Vincent Chauve large chipleader du clan français
Rencontre avec ce grinder de l'ombre habitué du circuit asiatique
Event #50 : Monster Stack 1 500 $ (Day 3)
Il s'en est fallu d'un rien pour que je rate Vincent Chauve au premier break de la journée sur le Monster Stack, la faute à un cassage de table intempestif, prouvant si besoin était la rapidité avec laquelle ce tournoi avance. De 457 à 11 heures, ils n'étaient plus que 330 deux heures plus tard, soit un rythme d'éliminations d'un sortant par minute ! Pour Vincent Chauve non plus, ces deux premiers niveaux n'ont pas été de tout repos, avec un tapis qui pointait à 2,8 millions, plus du double de son capital de départ. "Et encore, sur la dernière main de ma table précédente, j'ai perdu un pot à deux millions avec paire de Rois contre As-Valet. J'aurais pu grimper à cinq millions," souffle-t-il tout en gardant le sourire, du haut de son statut de leader de sa table et du clan français par la même occasion. Mais qui est donc ce joueur jusqu'alors inconnu de nos services, et dont la fiche Hendon Mob ne recense presque que des lignes en Asie ? Entretien.
Bonjour Vincent. On ne s'était jamais croisés avant aujourd'hui : raconte-nous ton parcours.
J'ai 36 ans, je suis originaire de la région lyonnaise et j'ai découvert le poker un peu comme tout le monde, vers la fin des années 2000, alors que j'étais serveur/barman depuis près de dix ans. Je faisais énormément d'heures à l'époque et je me suis rendu compte qu'au lieu de trimer pour gagner 1 500 € par mois, je pouvais gagner 1 500 € par semaine en jouant sur Internet. Autant dire que je n'ai pas hésite longtemps avant de faire la bascule. Je me souviens avoir reçu une offre de Titan.com : 10 € offerts pour jouer chez eux. Je me suis très vite dit "C'est facile ce jeu, il suffit de cliquer un peu partout." En peu de temps, je montais à 500 €, je perdais tout, je remettais 10 €, je remontais à 1 000 €, etc.
C'est ta première fois à Vegas ?
Non, deuxième. J'étais venu l'an dernier et j'avais signé un superbe zéro pointé en cinq tournois au Rio et trois au Wynn. Je suis arrivé il y a quatre jours, j'ai commencé par un petit tournoi, j'ai ensuite sauté dans ce Monster Stack et pour l'instant ça se passe plutôt bien ! Je suis venu avec un pote avec qui je suis basé à Phuket, en Thaïlande.
Ça fait longtemps que tu vis là-bas ?
Ça va faire huit ans maintenant. La ville est vraiment sympa, il y a beaucoup d'expatriés joueurs de poker. Au départ, j'étais dans une colocation et, à mesure que les années ont passé, chacun a pris sa villa de son côté, mais on reste très proches : on mange ensemble presque tous les soirs. Il y a une super ambiance, avec une super équipe, dont notamment Nicolas 'actarus' Ragot. Au final, on marche un peu dans les traces des Alex Luneau, Sylvain Loosli, qui ont vécu eux aussi un temps dans le village où on est. Je ne les ai pas connu à cette époque-là, c'était avant que j'arrive, mais j'ai eu l'occasion de croiser Sylvain une ou deux fois depuis.
Comment tu as occupé ces huit années ?
J'ai fait beaucoup de cash game au départ, et puis au bout d'un certain temps, j'en ai eu marre de cliquer sans cesse. J'ai fait un blocage, je n'y arrivais plus, je suis passé à autre chose. J'ai fait une année de paris sportis qui s'est bien passée et, un peu comme tout le monde, j'ai aussi eu ma période crypto. Cela fait maintenant deux ans que je me consacre quasi exclusivement aux tournois du circuit asiatique. On a dû faire une douzaine de festivals un peu partout sur le continent avec les potes. C'est une vraie découverte pour moi, je n'avais jamais fait de tournoi avant cela et c'est un réel plaisir d'apprendre à maîtriser un nouveau format de jeu. Bon, je ne suis pas non plus le joueur le plus assidu, je ne travaille pas beaucoup mon jeu, mais j'essaie de progresser.
Avec comme point d'orgue, la victoire du WPT Deepstacks Vietnam en mars dernier pour environ 88 000 € (photo).
C'était complètement fou comme tournoi ! Près de 700 entrées, pas mal de beau monde et en plus la victoire au bout. Ce n'a pas été qu'une partie de plaisir non plus : j'ai bien galéré avant la bulle puis j'ai gagné le flip qu'il fallait et j'ai pu dérouler sur la fin.
Ce tournoi était le plus gros de l'histoire du Vietnam et t'as rapporté... 2,3 milliards de dongs, la monnaie locale. Qu'est-ce qu'on fait avec tout ça ?
Haha c'est vrai que ça a l'air de représenter beaucoup d'argent. Bon après il faut savoir qu'il y a beaucoup de taxes là-bas, donc j'ai en fait gagné moins que ça. Mais oui, d'une manière générale la vie dans cette région du monde est très peu chère et tu peux organiser une très grosse soirée et te mettre très bien pour l'équivalent de 200 €.
En huit ans tu es allé joué dans beaucoup de pays différents. Quels sont les meilleurs et les pires selon toi ?
Mon endroit préféré, c'est vraiment le Vietnam. Et je pensais ça même avant de gagner là-bas ! Ho Chi Minh est une ville bizarrement respirable, alors que c'est quand même assez grand. Mais j'adore l'ambiance, le club de jeu est top aussi. On y va tout le temps avec les copains, en plus c'est à une heure et demi en avion de chez nous. C'est bien mieux que Manille par exemple, où il y a de très belles parties mais la ville en elle-même est horrible.
On parle depuis longtemps de l'Asie comme le nouvel eldorado du poker. Quel est ton avis sur ce sujet ?
Cela ne fait que deux ans que je fais des tournois donc je n'ai pas pu assister complètement à l'explosion du marché mais, d'une manière générale, c'est un circuit très plaisant à parcourir. Je ne comprends pas qu'il n'y ait pas plus de joueurs français et européens qui viennent tenter leur chance. Le marché est aussi en train de s'ouvrir en Corée, à Taïwan : il y a beaucoup d'endroits sympas à visiter. Alors certes, il existe encore très peu de tournois à 5K ou plus, la plupart des Highrollers coûtent l'équivalent de 3 000 € mais ils sont très beaux. Je conseille fortement.
Un tournoi, une destination qui t'as marqué plus que les autres ?
On est allés jouer le tout premier tournoi WPT de l'histoire en Chine. C'était un tournoi à 3 000 € mais beaucoup de buy-ins avaient été offerts sous la forme d'invitations d'entreprises. Le niveau était hallucinant : c'était digne d'un Birthday Freeroll sur Winamax ! On a voulu retourner faire l'édition suivante mais le tournoi a été annulé.
Tu as déjà essayé les parties folles de Macao ?
Non, je n'y suis jamais allé et, honnêtement, ça ne me tente pas. Bon, en même temps je disais la même chose de Vegas avant de venir et finalement je dois admettre que j'aime bien. Le Rio, l'Amazon Room, toutes ces salles mythiques : ce sont vraiment de super endroits pour jouer au poker.
Tu vois des différences majeures entre la façon de jouer des Asiatiques et des Américains ?
Les fields ici sont vraiment magnifiques. D'une manière générale, je trouve les Américains beaucoup plus passifs, beaucoup plus straight forward, et donc globalement plus facile à jouer. Les Asiatiques sont plus joueurs, ils peuvent te mettre dans des spots difficiles avec gutshot ou quatrième paire. Aux États-Unis, c'est très rare de te retrouver dans ce genre de situations.
Merci beaucoup Vincent et bonne chance, ainsi qu'au reste du clan tricolore encore en course dans ce Monster Stack, dont Adrien Allain, Anthony Kazgandjian, Yves Rolland ou encore Jamel Hassani. On reviendra jeter un oeil sur ce tournoi un peu plus tard.