Winamax

3 questions à... Alice, dealeuse ès Tables TV

- 12 mai 2018 - Par Benjo DiMeo

Main Event (Day 1C)

SISMIX
Un WPT à Amsterdam, l'EPT de Monte Carlo, le SISMIX Marrakech : voici un aperçu du carnet de voyages d'Alice, dealer et floor manager depuis maintenant une décennie. Un tout petit aperçu : cet agenda ne concerne que... les quatre dernières semaines ! Et c'est comme ça toute l'année. Vous l'avez compris : la vie d'Alice défile à toute vitesse, au rythme des plus gros festivals du circuit pro. "Je t'avoue que je commence un peu à fatiguer", avoue t-elle à propos de cet enchaînement diabolique. "Là, j'en suis arrivée à la phase où je loupe le sol au moment de me lever le matin. Si si, c'est possible : je me casse royalement la gueule en sortant du lit. Ca m'est arrivé deux fois déjà." Si vous avez regardé une table TV de l'EPT au moins une fois, vous avez forcément déjà pu observer à la table son grand professionnalisme en matière de dealing : détendue mais concentrée, espiègle mais alerte, souriante mais discrète. Sauf quand... les choses dérapent. Avant de profiter d'un mois et demi de vacances bien méritées, Alice a fouillé pour voir sa mémoire, et pioché trois anecdotes parmi des centaines.

Ton plus gros fou rire à une table ?

C'était à Monte Carlo il y a quatre ans. Ca devait être un tournoi à 1 000 ou 2 000 euros. Un jeune Russe se pointe. Je veux pas verser dans les stéréotypes, mais c'était vraiment le jeune Russe typique dans le poker : coupe à moitié mulet, vêtements giga flashy, de grosses lunettes de soleil... Et surtout, il mettait un point d'honneur à surjouer. Il roulait des mécaniques ! Et il était assez bourru. Bref, il se retrouve dans un coup contre un seul joueur. A un moment, il mise, et l'autre fait tapis. Le Russe se met à réfléchir. Et ça dure, et ça dure, et pendant ce temps-là je ne bouge pas, évidemment. Puis il finit par se tourner vers moi, et très lentement, il baisse la tête, afin de pouvoir me regarder dans les yeux à travers ses lunettes, et me dire : "Count." Sauf qu'avec son accent pas possible, c'est pas du tout ce que j'ai entendu. Ce que j'ai entendu, c'est "Cunt." [Autrement dit, la pire de la pire des insultes de la langue Anglaise, en particulier envers une femme ! Ne prononcez jamais ce mot en présence d'un Anglais, sous aucun prétexte] Au début, j'ai essayé de me retenir, j'ai baissé la tête, mais les autres joueurs avaient entendu la même chose que moi, et il était tard dans la nuit : la fatigue aidant, j'ai fini par exploser de rire. C'était nerveux, je ne pouvais plus m'arrêter, c'était trop tard, et les autres joueurs se mont mis à faire de même. Sauf lui ! Il n'avait aucune idée de pourquoi on rigolait. Il n'était pas méchant du tout, il me demandait juste de compter les jetons, bien sûr.
 

Table TV EPT
En table TV à l'EPT Prague


Ta plus grosse honte à une table ?

Oh là là, je me souviens très bien, ça m'a pris un an avant de pouvoir le regarder à nouveau dans les yeux. C'était sur l'EPT Malte qu'avait remporté Niall Farrell [octobre 2015]. C'est le Day 5, et pour bien comprendre ce qui suit, je précise que je passe quasiment l'intégralité de la journée à donner les cartes aux mêmes joueurs, grosso modo, vu qu'il ne reste plus grand monde. On passe de trois tables à deux tables, puis on passe à une table, c'est la finale, il reste neuf joueurs. Mais on doit encore tomber à six joueurs. C'est là qu'entre en scène le héros de l'histoire : un joueur Suédois, son nom m'échappe. Toujours avec une casquette, et un air d'espèce de... papa fâché ! Il est massif chip-leader depuis deux jours. C'est le gros favori. La finale commence... et c'est long, la partie s'éternise. A ce moment, on m'envoie en table TV. Et là, c'est le drame... pour le Suédois ! Il va se passer 45 minutes où il va perdre absolument toutes les mains. C'est moi qui donne les coups, et il les perd tous. Tous ! Il finit par sauter neuvième. Il était chip-leader une heure plus tôt, il était LE favori, et il a sauté. La partie s'arrête, il faut réunir les joueurs pour la photo souvenir des finalistes. Sauf qu'ils se sont dispersés. On arrive à en retrouver sept, il en manque encore un, dans l'oreillette le producteur me demande de partir à sa recherche, tu dois commencer à voir où je veux en venir ? Je cours partout, j'entends "ça urge !!" dans l'oreille, et puis j'aperçois le Suédois. Il est avec du monde, ses potes, des journalistes, ils discutent. Et là, rupture du cerveau. Je m'approche, j'interromps leur conversation, et je lui dis "Euh, faudrait vous grouiller de revenir en table TV, on prend en photos les finalistes." Il se tourne vers moi, il me regarde dans les yeux, et il me dit : "Hum, you just busted me." Horreur. Je ne savais plus où me mettre, je me suis confondue en excuses, c'était absolument atroce. D'autant que dans l'oreillette, j'entends le producteur exploser de rire : "Ha ha ha, classic !". Mon micro était branché : les 30 personnes de l'équipe TV avaient tout entendu ! Ca m'a pris très, très longtemps avant d'arrêter d'y penser. Mais quelle connasse ! Voilà ce que je me suis dit pendant un très long moment.

Ta plus vive émotion à une table ?

La plus récente : la gagnante de la dernière PCA aux Bahamas, Maria [Constanza Lampropulos]. Pendant trois jours, elle a été malade. Elle était vraiment pas bien, elle toussait, elle reniflait tout le temps. Puis finalement, elle réussit à gagner. Elle part embrasser ses potes, son copain, pendant ce temps je m'affaire à préparer un beau château de jetons pour la photo souvenir. On me tape sur l'épaule. C'est Maria qui me tombe dans les bras, et qui me dit "Merci, merci, merci." Elle a les larmes aux yeux, et je ne sais pas quoi faire, je dois rester dans mon rôle de staff, je ne suis pas censée m'impliquer, mais... Elle me fait fondre, et je tombe dans ses bras aussi. C'était émouvant. Ce moment est passé sur le stream. Finalement, on en voit peu, des démonstrations comme ça, des gens vraiment heureux à une table de poker. Mais des moments comme ça, j'en ai vécu beaucoup, je pourrais t'en raconter plein. C'est juste le plus récent qui m'est venu à l'esprit.

C'est beau ! Merci Alice, bon courage pour la dernière ligne droite, et bonnes vacances !