Sans forcément être le joueur le plus connu médiatiquement du Team Winamax, João Vieira n'en reste pas moins un joueur de poker très respecté et très apprécié par ses coéquipiers. Véritable touche à tout des cartes, que ce soit en hold'em mais et aussi et surtout dans les autres variantes de ce jeu, "Naza114", ancien basketteur pro (16 ans de ballon, 7 ans de haut niveau), a parfaitement réussi sa reconversion dans le milieu du poker. Et pourtant, comme beaucoup, ces WSOP ne sont pour le moment pas une grande réussite pour le Portugais. Mais si vous pensez que cette mauvaise passe affectera le tchatcheur du Team, vous vous trompez. Ses forces à lui ? L'abnégation, la patience et le travail. Vous sentez cette odeur ? Mais oui, c'est l'odeur d'un cocktail parfait pour faire un véritable champion de poker !
Nous sommes le 26 juin, comment se passent tes WSOP jusque-là ?
Au début, mes résultats n'étaient pas très bons, contrairement à la performance pure, ce que tu peux contrôler finalement, et j'en suis très content. Depuis, j'ai atteint l'argent à quatre reprises. Et maintenant, le sprint final arrive, c'est évidemment un moment très important. Il reste une trentaine de tournois, les gens commencent à être rincés, tiltés... et puis de gros tournois arrivent bientôt, je suis encore très excité à l'idée de tous les jouer.
Comment fais-tu pour garder un tel sang froid, malgré des résultats compliqués cette année aux WSOP ?
Quand tu n'arrives pas à gagner de la confiance grâce aux bons résultats, aux tables finales etc., c'est important de chercher la confiance ailleurs. Et je pense que la meilleure façon d'arriver à ses fins, c'est en travaillant. Si tu travailles dur, que tu donnes toutes tes chances, si tu arrives à parfaitement aiguiser ta lame, alors tu y arriveras. C'est ce que je fais, je tente de travailler plus dur que les autres, et je sais que mon jour viendra, c'est pour ça que je suis en paix avec moi. Je sais que j'apprends, plutôt vite, beaucoup et constamment, et que je peux aller me coucher sereinement le soir. Je sais que j'ai fait tout ce que j'ai pu... et crois moi, quand la variance décidera d'être de mon côté, je serai parfaitement prêt, c'est le plus important ! Les gens portent un peu trop attention à "quand" la grosse perf' arrivera, moi je suis plutôt concentré sur "comment je serai prêt quand la variance tournera". Et quand ça vient, ça vient, tout simplement.
Quel travail sur toi-même effectues-tu pour en arriver à un tel niveau ?
Un énorme travail ! Que ce soit physiquement, mais surtout mentalement. En ça, je fais beaucoup de yoga et de méditation, j'essaie vraiment de manger très équilibré, d'avoir une vie saine, de dormir correctement. C'est très important de garder un esprit vif, de garder confiance en soit et de s'en servir pour être encore plus fort. Je cherche la paix en permanence. Et quand tu as trouvé la paix, tu conserves souvent le contrôle de la situation, tu évites d'être affecté trop facilement. Je cherche vraiment à rester concentré sur la performance, pas le résultat.
Sport, soleil, relaxation, João Vieira suit un vrai rythme de professionnel pour rester au top sur ces WSOP
Comment te prépares-tu pour un mois et demi de Vegas ? C'est quoi la méthode João ?
J'essaie de me reposer un maximum. Là par exemple, il est 19h, mon tournoi a débuté à 15h, mais ce n'est pas très grave, je préfère éviter les premiers niveaux et économiser énormément d'énergie. Avant d'arriver à Vegas, je fais en sorte d'être affuté physiquement et techniquement, et j'essaie au maximum de continuer dans cette lancée, une fois sur place. Hors du Rio, je tente vraiment de déconnecter pour retrouver une vie normale. Je redeviens João, l'homme, pas le joueur de poker. Et c'est déjà un très bon début pour penser à autre chose que les cartes. Parfois aussi, je préfère rentrer à la maison, et étudier avec mes élèves. Et on parlera poker, on regardera même surement PokerGO. Je parle de déconnecter surtout au niveau émotionel. Parce que finalement, c'est ça le plus compliqué. Ce n'est pas physique le problème, on est assis sur une chaise toute la journée, rien de difficile à ça. On n'est pas dans les champs de coton du lever du soleil jusqu'au coucher non plus. Et on peut d'ailleurs jouer jusqu'à 6-7 jours de suite dans un tournoi. Les hommes sont capabales, physiquement, de rester aussi longtemps dans cette position. Mais quand on parle de fatigue, je ne pense pas que ce soit physique, je pense que c'est surtout émotionnellement parlant. Et le plus important, c'est de gérer cette fatigue mentale. J'ai appris à m'entourer parfaitement, avec notamment Stéphane Matheu, j'ai également un coach personnel pour le poker. Et puis ma carrière de basketteur professionnel m'aide également énormément. J'ai commencé très jeune, à 15 ans. Certains basketteurs en NBA jouenr jusqu'à 40 ans, ils ont leurs propres secrets pour avoir une telle longévité. J'ai essayé de m'inspirer de ces gens là depuis longtemps, pour savoir rester en condition parfaite, et quand le moment arrivera, je serai prêt. Combattre la variance, c'est comme tenter de combattre une blessure. Ça fait mal, mais on s'en remet toujours. Le tout est de savoir comment gérer les moments où ça va un peu moins bien, et les moments ou tu es à ton top. C'est un vrai challenge !
Est-ce que tu te sens affecté par le manque de résultat ?
Oui, bien sur, partiellement, mais oui. La première année sans résultat t'affecte... mais un peu moins que la seconde, puis la troisième et la quatrième année. Il faut être vraiment préparé à vivre ça. Avant, ça me prenait 5 heures pour me remettre d'un bust. Aujourd'hui, en 5 minutes, c'est déjà oublié. Parfois maintenant, j'arrive à sortir du Rio après avoir bust, et je me sens bien. J'ai travaillé énormément sur cette partie mentale. Un truc bête par exemple, mais j'essaie de partir de la table en lâchant une petite blague. Du genre, on part à tapis, je sais que j'ai perdu, et je balance un petit "partage, non?!" Ça fait rire tout le monde, puisqu'on sait que je vais sauter, mais au moins on s'est détendu. Après ça, je me pose toujours les bonnes questions : Qu'ai-je fait de bien ? Ça, ça et ça. Qu'ai-je fait de mal ? Ça, ça et ça. Qu'est que je pourrais arranger ? Et après ça, tu passes au tournoi suivant, en essayant de répéter les bonnes choses que tu as fait, et en évitant de refaire les mêmes erreurs. Et à une fois à la maison, c'est là que tu dois travailler toujours plus. Quand tu fais ça quotidiennement, tu ne peux rien te reprocher ensuite, tu as donné le meilleur de toi-même. Les gens ont l'impression de pouvoir tout contrôler, c'est bien évidemment loin de la vérité. Les pros de poker savent qu'on ne peut rien faire contre la variance, et ils font tout pour ne pas être impacté par ça. Une fois que tu as compris ça, les choses sont beaucoup plus simples derrière.
Tu n'as jamais peur ? Jamais de craintes, de doutes ?
Pas vraiment. Parce que je sais que je travaille dur pour ça. Je me réveille, je travaille mon jeu, je fais du sport... je suis préparé. La préparation est l'une des mes parties préférées, puisque c'est la répétition constante. Quand tu travailles autant que je le fais, il n'y a plus de peur. Qu'est-ce que la peur ? C'est quand tu n'es pas prêt au moment présent, et que tu sais que tu ne vas pas le faire. C'est de là que vient la peur. Quand t'es préparé, la peur n'existe plus, impossible.
J'aimerais qu'on revienne sur le Poker Players Championship. Je sais que tu voulais y participer, que ce tournoi était parmi tes objectifs... et finalement tu ne l'as pas joué. Que s'est-il passé ?
Les World Series ont plutôt mal démarré pour moi, particulièrement dans les jeux de Mixed Games, même si online je m'en suis sorti, réalisant notamment quelques tables finales, dont une en mixed games. Et du coup, après ce mauvais démarrage, je n'étais plus trop sur de pouvoir jouer ce tournoi, même si je l'avais coché sur mon calendrier. 50 000 $, ça reste une somme importante pour un buy in. J'ai tenté le sat, j'ai fait la bulle... je n'ai pas vraiment senti que c'était le bon moment pour le jouer. Je suis déçu de ne pas le jouer, mais en même temps, je sais que je serai bien mieux préparé l'année prochaine. J'ai hésité à prendre le shot... et j'ai finalement décidé de le faire plus tard. Et puis il y a encore d'autres jolis tournois.
Sur quel tournoi es-tu le plus favori pour gagner un bracelet ?
Probablement l'event PLO8 à 10 000$ (event 65). Ce sera un petit field. J'aime les petits fields. Les gens ne sont pas tous extraordinaires, malgré le buy in à 5 chiffres. Je l'ai joué l'an passé, et je me suis très bien senti. On en avait beaucoup parlé avec Michel Abecassis, qui jouait ce tournoi aussi. Je pense que ce sera probablement mon plus beau shot d'ici la fin des Series. Il y a également un tournoi de Razz bientôt, mais ça dépendra du PLO8. Ce sera là encore, un field tout petit, et je pense avoir toutes mes chances. Et au pire, si je ne fais pas ces tournois, il restera d'autres tournois à 10 000 $.
Et le Main Event ?
Tu m'a demandé un tournoi sur lequel j'ai mes chances ! Le Main Event, il y a 7 000 joueurs. Evidemment que j'aurai plus de chance de gagner sur des tournois avec 300 joueurs maximum plutôt. Mais j'espère tout de même arriver frais pour ce Main Event. Il ne faudra pas regarder ce mois de juin très moyen. C'est une erreur que font beaucoup de gens. Là, il s'agira d'un nouveau tournoi avec une structure magnifique et il n'y a pas de raisons de repenser à tout ce qu'il s'est passé avant. C'est un tout nouveau tournoi, et la variance, heureusement, ne suit pas toujours la même route. Tu peux perdre 51 flips de suite, tu ne seras pas favori pour remporter le 52e... parce que ça reste un flip ! Il ne faut surtout pas se laisser affecter par ça. En tout cas sur moi, ça ne marche plus.
Si tu devais garder un souvenir positif et un souvenir négatif de ce Vegas, lesquels sont-ils ?
J'ai deux choses positives qui me viennent en tête. Le premier, c'est ma façon de gérer ma situation, mon manque de résultats. Je pense que je suis devenu spécialiste dans la façon de gérer ces moments, et je pense que ça m'aidera pour le reste de ma carrière, parce que je sais que je serai amené à revivre ça. Et l'autre bon moment, c'est l'histoire de Kevin Roster [l'histoire d'un Américain du New Jersey, atteint d'un cancer incurable, à qui les médécins ont annoncé qu'il ne lui restait plus que deux mois à vivre, à partir du mois de mai. Il a donc décidé de tout plaquer pour aller vivre une dernière fois les WSOP, envoyer un maximum d'argent à sa famille, avant d'aller se faire euthanasier du côté de Sacramento en Californie, État des Etats-Unis qui a validé cette pratique]. Cette histoire est une source d'inspiration énorme pour moi, surtout quand tu entends tous ces joueurs pleurer pour un flip perdu, alors que lui va mourir, qu'il n'y plus aucun espoir, et qu'il essaie juste de profiter de ses derniers moments de vie au maximum. Ce sera l'un des mes plus grands souvenirs de ces WSOP et j'espère qu'il gagnera un bracelet, ou au pire, beaucoup d'argent pour sa famille. (Kevin Roster s'est notamment incliné en 38e position sur le Monster Stack, pour 22 561 $). Du côté des mauvais souvenirs... je ne sais pas, j'en ai pas trop. Les mauvaises choses se transforment souvent en choses positives qui me permettent d'apprendre et d'avancer. En tout cas j'essaie d'aller dans ce sens. S'il m'arrive plein de trucs mauvais, je sais que j'arriverai à en tirer du positif. Et si je ne gagne pas de bracelet, ce n'est vraiment pas très grave, c'est la vie, il y en aura d'autres au pire.
Kevin Roster, l'un des héros de ces WSOP et l'un des meilleurs souvenirs de João Vieira sur ces WSOP