Philippe Guillou remporte la dixième édition du Winamax Poker Open
3e sur le High Roller, vainqueur sur le Main Event après avoir été chip-leader dès le premier jour : 6 journées bien remplies et l'éclosion d'un grinder de l'ombre
Main Event 500 € (Finale)
Parmi les nombreuses private jokes qui circulent dans le petit milieu des "couvreurs" de poker, il en est une qui nous dit de ne jamais nous attacher au chipleader du Day 1. Pour une raison simple : il ne gagne jamais. Sauf que derrière ce cliché se cache deux composantes essentielles du poker de tournoi : la confiance en soi et le good run. Un cocktail qui vous propulse sur un petit nuage, loin au-dessus des autres. Comme inatteignable.
S'il est un joueur qui avait de la confiance à revendre cette semaine au City West Hotel, c'est Philippe Guillou. On vous l'a répété à plusieurs reprises dans ce reportage, à mesure que nous narrions ces divers et multiples exploits, le Breton - plus ou moins inconnu de nos services jusqu'à récemment - a vécu six journées pleines de poker, en partant mardi du Day 0C du High Roller, dont il s'est adjugé la troisième place deux jours plus tard, avant de se lancer sur le véritable objectif de son séjour : le Main Event. Plus gros tapis de l'ensemble des Day 1, il réussit l'exploit de se maintenir à la première place 24 heures plus tard, avec une avance considérable sur ses poursuivants. Mieux, dans les premiers instants du Day 3, il est le seul à faire progresser son capital, laissant les autres loin derrière. Son avance au départ de la finale à sept est colossal : son premier poursuivant compte deux fois moins de jetons que lui. Rattrapé durant le 4-handed par un Kévin Goillot que l'on a pensé un temps en mesure d'aller lui ravir le trophée, PhilOpOK_RuN reste sûr de sa force, refait tranquillement son retard et décroche finalement ce titre qui lui semblait acquis depuis belle lurette. "Il y a une énorme part de run, c'est évident, concède le vainqueur du plus gros WPO de l'histoire. J'ai rarement eu autant de chance sur autant de coups clés." Comme sur ce lancer de pièce crucial remporté en tout début de journée contre un sérieux client, le redoutable irlandais Sven Mc Dermott. Entre autres. De quoi lancer une promesse en direct sur le stream, au moment de formuler une première réaction à chaud : "C'est sûr, je ne risque pas de whine pendant quelques mois !"
L'adrénaline comme remède à la fatigue
Mais que se cache-t-il derrière cette démonstration d'une fluidité rarement vue ? Comment parvient-on à surmonter la fatigue pour revenir s'asseoir à table chaque midi, prêt à donner le meilleur de soi-même ? "
C'est l'adrénaline, clairement, avoue Philippe,
parce que je suis épuisé." On le serait à moins : parmi le bon millier de joueurs venus à Dublin pour disputer un ou plusieurs des 34 tournois au programme, il est de loin celui qui a passé le plus de temps à table, six jours et six nuits durant. Et ce en ne disputant qu'un total de deux épreuves !
"Hier soir, après la fin du Day 2, je suis passé au bar prendre une gorgée de bière avant de rentrer. Je repars et, quinze mètres plus loin, je commence à me sentir mal, à voir flou. J'ai vraiment cru que j'allais m'évanouir, je me suis mis des claques pour avancer mais j'ai galéré pour arriver jusqu'à ma chambre. Pourtant, en tant que grinder online, je devrais être habitué à la vie de patachon et à ces nuits qui n'en finissent pas."
"Seul, je n'aurais pas pu réussir"
Il faut dire que depuis un an, Phillou vit, pense, bois, mange et dort (peu) poker. "
Ma femme, c'est Winamax !" lance-t-il même au milieu de la conférence de presse improvisée au terme de la dernière main. Membre du Brest Hold'em et surtout d'un collectif d'une huitaine de joueurs réguliers de nos tables, la plupart devenus amis grâce au poker, Philippe l'admet sans peine : "
seul, je n'aurais pas pu réussir. Pour y arriver en solo, il faut être un génie, avoir des prédispositions." Pas d'inné chez Philippe, que de l'acquis : le Breton a bossé dur. Avant de, peut-être, passer aux
solvers et tous ces tableaux remplis de cases colorées, étape obligée de la voie vers le très haut niveau qu'il confesse n'avoir pas encore atteinte, PhilO et ses compères discutent
hand histories et échangent leurs analyses lors de longues reviews de tournois. Tout ce qu'il faut pour faire un bon petit grinder. Et une preuve supplémentaire qu'à 34 ans, il n'est pas trop rare pour laisser éclater son talent à la phase du monde. "
C'est important, de pouvoir se remettre en question, de confronter son avis à celui des autres, d'écouter les sons de cloche différent." Autre compartiment de jeu qu'il a travaillé : celui de la psychologie. "
Même les erreurs que l'on fait doivent avoir une explication. Chaque choix que l'on fait à table, il faut savoir pourquoi on le fait."
Un parcours mouvementé
Joueur depuis ses 18 ans - cela fait donc plus de 15 ans - Philippe a en effet mis de longues années avant de trouver le bon équilibre, lui qui n'était pas franchement du genre rigoureux question
bankroll management dans ses jeunes années. Comme tant d'autres avant lui, ses années de formations l'ont vu se brûler les ailes et apprendre des erreurs, puis se brûler les ailes à nouveau, et ainsi de suite. "
J'ai beaucoup gagné, j'ai beaucoup perdu. J'étais un spewtard ! Le genre qui pouvait gagner 1 500 euros sur un tournoi à cinq balles, et les remettre direct sur une table de cash-game 10/20. Mais à un moment, il faut grandir."
Cela fait tout juste un an que Philippe a mis de côté son métier d'infirmier pour se lancer à plein temps dans le poker, avec des résultats probants. "
Depuis juin, je run très bien online, et mon mois de septembre était déjà idéal jusque-là," nous confiait-il hier, en faisant évidemment référence à sa récente victoire à 21 000 € sur un 6-max Championship des Winamax Series. Faire la transition vers un mode de vie plus responsable, voici maintenant la nouvelle tâche qui attend Phillou. "
Je m'étais déjà renseigné pour aller voir un comptable et passer en auto-entrepreneur du poker. Il y a pas mal de petits éléments compliquées que je dois revoir." En parallèle, le Brestois l'avoue, sa nouvelle passion n'est pas sans inconvénients. "
L'époque où je devais partir de chez moi à 6h30 du matin pour aller travaille ne me manque absolument pas. En revanche, le côté social du boulot, oui.
Et puis, ce soir on voit les paillettes, tout est beau, mais le reste du temps, la vie d'un joueur ce n'est pas facile." D'où l'intérêt de pouvoir s'appuyer sur une bande de potes soudée, bien décidée à ne pas passer inaperçue, comme l'ont prouvé leurs nombreux chants et cris vociférés tout au long de la journée. En attendant de se ranger définitivement du côté de tous ces gens responsables, Philippe va s'autoriser un spew avec son gain tout juste acquis : "
Je ne sais pas ce que j'ai fait en prenant mon vol retour, j'ai booké un vol à 6 heures du matin. Je vais le changer tout de suite !"
Mais au fait, est-ce que cette victoire va motiver Phil à devenir un visiteur plus régulier du circuit live ? "
Non. C'était mon deuxième live Winamax. J'étais venu à Lloret de Mar avec l'intention de perfer, et parce que je ne veux pas jouer autre chose que du 6-max. J'ai un peu deep run, mais pour Dublin l'intention c'était surtout de voir les potes, de croiser des gens que je connais online depuis 3 ans mais que je n'avais jamais vu en personne." Pas de reconversion vers un mode de vie livetard, donc, ni de folies avec ce gros gain fraîchement acquis. "
Ceux qui me connaissent vont vite me retrouver à mes limites habituelles en ligne : les 10, 20, 50 euros, et l'XTASE." Les projecteurs sont éteints. La routine va reprendre.
Winamax Poker Open - Résultats
1 389 entrées - Dotation 611 160 €
Vainqueur : Philippe Guillou 70 000 € après deal
Runner-up : Kevin 'Dromz' Goillot 57 000 € après deal
3e : Alexandre Blanc 46 635 € après deal
4e : Sacha Théry (Staff Winamax) 51 305 € après deal
5e : Ibrahim Senoussi 23 500 €
6e : Raúl Patron (Espagne) 17 500 €
7e : Fraser MacIntyre (Écosse) 13 000 €
Avec Philippe Guillou, la dixième édition du Winamax Poker Open a trouvé un vainqueur à la hauteur des neuf qui l'ont précédé depuis 2009. Mais on aurait célébré de la même manière le sacre de
Kevin Goillot : la semaine de vacances de ce jeune retraité du grind online se termine par une place de runner-up et une prestation impeccable donnant du crédit au proverbe "C'est comme le vélo, ça ne s'oublie pas", dit le proverbe. Pareil pour quelqu'un qui revient à chaque fois, ces dernières années en compagnie de son joueur de papa, et
deep run aussi avec une balle de ping pong que des jetons en main : on se reconnaît dans le profil de l'amateur
Alexandre Blanc. Forcément, voir notre collègue
Sacha Théry soulever le trophée aurait offert une jolie conclusion à tout le staff en charge d'organiser le festival : la coupe aurait bel et bien été ramenée à la maison. Les livetards purs et durs ont aussi droit de cité au WPO, et c'est ainsi que nous avons accueilli avec plaisir un nouveau venu dans la grande famille du WPO :
Ibrahim Senoussi, vieux briscard des parties privées découvrant à peine les joies des tournois officiels mais déjà auteur de plusieurs perfs de choix cette année. On n'aurait pas non plus dit non à la victoire d'un joueur espagnol tel que
Raul Patron, maintenant que Winamax a étendu ses tentacules au delà des Pyrénées. Et les anglophones seront toujous les bienvenus au plus francophone des tournois irlandais, surtout quand ils sont aussi sympathiques que ce vieux briscard de
Fraser MacIntyre. Bref, une finale de haut vol venant conclure une belle dixième édition.
Flegmatic & Benjo
Tous les joueurs primés sur le Main Event
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