Top 5 : Les inventeurs du poker

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Top 5 : Les inventeurs du poker

Texas Hold'em, tournoi, satellite, télévision, jeu en ligne : tour d'horizon des pionniers du poker et des inventions qui ont marqué à tout jamais notre jeu préféré.

Texas Hold’em : le grand flou

Poker 19e siècleUn jeu aussi riche et complexe que le poker n'est pas apparu en un jour : plusieurs siècles de tâtonnements ont été nécessaires pour qu'il arrive à sa forme actuelle. Il a d'abord fallu que quelqu'un se réveille avec l'idée de peindre des motifs sur des plaques de bois (c'était en Chine, aux alentours du 9e siècle) : les cartes à jouer étaient nées. Avance rapide jusqu'au 18e siècle : nous autres Français commençons à utiliser des petits objets de différentes formes et couleurs pour compter les points lors de nos parties de cartes. Hop, voilà les jetons ! Traversons l'Atlantique, direction le Mississippi. C'est là que les Américains vont reprendre à leur compte et triturer les règles d'anciens jeux de cartes joués dans les salons bourgeois de la vieille Europe (le poque français, le primero italien, le brag anglais) et se servir des jetons pour y incorporer la mise, et donc le bluff ! L'ajout de cet élément capitaliste, introduisant la cruciale notion de risque, sera déterminant pour démarquer le poker de tous les autres jeux. Nous étions en pleine Ruée vers l'Or, l'Amérique sauvage était le terrain de toutes les entreprises les plus dangereuses : l'époque se prêtait parfaitement à l'émergence du poker, qui se répandit rapidement à travers les saloons, sur les bateaux, dans les casernes et les exploitations minières. En 1850, le jeu de 52 cartes était la norme depuis longtemps, et pour la première fois était publié un livre de règles mentionnait l'existence du tirage de cartes au poker fermé.

Doyle BrunsonTout cela est fascinant, mais ne nous dit pas qui a inventé la forme de poker la plus populaire aujourd'hui, aussi simple à apprendre que complexe à maîtriser : le Texas Hold'em. Un comble : tout le monde en connaît désormais les règles, sans vraiment savoir d'où il vient. Une seule chose est sûre : le Texas Hold'em (2 cartes cachées en main, 5 cartes ouvertes au milieu) est le rejeton du Stud à 7 cartes né pendant la guerre de Sécession. Pour le reste, les sources sont rares et se contredisent. Prenons-en une très officielle : le gouvernement du Texas, qui a adopté en 2007 une résolution reconnaissant la ville de Robstown comme étant celle où fut jouée la toute première main de Texas Hold'em, "au début du 20e siècle." Une déclaration qui ne se base sur aucun fait historique prouvable, et qui sent le coup de pub à plein nez : entre les années 1900 et la fin des années 50, très rares sont les témoignages de parties de poker jouées avec deux cartes en main et un flop au milieu de la table. Dans son autobiographie The Godfather of Poker, Doyle Brunson (photo) explique avoir joué pour la première fois au Hold'em aux alentours de 1958. Le jeu s'appelait alors "hold me darling", et Texas Dolly en est certain : "cette variante venait tout juste d'être inventée."

Blondie ForbesSi l'on jette un oeil à la liste des membres du Poker Hall of Fame (sorte de galerie des immortels du poker, créée en 1979 au casino Binion's Horseshoe), on remarque que la promo 1980 ne comporte qu'un seul nom, intronisé de façon posthume : Blondie Forbes (photo). Décrit comme un de ces "road gamblers" qui sillonnaient l'Amérique à la recherche de parties, Forbes est crédité comme ayant inventé le Hold'em... à une date qui reste à ce jour inconnue ! Autre professionnel de la glorieuse époique des hors-la-loi, Felton "Corky" McCorquodale avait fait partie des premiers entrants au Hall of Fame un an plus tôt (posthumément aussi), ayant été reconnu comme ayant amené le Hold'em à Las Vegas. En ce qui le concerne, on a une idée plus précise du moment : c'était aux alentours de 1963.

WSOP 70sFascinés par cette variante no limit où il fallait souvent miser lors de quatre tours d'enchères consécutifs pour aller jusqu'au bout d'une main (multipliant ainsi les possibilités de gains - et de pertes !), des joueurs pros de l'époque comme Crandell Addington, Johnny Moss, et Amarillo Slim ont rapidement fait du Hold'em leur jeu préféré. Le point commun entre tous ces joueurs qui ont les premiers défendu et popularisé le Hold'em : tous venaient du "Lone Star state", autrement dit le Texas. Voilà qui explique l'origine du nom... sans pour autant dissiper les nombreuses zones d'ombres subsistant autour de la variante numéro 1 du poker.

Les tournois : Tom Moore et Vic Vickrey (Reno, 1969)

RenoVrai ou faux ? Le concept de tournoi de poker est né en 1970 à Las Vegas, en même temps que les World Series of Poker. La vérité se situe quelque part entre les deux. Beaux joueurs, les organisateurs du plus ancien festival de poker l'admettent eux-mêmes sur leur site officiel : en lançant les WSOP en 1970 au sein de son Binion's Horseshoe, Benny Binion s'était fortement inspiré d'un évènement auquel il avait été invité un an plus tôt à 700 kilomètres de Las Vegas, à Reno (Nevada). La "Texas Gamblers Reunion" était le bébé de Tom Moore, patron du Holiday Casino et Vic Vickrey, gambler réputé dans le milieu. Les deux avaient de grands projets et une belle idée : réunir pour la même partie, étalée sur plusieurs jours, la fine fleur des joueurs de cash-games de l'époque : Jimmy "The Greek" Snyder, Doyle Brunson, Puggy Pearson, Amarillo Slim... et Benny Binion, donc. Deux douzaines de joueurs en tout. Pour des raisons oubliées de l'histoire, il n'y eut jamais d'autre édition de cette réunion entre texans : l'année suivante, Binion (qui cherchait desépérément un concept qui pourrait permettre à son petit casino de sortir du lot au milieu des gros établissements qui commençaient à fleurir dans le Las Vegas de l'époque) reprit le flambeau avec la bénédiction de Moore et Vickrey. 

Benny BinionAvec les WSOP, Benny Binion (photo) obtint le succès que l'on connaît... même si les premières éditions des WSOP furent balbutiantes. Ainsi, la première édition des Championnats du Monde ne fut qu'un simple cash-game réunissant une poignée de joueurs (7 selon Wikipedia), à l'issue de laquelle on demanda à chacun de voter pour celui qui leur avait semblé le meilleur. Anecdote connue de tous : tout le monde vota pour lui-même, forçant Binion à reposer la question, en leur demandant cette fois de voter pour le deuxième meilleur joueur. Johnny Moss fut cette fois élu haut la main. L'année suivante, le format freezeout fut instauré, avec un droit d'entrée de 5 000 $. Désormais, perdre ses jetons signifiait l'élimination définitive de la partie : le concept de tournoi tel qu'on le connaît aujourd'hui était véritablement né (L'idée est attribuée à Puggy Pearson, vainqueur de l'édition 1973 du Main Event, année où d'autres variantes apparurent au programme) L'emblématique bracelet, lui, ne fera pas son apparition avant 1976, et ce n'est qu'en 1978 que le prize-pool du Main Event commencera à être divisé entre les meilleurs joueurs, remplaçant l'impitoyable format winner take all qui était la règle jusque-là. L'histoire retiendra que l'Irish Poker Open fut le tout premier festival de poker organisé en Europe, lancé en 1980 par Terry Rogers, bookmaker Irlandais qui faisait le voyage à Vegas chaque année pour proposer des cotes sur les participants des WSOP. Le festival existe encore aujourd'hui.

Les satellites : Eric Drache (Las Vegas, 1983)

WSOP1983. Les WSOP fêtent leur 14e édition et au sein du clan Binion, le constat est plutôt amer : leur beau festival de poker peine à intéresser les foules. Certes, la victoire en 1972 du charismatique Amarillo Slim, grand dadais au look de cow-boy et aux punchlines bien dosées, lui a valu quelques invitations dans les talk shows nationaux, et les équipes de CBS Sports se sont pointées au Horseshoe l'année suivante pour filmer de près cette population étrange que sont les joueurs de poker pros. Malgré cette publicité gratuite, les chiffres des WSOP ne décollent pas. En 1982, l'affluence au Main Event a certes dépassé pour la première fois les 100 joueurs, mais cela reste bien en deçà des ambitions des Binion. Pire : les amateurs sont aux abonnés absents, condamnant les requins à se manger entre eux. D'ailleurs, ce sont toujours les mêmes pros qui gagnent : Johnny Moss, Doyle Brunson, Bobby Baldwin, ou ce gamin de New York, Stu Ungar, qui a pris tous les vieux texans par surprise en remportant le Main Event deux années de suite en 1980 et 1981.

Eric Drache10 000 dollars pour se payer le Main Event en 1983, cela représente 25 500 dollars d'aujourd'hui. Une sacrée somme que seuls quelques riches businessmen peuvent se permettre d'aligner pour avoir le privilège de flamber contre des joueurs dont plumer les fish est le métier. Comment faire venir plus d'amateurs aux WSOP ? Entre en scène Eric Drache (photo). A 40 ans, Drache est un joueur de Stud accompli mais a d'autres ambitions : loin de vouloir se cantonner à un rôle de joueur, c'est du côté des coulisses qu'il lorgne. Par chance, les bosses de Las Vegas se sont entichés et voient en lui un manager dans l'âme : ils lui confient la gestion de la salle de poker du Golden Nugget, puis des World Series of Poker. Pressé de trouver une idée pour booster l'affluence du Main Event, Eric Drache se réveille un matin avec une idée limpide, miraculeuse, qui allait impacter vingt plus tard le monde du poker au-delà des rêves les plus fous de Benny Binion : pourquoi ne pas réunir dix joueurs autour d'une seule table, chacun payant 1 000 $ pour disputer en vitesse un mini tournoi ? Le gagnant de cette partie repartira ainsi avec une enveloppe de 10 000 $ qualificative pour le Main Event, en ayant investi seulement un dixième de la somme.

Chris MoneymakerCoup sur coup, Eric Drache venait d'inventer le Sit&Go et le satellite. Tom McEvoy fêtera la naissance de ce concept lumineux en devenant aussitôt le premier vainqueur du Main Event issu d'un de ces tournois de qualification. Si l'impact de cette invention restera limité au cours de ses premières années d'existence (ce n'est qu'en 1991 que le Main Event franchira la barre des 200 joueurs), son génie deviendra évident avec l'avènement du poker en ligne au début des années 2000, et la victoire de Chris Moneymaker en 2003, premier qualifié Internet de l'histoire à soulever le trophée. L'année suivante, l'affluence sur le Main Event triplait, portée par des centaines de satellites en ligne, et pas moins de quatre qualifiés online étaient présents autour de la finale, dont le vainqueur Greg Raymer.

WSOP RopDe nos jours, l'invention d'Eric Drache (qui a rejoint le Hall of Fame en 2012 après s'être reconverti dans la production télé d'émissions cultes comme Poker After Dark ou High Stakes Poker, et nous a offert un très beau moment lors de la finale de Stud des WSOP 2009) reste le moyen le plus sûr de participer au Big One à peu de frais. De nombreuses variantes se sont développées (satellites multi-tables, double shootouts, Expresso, voire même des freerolls comme le KING5 de Winamax) mais les bons vieux Sit&Go une table restent légion au Rio durant les semaines précédent le coup d'envoi. Le jour de la fermeture des inscriptions, on peut chaque année assister à des scènes d'une frénésie sidérante : des Sit&Go "flash" à 1 000 $ durant en tout et pour tout... une seule main !

Pour vous qualifier sans quitter votre fauteuil, rendez-vous sur Winamax, partenaire exclusif des WSOP sur le territoire français.

La télévision : Henry Orenstein (1997)

WSOP 80sOn l'a vu, la télévision s'était intéressée au poker dès les années 70, les chaînes CBS puis ESPN diffusant annuellement des montages des meilleurs moments des WSOP de l'époque, le plus célèbre d'entre eux restant la dernière main du Main Event 1988, un slowplay de Johnny Chan face à Erik Seidel immortalisé dans Les Joueurs. Mais tout cela restait encore très rudimentaire et superficiel : on avait l'impression de regarder un documentaire plutôt qu'une véritable compétition.

Henry OrensteinTout cela a changé grâce au génie d'un fabricant de jouets d'origine polonaise nommé Henry Orenstein (photo). Réfugié aux Etats-Unis après avoir survécu aux camps de concentration nazis, Orenstein avait gagné son premier million de dollars en concevant des poupées moins chères que les modèles les plus en vogue de l'époque. Détenteur de plus de cent brevets (dont celui des jouets Transformers), Orenstein était aussi un passionné de poker, habitué des salles de Los Angeles et Las Vegas durant les années 90, et détenteur d'un bracelet remporté en Stud en 1996. Frustré par les émissions de l'époque, c'est lui qui eut le premier l'idée d'une table de poker adaptée à l'installation de mini-caméras devant chaque joueur, permettant de filmer leurs cartes cachées et de les transmettre à une régie.

Déposé en 1994, le brevet US5451054A fut mis en application pour la première fois en 1997, lors de la première saison de l'émission britannique Late Night Poker (à laquelle participait un certain Michel Abécassis) La technologie "hole cam" allait éclater au grand jour grâce au succès du World Poker Tour (succès immédiat dès 2002) avant de rapidement conquérir tous les circuits majeurs.
 

Intronisé dans le Poker Hall of Fame en 2008 et aujourd'hui âgé de 95 ans, Henry Orenstein trouve encore le temps de taper le carton, en témoigne une 8e place lors de l'épreuve de Stud à 10 000 $ des WSOP 2014.

Sur Internet : Randy Blumer et Planet Poker (1998)

Planet PokerPasse-temps préféré de l'Amérique, le poker n'a pas manqué le train de l'informatisation galopante des années 70 et 80 : bien rares sont les ordinateurs et consoles de jeu n'ayant pas eu droit à un ou plusieurs logiciels de poker. Mais évidemment, il ne s'agissait-là que de poker en play money, hors ligne et sans réel enjeu (sauf, à la limite, si l'on mettait la main sur l'un de ces softs de strip poker douteux avec leurs gros pixels à quatre couleurs - les geeks de plus de 30 ans parmi nous confirmeront). Pour jouer au poker avec de vrais humains devant un ordinateur, il a fallu attendre les années 90 et l'IRC (pour Internet Relay Chat, l'ancêtre des Discord, Slack et Facebook Messenger d'aujourd'hui). Là encore, ce n'était que du play money primitif, même si quelques geeks assidus de l'époque sont par la suite devenus de grands champions, comme Chris Ferguson.

Randy BlumerLe poker en ligne real money est officiellement né le 1er janvier 1998 sur un site nommé Planet Poker, avec une partie de Limit Hold'em aux enchères 3$/6$. A cette époque, le No Limit était encore très d'être la tendance dominante, les WSOP n'attiraient pas plus de 400 joueurs, et seules les universitaires et les militaires avaient accès à l'Internet en haut débit. Malgré cela (et malgré d'innombrables problèmes techniques propres à toutes les entreprises pionnières), le site fondé par l'Américain Randy Blumer (photo) a rapidement prospéré, et fait des envieux : dès 1999, un premier concurrent apparaissait : Paradise Poker.

Planet PokerDans le monde du business, les premiers arrivés ne sont pas souvent ceux qui repartent avec le plus gros magot. Rapidement dépassée par des concurrents tirant les leçons des erreurs de jeunesse de Planet Poker, la salle de Blumer stoppa ses activités en real money en mars 2007, après presque dix ans d'activité, six mois après le vote aux USA de la loi UIGEA, qui restreignait drastiquement les flux financiers entre les banques US et les sites de jeux en ligne offshore. A ce moment, l'industrie du poker en ligne pesait déjà plusieurs milliards de dollars, happés par des sites arrivés bien plus tard : PokerStars, Party Poker... Pas rancunier, Blumer est resté en contact avec le poker, offrant ses services de consultant à différents sites, et atteignant la deuxième place du Sunday Million de PS en 2007. En attendant une prochaine inclusion dans le Poker Hall of Fame, il peut se consoler avec la reconnaissance des joueurs online, qui ont voté en masse en 2015 pour l'introniser à son pendant online, l'Internet Poker Wall of Fame...

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Benjo DiMeo

Triple vainqueur VSOP à Cognac.

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