Adrian Mateos remporte le Super High Roller de l'EPT Monte Carlo (1 385 430 €)
Une victoire nette et sans bavures qui lui permet de franchir les 27 millions de dollars de gains de carrière à seulement 27 ans, et cimenter un peu plus sa place au Panthéon du poker mondial
Il était favori. Il n'a pas failli. Auteur d'une prestation immaculée, conforme en tous points à ce qu'on attendait de lui, Adrian Mateos n'a eu besoin que de quatre petites heures pour terminer le travail sur le tournoi le plus cher de l'European Poker Tour Monte Carlo, venant à bout de la table finale du Super High Roller à 100 000 € qu'il avait entamée en position largement dominante. Malgré les grands talents cumulés de ses cinq derniers adversaires, son avance ne fut jamais remise en question, et c'est sous un soleil encore brûlant que la
máquina a pu savourer sa victoire en compagnie de ses amis et coéquipiers du Team Winamax : il était même pas 17 heures lorsque le trophée lui fut remis au bord de la Méditerranée, avec pour décor la
skyline de la Principauté, éternellement constellée de grues et de chantiers de construction. Bâtisseur, Adrian Mateos l'est aussi : mois après mois, voyage après voyage, l'infatigable Espagnol continue de construire l'un des plus beaux palmarès de l'histoire du poker.
Ce vingtième titre en live vient accompagné d'un chèque de presque 1,4 million d'euros, même pas six mois après un quatrième titre de Champion du Monde remporté à Las Vegas à seulement 27 ans (entre temps, Adrian était revenu de l'EPT Prague sans trophée, mais avec deux finales Highroller de plus à son palmarès). Malgré la répétition des succès, malgré l'enchaînement des victoires, impossible de rester blasé devant une telle régularité au plus haut niveau. Entretenue à grands renforts de travail face aux meilleurs joueurs du monde, cette domination appelle à des comparaisons avec d'autres légendes brillant dans d'autres sphères, les Roger Federer, les Tiger Woods, les Lionel Messi de ce monde. Et de fait, Adrian ne nous fait pas le coup de la fausse modestie lorsqu'on lui a demandé de nous confirmer qu'il était bel et bien au-dessus du lot. "
Oui, je suis bon à ce jeu. Je suis gagnant depuis neuf ans, j'y consacre ma vie. Si je ne pensais pas être au-dessus, je ne m'inscrirais pas à des tournois à 100 000 € l'entrée. C'est là qu'on rencontre les meilleurs, et cela fait partie de mes objectifs : être parmi les meilleurs. Je pense l'être. Et je veux le rester pour de nombreuses années à venir !"
Lorsqu'on se qualifie pour une finale de prestige avec une large avance numérique (150 blindes), on se livre forcément à des calculs de probabilités. Hier soir, Adrian estimait ses chances de gagner à 50 % ou 55 %. Grosso modo une chance sur deux. Pourquoi ? "
J'avais déjà 40 % des jetons, et les sauts dans l'échelle des prix jouaient en ma faveur, ils me permettaient d'être plus agressif." Pour que la prédiction se matérialise, Adrian a déroulé le poker limpide et millimétré qu'on lui connaît, prenant des décisions qui semblent si faciles lorsque ses cartes apparaissent sur l'écran, mais qui cachent des années de travail et de profiling de ses adversaires. "
La finale s'est déroulée sans encombres. J'ai commencé à gagner des jetons dès la première minute. À un moment, j'ai un peu reculé, j'ai perdu un million de jetons, mais derrière j'ai fait quelques bons calls, mes c-bets sont passés, et voilà. Je suis satisfait de mon jeu, et de la façon dont j'ai joué le tournoi en général."
Traditionnellement l'un des tournois les plus chers de la saison en Europe, le Super High Roller à 100 000 € a totalisé 42 inscrits, parmi lesquels quelques-uns des meilleurs joueurs du monde. Dans le monde du poker pro, il est parfois difficile de voir à l'œil nu la différence entre un bon joueur et un grand joueur. Mais pour Adrian, un delta existe bel et bien. "
Entre être gagnant sur des tournois à 5 000 euros et être dans le Top 10 mondial, il y a une grande différence. Ce n'est pas si évident, mais avec le temps on la voit, et à la fin les résultats parlent d'eux-mêmes."
En novembre 2019, en remportant coup sur coup deux gros tournois aux Bahamas, Adrian Mateos sortait de l'une des rares périodes de disette de sa fulgurante carrière : 15 mois entiers sans un trophée. Une éternité pour un compétiteur comme lui ! Une période qui semble aujourd'hui loin derrière à l'horizon. "
Toutes les expériences construisent une personne. Cette période m'a permis de devenir celui que je suis aujourd'hui. Pendant les confinements, j'ai beaucoup joué en ligne, plus que je n'avais jamais joué. J'avais le temps d'étudier, et je l'ai fait. J'ai amélioré la qualité de mon jeu. Puis quand les voyages ont repris, je les ai mieux sélectionnés. C'est important aussi." Aujourd'hui à Monaco, nous avons donc affaire à un Adrian Matos bien différent de celui qui avait soulevé l'un de ses premiers gros titres dans la Salle des Étoiles. C'était en 2015, après sa victoire sur le Main Event EPT. "
Beaucoup de choses ont changé. On évolue beaucoup, en sept ans. Je me considère comme plus mature, je suis une meilleure personne, un meilleur joueur."
Une finale en accéléré
Pas si mal en point à l'entame de la finale avec ses 41 BB,
Kent Staahle n'aura pourtant tenu qu'une petite heure sur le podium télévisé. Estimant ce flop 7
6
2
correct pour sa paire de 9, le businessman norvégien pousse plus de 30 blindes au milieu malgré le check/raise de Marius Gierse. Muni des As, ce dernier ne se fera pas prier pour payer le all-in...
Même pas dix minutes après la sortie de Staahle, voilà
Laszlo Bujtas qui open shove pour 7 blindes depuis la SB. Il faut dire que le Hongrois avait reçu, en guise de comité d'accueil en finale, une paire de Rois qui se fera promptement craquer par un Kent Staahle floppant la quinte avec 4 et 5 dépareillés (un coup de bol qui ne lui aura d'ailleurs pas servi à grand-chose). Sur sa dernière main, Bujtas ne sera pas plus verni, son As-5 ne restant pas devant face au Valet-10 de Mikalai Vaskaboinikau.
C'est au cours de la (longue) phase de jeu à quatre que l'on a assisté au fold le plus impressionnant de la finale, celui qui restera dans les mémoires des spectateurs du stream "cards up". Une décision hallucinante de maîtrise et de retenue de la part de
Mikita Badziakouski, qui a trouvé le moyen de ne perdre que deux blindes et demie avec As-Roi après avoir relancé au bouton et s'être fait 3-bet puis 4-bet par ses deux voisins de gauche. Il aura tout de même fallu pas moins de dix "time banks" (des jokers autorisant les joueurs à réfléchir trente secondes supplémentaires) à l'un des meilleurs joueurs du monde pour arriver à la conclusion qu'il devait jeter préflop sa premium. Moralité : on n'atteint pas 32 millions de gains en live seulement en gagnant des pots. Il faut aussi éviter d'en perdre...
Si c'est en spectateur qu'Adrian Mateos a vu passer les premières éliminations, il n'en est pas resté pour autant les bras croisés, parvenant à augmenter progressivement son tapis et faisant en sorte de ne jamais se faire rattraper par ses poursuivants. Son premier scalp sera celui de
Mikalai Vaskaboinikau qui, réduit à moins de dix blindes, jouera son va-tout avec Roi-7 depuis la grosse blinde, après un push d'Adrian en SB. Avec Valet-10, notre Espagnol trouvera le bon côté de la variance en floppant un Valet.
A trois joueurs restants, le combattif
Mikita Badziakouski n'était plus qu'à un double-up de rafler le fauteuil de leader à Adrian Mateos. Mais de double-up, il n'y aura pas, le Biélorusse ratant un 3-barrel bluff face au pro du Team Winamax qui en profitera pour creuser un peu plus l'écart les séparant. Quelques mains plus tard, ses six dernières blindes seront engagées avec A
2
: de grosse blinde, Adrian n'aura qu'à se baisser pour les ramasser avec son As-10.
De duel final, il n'y en a pas vraiment eu entre Adrian Mateos et celui qu'il considérait comme son adversaire le plus dangereux en finale,
Marius Gierse, récent vainqueur d'un gros tournoi sur Party Poker pour 1,2 million de dollars. Même si l'Autrichien parviendra à doubler d'entrée de jeu, il ne parviendra jamais à combler vraiment un écart de jetons beaucoup trop grand - 26 contre 1 ! Jouée pour neuf blindes, la dernière main - Valet-4 chez le challenger, Roi-3 chez le chip-leader - fera figure de formalité.
Résultats - Super High Roller 100 000 € - EPT Monte Carlo
42 inscriptions - Dotation 4 074 840 €
Vainqueur : Adrian Mateos
(Espagne, Team Winamax) 1 385 430 €
Runner-up : Marius Gierse (Autriche) 957 590 €
3e : Mikita Badziakouski (Biélorussie) 611 230 €
4e : Mikalai Vaskaboinikau (Biélorussie) 468 610 €
5e : Laszlo Bujtas (Hongrie) 366 740 €
6e : Kent Staahle (Norvège) 285 240 €
Adrian Mateos en statistiques
27 millions de dollars cumulés en live à seulement 27 ans, au cours d'une carrière entamée il y a moins de 10 ans
20 trophées en live, dont 4 bracelets WSOP
Plus de 50 finales disputées sur des tournois à 25 000 $ l'entrée ou plus
Une place gagnée sur la All Time Money List d'Hendon Mob : Adrian trône désormais en 20e place, juste derrière un certain Phil Hellmuth Jr...