Auteur d'une remontada épique et d'une gestion de table finale remarquable, Rubens termine runner-up de ce FPS Monte-Carlo, devant 2 138 joueurs. Après avoir un temps récupéré le chiplead, il s'incline finalement face à l'impressionnant Daisuke Ogita. L'amateur marseillais se console avec un chèque de 191 940 €, et des émotions inoubliables. Plutôt rentable ce satellite à 5 €.
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FPS Main Event 1 100 € (Fin)
Lorsque je découvrais Rubens Sellam, il y a deux jours, l’amateur semblait sentir que le destin lui faisait de l’œil. « Ça fait longtemps que j’attends ce moment, que je bataille pour ça » m’expliquait le Marseillais, alors chipleader du clan français à l’aube d’un Day 3 FPS. Des paroles fortes de sens, alors qu’on est seulement au Day 3, à 55 left du bonheur.
Deux jours plus tard, Rubens Sellam réalise l’impensable. Parti avec deux blindes au moment des demis, le joueur arrache sa place en table finale, gratte les paliers un à un et passe de la dernière place au 3-max, puis au heads-up d’un FPS Monte-Carlo, avec 307 160 € à aller chercher.
Chiploser pendant la quasi-totalité de la finale, le joueur change de stratégie à partir du 3-max. Fini le grattage de paliers. Place à l’agression, aux bluffs, aux overbets… Un changement de rythme bien senti et qui fait rapidement des dégâts. Rubens grignote son retard sur ses adversaires slovaque et japonais, puis prend même le chiplead du tournoi.
Après l’élimination de Tomas Patka sur un duel A3
contre le 8
8
de Daisuke Ogita, Rubens se retrouve en heads-up, avec un avantage de 2 contre 1 pour le Japonais. Vingt minutes plus tard, les deux joueurs sont à égalité.
Le heads-up devient très tendu. Avec 20 BB de moyenne, il peut basculer d’un côté comme un autre, mais c’est le Japonais qui reprend l’avantage, après une série de petits coups gagnés et de vols de blindes. Avec 40 millions contre 15, Daisuke opte pour un limp, checké par le Français qui voit le flop 105
2
.
Avec AQ
, Ogita ne s’embarrasse pas et c-bet directement à tapis. Snap-call de Rubens qui a trouvé la top paire avec son 10
4
. Rubens se lève pour voir un run-out à 110 briques. Le J
sur la turn prolonge le suspense… Attention à la dernière carte… Q
. Daisuke Ogita remporte le FPS Monte-Carlo, devant 2 138 joueurs, pour 307 160 €.
Mariage, rugby et satellites Live
Le Japonais se jette dans les bras de son clan, qui saute à pieds joints sur l’estrade télévisée. Rubens tire un temps la grimace, puis part lui aussi retrouver les siens, derrière la barrière séparant la tribune. Sa femme et son fils, venus ce matin de Marseille, ont poussé leur héros de la première à la dernière seconde. Mais après un tel exploit, Rubens ne s’en sortira pas sans une petite interview. Alors, comment on se sent après une 2e place FPS Monte-Carlo à 191 briques ?
« Ce qui me traverse l’esprit, ce n’est pas le montant que j’ai gagné, pose tout de suite le compétiteur. Je reste sur le fait que j’ai perdu, que je termine 2e… Mais j’ai fait le maximum. Je voulais le piéger, j’ai failli le faire sauter lorsqu’on était plus que trois. Je limp avec A-K, il envoie tout avec Q-6 de pique, et il fait ses piques ».
Rubens se remémore ce moment-fort du 3-max, mais aussi bien entendu la remontée épique qu’il a accompli, lui qui était tombé à deux blindes à 15 left après un assommant setup deux Dames contre deux Rois.
« J’ai pris le tournoi étape par étape. Je ne me suis jamais projeté et je m’étais préparé à ça, explique Sellam. Chaque main est une aventure. On peut être chipleader et tomber, ce que j’étais à un moment donné. On peut être shortstack et revenir, je l’ai fait aussi. Le secret, c’est de ne jamais baisser les bras et se dire qu’on peut toujours y arriver. Ce n’est pas le fruit du hasard, poursuit Rubens. Ça fait de nombreuses années que je joue. J’ai perdu beaucoup de coups importants à cause de mauvais choix. Je ne voulais pas reproduire ça, surtout en table finale. Je tenais à ce que ce soit propre et je ne voulais avoir aucun regret. En 8-max, j’ai couché des mains, alors que la règle voudrait qu’on fasse tapis. J’ai fait un mix entre la règle et mon ressenti à table ».
Une propreté et un feeling qui lui ont permis gagner sa place en heads-up. Un résultat énorme pour celui qui était parti chiploser de la table. Mais surtout, un accomplissement exceptionnel pour un amateur, parti d’un satellite à 5 €.
« Je ne joue presque que les qualifications des tournois Live. L’année dernière, je rate la qualif’ pour Vegas en terminant 2e. Je me suis aussi qualifié pour le FPS et l’EPT l’année dernière. Le but, c’est d’avoir le package pour me payer un voyage. Je prends ma valise, je pars à l’aventure pour faire ma compétition, à moindre frais. C’est ça qui me motive. J’aurais aimé être footballeur, tennisman, rugbyman, j’ai d’ailleurs beaucoup joué, mais je n’ai pas percé du tout. Aujourd’hui, j’ai la possibilité de côtoyer les plus grands noms. C’est comme si j’étais footballeur et que je jouais la Ligue des Champions. D’ailleurs, j’ai éliminé Adrian Mateos. C’est le jeu. Quand il est arrivé, juste à ma gauche en plus, j’étais très inquiet. C’est des gens que je vois à la télé normalement ».
Plus que la somme colossale qu’il vient de remporter, Rubens cherche à vivre ce genre de rencontre, de sensations, que seuls le poker Live peut offrir. Des sensations qui deviennent immenses, indescriptibles lorsqu’on parvient sur ces dernières tables de grands tournois internationaux. Et c’est exactement ce que Rubens était venu chercher.
« Ce qui me motive, c’est de vivre ces tables finales. Ça fait des années que je joue, dans l’ombre, sans arriver à faire de résultats… C’était vraiment mon but, affirme celui qui travaille comme agent immobilier. Maintenant, c’est vrai que c’est une somme considérable… Qui arrive à point nommé pour deux raisons : Je vais marier mon fils dans un an et je viens d’acheter une maison, donc j’ai des travaux à faire. C’est le top du top. Mais je ne réalise pas encore ce que ce gain ça représente. Lorsque j’étais à deux blindes et à 12 000 € de gains, c’était déjà fantastique pour moi. D’ailleurs, je salue le compatriote français qui était avec moi, et qui a fait 5e, Quentin. Il me disait “Tu te rends compte que tu étais à 2BB, et là tu es en train de revenir”. Adel (Rahou) aussi, j’ai eu un très bon contact avec les Français, j’ai réellement apprécié jouer avec eux ».
Inarrêtable Ogita
Crédit photo : Manuel KovscaLa France place trois finalistes, mais aujourd’hui le trophée va au Japon. Daisuke Ogita remporte le plus beau tournoi de sa carrière, sur un festival EPT Monte-Carlo… deux mois après avoir remporté le plus beau tournoi de sa carrière, sur un festival EPT Paris. Le Nippon avait en effet rasé la capitale, en enchainant une place de runner-up (face à Bruno Fitoussi) sur le 5 200 € Omaha, une 8e place sur un 2 200 €… puis le lendemain, un titre sur le 5 000 € 6-max, pour 111 briques.
Daisuke vit une année 2023 de folie. Trois de ses cinq meilleures perfs de sa carrière ont été réalisées dans les trois derniers mois. Une série impressionnante, tout comme cette ultra-agressivité caractérisant son style pokeristique et ce calme implacable, malgré les swings ébouriffants qu’il a connus depuis les demi-finales. Le poker nippon s'est peut-être trouvé un nouveau champion.