Winamax

Martini frais

- 30 juin 2018 - Par Benjo DiMeo

Julien Martini termine sur le podium d'une épreuve de spécialistes, une de plus
Son premier été consacré aux variantes continue de se dérouler à merveille
Event #50 : Razz 10 000 $ (Day 3 et finale)


Julien Martini
Longtemps, Julien Martini aura occupé le haut du tableau au cours de la troisième et dernière journée du tournoi de Razz le plus cher des WSOP 2018 (et, accessoirement, de l'année, car les tournois de Razz sont une denrée rare de nos jours). L'épreuve avait repris en début d'après-midi avec 13 joueurs restants et Martini a maintenu son gros stack jusqu'aux cinq derniers sièges. Las : trois semaines après avoir remporté son premier bracelet dans une autre variante, le Omaha High-Low, le Français doit cette fois se contenter de la troisième place, après avoir perdu son dernier coup contre un joueur amateur plein d'expérience : Frank Kassela, trois bracelets au compteur.

Qu'on ne s'y trompe pas : loin d'être une déception, ce résultat a de quoi réjouir tout le monde, en premier lieu le principal intéressé, arrivé à Vegas en début d'été avec l'objectif de goûter pour la première fois au cocktail de variantes de poker exotiques, riche et onctueux, offert par les World Series of Poker. Le bilan de Martini, un mois après le lancement du festival de poker le plus important de la planète, et à quelques jours du Main Event, a de quoi laisser rêveur : six places payées (le record Français à ce jour), deux demi-finales (Stud et Razz), deux ITM en Hold'em, le bracelet tant convoité, et enfin, un podium en Razz aujourd'hui.

Julien Martini
"J'ai décidé de me mettre aux autres jeux il y a un an", rembobine Martini, historiquement un grinder spécialisé dans le Hold'em. "Je m'étais rendu compte que les parties de cash-game high-stakes étaient belles, que ce soit en ligne, sur les sites en .com, ou à Vegas, au Bellagio." Car si Martini réside à Taiwan (en colocation avec James Chen, "l'un des meilleurs joueurs de No-Limit Hold'em au monde selon moi"), il passe entre trois et six mois de l'année à Las Vegas, centre nevralgique des plus gros cash-games de la planète, en tout cas en ce qui concerne les "Mixed Games." "J'avais un vrai désir de bosser tous les jeux", explique celui qui avoue se sentir le plus à l'aise en Pot-Limit Omaha High-Low, Stud et Razz, avec encore quelques lacunes dans les jeux "low" comme le Deuce to Seven, le Badugi ou le Baducey.

Longtemps, le Razz fut considéré comme une variante désuète, en voie d'extinction. "Hé, quel est l'âge moyen d'un joueur de Razz", disait la vieille blague. Réponse : "Décédé !" Ha ha. Le cliché - aussi applicable au Stud, ou au Deuce to Seven, ou à tous les jeux n'attirant qu'une poignée d'inscrits - n'est plus tout à fait vrai de nos jours : certes, les tournois de Razz et autres variantes exotiques ne risquent pas de devenir les plus gros des WSOP (119 joueurs pour la version à 10K$ qui nous intéresse aujourd'hui), mais attire depuis quelques années la jeune génération biberonnée au Hold'em. "Le field est plus jeune qu'il n'y paraît, confirme Martini. Ce qui attire les joueurs high-stakes vers un jeu comme le Razz, c'est qu'on dispose de plus de place pour jouer. Ce n'est pas un jeu où on se retrouve à faire tapis avec As-Roi en priant. On peut faire le dos rond, rester patient. Et puis, en Razz, les écarts de niveau sont plus visibles. Les meilleurs joueurs vont plus souvent gagner, j'ai l'impression."

Julien Martini
Est-ce à dire que Julien Martini estime être le troisième meilleur joueur de Razz du monde en cette année 2018 ? "Non, j'ai eu de la chance !", sourit-il. "Et j'ai fait des erreurs en table finale, au moins deux. Il va falloir que je me penche dessus. En revanche, un joueur comme Calvin Anderson [l'un des deux derniers adversaires de Martini, NDLR], j'aurais pu te dire dès hier soir qu'il serait encore là à trois joueurs restants." Ne sous-estimons pas, cependant, la part de réussite, qui existe dans toutes les formes de poker : "Les cartes que tu reçois comptent énormément, bien sûr. C'est un jeu de tirages, il y a beaucoup de tours d'enchères, ça coûte cher de voir toutes les cartes, donc si tu ne touches pas..."

Qu'est-ce qui fait la différence entre un joueur de Razz et un bon joueur de Razz ? "Un bon joueur se montre très agressif, il met une pression constante. Dès que son tableau montre des cartes favorables, il met constamment la pression. Et le but du jeu, quand tu es en face, c'est de déterminer s'il bluffe ou pas. Et le problème, c'est que lorsque tu paies, il va tout le temps te montrer le jeu. Alors que quand tu abandonnes... Il était en train de bluffer, j'imagine !"

Julien MartiniCela fait maintenant un mois que Julien Martini s'éclate dans tous les formats de poker offerts par les WSOP. Ses bons résultats, et l'atmosphère si particulière de la confrérie des joueurs high-stakes, l'a d'ores et déjà convaincu de retenter l'expérience l'an prochain. "C'est quelque chose d'important à souligner : jouer différents types de poker, cela permet de s'amuser beaucoup plus ! Sur les tournois de variantes, les joueurs sont plus concentrés, il y a des décisions à prendre tout le temps, il faut faire attention en permanence." On est loin des tournois de NLHE à 1 000 joueurs où l'on ne quitte l'écran de son smartphone que pour 3-bet à tapis avec deux Valets. D'autant que Martini se sent désormais comme faisant partie de la famille des high-stakeurs : "Ils me reconnaissent, je les joue au Bellagio, et ils sont tous très sympathiques. Il y a énormément de respect au sein de cette famille." Martini égrène quelques-uns des joueurs qui l'ont impressionné et/ou avec lesquels il a sympathisé : Adam Owens, Paul Volpe, Jeff Schulman, Brian Rast...

A quelques jours du Main Event, Martini va maintenant concentrer ses efforts sur les gros tournois de No-Limit Hold'em concluant le programme des WSOP 2018 (non sans avoir auparavant late reg le PLO High-Low à 10K$ qui a débuté aujourd'hui) : le Main Event bien sûr, mais aussi le 6-max à 10 000$, et enfin le High Roller à 50 000$. "Je n'ai joué que 5 ou 6 tournois de Hold'em cet été, alors que c'est censé être mon meilleur jeu ! Mais je vais continuer à bosser les variantes, je ne vais pas lâcher la pression ! Il faut que j'approfondisse les mathématiques de tous les jeux. J'ai pas mal de notions à travailler !"