Complètement fou. Venu avec un pote sur un coup de tête pour son premier “vrai tournoi” depuis près de huit ans, Sylvain Berthelot repart avec le titre Estrellas, devant plus de 7 000 joueurs, pour un gain stratosphérique de 499 224 €. Un exploit auquel l’amateur marseillais a du mal à croire. Et pourtant, il avait ce feeling, ce sentiment indescriptible qu’il était capable de décrocher la victoire.
1 100 € Estrellas Poker Tour Main Event (Fin)
« AHHHHHHRRGGG ! ». Un cri libérateur au milieu de la Main Room du Casino Barcelona. Tous les joueurs se retournent de leur siège pour comprendre d’où vient cette explosion de joie. En voyant le sourire euphorique de Sylvain Berthelot, qui serre le poing à côté de la table, les spectateurs comprennent vite. C’est lui le grand vainqueur du Main Event Estrellas, l’homme qui vient d’abattre un field de 7 138 joueurs, pour près d’un demi-million d’euros.
"Je ne touche plus terre ! Pince-moi plus fort", s’exclame le vainqueur en tombant dans les bras de ses amis Mickael et Julien. Ces mêmes gars avec qui il commençait le poker il y a plus de quinze ans, dans le club de Marseille Hold’em. Cette fois, c’est dans la cour des grands, sur un EPT Barcelone, sur le deuxième plus grand 1 000 € de l’histoire du poker européen et face à des joueurs de classe mondiale, que Sylvain réalise l'exploit d'une vie.
Mais comment un amateur, qui ne touche les cartes qu’une fois par an, qui ne suit rien de l’actualité, des évolutions techniques du jeu, peut-il venir à bout d’un tel tournoi ? Comme toujours, le gagnant se réfugie derrière le “good run”, mais invoque une autre arme moins répandue, les “good vibes”.
"J’ai reçu énormément de good vibes, assure le joueur. Micka, c’est un ami d’enfance. Vivre ce truc avec lui, c’est incroyable, et ça m’a poussé. Je voyais les messages de mes amis, de ma famille, et j’avais mes petits rituels. Pendant les pauses, je croisais tout le temps ce même gars de la sécurité à qui je tapais dans la main. Pareil avec les mecs contre qui j’avais joué au jour 1 ou 2... J’ai pris les good vibes de tout le monde. C’est assez indescriptible, mais j’étais porté par cette énergie".
Porté par le run et par les bonnes ondes, Sylvain a volé à travers les jours de tournoi marathon, sans pour autant planer dans les hautes altitudes. Dix blindes à la fin du Day 2, dix blindes à la fin du Day 3 et encore aujourd’hui, Sylvain a souvent fait le dos rond dans le peloton, avant de surgir dans le “money-time”. La manière dont il a retourné cette table finale en est la parfaite illustration. Parti shortstack, il a d’abord joué de patience avant de se libérer en milieu de partie, transcendé par la confiance… et par ce sentiment qu’il était capable d’aller au bout.
"C’est dingue de dire ça, c’est peut-être prétentieux, mais j’avais la sensation que c’était mon tournoi, quasiment depuis le début. Même quand j’étais shortstack, je me disais que ce n’était pas grave, que j’allais doubler et revenir. Comme une bonne étoile qui me guidait. J’ai fait des folds très sicks, probablement mal joué… Comme si une petite voix me disait : pas celle-là".
Berthelot y croyait. Et ce malgré son tapis boiteux ou son statut d’inconnu au bataillon, d’autant que sur les trois dernières tables, le joueur se retrouvait à chaque fois au milieu des deux épouvantails restant dans le field : Martin Zamani et Parker Talbot.
"Le fait de ne pas suivre l’actualité du poker, de ne pas connaitre la tête des joueurs, ça m’aide, puisque je ne m’en fais pas une montagne. Je ne me dis pas “Lui, il a dix millions de Hendon Mob, lui, attention c’est un gros Shark…”. Je ne les connaissais pas ! Je sentais que c'étaient des pros, des bons joueurs, mais je ne me suis pas senti petit au milieu d’eux. C'est du poker, on a tous les mêmes cartes".
Sylvain a découvert en cours de route à qui il avait affaire. En l’occurrence, à des requins ayant goulument croqué les titres online, mais aussi, à des trublions capables de déstabiliser une table par leur parlotte incessante.
"En demi-finale déjà, le Zamani m’a rendu dingue. Il rigolait tout le temps… L’Asiatique (Ren Lin) aussi. Ils envoyaient les vannes tout le temps et en plus, on m’a interdit le casque, puisqu’on était en table télé. Ça m’a presque sorti du tournoi. Zamani était très chiant, mais en même temps, c’était bonnard. Et puis Parker (Talbot), bien sympa, mais je n'en reviens pas de voir à quel point il tient l’alcool ! J’hallucine. Et malgré tous les Gin Tonic, il regardait les stacks et en deux secondes, il savait le montant au jeton près !".
Sylvain a renversé Talbot sur ce check/raise turn qui laissait le Canadien sous les dix blindes. Après le deal à trois, il attirait Martin Zamani dans ses filets sur un duel de blindes avec As-Dame contre As-4. Seul l’obstacle Santiago Nadal le séparait du titre Estrellas. Le heads-up fut reglé en un quart d’heure.
Open 4 millions du Mexicain, défense de Berthelot et le flop vient AQ6. C-bet 4 millions, payé. Turn 10, Sylvain lead pour 10 millions, payé. River K, lead tapis pour un peu plus de 40 millions. Santiago réfléchit quelques secondes, et finit par payer. Sylvain se lève en retournant son K4. Les nuts, pour crucifier le KJ adverse. Ça y est, Sylvain Berthelot est champion ESPT.
Une victoire que l’amateur n’aurait pu écrire de plus belle manière. Un gars qui découvrait le jeu par le poker associatif en 2008. Qui a pris goût au jeu, aux sessions online, qui s’est même offert quelques petits Vegas avec le copain Salette, il y a dix ans de cela. Un passionné qui a mis sa passion entre parenthèses après la naissance de ces filles. "Quand les enfants sont petits, tu ne dors pas. Il y a plein de choses qui font que le poker online, ce n’est plus possible. Je m’autorisais quelques shots une fois par an. Un DSO ou un FPS par ci-par là. Mais depuis 2017, je n’ai quasi pas rejoué. J’ai déménagé à Lisbonne en 2022, et cette année, un ami, Julien Subreville, a vu qu’une étape de l’Irish Poker Tour se jouait là-bas. Je me suis dit pourquoi pas, ça fait longtemps. On l’a joué ensemble, j’ai fait un petit ITM de m**** mais j’ai un peu repris goût. C’est là que j’ai dit à mon pote Micka, “Ça te dirait d’aller faire un petit ESPT ? En plus à Barcelone, ça peut être sympa”".
Belle inspiration. Sylvain a vécu avec son copain l’aventure poker de sa vie et repart avec le pactole. D’ailleurs, on va faire quoi de tout cette oseille ? "Ça ne va pas être une bankroll, prévient le grand vainqueur. Je vais payer le crédit de la maison, les études de mes filles, acheter un peu de bitcoin… Et puis, je rêve de jouer le Main Event WSOP. Je ne sais pas si je le ferai dès l’année prochaine, mais je vais m’offrir ce cadeau. Et surtout, on a prévu de faire un voyage au Japon. Mes filles sont fan d’animés, de truc comme ça. Je pense qu’il sera un peu plus beau que prévu le voyage". Bons voyages Monsieur Berthelot, et merci pour ces moments.
EPT Barcelone 2024 - Main Event Estrellas 1 100 €
7 138 entrées (re-entries inclus) - Prizepool 6 852 480 €
Place | Nom | Pays | Prix |
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Vainqueur | Sylvain Berthelot | France | 499 224 € |
Runner-up | Santiago Nadal | Mexique | 394 526 € |
3e | Martin Zamani | USA | 463 250 € |
4e | Parker Talbot | Canada | 227 000 € |
5e | Jean Benvenga | Suisse | 173 000 € |
6e | Francesco Macri | Italie | 136 400 € |
7e | Sanislovas Vinicienka | Lituanie | 104 500 € |
8e | Magnus Persson | Suède | 79 400 € |
9e | Johannes Verhagen | Pays-Bas | 61 680 € |