Top 5 : Des finales à voir (et à revoir)
Par Général
dansEn attendant de pouvoir rejouer en live, on se replonge dans quelques-unes des finales télévisées les plus marquantes de l'histoire.
Tour à tour historiques, spectaculaires, hautement stratégiques ou émaillées d'incidents : découvrez les finales préférées de la rédaction.
Stu Ungar : la résurrection
Main Event des WSOP, 1997
Je ne vais pas mentir, à l'été 1997, j'étais bien plus occupé à jouer aux petites voitures sur la terrasse de la maison parentale qu'à me préoccuper de l'identité du Champion du Monde de poker. J'étais bien loin de m'imaginer que, cette année-là, le mythique Stu Ungar vit ce que beaucoup à Las Vegas imaginent alors comme une renaissance et qui ne sera en fait qu'un champ du cygne, l'ultime baroud d'honneur d'un génie surdoué mais rongé par de multiples addictions.
Passée la surprise de redécouvrir en finale celui qui n'est plus tout à fait le Kid, seize ans après sa deuxième victoire consécutive sur le Big One, on se rend vite compte que le sourire angélique d'autrefois a laissé place à un visage ravagé dont chaque trait raconte en creux l'une de ses trop nombreuses mésaventures. Mais au-delà du destin tragique de Stu, déjà brossé dans un précédent Top 5, cette table finale des World Series of Poker est un morceau de l'histoire de notre jeu à elle toute seule. En bonne partie parce qu'elle est la seule à s'être déroulée en extérieur, en face du Binion's, au beau milieu de Freemont Street. L'artère emblématique de Vegas venait d'être entièrement renovée : les organisateurs des WSOP voulaient ainsi célébrer sa transformation en une rue entièrement piétonne, mais cela s'est révélé être une fausse bonne idée, avec la température caniculaire typique du désert (malgré les nombreux brumisateurs et autres climatiseurs installés autour des tribunes) et un vent si puissant que l'organisation a dû aller chercher une plaque de verre pour éviter que les cartes du board ne s'envolent.
Disponible au mieux en 240p via la vidéo montage ci-dessus, dont on se demande encore comment elle a réussi à se faufiler jusqu'à Youtube, cette finale est l'occasion de se replonger dans un monde où les considérations d'ICM ne sont même pas encore à l'état d'embryon, où un journaliste-slash-acteur mythique, tout Gabe Kaplan qu'il soit, se permet d'apostropher une légende de jeu en pleine pause du plus gros tournoi de l'année pour débriefer une HH mais où déjà, l'amateur le plus complet pouvait rivaliser avec le professionnel le plus aguerri. Un visionnage essentiel, beaucoup moins pour l'aspect la technique que pour savourer 45 minutes de pure culture poker. - Flegmatic
Tony G : l’incontrôlable
Grand Prix de Paris / World Poker Tour, 2004
La qualité pourrie de l’upload YouTube sied bien au caractère historique de cette finale garantie 100% vintage, bourrée à craquer de trucs courants en 2004 mais aujourd’hui désuets : des As-X qu'on open-fold à une table de six, une foule nombreuse et attentive dans les tribunes qui applaudit au moindre c-bet qui rentre, des craquages ICM ahurissants, une moyenne d'âge supérieure à 40 ans, un trash-talking dont l’intensité confine parfois au harcèlement… et bien sûr l’Aviation Club de France.
Nous sommes encore 10 ans avant la fermeture de l’ACF et à l’époque, le cercle des Champs-Elysées est un véritable temple du poker européen : à l’intérieur de ses murs boisés et sous ses lustres flamboyants se tiennent ce qui est alors la seule étape du World Poker organisée hors du sol américain. 10 000 € l’entrée, 205 inscrits, quelque chose comme 2 millions d’euros de dotation : rien d’affolant selon les standards High Roller de 2020, mais n'oubliez pas que nous sommes en juillet 2004, le circuit EPT n’existe pas encore ! Phil Ivey, Mike Matusow, Daniel Negreanu, Chris Ferguson, Barry Greenstein… tous les cadors de Vegas de l’époque traversent l’Atlantique pour disputer le plus gros tournoi de l’année sur le Vieux Continent. Mais en ce temps-là, ce sont encore les joueurs anglo-saxons et irlandais qui dominent le circuit européen : on retrouve ainsi en finale le regretté Dave Colclough (disparu en 2016), Ben Roberts, Peter Roche, et l’immense Surinder Sunar.
(Attention : il y a 7 parties en tout - Pour la VF avec Patrick, c'est par ici)
Au milieu de cette assemblée de gentlemen de l’ancienne époque, vieux barons d’une ère où les joueurs online n’ont pas encore pris le pouvoir, un chien vient se glisser dans le jeu de quilles; un éléphant fait irruption dans le magasin de porcelaine : l’incontrôlable Antanas Guoga, alias Tony G. Ceux qui avaient réussi à mettre la main sur les DVD pirates de la première saison du WPT que les membres du ClubPoker s’échangeaient à l’époque sous le manteau (le poker à la TV n’éxistait pas encore en France, pardonnez-moi mais c’était le seul moyen de regarder une finale à la maison !) savaient déjà à quoi s’attendre, et pour sa deuxième apparition en finale du Grand Prix de Paris, l’australien ne décevra pas ceux qui espéraient une nouvelle prestation survoltée, digne d’un Phil Hellmuth sous amphétamines. On n’entend que lui, on ne voit que lui.
Avec 15 ans de recul, les piques et saillies incessantes de Tony G semblent aujourd’hui passées de mode : exécuté aujourd’hui, on imagine mal ce numéro de sale gosse bruyant et irrespectueux tenir plus d’une orbite avant que ne tombe une sanction arbitrale. Mais à cette époque, nous sommes au beau milieu du poker boom : qui dit décibels dit Audimat,et le public comme les productions télé raffolent encore de ce genre d’esclandres. Les finalistes, eux, les supportent de bonne grâce - même si les plus attentifs pourront observer Surinder, d’ordinaire imperturbable en toutes circonstances, perdre brièvement son calme après un bluff raté contre l'animateur attitré de la TF. Certains d’entre vous découvrant aujourd’hui ces images les trouveront peut-être agaçantes. On vous rassure : les méchants ne gagnent pas toujours à la fin, et la conclusion de l'épique heads-up final devrait vous laisser satisfait... - Benjo
Jamie Gold : la victoire en parlant
Main Event des WSOP, 2006
Si chaque table finale du Main Event des WSOP s'est inscrite dans l'histoire du poker contemporain, celle de l'édition 2006, anné où le boom du poker initié par Moneymaker trois ans plus tôt a culminé, est gravée en lettres capitales. D’abord pour un double record toujours d'actualité, celui de la plus grande affluence (8 773 participants, 204 de plus que l'édition 2019, la seule à s'en être approché) et celui du plus gros gain pour son vainqueur, 12 millions de dollars, de loin la plus grosse somme mise en jeu sur un tournoi à l'époque, loin devant les 7,5 millions de dollars remportés par Joe Hachem l’année précédente.
Mais ce n'est pas seulement pour ses chiffres vertigineux que cette finale est restée dans les mémoires. C’est aussi et surtout pour la personnalité unique de son vainqueur, Jamie Gold. Producteur et agent pour la télévision, l'amateur éclairé, coaché par Johnny Chan tout au long de son tournoi, a livré une partition sans fausse note, gardant le chiplead du Day 4 à la victoire et se permettant d'éliminer 7 de ses 8 adversaires en finale. Et avec la manière : coups de chance ou coups de génie, Gold a réinventé le trash talk pour entrer dans la tête de ses opposants à chaque main et les pousser à prendre la mauvaise décision. Le tout en dépassant parfois les bornes : regardez-le annoncer son jeu de temps à autre, voire même révéler ses cartes en plein milieu d’un coup ! Le tout en dégustant des myrtilles à pleines poignées, une marque de fabrique aussi emblématique que les Oreos de Teddy KGB dans Rounders.
C'est le premier tournoi que j'ai suivi de bout en bout, comme une série à suspense. J'ai adoré le personnage de Gold, son poker au feeling, noyé dans un océan de paroles. Voir cet amateur faire déjouer les pros et avancer comme un rouleau compresseur fut jouissif, plus encore que la victoire de Moneymaker, beaucoup plus humble dans son registre en 2003. Une vraie gueule du poker, un bad boy qui ne laisse pas indifférent, et que je regrette de ne plus voir aux tables. - PonceP
Gus Hansen : Dans la Tête d'un Pro avant l'heure
Aussie Millions, 2007
Gus Hansen. S’il y a un joueur qui m’a marqué quand j’ai découvert le poker au milieu des années 2000, c’est bien "The Great Dane", comme on l’appelait. C'était le plus fou au milieu des Ivey, Negreanu, Hellmuth et consorts, avant l'avènement de la génération Internet menée par l'un de ses fils spirituels, Tom Dwan. Gus, c'est un précurseur : le Scandinave est souvent considéré comme celui qui a modernisé le jeu "loose-aggro", à une époque où l’approche serrure était la religion prêchée par la plupart des bouquins de poker.
Un bouquin, Gus en a d’ailleurs écrit un : Chaque main révélée, paru en 2009, où il analyse tous les coups qu’il a joués lors de sa victoire au Main Event des Aussie Millions 2007. Une version littéraire de Dans la Tête d'un Pro, quoi ! Mais si ce livre s'avère des plus instructifs, il manque l’adrénaline du direct et les fameuses mimiques du Danois, sans oublier quelques visages très connus sur le circuit à l'époque, comme Patrick Antonius. Alors pour voir une légende du poker croiser le fer avec le jeune grinder Jimmy Fricke et l'expérimenté Andy Black, avant de finalement gagner l’un des titres les plus prestigieux de sa carrière, c’est ici que ça se passe. - Rootsah
Le plan à trois entre Gus Hansen, Jimmy Fricke et Andy Black. Vous pouvez retrouver tous les épisodes des Aussie Millions 2007 sur Youtube (la table finale à partir de l'épisode 6).
Adrian Mateos : le bluff d'une vie
EPT Monte-Carlo, 2015
Nous sommes au beau milieu des années 2010. Au bout de dix ans passés à mater des parties de cartes, en commençant comme beaucoup par le WPT (mais pas sur Canal), me voilà un peu blasé. High-Stakes Poker et le Big Game de PS n'existent plus. Seules les WSOP apportent encore cette excitation si particulière chaque été. Nombre de viewers trouvent trop stéréotypé le jeu de l'époque, après avoir vécu les folles années post-Moneymaker. Les parties télévisées se ressemblent de plus en plus. Tout cela manque souvent de piquant et d'innovation.
Puis arrive la finale de l'EPT Monte-Carlo en mai 2015. L'un, si ce n'est LE plus beau tournoi d'Europe. Au menu, un plateau prometteur dans la magnifique salle des Étoiles : Johnny Lodden, légende de l’European Poker Tour. Ole Schemion, l’ovni allemand du moment, qui rase tout sur son passage. Le futur Team Pro Winamax Adrián Mateos Diaz, 21 ans mais déjà une référence. Sans oublier la traditionnelle caution francophone à Monaco, avec l’imprévisible Muyheddine Fares.
Point d'orgue de la vidéo ci-dessous (à 28"12), un des plus beaux bluffs qu'il m'a été donné d'observer. Un coup de mutant opposant deux des stars de la table. 11 minutes montre en main, tension à son comble. Une duel de titans qui a prouvé que l'audace avait encore sa place à une table de poker, alors que le jeu GTO issu du online commençait son expansion sur le circuit live. "Celui qui va gagner cette main va gagner cet EPT", prophétisait alors Steven Moreau aux commentaires du streaming français. Gloub avait raison. Et le vainqueur, qui aura aussi éclaboussé de son talent le reste de la TF, entra dans l’histoire en étant le premier à remporter le Main Event des WSOP-Europe et la Grand Final de l'EPT. Accrochez-vous, on monte dans la stratosphère. - Rootsah
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