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Welcome to the Future

Par dans

Je m’écarte de mes habituelles logorrhées pokéristiques pour vous parler d’un sujet qui me passionne depuis maintenant plus d’un an. Le fait d’habiter dans un pays anglo-saxon m’a ouvert les yeux sur le fait que le monde ne se résume pas à la morosité franco-française. Alors que mon pays d’origine semble orienté vers le passé, ma culture d’accueil est de son côté résolument tournée vers l’avenir. Et les perspectives évoquées font tourner la tête !

Le futur à partir du passé

Je veux vous parler de futurisme. Il s’agit d’essayer d’anticiper l’avenir de l'humanité au sens large, en comprenant le passé et en analysant les tendances du présent. Peut-on réellement anticiper ce que le futur nous réserve à partir du passé ? Rien n’est moins sûr, et les prophètes du passé se sont globalement plantés en beauté sur leurs prédictions, à quelques rares et spectaculaires exceptions près, comme celles de l’auteur de science-fiction Isaac Asimov en 1964.

J’ai commencé á m’intéresser au sujet il y a déjà quelques années, en lisant accidentellement un ouvrage de Jacques Attali, Une brève histoire de l’avenir, dans lequel l’auteur tente de déceler des tendances historiques et de les extrapoler pour les siècles à venir. Sa thèse centrale : le mouvement principal qui pousse l’humanité en avant, depuis qu’elle a inventé le langage, est sa recherche éperdue de la liberté individuelle. Comme si notre espèce n’avait comme réel but unique que de s’affranchir de ses chaînes, furent-elles réelles (l’esclavage, la dictature) ou psychologiques (le dogme religieux, les contraintes culturelles), avec comme but final d’être totalement libre.

Au-delà des prédictions géopolitiques, Attali parle également des évolutions sociales, dont deux me frappent comme étant particulièrement vraies:

- il prédit l'émergence d’une catégorie de personnes ultra-privilégiées, les hyper-nomades, qui s'affranchiront des frontières réelles et culturelles et vivront de par le monde en changeant régulièrement de lieu et de vie. Le milieu du poker professionnel semble être un microcosme représentatif, tout du moins quand on regarde son élite, toujours en vadrouille entre Vegas, Macao et l’Europe, constamment en mouvement à la poursuite du circuit de tournois ou des juteuses parties de cash-game. Apatrides, parfois sans adresse fixe, ils vivent leur vie au gré des vents du jeu, dans la liberté et l’hédonisme que leur aisance financière leur procure.

- il décrit parallèlement un monde où la réputation et l’image de l’individu, son rayonnement social et le nombre de personnes qu’il peut influencer, deviendront primordiaux et prioritaires par rapport au savoir et à la compétence, conduisant à une réduction puis à une disparition de ce que nous concevons aujourd’hui comme la « vie privée ». Comment ne pas en voir les prémisses dans les réseaux sociaux et la glorification des individus, qu’ils soient artistes, sportifs ou polémistes, aux dépens des communautés dont ils sont issus ?

Phénomène Singulier

Mais ces effets de modernisation de notre monde, bien que faciles à constater au quotidien, ne sont peut-être que l’arbre qui cache la forêt. Des discours plus récents sont venus chambouler encore plus une certaine vision de l’avenir, et prophétisent un changement majeur qui serait selon de plus en plus de voix inéluctable.

Il s’agit de la Singularité Technologique, un phénomène lié à la découverte (potentielle) d’une véritable intelligence artificielle.

Portée en avant par le futuriste Ray Kurzweil (dont voici la conférence Ted), l’idée peut se résumer ainsi : le progrès technologique est par nature exponentiel. Au gré des époques, il n’a fait qu'accélérer et la tendance se poursuit encore aujourd’hui. Si cette tendance se confirme, et rien ne laisse pour l’instant présager le contraire, cela signifie que nous approchons d’un point dans l’histoire où l’avancée du progrès finira par devenir totalement vertigineuse, à tel point qu’elle dépassera l’imaginaire humain.

Pour cela, une condition est proclamée comme nécessaire: l'avènement de l’I.A. (Intelligence Artificielle). En effet, en postulant que les chercheurs humains peuvent un jour donner naissance à une intelligence artificielle réellement consciente, celle-ci disposera des mêmes moyens intellectuels que nous, combinés à une puissance de calcul infiniment supérieure. Elle pourra donc travailler à sa propre amélioration et devenir une « super intelligence » dont les capacités hypothétiques nous échappent totalement. Selon les partisans de la Singularité, cette I.A. est non seulement possible, mais sa création est loin d’être un scénario de science-fiction. Kurzweil lui-même évoque 2045 comme date « probable ». Une date à partir de laquelle la responsabilité humaine dans le déroulement de l’histoire prendrait fin…

Quelle crédibilité donner à une idée aussi folle ? Le défi ne parait-il pas trop grand, voire impossible ? Les « Singularistes » ont une argumentation de poids : dans plusieurs domaines, l’accélération de la technologie a donné des résultats inattendus. Le décodage du génome humain a par exemple bénéficié de progrès dans d’autres domaines qui ont permis sa conclusion avant la date prévue. Même chose pour les logiciels d’échecs, qui ne semblaient pas en mesure de battre les meilleurs joueurs dans les années quatre-vingt-dix, et sont depuis plusieurs années considérés comme invincibles. Dans le domaine des neurosciences, le challenge est de faire de la rétro ingénierie du cerveau humain : à savoir comprendre comment fonctionne notre cerveau et développer la capacité à le simuler intégralement. Ce projet fou semble être la priorité de nombreuses équipes de chercheurs.

La Singularité est accompagnée de son mouvement philosophique, le transhumanisme, dont le but avoué est de libérer totalement l’humanité grâce à la technologie. Il ne s’agit pas simplement de vaincre la maladie, de mettre fin à la guerre, à la famine ou aux autres problèmes actuels du monde comme l’effet de serre ou la pollution, mais aussi à opérer une évolution fondamentale de l'être humain qui s'unirait alors à la machine pour devenir immortel et totalement affranchi de toute contrainte physique ou technologique.

Cette idée n’est pas totalement neuve et existe en science-fiction depuis plusieurs décennies, des ouvrages d’Asimov à ceux plus récents de Iain M. Banks (qui décrit entre autres La Culture, une civilisation transhumaniste ayant émigré dans l’espace). Radicale par sa folle ambition, elle est évidemment critiquée de toute part, sur les plans moraux, idéologiques, scientifiques et éthiques. Est-ce la voie que l’humanité désire réellement emprunter ? Peut-être n’avons-nous pas vraiment le choix et qu’il s’agit d’un passage obligé de notre évolution…

Phénomène Culturel

Tout cela va-t-il se produire ? Je n’en sais rien bien entendu. Mais je lis, j’écoute et me passionne pour ce sujet dont l’ambition me dépasse totalement en tant qu’individu. J’observe cependant que la culture américaine commence à s’en emparer et à en faire un outil de divertissement. Transcendence, un film récent (et particulièrement raté) aborde la Singularité sur un plan réaliste, se démarquant ainsi des productions de science-fiction des dernières décennies qui se sont déjà attaquées au sujet, généralement avec une approche pessimiste (Terminator, Matrix, etc.). Beaucoup plus réussi, Her, de Spike Jonze, explore les relations entre l'être humain et l’I.A.

Sur les réseaux sociaux, et plus particulièrement les versions anglaises de Youtube et Reddit, l’avenir est devenu un sujet de discussion et de débat sans fin.

Pour conclure ce billet, allons un cran plus loin dans la folie du futurisme et projetons-nous infiniment loin dans le temps. En partant du principe qu’on peut créer de la matière consciente à partir de matière inanimée, et que nous donnons naissance à une intelligence autonome capable de s’auto-répliquer, qui nous dit que son but ne deviendra pas de faire s’éveiller l’univers entier à la conscience ? Ce concept inimaginable, évoqué comme la Sixième Epoque d’évolution selon Kurzweil, ou le Point Omega dont Pierre Teilhard de Chardin parlait déjà au début du vingtième siècle, est illustré dans cette vidéo de deux minutes trente… Attention les yeux… et le cerveau !

Une dernière pensée : les voitures volantes de Retour Vers Le Futur n’ont jamais vu le jour. Alors que les voitures qui se conduisent toutes seules de Google sont une réalité… Déduisez en ce que vous voulez !

En attendant d’en savoir plus, je vais essayer de jouer mes tournois de poker en étant dans l’instant présent. Ce qui est déjà assez difficile !