Winamax

Retour sur la fin de tournoi de Cuts

- 8 juin 2009 - Par Benjo DiMeo

Un coup clé contre David « raptor » Benefield

Bon, débarrassons-nous de la main éliminatoire dès à présent, elle est anecdotique : les blindes sont à 4,000/8,000, ante 1,000, il y a neuf joueurs autour de la table, Ludovic est de grosse blinde, il lui reste 110,000 après l'avoir posée. Tout le monde passe jusque la petite blinde, qui annonce tapis. Ce joueur possède environ 450,000, et est plus connu sous le pseudonyme de « livb112 », Olivier Busquet dans le civil. Rien que le meilleur joueur de SNG Heads-Up du monde, et d'origine française, s'il vous plaît.

« Vu ses qualités techniques, il est capable de « push » ici avec une main très faible », me raconte Ludovic sur le banc de presse, quelques heures après son élimination. « De plus, ce joueur a été très choqué quand je lui ai annoncé avoir passé APiqueJPique sur une simple relance lors de la période du main-par-main contre un joueur assez loose. Je lui ai expliqué que ce joueur était commit, et que même si j'avais le meilleur jeu, je ne pouvais pas engager mon tournoi alors qu'une dizaine de joueurs possédaient moins de jetons que moi aux portes de l'argent. De plus, doubler son tapis à ce moment là ne justifie pas la prise de risque. Mon équité contre la « range » adversaire n'est pas suffisante pour prendre le risque de repartir les mains vides alors que si j'ai la chance de doubler, je ne gagnerai pas forcément plus que le palier minimal. »

Bref, Busquet pense probablement que Ludovic est ce qu'on appelle communément un « nit », c'est à dire quelqu'un qui ne joue que les As. Et les Rois, et encore, uniquement s'ils sont assortis.

Ludovic retourne lentement ses cartes : un 6Pique d'abord, puis un ACarreau. « C'est un call facile, vu les circonstances que je viens d'expliquer. »

Busquet fait la grimace et retourne... ACoeur8Coeur. Pas de miracle, et Ludovic est éliminé en 34ème place, remportant 17,000 dollars et des brouettes pour son deuxième cash des WSOP – une somme déjà largement entamée par les tournées de vodka-tonic que Ludovic rapporte régulièrement sur le banc de presse tandis que j'essaie de garder les idées claires pour terminer la nuit dans les meilleures conditions.

Voilà pour l'élimination. Un coup, cependant, reste en travers de la gorge de Cutsy : il s'est produit un peu plus tôt, après la pause post-bulle.

Ludovic possède à ce moment 171,000 de tapis. Les blindes sont de 3,000/6,000, ante 500. Il est, je cite, « pas mal », et décide d'utiliser son image serrée (hé oui, ça arrive) pour relancer UTG à 15,000 avec KTrèfleTPique.

Deux places à sa gauche est assis David Benefield, alias « raptor ». Il se contente de payer. A ce moment, Ludo commet sa première erreur du coup. « Je me persuade qu'il possède une très bonne main : deux As ou deux Rois. Parce que j'ai l'habitude que l'on me perçoive comme un joueur loose, alors qu'ici, ce n'est clairement pas le cas : j'ai été très tight depuis son arrivée à la table. » La grosse blinde rejoint la fête, mais cela n'aura pas d'incidence sur le reste du coup, mis à part en ce qui concerne la taille du pot.

Il y a 50,000 au milieu quand le flop tombe QCarreauJPique7Pique. Ludovic regarde à nouveau ses cartes, et constate qu'il possède le TPique en plus de son tirage de quinte par les deux bouts. « Si je donne une carte gratuite et qu'un troisième pique tombe, cela me donne tout de même le troisième tirage couleur max. »

La grosse blinde checke, et Ludovic fait donc de même. C'est sa deuxième erreur. « Mon raisonnement était mauvais. Je voulais checker parce que je voyais Benefield sur une over-paire. Sa range était en réalité plutôt constituée de mains comme 99 et TT que de AA ou KK, qu'il aura seulement 20% du temps environ. Checker représente de la faiblesse, et l'incitera à bluffer. Ceci dit, avec quoi va t-il bluffer plutôt que de checker aussi, et prendre une carte gratuite ? Quoi qu'il arrive, je vais pouvoir observer la réaction de la grosse blinde. C'est le joueur le plus dangereux sur ce coup, car sa range touchera souvent ce flop. »

C'est au tour de Benefield de parler : il mise 27,000.

La grosse blinde jette ses cartes, et la parole revient à Ludovic. « C'est là que je commets ma troisième erreur du coup, la plus importante : je ne pense ni à jeter mes cartes, ni à check/raiser, ce qui seraient les deux options les plus logiques. J'ai payé. Pourquoi est-ce la mauvaise solution ? Si je touche mon tirage de quinte et que Benefield essayait juste de voler le coup, je n'ai aucune côte implicite, et donc je ne gagne rien de plus en trouvant ma quinte. Si je rate mon tirage, je suis hors de position dans un pot énorme à la turn contre un joueur agressif : bon courage ! En plus, je représente une main extrêmement faible. »

Quid du check/raise une fois la turn tombée ? « Cela offre un meilleur rapport risque/récompense, mais donne à Benefield des meilleures côtes pour payer mon tapis et voir la rivière.

Ici, Ludovic paie, donc, « comme un donk ». Le turn est un 7Carreau. Que faire, à part checker ?

« Benefield mise le même montant : 27,000. A ce moment là, j'ai envie de mourir. Tu peux me citer. Ma main gauche secoue les jetons de 5,000 avec une envie incontrôlable de les envoyer au milieu, tandis que ma main droite soutient ma tête dont le poids vient de tripler. »

Décision finale ? « Je jette mes cartes, faute d'avoir trouvé une meilleure solution, sans avoir la moindre idée de ce qu'il peut avoir, et en estimant avoir déjà commis assez d'erreurs dans la même main. »

Conclusion : « Si je check/raise le flop, peut-être que le reste du tournoi est différent. Et au moins, même si je n'aurais peut-être pas remporté le coup, j'aurais eu la satisfaction de l'avoir bien joué. »