En vieux crocodile, Antoine a sagement patienté pour trouver le spot salvateur et croquer une nouvelle finale de prestige. A l’inverse, Fabrice Bigot s’est fait couper les ailes sur un enchainement cruel, chutant brutalement aux portes d’une table finale EPT. Porté par un run de rêve, Jordan Saccucci reviendra dans le costume de chipleader.
Main Event 5 300 € (Fin de Day 4)
Antoine le crocodile
Les crocodiles sont capables de rester des heures immobiles sur les berges. On peut penser qu’ils dorment, mais en vérité, ils restent très attentifs, accumulant la chaleur du soleil, avant de se ruer sur la première proie approchant aux alentours.
Antoine Saout maîtrise à la perfection la technique du crocodile des marais. Depuis deux heures, il ne bouge pas d’un iota, il attend, coincé entre les gros stacks de Javier Gomez, Luigi D’Alterio et Sun Obara. Il se laisse même tomber à 1 million de jetons, et ce malgré la marée montante des blindes, désormais de 50 000. Mais à l’instar du reptile, il attend le bon moment pour sauter au cou de sa proie et la croquer toute crue.
Open de Ionut Voinea HJ et la parole arrive sur Luigi D’Alterio en BB. Derrière lui, Antoine et Ionut ne possèdent que 20 blindes ou moins. Avec KJ
, l’Italien ne s’embrasse pas : tapis directement pour mettre la pression maximum. Il n’a pas anticipé le réveil du crocodile. Voyant l’Italien monter sur la berge, Antoine saute à la gorge de Luigi avec ses deux Rois et n’en fait qu’une bouchée sur le board A
3
4
3
2
. Saout repasse la barre des 2,5 millions de jetons, une profondeur qui lui permet de respirer un grand coup avant de jouer la bulle de la table finale.
Set-up pachydermique
Sur la table télévisée, ce ne sont pas des reptiles, mais des pachydermes qui se sont entrechoqués. Les deux plus gros stacks ont foncé l’un sur l’autre et seul l’un d’eux pouvait rester debout. Il faut dire que le spot était fait pour l’accident. QQ
pour Pilhofer qui open 100 000 UTG, K
K
chez Benjamin Lebor qui 3-bet 245 0000 derrière et Jordan Saccucci (photo) se réveille avec deux As en BB. 4-bet 675 000.
Une inspiration de génie permettra à Pilhofer de se sortir du traquenard, mais pour Lebor, le piège se referme. Il attendra le flop Q6
8
(qui aurait donné le brelan à Pilhofer) pour tout envoyer. Quelques sueurs sur la turn 10
, mais c'est tout. La river 7
provoque la sortie brutale du doyen du field. Le Britannique prend la 13e place pour 62 450 €, suivi dans la foulée par Ionut Voinea qui ouvre le palier à 74 950 €.
Suite à ce coup de tonerre, le bien heureux Sanucci, s'envole dans la stratosphère avec près de neuf millions de jetons. Les joueurs reprennent leurs esprits quand quelques minutes plus tard, la foudra s'abat de nouveau sur la table. Et c'est Fabrice Bigot qui prend le coup de jus.
Bigot reviendra prendre son magot
« Ha je me suis fait défoncé par le run. C’est d’une violence... » souffle Fabrice Bigot en sortant du spot télévisé. Le joueur n’est pas du genre à whine, bien au contraire. Il s’agit simplement d’un constat : Celui qui venait de s'installer dans la locomotive du tournoi a déraillé sur un enchainement de coups effroyables, jusqu'à se retrouver éjecter du tournoi avant même le diner break.
En quatre rencontres, Fabrice a vu son stack entailler bloc par bloc. Par trois fois, il fait doubler son voisin Parker Talbot. Le premier pour 4 BB qui semblent alors anecdotiques. Le second sur un flip 10BB deep avec A7
contre 2
2
en bataille de blindes. Puis un troisième avec 8
8
flat en SB par Bigot, tandis que Talbot se réveillait avec 10
10
en BB. Squeeze, payé, ça tient et nouveau double-up du Team Pro Pokerstars.
Fabrice descend, mais ne s’affole pas. Il possède toujours une quarantaine de blindes devant lui. Les floors annoncent la dernière main avant le dinner break et Fabrice doit seulement jouer sa grosse blinde avant d’aller manger. Petar Kalev fait 170 000 (3,2x) en SB et Fabrice découvre 1010
. Raise 480 000. Riposte à tapis, payé, tout s’emballe et nous voilà avec un pot de 4 millions ! Showdown… J
J
chez Kalev. Catastrophe. Encore une fois, Bigot ne touchera pas sur le board K
7
9
A
5
et se retrouve éliminé aux portes d’une finale EPT, avec 74 950 € pour se consoler.
Un scénario terrible pour ce joueur qui nous gratifie de deep runs avortés à chaque fois qu’on le croise. A Vegas par deux fois puis désormais à Prague, il étale toute sa maitrise technique, sa compréhension des profils, des dynamiques, pour percer les fields et traverser les jours.
Le run l’a encore quitté dans les derniers instants, mais nul doute que Yepaki retrouvera vite les dernières tables de ces tournois majeurs. « C’est sur que j’en gagnerai un un jour, affirme ce bosseur infatigable et ultra-déterminé. Ça m’aurait quand même fait gagner un peu de temps de gagner celui-là » commente Fabrice. Depuis longtemps, ce fan de grimpe annonce son intention de monter sur les plus hautes limites du jeu. Parti de freerolls il y a seulement cinq ans, il multiplie désormais les performances sur les 5 000 € et 10 000 €. Auteur d’une très belle année, il poursuit son ascension avec beaucoup de détermination et de lucidité. Aujourd’hui, il se contente de 74 950 €. Ce n’est que partie remise. Et comme toujours, ça sera un plaisir de le retrouver, sur les tables comme en dehors. GG Yepaki.
Lofberg tire sa casquette
Après une pause diner break, les dix survivants reviennent sur les deux ultimes tables pour savoir qui dans le décurion sera le bubble-boy de cette finale EPT. Ils ne metteront que dix minutes à se décider. Open CO Peter Kalev 88
à 140 000. En SB, Simon Lofberg squeeze à tapis avec A
10
pour 23BB. Derrière lui, Jordan Saccucci se réveille avec A
Q
, mais préfère laisser les autres s'occuper du sale boulot. Le Bulgare, lui, prend ses responsabilités et paie avec sa paire. La première balle de finale se jouera sur un flip et Peter la convertit sur le board 9
3
7
9
K
. L'homme à la capelle grise tire son chapeau en 10e position, pour lui aussi 74 950 €.
Ce dernier coup sonne le glas de ce Day 4. Le clan français est encore sonné par l’élimination de Fabrice Bigot, mais l’honneur bleu sera défendu par Antoine Saout. Un homme des grandes finales, qui espère ajouter une nouvelle performance de choix à son palmarès. « J’adore toujours autant jouer, sinon tu ne me verrais pas partout. A Monaco (en 2016), j’avais fait 7e, j’espère faire beaucoup mieux ici. C’est différent de Vegas bien sûr, le Main WSOP est vraiment à part. Mais il y a le prestige de l’EPT. On joue pour inscrire son nom sur le trophée » confie Saout avant de quitter la salle de tournois.
Il reviendra demain aller chercher ce titre et le million d’euros. Face à lui, un Top Reg espagnol, un coach nippon, un ambassadeur Pokerstars, un pro Italien, un chipleader canadien et trois griners de l’est, qui auront les mêmes idées que lui en tête. « Je ne connais que Gomez avec qui j’ai joué plusieurs fois et qui est bon. C’est pas plus mal qu’il ait perdu quelques jetons contre l’Italien. Le Roumain, je l’ai vu en TV au WSOP Europe, il peut-être créatif. Le Bulgare a l’air très fort, le Chipleader un peu plus tight, on verra comment il joue avec un gros stack » analyse le Français. Un point sur les stacks, puis rendez-vous demain pour le Day 5, qui planifie de faire descendre le field de 9 à 4 joueurs, afin d'avoir le temps de tout ranger dimanche avant la Coupe du Monde.
Seat Draw :
S1 - Petar Kalev (Bulgarie) : 5 845 000
S2 - Jordan Saccucci (Canada) : 9 560 000
S3 - Javier Gomez Zapatero (Espagne) : 2 585 000
S4 - Luigi D’Alterio (Italie) : 4 730 000
S5 - Paul-Adrian Covaciu (Roumanie) : 2 770 000
S6 - Parker Talbot (Canada) : 1 810 000
S7 - Antoine Saout (France) : 2 740 000
S8 - Istvan Pilhofer (Hongrie) : 1 530 000
S9 - Jun Obara (Japon) : 6 240 000
Pay-out :
1er : 1 054 500 €
2e : 658 750 €
3e : 470 500 €
4e : 361 950 €
5e : 278 450 €
6e : 214 159 €
7e : 164 750 €
8e : 126 700 €
9e : 97 450 €