Jérémy Saderne apporte à la France le 2e bracelet tricolore de l'été
Il remporte 628 654 $ et réalise la plus belle perf' de sa carrière
Une victoire émouvante acquise au terme d'une finale fun et jouée à vitesse grand V
Event #69 : Mini Main Event 1 000 $ (Finale)
Hier, au moment de son accession à la table finale, Jérémy Saderne me racontait qu'il s'était inscrit au tournoi un peu par dépit, pour se punir d'avoir de son propre aveu " jeté le 5k$ 6-Max ". Débarqué sur ce Mini Main Event en late reg avec seulement 15bb devant lui, Jérémy remporte deux jours plus tard le bracelet tant convoité et réalise la plus belle performance de sa jeune carrière, empochant 628 654 $, devant un rail tricolore qui a fait trembler le Rio toute la journée.
On savait que Jérémy Saderne, grinder de 27 ans qu'on avait découvert lors de sa victoire sur la finale du Winamax Poker Tour en mars 2017, était très apprécié de la communauté, et notamment des jeunes loups du Team Winamax Romain Lewis, Guillaume Diaz ou Ivan Deyra, avec qui ils partagent beaucoup du côté de Wimbledon. Hier, lorsqu'il devenait chipleader du tournoi à 9 joueurs restants, on avait vu débarquer une foule de français des quatre coins de Las Vegas. Tous y croyaient, pensaient que Jérémy allait succéder à Thomas Cazayous et ne voulaient pas rater ce moment. Le grand rassemblement tricolore fut repoussé au lendemain, parce que les organisateurs avaient décidé d’offrir plus de visibilité à cette table finale, à travers une diffusion sur PokerGo.
Les Français ont eu le temps de s’organiser. Ceux qui souhaitaient prendre part au Day 1A du Main Event attendraient la victoire de Jérémy pour prendre place sur le plus beau tournoi du monde, peu importe la durée de la table finale. La priorité, c'était de soutenir un compatriote et de vivre à travers lui le rêve de tout joueur de poker, devenir champion du monde et rejoindre le clan très restreint des vainqueurs de bracelet français.
Levé de bonne heure à cause du jetlag, Sonny Franco avait fait le taf pour les tricolores, en allant imprimer quelques t-shirts à l’effigie de Jérémy Saderne pour marquer le coup et offrir un peu de fantaisie à un rail qui répétait déjà les futurs chants qui allaient résonner dans tout le Rio, avec un Corentin Ropert déchaîné pour lancer la machine. Tout le monde était là, et ceux qui manquaient à l'appel allaient arriver dans les gradins au compte-goutte, motivés par l'alerte bracelet qui se rapprochait de plus en plus au fur et à mesure de la table finale.
Cette table finale n'aurait pas pu mieux démarrer pour la France, Jérémy Saderne s'adjugeant rapidement le chiplead en éliminant un short-stack de manière assez chanceuse, avec As-Sept contre les Dames à tapis preflop, sous les cris de bonheur du rail.
Mais tout ne pouvait pas être aussi facile, puisque Jérémy connaît alors sa première déconvenue contre l’atypique Lula Taylor, habituée des petits tournois à 200 $ de Reno, cumulant à peine 8 lignes Hendon Mob en 12 ans de poker. Jérémy perd un énorme coup à tapis preflop contre elle, avec une paire de 8 contre une paire de 10.
Revenu dans le ventre mou du classement, Jérémy Saderne va s’employer pour grinder de nouveau des jetons, se chargeant d’éliminer Stefan Widmer en 6e position sur une confrontation As-Valet contre As-Neuf à tapis preflop.
Les éliminations se succèdent alors et Jérémy va jouer deux coin flips pour sa survie, les deux contre Lula Taylor, en train de vivre le one time d'une vie, réalisant ici sa première véritale performance sur un tournoi d'envergure.
Le premier coin flip n'a été qu'une formalité pour le Français, sa paire de Dix s'imposant contre le As-Valet de la joueuse, le deuxième a été clairement le coup charnière de la table finale, un coup que Jérémy Saderne n'oubliera pas de si tôt.
A 3 joueurs left, Lula Taylor relance à 19 millions au bouton avec KT, Jérémy envoie son tapis pour 94 millions avec 66 en main. Lula Taylor ne prend pas très longtemps pour payer et tenter d'éliminer le Français. La tension est à son maximum, les français dans le rail ont les yeux rivés vers l'écran pour assister au dévoilement du flop, et Jérémy attend la sentence qui tombe sous la forme d'un flop K87c. Jérémy n'y croît plus vraiment, comme il nous le dira plus tard. " Je me suis fait à l'idée d'être troisième ! C'était déjà énorme ! " Il voit la croupière retourner un 2 sur la turn. Comme souvent, le rail n'abandonne jamais, on atteint les 100 décibels dans les gradins où les tricolores appellent un 6, seule carte qui permettrait à Jérémy de se sauver. Filmant à ce moment-là, Ivan Deyra me racontera qu'il ne discernait pas trop le nombre de carreaux gravés sur la carte qui est tombée sur la river. Il lui a fallu quelques millièmes de secondes pour compter. 2, 4, 6, OMG !!! C'est un improbable 6 qui tombe sur la river pour donner la gagne à Jérémy et provoquer l'hystérie collective du côté du rail. Arnaud Enselme saute la balustrade pour féliciter son pote qui vient de s'offrir le chiplead et de voir ses chances de bracelet se rapprocher.
Jérémy Saderne nous confiera après sa victoire ce qu'il a ressenti pendant ce coup incroyable : " J’attendais juste la fin du showdown pour buster troisième tranquillement, et là, je vois le 6, j'étais vraiment choqué. J’ai tout de suite réalisé, c’était incroyable, y avait une ambiance folle. Dans un tournoi de poker, c’est la première fois que je vois un truc pareil. Arnaud (Enselme), il s’est cru dans un stade de foot, genre but à la dernière minute, il a sauté par-dessus les barrières, c’était un moment unique et complètement dingue. "
Comme elle l'avait déjà fait après le coin flip perdu contre Jérémy, Lula Taylor félicite Jérémy Saderne, une attitude magnifique qui rendait cette table finale particulièrement fun et émouvante à suivre. Voir Jérémy Saderne rigoler avec cette dame sortie de nulle part, qui ressemblait plus à une cousine de Michel Polnareff qu'à une joueuse de poker, soutenue par un rail du troisième âge et vivant un moment magique en cette veille de fête nationale aux Etats-Unis relevait du miracle.
Les argentins avaient cru pendant un moment que leur protégé Andres Korn allait se retrouver en heads-up et en salivaient d'avance, mais au lieu de cela, Jérémy Saderne redevenait plus que jamais favori pour remporter le tournoi, désormais large chipleader.
La suite de la table finale ne sera qu'une formalité, Jérémy touchant à deux reprises une paire d'As, d'abord pour éliminer Andres Korn, ce dernier avait envoyé ses quinze dernières blindes avec une paire de 5, puis Lula Taylor, qui a 4-bet all-in avec Dame-Dix quand Jérémy Saderne détenait la meilleure main du Poker.
Main dans la main pendant le showdown après seulement cinq minutes de tête-à-tête, Lula Taylor et Jérémy Saderne regardaient la croupière dévoiler le dernier board de ce Mini Main Event, sur lequel il faudra attendre la dernière carte pour que le clan bleu-blanc-rouge laisse exploser sa joie. Jérémy Saderne devient alors champion du monde, et tout le monde semblait heureux pour lui dans le rail.
A titre personnel, c’est la première fois que j'ai les larmes aux yeux en voyant un Français gagner un titre, parce que cette victoire était magnifique à vivre, parce que c’était la victoire de tout un peuple, uni pendant ce moment qui restera à jamais gravé dans la mémoire du poker héxagonal. On nous demande souvent si on a envie que les joueurs français gagnent, ou si on préfère qu’ils perdent pour avoir un article plus court à écrire. Je peux vous assurer qu’en voyant l’émotion de Jérémy Saderne après le dernier showdown de ce Mini Main Event, on sait pourquoi on fait ce métier, et on peut enfin dire #Ilovemyjob sans en avoir honte. Parce que si on accepte de raconter des coin flips pendant des heures avec une clim' à vous rendre malade, c'est aussi pour vivre ce genre de grands moments, des moments rares, intenses, inoubliables.
La photo de groupe du bracelet de Jérémy Saderne en rappelle une autre, celle de Hugo Pingray quand il avait remporté le Monster Stack il y a cinq ans déjà. Des français heureux, ravis de se tasser pour entrer dans le cadre et dans un moment d'histoire pour le poker tricolore.
Emu, au bord des larmes, Jérémy Saderne peinait à réaliser ce qui venait de lui arriver. " Je réalise pas vraiment encore. Bien sûr, je suis fier, je n’ai jamais réellement pensé à gagner ce genre de tournoi. Je voulais juste essayer de vivre de la manière qui me convenait le mieux, c’est pourquoi j’ai fait en sorte d’être joueur pro. Aujourd’hui, ça me dépasse, je sais pas trop, j’en reviens pas vraiment, je suis juste content de ce qui m’arrive depuis que je suis tout petit et aussi depuis que je vis du poker. Ca fait du bien, c’est ma plus grosse performance, c’est beaucoup trop d’argent, l’humain n’a pas besoin d’autant pour vivre. "
Pas encore de célébration prévue, parce que tous ses amis du poker ont un Main Event à jouer ces jours-ci, mais Jérémy Saderne compte bien trouver le bon moment pour remercier tous les français présents aujourd'hui dans le rail pour lui avoir fait vivre un moment dont il se souviendra toute sa vie.
Résultats - Mini Main Event
5 521 inscriptions - Prize-pool : 4 968 900 $
Vainqueur : Jérémy Saderne (France) 628 654 $
Runner-up : Lula Taylor (Etats-Unis) 388 284 $
3e : Andres Korn (Argentine) 287 219 $
4e : Yi Ma (Chine) 214 047 $
5e : Koji Takagi (Japon) 160 715 $
6e : Stefan Widmer (Suisse) 121 586 $
7e : Philip Gildea (Irlande) 92 686 $
8e : Ben Allogio (Etats-Unis) 71 199 $
9e : James Stewart (Etats-Unis) 55 188 $