentiment génial.

Qu’est-ce qui t’as décidé à ne pas continuer à faire le circuit après le Monster Stack ?

Honnêtement, je ne sais pas trop, c’est beaucoup de responsabilités de se dire qu’on va vivre du poker, ça me faisait un peu peur. Quand je regardais un peu l’évolution du jeu, ça devenait de plus en plus dur, je me suis demandé, comment ce sera dans 5 ans, dans 10 ans, Est-ce que j’aurais encore envie d’être là ? Est-ce que ça me plairait ? Je me suis dit "Fais autre chose, garde ce jeu comme un jeu !" Si tu dois y retourner un jour, tu essaieras à nouveau. Je dirais pas que c'était par peur, mais j’étais pas super confiant sur mes chances de devenir un top player. Et si c’est pas pour devenir un top player, autant faire autre chose. Pour être le meilleur aujourd’hui, il faut faire des sacrifices énormes. Quand tu vois les top players comme Amadi ou Chidwick, ce sont des brutes, ce sont des mecs qui taffent leur jeu tout le temps. C’est très chronophage. Est-ce que j’avais envie de faire ça, j'étais pas sûr. Bien sûr, y avait le besoin de confirmation, de pouvoir montrer aux gens que ce n’était pas un coup de chance, que tu le mérites et que tu es capable de rééditer ce type de performance. Mais, j’ai toute la vie pour le faire, et ce n'est pas ça qui devait guider ma réflexion sur la bonne décision à prendre. Bon, j'ai quand même mis six mois pour la prendre, cette décision ...

Pingray_Victoire

Quel est ton rapport au Poker, aujourd'hui ?

Je n’ai pas joué pendant très longtemps. Je crois que c’était en décembre 2018, c’était le premier tournoi que je jouais depuis le High Roller de l’EPT Prague en 2017. Pendant un an, je n’ai pas touché une carte. En Décembre 2018, je me suis dit ok, cette année, je retourne à Vegas. Je me suis remis à grinder petit à petit. A savoir que je bosse toute la journée, donc le soir quand je rentre, je suis rincé, j’ai pas trop la tête à jouer, mais j’ai continué à travailler mon jeu. Je fais plus de solvers que d’heures de jeu, je reste relativement au fait de ce qu’il se passe aujourd'hui sur les tables. Je me sens confiant, pas forcément moins bon qu’avant, au contraire.

En quoi consiste ton job actuel ?

Je suis Fund Manager, à Londres. Avec deux collègues à moi, on s’est associé, on a créé un fond d’investissement. Maintenant, on a 50 millions sous gestion et on fait du financement de sociétés, de petites et moyennes entreprises, qui sont exclusivement côtées en bourse, des entreprises qui valent entre 50 et 200 millions de capitalisations boursières. On leur fait des prêts, là où les banques ne veulent pas prêter, nous on leur prête.

L'argent du Monster Stack, tu t'en es servi pour ta carrière ?

C’est ce qui a servi à financer en partie le premier fond. De là, en 5 ans, c'est devenu quelque chose d’énorme. Et on a pu lever de l’argent derrière pour avoir ces 50 millions maintenant. Ce n'est pas que l'argent, mais aussi le crédit que t'as en disant ok, je suis champion du monde, c’est quand même quelque chose pour beaucoup. En France, quand tu dis aux gens "Je joue au poker", ils te regardent mal. C’est différent aux USA ou à Londres parce qu’ils ont un état d'esprit plus entreprenarial. Quand tu leur dis, je suis champion du monde, ils te disent, oh mais t’es trop fort, et ils te considèrent comme un génie. Ce qui n'est pas logique ni rationnel, mais ce statut m’a beaucoup aidé, parce que je n'avais pas ce background finance et j’étais très jeune. Donc, ça a bien servi.

Est-ce que tu suivais toujours le poker pendant ces années ?

Je regardais, j’ai toujours suivi les résultats, je regardais si quelqu'un allait me succéder. Je suis toujours sur Facebook, un peu sur ClubPoker, même si je suivais beaucoup moins qu'avant, je me tenais quand même au courant de l'évolution du poker.

Est-ce que tu repenses souvent à cette victoire sur le Monster Stack ?

Sur le coup, je pense que c’est l’émotion la plus forte que j’ai ressenti de ma vie, c’était vraiment puissant en terme de bonheur. La délivrance. Même si je venais à gagner le Main cette année, ce ne serait pas aussi fort que ce premier bracelet pour 1 million après 7 jours de combat devant 7 000 joueurs sur mon premier ITM à Vegas, j’étais pas aussi mature que je le suis aujourd’hui. Ce sera jamais pareil. Je me demande vraiment si j’arriverais à ressentir de nouveau une telle émotion un jour.

Arrives-tu à te remotiver quand tu te relances dans des tournois aujourd'hui ?

Maintenant, je me dis ok, l'objectif, c'est le deuxième bracelet. Je reste un passionné, quand t’es à Vegas c’est facile à se motiver, j’y vais pas en trainant des pieds, aujourd'hui je joue le 5K$ 6-Max, tu peux jouer beaucoup de mains, c'est un vrai kif et ça sert d’entrainement avant le Main que je vais jouer également.

On a souvent entendu parler d'une histoire de swap avec Pierre Calamusa pendant le Monster Stack. Peux-tu me rappeler ce qu'il s'était passé ?

On avait swap 5% avec Pierre (Calamusa) et Flavien (Guenan) avec qui on partageait la chambre. Ce tournoi, je ne voulais même pas le jouer à la base, on avait fait un last longer avec Flavien pour se motiver, pour 500 dollars. A la fin du Jour 1, Pierre a 20 stacks de départ, et moi j’ai un demi average. Il commence à se foutre de ma gueule, à me dire, "Mais pourquoi on a fait ça, pourquoi on a swap, de toute façon, tu vas bust fast". Je dis ok, pas de problème, si tu veux plus swap, on fait 1%. Il a réduit le swap. Et je crois qu'il le regrette un peu...

Tu viens tout juste de perfer sur ton premier tournoi à Vegas ? Tu peux nous raconter ?

C’est le premier tournoi que j’ai joué. J’ai quand même mis 3 bullets sur ce 1 100 $ Venitian, j’ai fini 8e sur 2 300 joueurs pour 43k$. C’était intense, 17 heures de jeu le deuxième jour. Avoir un gagnant en 48h, ça crée un rythme effréné. J’ai eu de bonnes sensations, j’ai run good, ça fait super plaisir. Forcément, t’es super déçu quand tu vois 300 000 à la gagne et que tu te sens un peu meilleur que les autres. Ca dépend toujours pas mal de la chance. J'ai perdu un flip pour le chiplead qui m'aurait sans doute permis de dérouler après. C'est pas grave, ça met en confiance, j’ai pas de 50k ou de 100k à jouer dans mon programme, donc je sais qu'après cette perf, ça ira pour cette année. Ce ne sera pas une cagoule. J'ai prévu de jouer ce 5k$ 6-Max, le Main Event, le 10k 6-Max et le 3 200 $ sur Wsop.com, tout ça si je bust vite du Main, bien évidemment.

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Hugo Pingray sur le 1k$ du Venetian (© Venetian)

Merci Hugo pour tes réponses et bonne chance dans cette quête du deuxième bracelet !

Adrien Delmas réalise sa deuxième TF de l'été

- 2 juillet 2019 - Par Tapis_Volant

De retour à Vegas, Adrien Delmas termine 3e du 1k$ Wynn pour 28k$
Retour avec notre Team Pro sur cette nouvelle perf'

Delmas

Adrien Delmas sur le 5k$ 6-Max aujourd'hui

8e sur le 3 000 $ Shootout des WSOP pour 21 501 $, Adrien Delmas avait déserté le Rio pendant plusieurs jours en compagnie de deux amis pour un road-trip bienvenu. " J'avais envie de couper un peu avec le poker, me confie-t-il. Le programme des tournois n’était pas dingue donc on est parti avec Ivan et un pote de fac. "

De retour après avoir notamment visité le Grand Canyon en réalisant quelques « défis Camembert » assez priceless mis en ligne sur Instagram, Adrien me raconte que ça lui avait fait beaucoup de bien de ne pas parler de poker pendant quelques jours. " Le break, c’était indispensable. Quand c'est fini, t’as l’impression de re-venir à Vegas, c’est un nouveau départ. Y avait une certaine baisse de motivation. Pendant cette pause, tu revis, et surtout tu penses plus du tout au poker. Avec Ivan, de toute façon, on parle quasiment jamais de poker. C’est surtout sur le mindset qu’on échange. Pour la technique, il y a les softwares, il y a moins d’edge à gagner techniquement que mentalement, de toute façon. "

Après avoir bust rapidement du 10k$ PartyPoker Millions de l’Aria pour sa reprise, Adrien ne savait pas trop vers quel tournoi se tourner. Ayant déjà coché à son programme le 5k 6-Max qui débutait le lendemain au Rio, il n’a trouvé que le 1k$ Wynn à se mettre sous la dent. Un petit field à 300 joueurs, des niveaux de 30 minutes, un bon moyen de se chauffer avant les grands événements prévus début juillet. " J’ai quand même mis 3 bullets. J’avais seulement 16bb quand j’ai mis la troisième. Mais ça s’est bien passé. J’ai fait 20k to 160k. A la bulle, j’ai shove AK pour 18bb au bouton, je me suis fait snap par JTo chez la petite blinde. Flop T82… turn K, ouf ! J’ai profité un peu de la bulle, j’avais une image assez agressive, on m’a resteal 58o quand j’avais deux valets, par exemple. "

Arrivé avec deux averages en table finale, Adrien terminera finalement 3eme pour un gain de 28k$ après avoir perdu 66 contre KJ en bataille de blindes. 69k$ étaient promis au vainqueur de l'épreuve. 

" C’est pas une grosse vibration comme sur un event WSOP, parce qu’il n’y a pas énormément d’enjeu financier, mais c’est cool pour la confiance, t'as l'impression que tu progresses. Quand t’es en TF, t’as la possibilité de voir comment les joueurs jouent en fonction de l’ICM. T’emmagasines de l’expérience. Si tu ne progresses pas après ce genre de situation, c’est qu’il y a un problème. "

Cette année, Adrien Delmas a choisi de faire une coloc’ avec des grinders avec qui il travaille toute l’année, à base de reviews, de simulations PioSolver, de discussions sur des mains. Patrick Leonard, €urop€an, Sam Grafton sont ses colocataires le temps d’un été à Vegas. Bien entouré, Adrien a préféré fuir le désordre et le chaos de l'an passé, où il était dans une villa bien trop grande avec beaucoup de joueurs français dont tous ses collègues du Team. " L’an dernier, c’était la colonie de vacances, là, c’est beaucoup plus professionnel ! A Vegas, on travaille moins que toute l’année, mais chacun respecte les routines des autres. C’est clairement plus pro. "

Très heureux de voir que le travail paye enfin en live, Adrien ne cachait pas son plaisir d'avoir réussi à accrocher deux tables finales en un mois. " 2 TF en un mois, ca fait vraiment plaisir, ça doit être au moins autant qu’en trois ans. J’ai l’impression de beaucoup mieux jouer en live, je progresse tous les jours, c'est ça qui compte. C’était cool d’aller en TF sur le Shootout. Maintenant, je connais le chemin. "

Aujourd'hui, Adrien Delmas dispute le Day 1 du 5k 6-max, un tournoi qui fait clairement partie de ces priorités sur ce Vegas 2019. Souhaitons lui au moins autant de réussite que sur ses deux précédents deep run de l'été.

João Vieira : ''la performance m'importe, pas le résultat''

- 26 juin 2019 - Par Veunstyle72

Sans forcément être le joueur le plus connu médiatiquement du Team Winamax, João Vieira n'en reste pas moins un joueur de poker très respecté et très apprécié par ses coéquipiers. Véritable touche à tout des cartes, que ce soit en hold'em mais et aussi et surtout dans les autres variantes de ce jeu, "Naza114", ancien basketteur pro (16 ans de ballon, 7 ans de haut niveau), a parfaitement réussi sa reconversion dans le milieu du poker. Et pourtant, comme beaucoup, ces WSOP ne sont pour le moment pas une grande réussite pour le Portugais. Mais si vous pensez que cette mauvaise passe affectera le tchatcheur du Team, vous vous trompez. Ses forces à lui ? L'abnégation, la patience et le travail. Vous sentez cette odeur ? Mais oui, c'est l'odeur d'un cocktail parfait pour faire un véritable champion de poker ! 

joao vieira

Nous sommes le 26 juin, comment se passent tes WSOP jusque-là ? 

Au début, mes résultats n'étaient pas très bons, contrairement à la performance pure, ce que tu peux contrôler finalement, et j'en suis très content. Depuis, j'ai atteint l'argent à quatre reprises. Et maintenant, le sprint final arrive, c'est évidemment un moment très important. Il reste une trentaine de tournois, les gens commencent à être rincés, tiltés... et puis de gros tournois arrivent bientôt, je suis encore très excité à l'idée de tous les jouer.

Comment fais-tu pour garder un tel sang froid, malgré des résultats compliqués cette année aux WSOP ?

Quand tu n'arrives pas à gagner de la confiance grâce aux bons résultats, aux tables finales etc., c'est important de chercher la confiance ailleurs. Et je pense que la meilleure façon d'arriver à ses fins, c'est en travaillant. Si tu travailles dur, que tu donnes toutes tes chances, si tu arrives à parfaitement aiguiser ta lame, alors tu y arriveras. C'est ce que je fais, je tente de travailler plus dur que les autres, et je sais que mon jour viendra, c'est pour ça que je suis en paix avec moi. Je sais que j'apprends, plutôt vite, beaucoup et constamment, et que je peux aller me coucher sereinement le soir. Je sais que j'ai fait tout ce que j'ai pu... et crois moi, quand la variance décidera d'être de mon côté, je serai parfaitement prêt, c'est le plus important ! Les gens portent un peu trop attention à "quand" la grosse perf' arrivera, moi je suis plutôt concentré sur "comment je serai prêt quand la variance tournera". Et quand ça vient, ça vient, tout simplement. 

Quel travail sur toi-même effectues-tu pour en arriver à un tel niveau ?

Un énorme travail ! Que ce soit physiquement, mais surtout mentalement. En ça, je fais beaucoup de yoga et de méditation, j'essaie vraiment de manger très équilibré, d'avoir une vie saine, de dormir correctement. C'est très important de garder un esprit vif, de garder confiance en soit et de s'en servir pour être encore plus fort. Je cherche la paix en permanence. Et quand tu as trouvé la paix, tu conserves souvent le contrôle de la situation, tu évites d'être affecté trop facilement. Je cherche vraiment à rester concentré sur la performance, pas le résultat.

joao vieira

Sport, soleil, relaxation, João Vieira suit un vrai rythme de professionnel pour rester au top sur ces WSOP

Comment te prépares-tu pour un mois et demi de Vegas ? C'est quoi la méthode João ? 

J'essaie de me reposer un maximum. Là par exemple, il est 19h, mon tournoi a débuté à 15h, mais ce n'est pas très grave, je préfère éviter les premiers niveaux et économiser énormément d'énergie. Avant d'arriver à Vegas, je fais en sorte d'être affuté physiquement et techniquement, et j'essaie au maximum de continuer dans cette lancée, une fois sur place. Hors du Rio, je tente vraiment de déconnecter pour retrouver une vie normale. Je redeviens João, l'homme, pas le joueur de poker. Et c'est déjà un très bon début pour penser à autre chose que les cartes. Parfois aussi, je préfère rentrer à la maison, et étudier avec mes élèves. Et on parlera poker, on regardera même surement PokerGO. Je parle de déconnecter surtout au niveau émotionel. Parce que finalement, c'est ça le plus compliqué. Ce n'est pas physique le problème, on est assis sur une chaise toute la journée, rien de difficile à ça. On n'est pas dans les champs de coton du lever du soleil jusqu'au coucher non plus. Et on peut d'ailleurs jouer jusqu'à 6-7 jours de suite dans un tournoi. Les hommes sont capabales, physiquement, de rester aussi longtemps dans cette position. Mais quand on parle de fatigue, je ne pense pas que ce soit physique, je pense que c'est surtout émotionnellement parlant. Et le plus important, c'est de gérer cette fatigue mentale. J'ai appris à m'entourer parfaitement, avec notamment Stéphane Matheu, j'ai également un coach personnel pour le poker. Et puis ma carrière de basketteur professionnel m'aide également énormément. J'ai commencé très jeune, à 15 ans. Certains basketteurs en NBA jouenr jusqu'à 40 ans, ils ont leurs propres secrets pour avoir une telle longévité. J'ai essayé de m'inspirer de ces gens là depuis longtemps, pour savoir rester en condition parfaite, et quand le moment arrivera, je serai prêt. Combattre la variance, c'est comme tenter de combattre une blessure. Ça fait mal, mais on s'en remet toujours. Le tout est de savoir comment gérer les moments où ça va un peu moins bien, et les moments ou tu es à ton top. C'est un vrai challenge !

Est-ce que tu te sens affecté par le manque de résultat ? 

Oui, bien sur, partiellement, mais oui. La première année sans résultat t'affecte... mais un peu moins que la seconde, puis la troisième et la quatrième année. Il faut être vraiment préparé à vivre ça. Avant, ça me prenait 5 heures pour me remettre d'un bust. Aujourd'hui, en 5 minutes, c'est déjà oublié. Parfois maintenant, j'arrive à sortir du Rio après avoir bust, et je me sens bien. J'ai travaillé énormément sur cette partie mentale. Un truc bête par exemple, mais j'essaie de partir de la table en lâchant une petite blague. Du genre, on part à tapis, je sais que j'ai perdu, et je balance un petit "partage, non?!" Ça fait rire tout le monde, puisqu'on sait que je vais sauter, mais au moins on s'est détendu. Après ça, je me pose toujours les bonnes questions : Qu'ai-je fait de bien ? Ça, ça et ça. Qu'ai-je fait de mal ? Ça, ça et ça. Qu'est que je pourrais arranger ? Et après ça, tu passes au tournoi suivant, en essayant de répéter les bonnes choses que tu as fait, et en évitant de refaire les mêmes erreurs. Et à une fois à la maison, c'est là que tu dois travailler toujours plus. Quand tu fais ça quotidiennement, tu ne peux rien te reprocher ensuite, tu as donné le meilleur de toi-même. Les gens ont l'impression de pouvoir tout contrôler, c'est bien évidemment loin de la vérité. Les pros de poker savent qu'on ne peut rien faire contre la variance, et ils font tout pour ne pas être impacté par ça. Une fois que tu as compris ça, les choses sont beaucoup plus simples derrière. 

Tu n'as jamais peur ? Jamais de craintes, de doutes ?

Pas vraiment. Parce que je sais que je travaille dur pour ça. Je me réveille, je travaille mon jeu, je fais du sport... je suis préparé. La préparation est l'une des mes parties préférées, puisque c'est la répétition constante. Quand tu travailles autant que je le fais, il n'y a plus de peur. Qu'est-ce que la peur ? C'est quand tu n'es pas prêt au moment présent, et que tu sais que tu ne vas pas le faire. C'est de là que vient la peur. Quand t'es préparé, la peur n'existe plus, impossible. 

joao vieira

J'aimerais qu'on revienne sur le Poker Players Championship. Je sais que tu voulais y participer, que ce tournoi était parmi tes objectifs... et finalement tu ne l'as pas joué. Que s'est-il passé ?

Les World Series ont plutôt mal démarré pour moi, particulièrement dans les jeux de Mixed Games, même si online je m'en suis sorti, réalisant notamment quelques tables finales, dont une en mixed games. Et du coup, après ce mauvais démarrage, je n'étais plus trop sur de pouvoir jouer ce tournoi, même si je l'avais coché sur mon calendrier. 50 000 $, ça reste une somme importante pour un buy in. J'ai tenté le sat, j'ai fait la bulle... je n'ai pas vraiment senti que c'était le bon moment pour le jouer. Je suis déçu de ne pas le jouer, mais en même temps, je sais que je serai bien mieux préparé l'année prochaine. J'ai hésité à prendre le shot... et j'ai finalement décidé de le faire plus tard. Et puis il y a encore d'autres jolis tournois.

Sur quel tournoi es-tu le plus favori pour gagner un bracelet ?

Probablement l'event PLO8 à 10 000$ (event 65). Ce sera un petit field. J'aime les petits fields. Les gens ne sont pas tous extraordinaires, malgré le buy in à 5 chiffres. Je l'ai joué l'an passé, et je me suis très bien senti. On en avait beaucoup parlé avec Michel Abecassis, qui jouait ce tournoi aussi. Je pense que ce sera probablement mon plus beau shot d'ici la fin des Series. Il y a également un tournoi de Razz bientôt, mais ça dépendra du PLO8. Ce sera là encore, un field tout petit, et je pense avoir toutes mes chances. Et au pire, si je ne fais pas ces tournois, il restera d'autres tournois à 10 000 $. 

Et le Main Event ?

Tu m'a demandé un tournoi sur lequel j'ai mes chances ! Le Main Event, il y a 7 000 joueurs. Evidemment que j'aurai plus de chance de gagner sur des tournois avec 300 joueurs maximum plutôt. Mais j'espère tout de même arriver frais pour ce Main Event. Il ne faudra pas regarder ce mois de juin très moyen. C'est une erreur que font beaucoup de gens. Là, il s'agira d'un nouveau tournoi avec une structure magnifique et il n'y a pas de raisons de repenser à tout ce qu'il s'est passé avant. C'est un tout nouveau tournoi, et la variance, heureusement, ne suit pas toujours la même route. Tu peux perdre 51 flips de suite, tu ne seras pas favori pour remporter le 52e... parce que ça reste un flip ! Il ne faut surtout pas se laisser affecter par ça. En tout cas sur moi, ça ne marche plus.

Si tu devais garder un souvenir positif et un souvenir négatif de ce Vegas, lesquels sont-ils ?

J'ai deux choses positives qui me viennent en tête. Le premier, c'est ma façon de gérer ma situation, mon manque de résultats. Je pense que je suis devenu spécialiste dans la façon de gérer ces moments, et je pense que ça m'aidera pour le reste de ma carrière, parce que je sais que je serai amené à revivre ça. Et l'autre bon moment, c'est l'histoire de Kevin Roster [l'histoire d'un Américain du New Jersey, atteint d'un cancer incurable, à qui les médécins ont annoncé qu'il ne lui restait plus que deux mois à vivre, à partir du mois de mai. Il a donc décidé de tout plaquer pour aller vivre une dernière fois les WSOP, envoyer un maximum d'argent à sa famille, avant d'aller se faire euthanasier du côté de Sacramento en Californie, État des Etats-Unis qui a validé cette pratique]. Cette histoire est une source d'inspiration énorme pour moi, surtout quand tu entends tous ces joueurs pleurer pour un flip perdu, alors que lui va mourir, qu'il n'y plus aucun espoir, et qu'il essaie juste de profiter de ses derniers moments de vie au maximum. Ce sera l'un des mes plus grands souvenirs de ces WSOP et j'espère qu'il gagnera un bracelet, ou au pire, beaucoup d'argent pour sa famille. (Kevin Roster s'est notamment incliné en 38e position sur le Monster Stack, pour 22 561 $). Du côté des mauvais souvenirs... je ne sais pas, j'en ai pas trop. Les mauvaises choses se transforment souvent en choses positives qui me permettent d'apprendre et d'avancer. En tout cas j'essaie d'aller dans ce sens. S'il m'arrive plein de trucs mauvais, je sais que j'arriverai à en tirer du positif. Et si je ne gagne pas de bracelet, ce n'est vraiment pas très grave, c'est la vie, il y en aura d'autres au pire.

kevin roster

Kevin Roster, l'un des héros de ces WSOP et l'un des meilleurs souvenirs de João Vieira sur ces WSOP

Abou Sy, l'amateur aimé de tous

- 26 juin 2019 - Par Tapis_Volant

Abou Sy, meilleur Français de l'épreuve, termine 55e pour 5 541 $
Rencontre avec un joueur amateur et fier de l'être
Event #53 : No Limit Hold'em Deepstack 800 $

Abou Sy

Avec la profusion de tournois garantissant des bracelets à partir de 400 $ de buy-in, beaucoup de Français qui habituellement disputaient leurs tournois à middle buy-ins dans les Casinos du Strip comme le Venetian ou le Wynn ont la possibilité de rester cette année au Rio, et de rêver de bracelets.

Hier, Abou Sy s'est fait le kiff de deep run l'Event #53, un Deepstack à 800 $ sur lequel il a pu monter des millions de jetons, avant de sortir en 55e place pour un gain de 5 541 $, meilleur Français d'une épreuve qui connaîtra son épilogue aujourd'hui.

Rencontre avec un joueur amateur, et fier de l'être, aimé par toute la communauté depuis pas mal d'années.

Alors Abou, que nous vaut l'honneur de ta présence ici ?

Je suis en vacances ici, le programme, c’est surtout de se détendre. En gros, mon programme, c'est prendre du repos et jouer un peu au poker. Je suis directeur opérationnel dans une boîte de déstockage, la boîte de Laurent Polito. Je profite de mes vacances pour venir à Vegas.

Et concernant les tournois, quel est ton programme ?

Vu que j'ai un boulot, je dois m'organiser. J’ai posé mes jours de congés en fonction, je suis arrivé il y a 3 ou 4 jours, et je rentre en France le 10 juillet, j’ai fait un programme que j’ai proposé à mes stakeurs, des gens qui me font confiance depuis longtemps. En gros, j'ai un tournoi par jour jusqu'au 10 juillet. J'ai prévu de jouer le Colossus, le Deepstack 600 $ Championship (ndlr : le tournoi sur lequel il est aujourd'hui), le Mini One Drop, le Mini Main Event, un 1 600 $ au Venetian. Et le Main Event, que je jouerai pour la troisième fois.

Ca fait quoi d'être à Vegas ? C'est ta troisième fois, c'est ça ?

Je me sens bien, je suis vraiment heureux d'être là, je sais la chance que j'ai. La toute première fois, on m’avait proposé de me staker sur le Main Event, de manière complètement improvisée. J’avais bust en fin de Day 2, c'était un énorme kiff de jouer le tournoi. J'avais à peine 2 000 $ sur moi, et du coup, j'avais pas trop prévu de tournois en parallèle. La deuxième fois, l'an dernier, je voulais absolument revenir parce que j'avais goûté à cette folie du Main Event. J'avais prévu une dizaine de tournois, mais j'ai fait chou blanc. Zéro ITM. Cette année, ça se passe bien, j'ai fait 2 ITM sur trois tournois. J'ai joué le WPT Aria, sur lequel j'ai deep run, le Monster Stack des WSOP, et donc ce Deepstack à 800 $ sur lequel j'ai fini 55e.

Ca fait quoi de monter des tonnes de jetons sur un tournoi des WSOP ?

Sy_Massif stack

Mais comment fait-il pour regarder ses cartes ? (© Alex Réard)

La photo est un peu trompeuse, si tu le ramènes en nombre de blindes, c'est pas si énorme. C'était juste avant le chip race, et après un gros pot remporté. Mais c'est sûr que j’étais dans les chipleaders à 100 left. J’ai eu un coup assez ouf, dans un 3-way. Je flat QJ au cut-off après un open en early, SB défend. Ca vient AT2, SB donk bet 2 fois le pot, l’OR reshove, je call, je fais le K sur la turn et ça hold contre deux As et Roi-Dix. Mon pote Alex Réard était à côté à ce moment-là, c'était fou, je triple et passe dans les chipleaders. J’ai fait le mieux possible sur ce tournoi, je n'ai pas la prétention de penser que je joue bien. Je suis amateur, j’ai la chance de jouer ces tournois, parce que j’ai des gens qui me soutiennent. Je leur reporte toutes les mains que je joue, j’ai aucun complexe vis-à-vis de ça. Le seul objectif, c’est de n’avoir aucun regret. J’ai des potes très bons qui me recadrent sur la technique. J’ai pris un spot sur la dernière main que je regrette un peu, qui n'est pas fou techniquement. 55e c’est déjà énorme, je suis juste heureux d’être là.

C'est quoi le coup en question ?

On est en bataille de blindes. Moi, j’ai une image plutot tight à la table. J’avais montré deux Rois, deux Dames, j’avais même gagné As-Roi contre As-Roi. Le joueur en SB range ses jetons du coup d’avant. Il avait remporté un gros coup. Il décide de limper de petite blinde. J’ai 76 avec un tapis de 20BB, soit l'average à ce moment-là, j’ai le check-back le plus somptueux, c’est même une aubaine qu'on me laisse voir un flop. Mais, je me suis dit qu'avec mon image, j’ai max fold equity, surtout qu'il vient de gagner un coup et il va pas me call light. Ca va passer tellement souvent, du coup, j’ai appuyé, je lui ai demandé tout, All-in ! Il m’a snap avec As-Roi. Flop As-Roi-10, pas de coeur et je bust sur ce coup. Stratégiquement, c’est pas la folie, des potes qui m’ont dit que sur Snapshove c’était ok. Online je l’aurais fait tous les jours. Mais là, à 55 left sur ce tournoi, je sais que c'est pas ouf, d'autant que le field restant était pas forcément d'un super niveau. J'avais mes raisons pour le faire, mais je sais que c'était pas dingue. Comme m’as dit Hugo Lemaire hier, "Essaie d'oublier qu’il avait As-Roi ici. 90% du temps, on n'en parle pas de ce coup là et t’as pas bust !"

Est-ce qu’on commence à se projeter plus loin à 55 left d'un Event WSOP ?

À 55 left, je me dis rien de spécial, je ne regarde jamais le tableau. J’essaye juste de jouer le mieux possible. Comme je n'ai pas cette pression de l’argent et que je ne suis pas pro, mon objectif, c’est juste de jouer le mieux possible. Sans être parasité par tout l’aspect financier, l’argent, les paillettes. Même si je gagne le Main Event, j’irais peut-être faire un tour chez Robuchon. Deux ou trois fois, avant de rentrer. Je reprends mon boulot, je retourne au taff', j’adore ce que je fais, j’ai pas envie de devenir professionnel du poker, j’ai pas envie de gagner ma vie en jouant au poker, je veux que ça reste du fun. J’ai un équilibre comme ça, amical, familial. Le poker, c’est qu’un des touts petits compartiments de ma vie, même s’il fait beaucoup de bruit, parce que je suis un peu extraverti. 

Tu peux nous parler du coup que tu as joué contre Phil Hellmuth ?

Phil Hellmuth, je le voyais un peu comme une légende. Mais hier, il m'a bien déçu. Je l’ai eu à table, je suis pas très fanboy, mais j'étais quand même content de jouer avec lui. Il était très short, il bougonnait tout le temps, y a un mec qui est venu prendre une photo, il l’a envoyé chier direct. Je comprenais pas, Le mec a 15 bracelets, il est aigri, moi, j’ai pas le moindre début de collier, et je suis très heureux. Arrive un coup contre lui, j’open en MP avec A3. Il défend de grosse blinde avec 8BB. Déjà, je suis surpris, je me dis c’est le trap à l’ancienne. Je bet pour call son tapis à la base. Le flop arrive : A-A-7 rainbow. Sexy. Si je checke, c’est un peu trop obvious. Je fais genre 25% du pot, et là, il me snap raise. Qu’est-ce qu’il me fait ? La turn est Roi qui m’ouvre mon flush draw. Là, il check dans le noir. Je me dis "Qu’est-ce qu’on fait, il a 3 blindes derrière ?" Je le mets à tapis, je pense qu'il va jamais folder. Il se lève, il part en trash-talk de ouf. Il me dit "You have tens ? It’s not possible." Et il finit par folder deux Valets face up. Et là, toute la table est choquée. Je muck ma main, il se rassoit et devient très agressif. J’ai vite mis mon casque, j’avais pas envie de partir en tilt contre lui, vu les insultes qu'il me lançait. Très déçu de Phil, en tout cas. Tu vois comment il a joué ces trois blindes après, c’était nimp. Déçu de la légende. Tout le monde m’a dit que j’aurais du lui montrer un 3, mais j’avais pas spécialement l’intention de le mettre en méga tilt.

Comment tu as vécu le soutien des gens pendant ton deep run ?

C’est à double tranchant, c’est un grand dilemme depuis que je fais partie de cette "communauté" du poker. Déjà, de tempérament, je suis quelqu'un d’extraverti, quelqu'un qui aime communier, partager, chambrer, qui aime l’harmonie. D'un coup, t’as un raz-de-marée de gens qui te soutiennent, parce que tu vas un peu loin dans un tournoi à 3 700 joueurs. Tu sens la sincérité de leur propos. J’arrive facilement à communier à ces gens là, depuis toujours. Mais, plus tu communiques, plus on te colle une étiquette de pro, moi, je suis qu’un fish, et je le vis bien. Je bosse depuis que j’ai 17 ans, le poker, je l’ai découvert à 31 ans, donc ça ne m'a pas chamboulé. Je reçois vraiment beaucoup de messages de soutien et ça fait sacrément plaisir quand même !

Tu repenses à tes tout débuts dans le milieu ? Ça fait quoi d'en être là ?

Quand j'ai commencé à rail les tournois online, à suivre la Maison du Bluff, ou les émissions de poker avec Marion (Nedellec) et Alexis (Laipsker), c'était un vrai plaisir et je découvrais ce milieu en tant qu'amateur complet. Mais quand je fais quelque chose, j’essaie toujours de m’appliquer. Sur le WPT Aria, j’étais avec Erwann Pécheux à la table. Il me dit "Ça joue pas très bien à notre table" et il me regarde d’un air un peu gêné, "d’ailleurs toi non plus." Je lui dis, ok Erwann t’as raison, mais si je t’emmène à mon taff', je te own. Je joue pas très bien, c’est pas grave, c’est pas mon taff'. Moi, je suis juste content d’y participer, je me rends compte que beaucoup de gens aimeraient être à ma place. Ce qui me plait, c’est de partager de la joie. Je me sens en harmonie avec ce que je fais, c’est largement suffisant. Tout le reste, tout ce qui m'arrive ici, c’est du bonus. J’ai découvert le poker à la télé avec les émissions sur l'EPT, j’ai été joué avec des collègues de boulot, puis à l’ACF où j’ai rencontré des gens. J’ai une nature extraverti, je parlais à tout le monde, les gens se demandent qui c'était celui-là. Je crois que j'attire la sympathie. Dans l’absolu, je demande rien à personne. Qu’on me suive ou qu’on me suive pas, je m’en fous, je m’éclate comme ça. Je suis juste un amateur en plein kiff. Mettez-moi sur un 150 balles et je kiffe pareil. J’ai une chance extrême de jouer ça grâce à mes stakeurs, j’aurais pas les moyens de mettre autant d'argent, tous les jours. J’ai la valeur de l’argent. Mettre 600 $, 800 $, dans un buy-in, ce n'est pas anodin. Si ça se passe bien, tant mieux pour moi et mes investisseurs. Mais à la rentrée, ce qui compte, c'est que je sais où est l’adresse de mon bureau et les restaurants où je vais pouvoir manger.

Capitaine_Sy

Abou avec Romain "Le-Capitaine" sur sa table du 600$ Deepstack aujourd'hui

Chauve qui peut

- 24 juin 2019 - Par Flegmatic

Vincent Chauve large chipleader du clan français
Rencontre avec ce grinder de l'ombre habitué du circuit asiatique

Event #50 : Monster Stack 1 500 $ (Day 3)

Il s'en est fallu d'un rien pour que je rate Vincent Chauve au premier break de la journée sur le Monster Stack, la faute à un cassage de table intempestif, prouvant si besoin était la rapidité avec laquelle ce tournoi avance. De 457 à 11 heures, ils n'étaient plus que 330 deux heures plus tard, soit un rythme d'éliminations d'un sortant par minute ! Pour Vincent Chauve non plus, ces deux premiers niveaux n'ont pas été de tout repos, avec un tapis qui pointait à 2,8 millions, plus du double de son capital de départ. "Et encore, sur la dernière main de ma table précédente, j'ai perdu un pot à deux millions avec paire de Rois contre As-Valet. J'aurais pu grimper à cinq millions," souffle-t-il tout en gardant le sourire, du haut de son statut de leader de sa table et du clan français par la même occasion. Mais qui est donc ce joueur jusqu'alors inconnu de nos services, et dont la fiche Hendon Mob ne recense presque que des lignes en Asie ? Entretien.

Vincent Chauve

Bonjour Vincent. On ne s'était jamais croisés avant aujourd'hui : raconte-nous ton parcours.

J'ai 36 ans, je suis originaire de la région lyonnaise et j'ai découvert le poker un peu comme tout le monde, vers la fin des années 2000, alors que j'étais serveur/barman depuis près de dix ans. Je faisais énormément d'heures à l'époque et je me suis rendu compte qu'au lieu de trimer pour gagner 1 500 € par mois, je pouvais gagner 1 500 € par semaine en jouant sur Internet. Autant dire que je n'ai pas hésite longtemps avant de faire la bascule. Je me souviens avoir reçu une offre de Titan.com : 10 € offerts pour jouer chez eux. Je me suis très vite dit "C'est facile ce jeu, il suffit de cliquer un peu partout." En peu de temps, je montais à 500 €, je perdais tout, je remettais 10 €, je remontais à 1 000 €, etc.

C'est ta première fois à Vegas ?

Non, deuxième. J'étais venu l'an dernier et j'avais signé un superbe zéro pointé en cinq tournois au Rio et trois au Wynn. Je suis arrivé il y a quatre jours, j'ai commencé par un petit tournoi, j'ai ensuite sauté dans ce Monster Stack et pour l'instant ça se passe plutôt bien ! Je suis venu avec un pote avec qui je suis basé à Phuket, en Thaïlande.

Ça fait longtemps que tu vis là-bas ?

Ça va faire huit ans maintenant. La ville est vraiment sympa, il y a beaucoup d'expatriés joueurs de poker. Au départ, j'étais dans une colocation et, à mesure que les années ont passé, chacun a pris sa villa de son côté, mais on reste très proches : on mange ensemble presque tous les soirs. Il y a une super ambiance, avec une super équipe, dont notamment Nicolas 'actarus' Ragot. Au final, on marche un peu dans les traces des Alex Luneau, Sylvain Loosli, qui ont vécu eux aussi un temps dans le village où on est. Je ne les ai pas connu à cette époque-là, c'était avant que j'arrive, mais j'ai eu l'occasion de croiser Sylvain une ou deux fois depuis.

Comment tu as occupé ces huit années ?

J'ai fait beaucoup de cash game au départ, et puis au bout d'un certain temps, j'en ai eu marre de cliquer sans cesse. J'ai fait un blocage, je n'y arrivais plus, je suis passé à autre chose. J'ai fait une année de paris sportis qui s'est bien passée et, un peu comme tout le monde, j'ai aussi eu ma période crypto. Cela fait maintenant deux ans que je me consacre quasi exclusivement aux tournois du circuit asiatique. On a dû faire une douzaine de festivals un peu partout sur le continent avec les potes. C'est une vraie découverte pour moi, je n'avais jamais fait de tournoi avant cela et c'est un réel plaisir d'apprendre à maîtriser un nouveau format de jeu. Bon, je ne suis pas non plus le joueur le plus assidu, je ne travaille pas beaucoup mon jeu, mais j'essaie de progresser.

Vincent Chauve Win WPT

Crédit photo : So Much Poker.

Avec comme point d'orgue, la victoire du WPT Deepstacks Vietnam en mars dernier pour environ 88 000 € (photo).

C'était complètement fou comme tournoi ! Près de 700 entrées, pas mal de beau monde et en plus la victoire au bout. Ce n'a pas été qu'une partie de plaisir non plus : j'ai bien galéré avant la bulle puis j'ai gagné le flip qu'il fallait et j'ai pu dérouler sur la fin.

Ce tournoi était le plus gros de l'histoire du Vietnam et t'as rapporté... 2,3 milliards de dongs, la monnaie locale. Qu'est-ce qu'on fait avec tout ça ?

Haha c'est vrai que ça a l'air de représenter beaucoup d'argent. Bon après il faut savoir qu'il y a beaucoup de taxes là-bas, donc j'ai en fait gagné moins que ça. Mais oui, d'une manière générale la vie dans cette région du monde est très peu chère et tu peux organiser une très grosse soirée et te mettre très bien pour l'équivalent de 200 €.

En huit ans tu es allé joué dans beaucoup de pays différents. Quels sont les meilleurs et les pires selon toi ?

Mon endroit préféré, c'est vraiment le Vietnam. Et je pensais ça même avant de gagner là-bas ! Ho Chi Minh est une ville bizarrement respirable, alors que c'est quand même assez grand. Mais j'adore l'ambiance, le club de jeu est top aussi. On y va tout le temps avec les copains, en plus c'est à une heure et demi en avion de chez nous. C'est bien mieux que Manille par exemple, où il y a de très belles parties mais la ville en elle-même est horrible. 

On parle depuis longtemps de l'Asie comme le nouvel eldorado du poker. Quel est ton avis sur ce sujet ?

Cela ne fait que deux ans que je fais des tournois donc je n'ai pas pu assister complètement à l'explosion du marché mais, d'une manière générale, c'est un circuit très plaisant à parcourir. Je ne comprends pas qu'il n'y ait pas plus de joueurs français et européens qui viennent tenter leur chance. Le marché est aussi en train de s'ouvrir en Corée, à Taïwan : il y a beaucoup d'endroits sympas à visiter. Alors certes, il existe encore très peu de tournois à 5K ou plus, la plupart des Highrollers coûtent l'équivalent de 3 000 € mais ils sont très beaux. Je conseille fortement.

Un tournoi, une destination qui t'as marqué plus que les autres ?

On est allés jouer le tout premier tournoi WPT de l'histoire en Chine. C'était un tournoi à 3 000 € mais beaucoup de buy-ins avaient été offerts sous la forme d'invitations d'entreprises. Le niveau était hallucinant : c'était digne d'un Birthday Freeroll sur Winamax ! On a voulu retourner faire l'édition suivante mais le tournoi a été annulé.

Monster Stack Day 3 Amazon

Le Monster Stack commence à trouver forme humaine mais il reste encore plus de 300 joueurs sur la route du million de dollars à la gagne.

Tu as déjà essayé les parties folles de Macao ?

Non, je n'y suis jamais allé et, honnêtement, ça ne me tente pas. Bon, en même temps je disais la même chose de Vegas avant de venir et finalement je dois admettre que j'aime bien. Le Rio, l'Amazon Room, toutes ces salles mythiques : ce sont vraiment de super endroits pour jouer au poker.

Tu vois des différences majeures entre la façon de jouer des Asiatiques et des Américains ?

Les fields ici sont vraiment magnifiques. D'une manière générale, je trouve les Américains beaucoup plus passifs, beaucoup plus straight forward, et donc globalement plus facile à jouer. Les Asiatiques sont plus joueurs, ils peuvent te mettre dans des spots difficiles avec gutshot ou quatrième paire. Aux États-Unis, c'est très rare de te retrouver dans ce genre de situations.

Merci beaucoup Vincent et bonne chance, ainsi qu'au reste du clan tricolore encore en course dans ce Monster Stack, dont Adrien Allain, Anthony Kazgandjian, Yves Rolland ou encore Jamel Hassani. On reviendra jeter un oeil sur ce tournoi un peu plus tard.