Dans l'éternel débat concernant la part qu'occupe la chance dans le poker, je n'ai pas d'avis réellement tranché. Ceux qui estiment que c'est avant tout une histoire de talent, de compétences, de skill, je suis généralement d'accord avec eux. Mais d'un autre côté, j'ai tendance à ne pas contredire les autres, ceux qui se lamentent sur la quantité de réussite nécessaire pour mener à bien sa barque lors d'un tournoi. Ils ont raison aussi.
Je ne me risquerai pas à tenter d'apporter une réponse définitive à la question du facteur chance au poker... En revanche, en ce qui concerne le facteur chance dans la couverture des tournois de poker, je peux vous l'affirmer avec assurance : le Day 1, c'est que de la chatte ! Variance à tous les étages ! Aucun skill ! Que du « run good » !
Mettez vous à la place de l'humble couvreur faisant face au coup d'envoi de la première journée d'un tournoi tel que l'EPT de San Remo : des dizaines de tables... des centaines de joueurs... à chaque table, une, deux, dix histoires différentes se développant tout au long d'une journée s'étalant sur douze longues heures...
Comment établir un scénario qui tienne la route ? Comment coucher sur le papier – pardon, l'écran - une narration rendant compte fidèlement de ce qui s'est passé à l'intérieur de la salle ? Comment compresser toute une multitude de rebondissements en un joli article intelligible d'une vingtaine de lignes ?
La réponse : c'est impossible. Les contraintes temporelles, technologiques et humaines font que même un couvreur sur-entrainé avec dix ans d'ancienneté carburant au meilleur speed que les dealeurs de San Remo ont pu lui trouver ne pourra jamais fournir qu'une image partielle de l'action.
On parcourt la salle, on cherche au petit bonheur un coup intéressant par-ci par là. On garde un oeil sur ses chouchous, on tente de faire quelques nouvelles rencontres. On s'informe auprès des collègues. Des fois, on est chanceux, et on tombe sur des coups magiques, on entend des histoires amusantes à la table, on croise des types sympa, on écrit des articles intéressants à leur sujet. Et d'autres fois, on désespère, on revient en salle de presse les mains vides, on ne sait pas quoi écrire. Et le résultat final, c'est un amas d'informations disjointes, un bric à brac d'anecdotes glanées au hasard. Il n'y a rien de mieux à faire.
Celle longue litanie pour vous dire que si vous me posez la question « Alors, qu'est-ce qu'il s'est passé aujourd'hui ? », je pourrais vous répondre par quelques bribes d'informations.
Je commencerais par parler de la participation – 549 inscrits qui, combinés aux joueurs de la veille, on formé un total de 987 joueurs, soit une baisse de 20% par rapport à l'édition 2010. Je pourrais ajouter que la moitié d'entre eux ont déjà sauté. Pour faire bonne mesure, j'illustrerais avec une longue enfilade d'exemples de ces éliminés : Lucien Cohen, Philippe Ktorza, Christophe Benzimra, la championne en titre Liv Boeree, son copain Kevin Macphee, la star locale Luca Pagano, et les joueurs du Team Winamax Manuel Bevand et Aurélien Guiglini.
Il faudrait aussi, bien sur, que je mentionne ceux pour qui la journée s'est bien passée, leur donnant le droit de revenir le lendemain. Par exemple le néerlandais Reuben Visser, laaaarge chip-leader avec plus de 240,000 de tapis (huit fois la cave de départ !) Je mentionnerais Alain Roy, Joe Cada, Carter Phillips, bien fournis en jetons.
Je pourrais aussi laisser entrevoir toutes les histoires que nous avons manquées. Prenez Jean-Laurent Comparetto, joueur français inconnu de nos services. Pas une ligne aujourd'hui dans nos colonnes, mais un tapis de presque 200,000 à la fin de la journée. Là dessus, par doute, il faudra se rattrapper.
À un moment, il faudrait aussi que je touche un mot sur la cagnotte. Plus de quatre millions et demie, qui seront répartis entre 144 joueurs, et presque un million pour le vainqueur.
Je saupoudrerais le tout de quelques anecdotes – une micro altercation de Davidi Kitai avec un joueur italien, un autre italien payant le tapis de Germain Gillard avec 4 et 3 dépareillés parce qu'il est persuadé que le français est « en train de bluffer »... ce genre d'histoires amusantes qui émaillent chaque Day 1 que Dieu fait.
Et à la fin, quand j'en aurai terminé avec mon récit, il est probable que vous ne seriez pas plus avancés qu'avant. Et si cela n'avait aucune importance, en fait ? Ce n'était qu'un Day 1, après tout. Les vraies histoires viendront plus tard.
Rendez-vous vendredi à partir de midi pour la suite de l'EPT San Remo, édition 2011. 460 joueurs vont reprendre la partie. On jouera cinq niveaux de 75 minutes. On suivra une cinquantaine de joueurs français, dont plusieurs membres du Team Winamax très bien placés. Ça va être beau, ça va être bien. À très bientôt.
Histoire qu'on ait pas tout perdu, le mieux est de terminer avec une photo de Liv Boeree
Benjo
Les Day 1, ça sert à rien
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