Au lendemain de son passage dans le RMC Poker Show de Daniel Riolo, et une semaine après une invitation à la fameuse Club Poker Radio, nous avons pris des nouvelles de Jérémy Saderne, vainqueur deux semaines plus tôt de la sixième édition du Winamax Poker Tour au terme d’une finale aussi brève qu’animée, histoire de revenir à froid sur son exploit, et de causer un peu de l’avenir.
A part des interviews pour les grands médias poker français, tu as fait quoi depuis ton sacre ?
Je suis resté à Paris : j’en ai profité pour passer du temps avec mes amis et ma famille, mes grands-parents notamment. C’était, avec le WiPT, la raison de ma visite à la base ! Et aussi, j’ai disputé le Challenge Heads Up organisé en ligne par Romain Lewis.
Ah oui, on y retrouve la crème des joueurs français. Ça se passe comment d’ailleurs ?
Plutôt bien. J’ai perdu 3-2 contre Alexis Gillot, mais ensuite j’ai gagné 3-2 contre Julien Mariani, puis 3-0 contre Alexis Bobz. Il me reste à affronter Ivan Deyra ce soir : on est quatre joueurs dans ma poule à pouvoir prétendre aux deux places en phases finales. [NLDR : Au soir de cette interview, Jérémy remportera son match contre Ivan « ValueMerguez » sur un score de 3-2 après avoir été mené 2-0, lui assurant sa qualification pour les phases finales.]
Le jeu en live, tu pratiques beaucoup ?
Rarement, jusqu’ici. J’ai dû jouer quelque chose comme une quinzaine de tournois en deux ans.
Et en ligne, à quoi ressemble ton portrait-robot ?
Après avoir commencé le poker avec le format SNG, je suis maintenant spécialisé dans le MTT. J’essaie d’être très agressif préflop. Je prends pas mal de risques pour aller chercher les premières places. Je suis définitivement plus « exploitant » que « GTO » ! En ce qui concerne le cash-game, je le pratique peu. Je trouve cela un peu monotone : soit tu es très fort, et tu gagnes, soit tu ne l’es pas, et alors… [rires]
Lorsqu’on se lance dans un tournoi comme celui-ci, étalé sur plusieurs jours avec énormément de participants, la victoire est-elle un simple fantasme ou l’a-t-on en tête dès le départ ?
Pour te dire la vérité, j’avais prévenu ma famille que je serais dispo pour les voir à partir de vendredi, autrement dit après le Day 1 ! Donc non, on ne pense pas à la victoire dès le coup d’envoi : on sait très bien qu’environ une fois sur deux, le tournoi s’arrête dès le premier jour. En revanche, l’état d’esprit change après la bulle : c’est là que, en fonction de la taille de notre tapis, on se met à évaluer si on est en mode « survie » ou si on peut s’autoriser à penser au futur.
A la fin du Day 4, tu savais que tu allais le lendemain entamer la table finale en position de chip leader. Un statut propice au stress ?
J’essayais plutôt de me dire que c’est moi qui avais le potentiel pour inspirer de la crainte à mes adversaires, en particulier ceux ayant un petit tapis. Le projet était de conserver mon avance, et, si les choses ne se passaient pas comme prévu, de changer de vitesse. J’ai réfléchi aux profils des autres joueurs… C’était un beau casting d’ensemble, franchement ! Rabah, le vainqueur du High-Roller : je n’avais pas d’infos sur lui mais a priori, il n’allait pas jouer scared money. Laurent Patroni était déjà reconnu comme un bon joueur, Guillaume Wilhelm aussi. Et puis, il y avait le fameux Guy Noblet…
Parlons-en de Guy, justement ! La table finale a bien débuté pour toi, mais tu as un moment été dérouté par son style de jeu ultra-agressif. Que s’est-il passé dans ta tête à ce moment-là ? Quelle stratégie as-tu décidé d’adopter pour le contrer ?
C’est vrai qu’il y a eu toute une période où je ne me sentais plus trop à l’aise : d’un coup, les joueurs à ma gauche avaient un gros tapis. Je me suis retrouvé plus ou moins obligé de resserrer le jeu, et d’attendre l’erreur… Ou de belles cartes. En tout cas, Guy a été un formidable adversaire, imprévisible et véritablement chiant – c’est un compliment !
C’est toi qui finis par éliminer Guy : le duel final t’oppose à Laurent. Il n’a que vingt blindes devant lui. A ce moment, tu te vois déjà terminer le travail ?
Oui. J’étais ultra concentré, je voulais à tout prix éviter de le faire doubler, l’objectif était clairement de passer la première « balle de match » !
Le trois de carreau est la toute dernière carte qui s’est abattue pour clôturer cette saison 2016/2017 du Winamax Poker Tour : tes deux paires restent devant la top paire de Laurent. Les applaudissements, les caméras, la remise du chèque géant, les photos… réalises-tu ce qu’il se passe à ce moment ?
C’est très étrange. Ça va très vite. Toute la pression accumulée depuis le débute retombe d’un coup. Sur le coup je suis soulagé, je ne réalise pas trop, je vais un peu dans tous les sens, je réponds à des questions, je vais voir mes amis et ma famille… Il y avait beaucoup de monde dans la salle qui était là pour moi, ça rend le moment encore plus surréaliste.
L’avantage, ici, c’est que tu as « fini le boulot » très tôt : il était à peine 20 heures que tout était déjà fini. Je crois que c’est un record sur le WiPT ! Du coup, tu as eu le temps de célébrer, je suppose.
On a fait un bon resto, et puis on a été boire des coups… Pendant trois ou quatre jours ! [rires]
Quel est le programme pour 2017 ? Tu comptes bousculer tes habitudes ?
Dans l’immédiat, il n’y a pas grand-chose qui va changer : je vais grinder les grosses séries de tournois en ligne. Entre amis, de préférence, car quand on enchaîne une dizaine de grosses parties tous les soirs, c’est toujours mieux d’avoir du soutien, pour discuter de certaines mains, ou tout simplement se changer les idées. Malte est un bon endroit pour cela, mais pour les SCOOP et les Winamax Series qui arrivent, je serai à la montagne, à Serre-Chevalier ! Ensuite, l’année prochaine, j’aimerais bien ajouter un peu plus de live à mon programme, avec pourquoi pas quelques tournois à buy-in plus élevé…
Les anciens de Wam_Poker se souviennent bien de toi et de ton active participation sur les sections techniques du forum. Tu aurais un conseil pour tous ceux qui ont débuté en bas de l’échelle comme toi ?
Il faut croire en soi. C’est le plus important. J’ai des amis, même parmi les bons joueurs, qui perdent un gros coup à 40 joueurs restants et pensent déjà que c’est foutu. C’est faux ! Il faut s’en tenir à sa ligne de conduite si on pense que c’est la bonne. Et il ne faut pas hésiter à demander des conseils ! J’ai eu la chance de pouvoir gagner un gros tournoi après seulement une douzaine de tentatives, et trois deep runs : j’ai conscience que cela aurait pu mettre beaucoup plus de temps. Il faut être patient vis-à-vis des résultats. Et surtout, le plus important à mon sens : il faut avoir d’autres passions que le poker. Si l’on est bien dans sa tête, bien dans sa vie, quand on arrive à la table de poker, on est prêt à casser la baraque !
Interview par Benjo et Chhriis