Vanessa Hellebuyck remporte le Ladies Event
Dimanche soir sur Las Vegas. Il est 21 heures 45 lorsque je retrouve Vanessa Hellebuyck. Deux heures plus tôt, la française remportait l'Event #22 des World Series of Poker, devenant la cinquième tricolore à remporter le précieux bracelet – mais aussi la première féminine, ainsi que 192,132 dollars. C'est au calme d'une salle privée d'un restaurant, le PF Chang's China Bistro, sous le Planet Hollywood, que Vanessa m'attend. Son apparence est la même que sur la photo finale : petit haut rose, veste violette recouvrant tout juste ses épaules, et casquette posée sur la tête. Son sourire est également de mise, figé depuis la main finale. « Je ne réalise pas » confie Vanessa. « Vraiment pas. » Son père et son frère sont présents pour dignement fêter l'évènement, tout comme l'intégralité de ses amis l'ayant suivi durant la finale.
Comprendre l'émotion de Vanessa ? Un point évident. Il y a huit mois à peine, elle n'avait pas réalisé le moindre tournoi. « Étant une joueuse en ligne à l'époque sur des petits prix d'entrée, je n'ai trouvé qu'un seul tournoi abordable en live : le Partouche Ladies à 35 euros. J'ai réussi à prendre ma place pour la finale sur cette formule et tout s'est enchainé ensuite. » Grâce à sa huitième place en finale, Vanessa se fait effectivement repérer, et possibilité lui ait donnée de jouer d'autres tournois. Mais elle ne s'y retrouve pas parfaitement... Les tournois Ladies sont ce qu'ils sont : des tournois abordables, certes, mais surtout des structures abominables ne permettant pas aux meilleures de se mettre en valeur.
« Faire du cash-games aurait pu être une solution » confie Vanessa, « mais je n'y joue que sous la torture ! Mon élément, ce sont les tournois, et rien d'autre. Depuis toujours, je joue à de nombreux jeux de rôles et aborde donc le poker comme un jeu de stratégie de guerre. » Le poker, c'est via son frère qu'elle l'a découvert (« un excellent joueur » précise-t-elle) : « vu que nous sommes très proches, j'ai eu envie de savoir pourquoi ce jeu le passionnait autant... J'ai vite compris. » Dans la vie de tous les jours, Vanessa combine deux passions, qui sont également ses métiers : conceptrice de site internet et pianiste. Deux boulots qui lui permettent de rester à domicile et d'être proches de ses « deux amours » : deux petites filles de huit et deux ans.
Vanessa a donc le temps d'étudier le jeu, ses subtilités et finalités et, rapidement, les résultats paient : elle atteint huit tables finales de tournois Ladies consécutives ! Son meilleur résultat ? Une cinquième place obtenue au Ladies de Monte Carlo, pour 4,400 euros. « Bien que ce soit le plus cher, je n'ai jamais considéré ce tournoi comme le plus important de l'année » confie Vanessa. « Pour moi, c'est à Vegas que tout se joue. » Pourtant, c'est sans pression qu'elle aborde la première journée du tournoi : « Je n'ai jamais de plan précis avant un tournoi. Ma force, c'est ma capacité à changer de rythme et à m'adapter à mes adversaires : s'ils jouent serré, je vais jouer large ; s'il jouent large, c'est moi qui vais resserrer. »
Une tactique qui a fonctionné à merveille : Vanessa a monté des jetons crescendo, restant toujours au dessus de la moyenne sans se mettre en danger. « Dans ma tête, il était de toute façon inimaginable que je ne passe pas la première journée » confie Vanessa dans un éclat de rire. « En plus, après avoir triplé mon tapis, je me suis aperçue que la structure devenait beaucoup plus jouable : une augmentation toutes les heures, des joueuses ne maitrisant pas forcément tous les aspects du jeu short... »
Une fois en table finale, pourtant, la résidente de Levallois-Perret sent la pression monter en elle : « C'est bizarre, car je n'ai jamais été stressé pour quoi que ce soit avant. Pourtant, deux heures avant la finale, sous ma douche, j'ai pleuré pendant trois secondes : c'est à cet instant que je me suis rendu compte que d'ici quelques minutes, j'allais jouer pour l'obtention d'un bracelet... » Arrivé en table finale avec le septième tapis, Vanessa a du traverser dans un premier temps un désert de cartes : « deux heures sans voir mieux qu'une hauteur huit ! » s'amuse-t-elle. Résultat : un quart de ses jetons s'envole. « J'ai essayé de ne pas paniquer et d'attendre les bonnes cartes : je n'avais de toute façon pas d'autres solutions vu mon petit tapis. » Un petit coup de pouce du destin plus tard, Vanessa remonte des jetons, et... « c'est le trou noir ! » avoue-t-elle. « Je me souviens juste que tout se passe dans un rêve : je touche des bonnes cartes, domine mes adversaires, je calme le jeu quand il faut et puis accélère pour leur mettre la tête sous l'eau... Bref, je joue bien et possède en plus le jeu nécessaire. »
Christophe Benzimra, vainqueur EPT ; Vanessa Hellebuyck, vainqueur WSOP : Guillaume Darcourt, vainqueur WPT : la France qui gagne !
Arrive l'heure de la dernière main... Une paire de cinq face à Neuf-Dix : « Intérieurement, je t'avoue que je sens avoir déjà gagné ! Tout se passait tellement bien... Il ne pouvait en être autrement. » Et effectivement, après un tableau sans encombre, Vanessa devient la première femme française à remporter un bracelet des World Series. « C'est incroyable... Il faudra attendre la marseillaise demain pour me rendre compte de l'exploit. » Ses projets futurs, elle ne sait trop en parler : « ma priorité, ce sont mes deux petites filles. Je ne me vois donc pas faire tout le circuit l'an prochain. En revanche, je vais me remettre à travailler mon jeu sur internet, et advienne que pourra. » Au terme de cette entrevue en toute simplicité, Vanessa rejoint ses amis, prête à faire la fête. « La nuit risque d'être longue, je compte bien profiter d'une longue et belle soirée ! » C'est tout ce qu'on lui souhaite.
Harper
La victoire de la simplicité
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