Hugo Pingray est de retour et aimerait devenir le premier Français à gagner deux bracelets à Vegas
Vainqueur du Monster Stack des WSOP pour 1 327 083 $ en 2014, Hugo Pingray est resté pendant plus de trois ans le dernier Français à avoir remporté un bracelet. Retiré loin des tables de jeu pendant plusieurs années, se contentant de quelques rares apparitions sur le circuit, Hugo est de retour cette année à Vegas, d'abord pour s'amuser un peu mais avec dans un coin de la tête l'idée de devenir le premier Français à obtenir deux bracelets au Rio.
Alors, Hugo, ça fait quoi de revenir sur le lieu de ton exploit ?
Ca fait 2 ans que je n'avais pas mis les pieds ici à Vegas, c’est toujours aussi excitant, le Rio, l’Amazon Room. Tu retrouves tout ce que tu as aimé quand t'étais là. Rien n'a vraiment changé.
Et toi, qu'est-ce que cette victoire a changé dans ta vie ?
Je ne peux pas le nier, une victoire comme ça, c’est game changer, en terme de statut, en terme d’argent, en terme de liberté que ça t’apporte pour la suite de ta vie, ça t'apporte de la tranquilité, c’est sûr que ça a changé ma vie, même si je n'ai pas décidé de continuer dans cette voie là. On m’en parle encore beaucoup, quand je reviens ici, c'est un sentiment génial.
Qu’est-ce qui t’as décidé à ne pas continuer à faire le circuit après le Monster Stack ?
Honnêtement, je ne sais pas trop, c’est beaucoup de responsabilités de se dire qu’on va vivre du poker, ça me faisait un peu peur. Quand je regardais un peu l’évolution du jeu, ça devenait de plus en plus dur, je me suis demandé, comment ce sera dans 5 ans, dans 10 ans, Est-ce que j’aurais encore envie d’être là ? Est-ce que ça me plairait ? Je me suis dit "Fais autre chose, garde ce jeu comme un jeu !" Si tu dois y retourner un jour, tu essaieras à nouveau. Je dirais pas que c'était par peur, mais j’étais pas super confiant sur mes chances de devenir un top player. Et si c’est pas pour devenir un top player, autant faire autre chose. Pour être le meilleur aujourd’hui, il faut faire des sacrifices énormes. Quand tu vois les top players comme Amadi ou Chidwick, ce sont des brutes, ce sont des mecs qui taffent leur jeu tout le temps. C’est très chronophage. Est-ce que j’avais envie de faire ça, j'étais pas sûr. Bien sûr, y avait le besoin de confirmation, de pouvoir montrer aux gens que ce n’était pas un coup de chance, que tu le mérites et que tu es capable de rééditer ce type de performance. Mais, j’ai toute la vie pour le faire, et ce n'est pas ça qui devait guider ma réflexion sur la bonne décision à prendre. Bon, j'ai quand même mis six mois pour la prendre, cette décision ...
Quel est ton rapport au Poker, aujourd'hui ?
Je n’ai pas joué pendant très longtemps. Je crois que c’était en décembre 2018, c’était le premier tournoi que je jouais depuis le High Roller de l’EPT Prague en 2017. Pendant un an, je n’ai pas touché une carte. En Décembre 2018, je me suis dit ok, cette année, je retourne à Vegas. Je me suis remis à grinder petit à petit. A savoir que je bosse toute la journée, donc le soir quand je rentre, je suis rincé, j’ai pas trop la tête à jouer, mais j’ai continué à travailler mon jeu. Je fais plus de solvers que d’heures de jeu, je reste relativement au fait de ce qu’il se passe aujourd'hui sur les tables. Je me sens confiant, pas forcément moins bon qu’avant, au contraire.
En quoi consiste ton job actuel ?
Je suis Fund Manager, à Londres. Avec deux collègues à moi, on s’est associé, on a créé un fond d’investissement. Maintenant, on a 50 millions sous gestion et on fait du financement de sociétés, de petites et moyennes entreprises, qui sont exclusivement côtées en bourse, des entreprises qui valent entre 50 et 200 millions de capitalisations boursières. On leur fait des prêts, là où les banques ne veulent pas prêter, nous on leur prête.
L'argent du Monster Stack, tu t'en es servi pour ta carrière ?
C’est ce qui a servi à financer en partie le premier fond. De là, en 5 ans, c'est devenu quelque chose d’énorme. Et on a pu lever de l’argent derrière pour avoir ces 50 millions maintenant. Ce n'est pas que l'argent, mais aussi le crédit que t'as en disant ok, je suis champion du monde, c’est quand même quelque chose pour beaucoup. En France, quand tu dis aux gens "Je joue au poker", ils te regardent mal. C’est différent aux USA ou à Londres parce qu’ils ont un état d'esprit plus entreprenarial. Quand tu leur dis, je suis champion du monde, ils te disent, oh mais t’es trop fort, et ils te considèrent comme un génie. Ce qui n'est pas logique ni rationnel, mais ce statut m’a beaucoup aidé, parce que je n'avais pas ce background finance et j’étais très jeune. Donc, ça a bien servi.
Est-ce que tu suivais toujours le poker pendant ces années ?
Je regardais, j’ai toujours suivi les résultats, je regardais si quelqu'un allait me succéder. Je suis toujours sur Facebook, un peu sur ClubPoker, même si je suivais beaucoup moins qu'avant, je me tenais quand même au courant de l'évolution du poker.
Est-ce que tu repenses souvent à cette victoire sur le Monster Stack ?
Sur le coup, je pense que c’est l’émotion la plus forte que j’ai ressenti de ma vie, c’était vraiment puissant en terme de bonheur. La délivrance. Même si je venais à gagner le Main cette année, ce ne serait pas aussi fort que ce premier bracelet pour 1 million après 7 jours de combat devant 7 000 joueurs sur mon premier ITM à Vegas, j’étais pas aussi mature que je le suis aujourd’hui. Ce sera jamais pareil. Je me demande vraiment si j’arriverais à ressentir de nouveau une telle émotion un jour.
Arrives-tu à te remotiver quand tu te relances dans des tournois aujourd'hui ?
Maintenant, je me dis ok, l'objectif, c'est le deuxième bracelet. Je reste un passionné, quand t’es à Vegas c’est facile à se motiver, j’y vais pas en trainant des pieds, aujourd'hui je joue le 5K$ 6-Max, tu peux jouer beaucoup de mains, c'est un vrai kif et ça sert d’entrainement avant le Main que je vais jouer également.
On a souvent entendu parler d'une histoire de swap avec Pierre Calamusa pendant le Monster Stack. Peux-tu me rappeler ce qu'il s'était passé ?
On avait swap 5% avec Pierre (Calamusa) et Flavien (Guenan) avec qui on partageait la chambre. Ce tournoi, je ne voulais même pas le jouer à la base, on avait fait un last longer avec Flavien pour se motiver, pour 500 dollars. A la fin du Jour 1, Pierre a 20 stacks de départ, et moi j’ai un demi average. Il commence à se foutre de ma gueule, à me dire, "Mais pourquoi on a fait ça, pourquoi on a swap, de toute façon, tu vas bust fast". Je dis ok, pas de problème, si tu veux plus swap, on fait 1%. Il a réduit le swap. Et je crois qu'il le regrette un peu...
Tu viens tout juste de perfer sur ton premier tournoi à Vegas ? Tu peux nous raconter ?
C’est le premier tournoi que j’ai joué. J’ai quand même mis 3 bullets sur ce 1 100 $ Venitian, j’ai fini 8e sur 2 300 joueurs pour 43k$. C’était intense, 17 heures de jeu le deuxième jour. Avoir un gagnant en 48h, ça crée un rythme effréné. J’ai eu de bonnes sensations, j’ai run good, ça fait super plaisir. Forcément, t’es super déçu quand tu vois 300 000 à la gagne et que tu te sens un peu meilleur que les autres. Ca dépend toujours pas mal de la chance. J'ai perdu un flip pour le chiplead qui m'aurait sans doute permis de dérouler après. C'est pas grave, ça met en confiance, j’ai pas de 50k ou de 100k à jouer dans mon programme, donc je sais qu'après cette perf, ça ira pour cette année. Ce ne sera pas une cagoule. J'ai prévu de jouer ce 5k$ 6-Max, le Main Event, le 10k 6-Max et le 3 200 $ sur Wsop.com, tout ça si je bust vite du Main, bien évidemment.
Merci Hugo pour tes réponses et bonne chance dans cette quête du deuxième bracelet !