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Le Joyau de la Couronne

- 16 juin 2009 - Par Benjo DiMeo

Roland de Wolfe remporte la « Triple Crown » du poker

Chose promise, chomdu, comme disait mon oncle Isidore qui travaillait pour l'antenne ANPE de Clermont-Ferrand : voici l'interview qu'a accordé Roland de Wolfe a un parterre de journalistes (dont votre serviteur) quelques minutes après sa victoire dimanche dans l'épreuve de Pot-Limit Omaha High-Low à 5,000 dollars.

C'est un moment d'histoire, un de plus, qui s'est produit dans l'Amazon Room. Avant lui, seul Gavin Griffin avait réussi à remporter un tournoi dans chacun des trois circuits majeurs que sont l'European Poker Tour, le World Poker Tour et les World Series of Poker.

Et surtout, c'est un grand plaisir que de voir gagner un type sympa comme tout, à l'humour et à la modestie légendaire, comme en témoignent les quelques réponses qu'il nous a données - sauf mention contraire, c'est moi qui pose les questions, enjoy !

Coverage par Winamax

Tout à l'heure, ton bon ami Neil Channing me confiait que tu n'avais joué que trois fois dans ta vie en Pot-Limit Omaha High-Low.

Roland de Wolfe : Honnêtement, avant de commencer ce tournoi, j'ai du jouer durant toute ma vie une heure au total, grand max [rires]. C'est tout. Sérieux.

Mais comment tu as fait pour gagner le tournoi, alors ? C'est quoi, un bon joueur de PLO8 ? Tu as trouvé la réponse au cours des trois derniers jours ?

Roland de Wolfe : Ben, j'ai joué énormément de Omaha High-Low en Limit, et énormément de Omaha en Pot-Limit. J'ai essayé de mélanger les deux ! [cette réponse ne fait aucun sens, mais tout le monde se marre bien] Ma stratégie ? Je sais pas... Il y avait de très, très bons joueurs en finale. Les deux derniers, Scott Clements et Brett Richey étaient juste énormes. Ils ont beaucoup joué au PLO8, c'est clair. J'ai essayé de les observer, regardaient ce qu'ils faisaient, les mains qu'ils jouaient, et apprendre au fur et à mesure, en insufflant mon style à moi. Je suis vraiment content.

Ton style est très agressif, on t'a vu gambler à de nombreuses reprises. Tu penses que ton succès est du à cela ?

Roland de Wolfe : Je savais qu'à trois joueurs restants, j'avais beaucoup moins d'expérience que les deux autres. Je savais que si la moindre occasion se présentait, il fallait foncer, et mettre les jetons au milieu le plus tôt possible dans le coup. En PLO et No-Limit Hold'em, à l'inverse, je ne jouerai pas comme ça, je préférerais plutôt gratter mes adversaires petit à petit en jouant des petits pots, en attendant un gros pot que je pourrai gagner à coup sur. Là, ce soir, je ne pouvais pas faire ça : il fallait s'engouffrer dans la brèche le plus vite possible. Parce que j'étais le moins bon joueur de la table une fois qu'on est tombés à trois.

Coverage par Winamax

Bon, tu es certainement au courant que tu es devenu ce soir le second joueur de l'histoire à remporter un titre dans chacun des trois circuits majeurs du poker : EPT, WPT et WSOP.

Roland de Wolfe : Ouais, je sais. Enfoiré de Gavin Griffin ! Je voulais être le premier ! [rires] Non, c'est génial. Depuis que j'ai gagné l'EPT de Dublin [en 2006, après avoir remporté le WPT de Paris en 2005], le bracelet des WSOP était devenu mon chaînon manquant. J'ai joué une finale chacune des trois dernières années, sans jamais réussir à conclure l'affaire. Ce soir, j'ai finalement bénéficié d'assez de réussite pour aller au bout. Je sais l'importance qu'ont ces titres dans le poker, et je suis très heureux d'y être enfin parvenu.

Si l'on en juge par ta tenue, tu es assez fier de représenter le Royaume-Uni.

Roland de Wolfe : C'est vrai. Je viens de Birmingham, en Grande-Bretagne. J'ai un accent différent, comme on me le fait souvent remarquer. Je me suis dit que c'était une tenue appropriée à porter. J'ai hâte de pouvoir chanter mon hymne national demain ! [sourire] I'm an Englishman in Las Vegas !

Neil Channing, encore lui, disait que quelques minutes après avoir sauté en demi-finales lors de l'épreuve de Deuce to Seven, tu étais déjà en train de jouer au poker chinois, pour un enjeu supérieur au prix que tu venais de collecter. Info ou intox ?

Roland de Wolfe : Complètement faux ! En réalité, la première chose que j'ai faite après avoir sauté, c'est de m'inscrire pour ce tournoi de PLO8, et de foncer vers ma table dans la Brasilia Room. Bon, OK, j'ai peut-être joué une demi-heure de poker chinois entre les deux... Au final, ça fait beaucoup de poker, mais de toute façon, je ne vais faire que ça jusqu'à la mi-juillet : jouer au poker !

Pas de pause ?

Roland de Wolfe : Non, je recommence dès demain ! Plus que six bracelets, et j'aurai rattrappé Ivey ! [rires]

D'autres journalistes commencent à poser leurs questions...

Quand on gagne un WPT, puis un EPT, est-ce que cela devient plus facile après ? Où à l'inverse, il y a plus de pression ?

Roland de Wolfe : Tant que tu sais t'ajuster à la façon dont les gens te perçoivent, ça va. Parce qu'en tant que gagnant connu et reconnu, tu as une grosse cible peinte dans le dos. Ce qui rend la tâche plus facile, c'est surtout l'expérience. Mes deux premiers titres m'ont appris à « sceller le deal », finir le tournoi, une situation que beaucoup de joueurs n'ont jamais connue.

L'année dernière, j'étais à la même table finale qu'Erick Lindgren. A ce moment là, il en était à zéro bracelets, et on sentait bien que c'était lui qui avait le plus de pression, malgré qu'il soit un joueur très très brillant. Il voulait vraiment son premier bracelet, il était tout près. J'ai ressenti la même pression quand on était en tête à tête, alors que j'avais quatre fois de jetons que mon adversaire. Alors que d'habitude, je ne suis pas nerveux. Je n'étais pas nerveux à Paris, et je n'étais pas nerveux à Dublin non plus. Mais là, je manquais d'expérience, et je me demandais comment terminer le tournoi.

Tu disais que tu avais appris beaucoup sur le tas en observant Clements et les autres bons joueurs de la table tout au long de la journée. Qu'à tu appris en particulier ?

Roland de Wolfe : En regardant Clements, j'ai appris la valeur de l'agression, et de jouer des tas de mains différentes. Il ne jouait pas que les mains max, c'est sur. Après, j'ai beaucoup observé les différents types de flops, et la manière dont il les jouait. Et aussi, j'avais demandé quelques tuyaux à mes amis anglais peu avant la finale. Sur les 200 joueurs au départ, je faisais définitivement partie de la moitié la plus faible.

Mais au final, je reste un joueur de cartes, peu importe le jeu, j'arriverai toujours à me débrouiller un minimum.

Je pose les deux dernières questions...

Quel sera ton prochain objectif, maintenant que tu as remporté les trois titres majeurs ?

Roland de Wolfe : Ouh là, je sais pas... Ca faisait tellement longtemps que je voulais décrocher le bracelet, j'avais pas pensé à la suite. En arrivant à Vegas, cette année, je m'étais juste dit : « joues de ton mieux chaque tournament auquel tu participes. » Je suis un joueur très différent du gamin qui avait remporté le Grand Prix de Paris il y a quatre ans... J'ai beaucoup progressé, et maintenant je... Ah, voilà, attends, je sais quel est mon prochain objectif : remporter le Main Event des WSOP ! Bon, OK, comme tout le monde, je sais. Ca va être dur quand même. Allez, un truc plus raisonnable : je veux être le premier joueur à remporter un deuxième EPT !

Tu étais journaliste dans le monde du poker avant de passer pro. Comment tu as fait la transition ?

Roland de Wolfe : Oh, je n'ai jamais été un très bon reporter. J'étais moyen, sans plus, et je préférais largement jouer aux cartes que bosser.

C'est pas drôle de bosser...

Roland de Wolfe : J'aimais bien écrire, ceci dit. Mais avoir un patron, aller au bureau, respecter les délais, tout ça... Bof. Mais je suis convaincu qu'au poker, si on est prêt à se faire sa propre éducation, on peut y arriver éventuellement. Le faire d'écrire sur le poker m'a beaucoup aidé pour devenir un pro au poker, en fait. J'étais immergé dans le jeu. Une des plus grandes inspirations fut Andy Glazer [décédé en 2004, note de Benjo], qui a magnifiquement mélangé le fait d'écrire, de suivre les tournois, et puis de les jouer lui-même. Ce fut un mentor pour moi.

Coverage par Winamax

Le lendemain, Roland chante fièrement l'air de « Good Save the Queen » devant l'Amazon Room tout entière debout.