Le Main Event est plus que jamais le plus gros et le plus beau des tournois de poker
Bilan d'un Day 1C massif qui rentrera dans l'Histoire
CLIQUEZ ICI POUR LE CHIP-COUNT
4 571 joueurs réunis au Rio aujourd'hui, répartis dans quatre gigantesques hangars pour la dernière journée de départ du plus gros tournoi du monde.
7 874 participants au total, le deuxième meilleur score de l'épreuve depuis 2006. Une dotation de
74 millions de dollars, dont
8,88 millions iront au vainqueur. En ce 4 juillet, date anniversaire des Etats-Unis, les derniers mystères numériques du Main Event 2018 ont été dévoilés, et ils n'ont pas déçu.
Champagne ! Les pessimistes qui avaient prédit que l'Independance Day allait causer une baisse de l'affluence en furent pour leurs frais, n'est-ce pas Benjo ? Pardi ! Comment pouvait-on prédire autre chose qu'une explosion des compteurs en ce Day 1C ? Les Américains sont de vrais patriotes, et ils l'ont prouvé... en passant leur jour férié à jouer au plus Américain des jeux de cartes, rejoints par des passionnés et professionnels du monde entier. Et comme hier, c'est un étranger qui a battu les yankees au jeu qu'ils ont inventé, terminant cet ultime flight de départ au sommet.
Touil sur le toit du monde
Un Français chipleader du Main Event ! On refait la conclusion du Day 1B ? Non non, il se passe bien la même chose sur ce day 1C et le héros du jour se nomme
Samuel Touil. Au bout de 5 niveaux de jeu, il conclut cette première journée avec 352 800 ! Mais quelle mouche à piqué ce joueur de cash game hautes limites, habitué de la Bobby's Room au Bellagio, à venir disputer ce tournoi, alors qu'il ne joue pratiquement jamais :
"C'est mon petit frère Harry qui m'a motivé pour le jouer ce Main Event. Il m'a dit "tu devrais le faire, ça vaut le coup quand même", moi je répondais que je n'étais pas très bon au No Limit Hold'em, et puis finalement, je me suis laissé tenter. On dirait que j'ai bien fait !"
Un full grassement rentabilisé contre une top paire a lancé Samuel dès les premières orbites de la journée, lui donnant des munitions pour tenter, et surtout réussir un gros bluff. S'en suit un brelan trouvé sur le turn, là encore bien payé par un adversaire, puis LE coup de la journée. Accrochez vous, pluie de jetons en vue : "
J'ai 68 de coeur, je suis au bouton, et c'est open UTG à 1 800. Je lui fais 4800, le joueur en grosse blinde cold call, et le relanceur initial me surrelance à 15 600. Je décide de faire tapis, il avait 58 000 environ et il a snap call, il avait deux As. Et le board est venur 68JK2, j'ai fait deux paires. Je suis monté à 270 000 grâce à ce pot."
La fin de journée ne fut qu'une simple formalite : "J'ai ouvert beaucoup de mains, tout le monde foldait, c'était incroyable. Au final, je marchais sur la table." Pour une première fois, c'est évidemment une grande réussite, mais même s'il n'est pas habitué des tournois, Samuel sait que le bonheur est encore très très loin : "C'est bon début, ça donne des idées, dirons-nous. Je sais que je suis prêt à jouer huit jours s'il le faut. Je vais jouer mon jeu, je suis quelqu'un de très agressif, je vais essayer de faire sauter les petits tapis, marcher sur la prochaine table, en espérant que j'ai une table comme aujourd'hui, avec un niveau pas très élevé, où toutes les lectures sont faciles. J'espère avoir le même run demain, mais on verra bien, ce n'est que le début."
Avalanche de tricolores
La liste complète des participants au Main Event des WSOP n'est jamais rendue publique. Il faut attendre la fin de chaque Day 1 pour pouvoir consulter un listing en bonne et due forme. Il y manque donc grosso modo 25% de joueurs : ceux qui sautent au cours du Day 1. Ceci étant dit, vous vous posez sans doute la question : combien de Français ont participé au plus gros tournoi du monde ? En l'état, nous ne pouvons vous donner qu'une réponse partielle : tout au long des dix heures du Day 1C, nous avons recensé quelque chose comme 70 tricolores, et en fin de journée, nous avons réussi à compter 50 stacks. Un chiffre forcément erroné : nous ne pouvons prétendre connaître 100% de nos compatriotes, d'autant que de petits nouveaux se pointent chaque année (et c'est l'un de nos grands plaisirs sur les WSOP !).
Avec autant de joueurs à suivre autour de plus de 500 tables, couvrir cette journée s'apparentait à un travail de fourmi, et nombreux furent les joueurs dont nous n'avons pas pu parler, faute de temps, ou faute de les retrouver (je pense à
Arnaud Mattern, ElkY, François "LOVE IS ALL" Pirault, Guillaume Darcourt, ou encore
Arthur Conan). Il y en a plein d'autres que nous avons croisé en vitesse, avant de les perdre de vue (
Eric Sfez,
David Benyamine, Sonny Franco, Mesbah Guerfi...) Et enfin, il y a ceux dont nous découvrirons l'identité dans quelques heures, en consultant le classement officiel, sur lequel est en train de plancher l'équipe "Média" des WSOP.
Que dire, donc ? Plein de trucs, tout de même. Déjà, que l'équipe gagnante du KING5 a franchi ce Day 1C comme un seul homme, en équipe. Ma mémoire est trop ravagée pour dire s'il s'agit de la première fois que ça arrive depuis la création du concours en 2008, mais ce qui est sûr, c'est que cela n'arrive pas à chaque fois. Bravo,
les Flambeurs ! Ils seront emmenés par leur capitaine
Romain, qui a parfaitement joué son rôle de meneur de troupe, puisqu'il termine avec le plus gros tapis de l'équipe, 203 000 jetons ! Derrière, on suit comme on peut : mention très honorable pour
Pedro qui emballe 67 000 dans le sac,
Guillaume débutera avec presque le même tapis qu'au départ (46 000),
Alexandre (33 000) et
Loic (24 000) sont un peu derrière, alors que tout en bas, l'alerte rouge a été donnée pour sauver le soldat
Corentin, ami de l'équipe : il n'aura que 6 700 unités (11BB) pour tenter de s'en sortir au Day 2 !
En fin de journée,
Jean Pierre Didier était tout heureux de passer sa journée avec 88 400, et à raison.
"Il y a des Français qui ont plus que moi ?" Mon cher Jean Pierre, au risque de vous décevoir, oui, il y en a quelques-uns. On a évoqué le cas du chipleader
Samuel Touil (352 800), un peu moins celui d'
Antoine Labat par exemple. Comme prévu ou presque, Antoine termine sa journée comme un chef, avec un tapis de 168 500 sur la balance, solide !
Un peu plus loin, on a croisé le couple Alex Reard (69 100) et Benjamin Pollak (36 000), qui auront donc passé la journée ensemble. Ce dernier était d'ailleurs en train de réconforter un autre Français, l'avocat fiscaliste Cedric Séguin, qui a terminé avec "seulement" 22 700. "Si ça peut te rassurer, j'avais seulement 40 000 à la fin du Day 1 l'an passé. Ça ne veut rien dire du tout."
Et notre qualifié Expresso alors, Rudy Vanucci ? Et bien il termine avec 19 700, soit quasiment tout autant que celui qu'il a réussi à reconnaitre au loin, "le vainqueur du SISMIX lui, non ?", en l'occurence Adrian Mateos (19 900). Autre joueur Français qualifié mais avec un petit stack, tout petit même, le presque Top Shark de cette année, François Pirault et ses 10 000 jetons, tout rond. A l'autre bout de la Brasilia, Yehoram Houri, d'un signe de loin et d'un petit "66 000 !" valide son passage au jour 2, tout comme Lorenzo Lavis, pas mécontent de ranger 21 700 dans son sac.
Encore des Français avec des jetons pour le Day 2 ? Bien sur : Rony Halimi par exemple, 55 000, mais aussi Jimmy Kebe, l'ancien footballeur, avec 73 500, et Nicolas Pons, alias Woody All in, qui termine avec 56 400 : "J'ai commandé un whisky, puis un deuxième, et j'ai finis par atteindre mon maximum de la journée, je crois que je vais jouer le Day 2 complètement bourré." C'est une éventualité, mais on n'est pas au Multiplex Poker ici mon ami, doucement quand même !
Les papiers sont en règle pour le jeune retraité Manuel Bevand (80 000 au terme de son premier Day 1 de Main Event depuis 2016) et Antonin Teisseire (110 000). Pierre Merlin et Quentin Roussey sont en retrait (40 000 et 48 000), mais le second pouvait être heureux : "Il y a pas longtemps, j'étais à 6 000 !"
Et sinon, on a qui comme gros tapis français, il y a des mecs qu'on connaît ? Plutôt oui, et même très bien, à commencer par
Jérémy Saderne. En clair, le tapis du vainqueur du Winamax Poker Tour 2017 n'a fait que grossir aujourd'hui, pour finir par culminer autour des 200 000. "
Dans tous les gros pots que j'ai joué, j'avais quasiment la meilleure main," nous a-t-il confié. Ça aide. Pour
Victor Choupeaux, tout s'est joué sur "
l'une des mains les plus dingues [qu'il a] jouée," en toute fin de Day. Voilà qui mérite quelques explications. "
J'ai ouvert 76 UTG, raconte Choop,
payé trois fois, dont par les blindes. Flop 10-6-6 avec deux pique. La BB lead 2 700, je paie, la small blind check/raise à 7 000 et tout le monde paie encore. Turn 5 offsuit, re-bet de 12 000 de la big blind, payé et payé. River 4 (qui ne fait toujours pas rentrer la flush), BB fait 30 000 et je paie pour le reste de mon tapis. Le joueur en small blind tank toute sa vie et finit par fold face up 6-5 pour full. Il me voyait sur une paire de 10." Ah et la grosse blinde ? Elle retourne 8
2
pour une superbe hauteur 8 assortie d'un tirage couleur manqué. "
Franchement, je n'y crois pas à celui-là, faut que je me remette de mes émotions." Tu m'étonnes.
On peut aussi vous donner des nouvelles de Jean-Pierre Besançon. "Le mec à ma droite a cru bon de 4-bet call avec As-Valet quand j'avais les As." Hop, ça fait environ 85 000 pions dans le sac pour JPBET. On a également échangé quelques mots avec certains de nos qualifiés Expresso, comme Louis. "Un type en face de moi jouait à la bataille corse je crois, il faisait n'importe quoi. Sur 7-8-3, il a call mon shove avec Roi-5 alors que j'avais une paire de Dames. Sans surprise, un Roi est arrivé turn." Loulou termine tout de même avec 42 000. Enfin, preuve que le Main Event est un tournoi à part, même les petits tapis avaient le sourire, comme Michel, qui était tout content d'empaqueter ses 16 000 pions. "J'ai perdu deux coups à tapis contre mon voisin de gauche, d'abord avec As-Roi contre deux As et avec Valet-7 sur Valet-10-7, alors qu'il avait 9-8. Mais bon, on verra au Day 2 !" Regarder vers l'avant, la tête haute et plein d'espoir. Voilà qui plairait au Coach Steph' Matheu. #Relentless.
12 pros du Team au Day 2 !
Une seule élimination à déplorer dans le camp Winamax sur le Day 1C : celle d'Ivan Deyra, en grande partie à cause d'une main où ValueMerguez a payé pas mal de jetons avec une main tout juste bonne à attrapper un bluff. Problème : on lui a montré un full, et Ivan a perdu ses derniers jetons un peu plus tard sur une brutale confrontation set over set.
Notre trio de Team Pro du Day 1C rassemble des habitués des High Rollers du circuit Européen. Avec son assemblage taille XXL d'amateurs et de pros, le Main Event des WSOP est une toute autre histoire.
Sylvain Loosli le sait bien, lui qui a disputé huit des neuf journées du Main Event 2013. "
Ma première table était plutôt dure. Après, sur la seconde, ça allait mieux." Au moment de faire le bilan, le November Nine cultivait quelques regrets, concernant la stratégie reconnue comme étant la plus fiable sur le Day 1. "
J'ai joué un peu trop small ball..." Et Sylvain de me raconter une main "200BB deep" où il floppe un tirage par les deux bouts, puis un tirage couleur sur le turn. "
J'ai check/call flop et turn, et on check sur la rivière, une brique. Il me montre Roi-Dame ! Normalement, en cash-game, je check/raise sur le flop..." Sylvain sera au Day 2 avec 81 500. Au dessus de la moyenne, c'est déjà ça.
A ses côtés,
Davidi Kitai affichait une mine fatiguée. Avec ses spots, son public bruyant, ses annonces au micro, la table TV, sur laquelle il a passé les trois-quarts de la journée, est effectivement plus fatiguante qu'une table "normale".
"Fatigué, et en tilt", précise Davidi avec le sourire. Grand animateur de cette table ESPN, le Belge fut de tous les coups (ça aussi, ça fatigue) et a montré plusieurs fois la main gagnante au showdown, au contraire d'un
Daniel Negreanu discret et globalement malchanceux. Mais un coup le tarabustait à l'heure de faire la photo souvenir. "
La confrontation deux Rois contre deux As... Je devais jeter ! J'étais sûr d'être derrière. Je relance UTG, derrière UTG+1 3-bet, et la BB fait 8 000. Il avait regardé sa première carte, et avait bien 'chauffé' la seconde avant de la regarder, ça voulait tout dire, il était très content de sa première carte !" Se lamenter parce que l'on a failli éviter une confrontation inévitable pour la majorité des joueurs : un signe du perfectionnisme infini de Davidi, qui termine le Day 1 avec 104 000, deux fois sa cave de départ.
Pas une bonne journée pour
Adrián Mateos Diaz : avec 20 000, la máquina a tourné à faible régime aujourd'hui. L'Espagnol est resté à la même table toute la journée, où il n'a assisté qu'à une seule élimination. Juste avant de prendre la photo finale, un célèbre pro Européen est venu saluer Adrián, et a sorti de sa poche une poignée de jetons jaunes du Rio. Valeur : 1 000 dollars chacun. J'ai compris qu'il s'agissait d'une "part" du One Drop à un million de dollars, qu'Adrian disputera au lendemain de la finale du Main Event. Mais le tournoi le plus cher du monde, il n'y pense pas encore : "
J'aimerais bien gagner le Main Event avant !" J'en viens à me demander ce qui se passerait si un des 48 futur participants au One Drop en venait à atteindre la finale du Main Event : serait-il véritablement en état, physique comme mental, pour tout recommencer dès le lendemain ? "
Ça serait sick !"
Avec ces trois qualifications, le total de pros W au départ du Day 2 pointe à 12. Un record ? Possible. On regrettera juste l'absence d'Ivan et de
Volatar (malheureux lors du Day 1) et de
Kool Shen, forfait pour cause de tournée estivale de NTM.
Le bureau des légendes
"
Je me rappelle très bien la première année où j'ai bossé sur les WSOP. C'était en 2005. Je suis entré dans l'Amazon Room et tout de suite, je l'ai vu. Pourtant, il était loin, à dix tables de l'entrée. Mais je l'ai vu, et en un seul regard, il a réussi à me foutre les boules." Ainsi parle un superviseur des Championnats du Monde, au moment de regarder sur mon appareil photo un cliché tout juste saisi de
Phil Ivey. Il en va ainsi des légendes : leur magnétisme nous attire, mais leur aura nous fait peur. On veut s'approcher d'elles, mais inconsciemment, on sait aussi qu'il vaut mieux rester un minimum à l'écart.
Ces joueurs qui, plus que n'importe qui d'autre, concentrent l'attention des fans du monde entier, ont été répartis par ESPN autour des trois tables télévisées de la chaîne. Pour son premier Main Event depuis... une éternité, Ivey s'en tire avec 92 300.
Daniel Negreanu aura eu moins de chance, ne parvenant pas à gagner le moindre pot notable avant de sauter sur un bad beat, mais aura quand même bien amusé la galerie, comme à son habitude.
Amuser la galerie, c'était peut-être l'objectif d'un autre
Phil, Hellmuth, au moment de faire son entrée. Comme il l'avait annoncé quelques jours plus tôt, le Poker Brat a renoué avec sa manie des entrées en scène
ridicules triomphales, se pointant sur le parking du Rio en
chopper, avant d'exhiber son costume de Thor en compagnie d'une douzaine de mannequins déguisées en Wonder Women. On aime ou on déteste mais, comme d'habitude avec Hellmuth, on en parle.
Plus discret mais aussi plus efficace,
Patrik Antonius a monté un joli tapis de plus de 200 000, tandis qu'à la table d'à côté, son copain Danois
Gus Hansen s'en est sorti plus difficilement, et aura environ 30 000 pions à faire fructifier vendredi.
Parmi les autres têtes d'affiche qui ont franchi ce Day 1C, citons en vrac Chino Rheem, Joseph Cheong, Jake Cody, Timothy Adams, les November Nine Michael Ruane, Fernando Pons, Cliff Josephy et Vojtech Ruzicka, Brandon Shack-Harris, Chris Moorman, les Champions du Monde Martin Jacobson et Joe Cada ou encore le revenant Mike McDonald.
En revanche, la partie est terminée pour Dan Colman, Chris Moneymaker, Vanessa Selbst, Sorel Mizzi, Marcel Luske, Mike Watson...
La suite du Main Event, c'est tout de suite : jeudi à onze heures (20h en France) se retrouveront les survivants des Day 1A et 1B, qui joueront leurs parties sous le même toit mais sans jamais se rencontrer. 659 joueurs d'un côté, 1 794 de l'autre, et en tout 47 tricolores. Grosse journée en vue, donc. Comme tous les jours, quoi !