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[ITW] Salut_Ca_Va : 'Les variantes, c’est comme le No Limit il y a 20 ans'

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Qui a dit qu'on ne jurait que par le Hold'em dans le poker moderne ? Certainement pas Gilles Lamy, qui a cartonné en PLO8 et 8-Game lors des dernières Wina Series. Rencontre avec un grinder pro, mais pas trop.

FBK Lamy
Quatre titres Winamax Series, une pastille Pokus, le tout en seulement deux ans : voilà qui vous pose un grinder. Gilles Lamy, alias "Salut_Ca_Va" sur nos tables, s'est ainsi bâti une solide réputation sur nos festivals online. Mais pas de quoi faire gonfler les chevilles de ce Normand spécialiste des variantes, qui fait son petit bonhomme de chemin sans se prendre la tête dans le monde du poker, bien installé en compagnie de quelques collègues à Budapest. Après ses Series accomplies début janvier, il était temps de faire les présentations.

Salut Gilles. Félicitations d'abord pour tes résultats lors des dernières Wina Series : un titre en PLO8, la seconde place du 8-Game Championship, et une finale sur le premier Mass Start Surprise. À froid, quel bilan tires-tu de cette session hivernale ?

Je suis content du résultat, mais déçu de pas avoir bien joué le 8-Game Championship, même si je fais deuxième. La finale du Mass Start Surprise a également bien lancé mes Series, même si là aussi je n’ai pas très bien joué.

Tu "grind" depuis longtemps chez nous ?

J’ai commencé sur Winamax en 2011, peu après les débuts du marché français régulé, et je n’ai pas changé de pseudo depuis. Après tout ce temps, je n’avais jamais gagné de Wina Series, et depuis deux ans, ça tombe enfin régulièrement ! La bouteille de champagne est quand même un sacré trophée… Et moi les trophées, j’adore ça ! D’aillleurs, ce que j’aime chez Winamax, c’est qu’il savent faire les choses correctement. Pour les tournois en ligne, il n’y a pas de meilleurs trophées que ceux des Series : les skateboards offerts aux vainqueurs en avril 2022, c’était exceptionnel. Tous les grinders le voulaient ! J’ai eu la chance d’en gagner deux… Pourtant, je ne fais quasiment plus de MTT depuis un an et demi, parce que c’est un format très difficile. Et ma passion pour les tournois n’était plus assez grande pour en faire tous les jours, même si c’est un format sur lequel j’ai beaucoup joué à une époque.

Lamy 2Tu te concentres donc aujourd’hui sur les variantes, comme le prouvent tes derniers résultats.

Moi, j’ai joué aux variantes très très tôt, je trouvais ça stimulant. Aujourd’hui, je ne joue quasiment que ce type de tournois, même si sur ces Series j’avais lancé un peu de Hold’em à côté, ce qui est assez rare. C’est pour le côté compétition et le kiff que je joue les tournois de variantes même s’il y a moins de prizepool. Et je trouve que le niveau est assez faible ; mais je joue depuis longtemps, c’est pour ça que j’ai cette impression. Tu ne vis pas en jouant des tournois de variantes sur le .fr, mais en terme de niveau, il suffit juste d’apprendre les règles. C’est un peu comme avec le No Limit Hold'em il y a 20 ans. Tout le monde est un peu à égalité, personne n’a trop d’avance au niveau des connaissances. En réfléchissant simplement dans son coin, on peut devenir meilleur que beaucoup de joueurs, alors que ça ne suffit plus en NLHE, où il est compliqué de devenir très bon à des limites raisonnables. Bon, il y a de moins en moins de tournois de variantes en ligne, c’est un peu dommage.

Quelle est ta variante préférée, et celle où tu te considères comme le meilleur ?

Ma variante préférée ? Le Deuce to Seven Triple Draw. Il y a un truc mystique avec cette variante : pas de board, que des draws, une variance incroyable. Quand tu perds, tu as l’impression d’être nul, et quand tu gagnes, d’être un génie. C’est un peu amour et désamour. Je n’ai jamais gagné de tournois, j’ai fait quelques deuxièmes places... Mais j’ai beaucoup perfé en Stud Hi-Lo, variante dans laquelle j'ai gagné deux titres Series. Bon, ça reste des tournois : donc cela veut peut-être dire que je suis plus performant dans la variante, mais ce n'est pas certain. Ce que je grinde toute l’année, c’est du Pot Limit Omaha Hi-Lo, donc j’imagine que je dois aussi commencer à être bon.

Exergue 1

Revenons à tes débuts. Comment as-tu découvert le poker ?

J’ai toujours aimé discuter jeux. Je ne connaissais pas le poker, mais dans l’imaginaire c’était un peu le jeu des adultes. Même sans y avoir jamais joué, c'était quelque chose qui m’intéressait. J’ai commencé au lycée [il a 34 ans aujourd’hui, NDLR], on pariait des cannettes de jus d’orange. Puis j’ai commencé online sur Everest Poker, en 2008 ou 2009. De là, je me suis mis à jouer plus ou moins sérieusement, à gagner plus ou moins régulièrement sur le .com. Jusqu’à ce que je me dise que je n’avais peut-être pas besoin de mettre un réveil le matin, et que ça me plaisait comme vie. Depuis, j’ai joué quasiment sans m’arrêter, hormis une époque où j’ai repris des études en immobilier, un peu par pression sociale. Je trouvais ça intéressant mais je n’avais pas spécialement la passion du boulot, ni des gens, donc je me suis remis au poker.

Ta carrière s'est véritablement lancée grâce à ta rencontre avec Clément Richez.

Nous nous sommes rencontrés il y a sept ans. Du jour au lendemain, il m’a proposé d’aller à Macao jouer en cash game. On est resté plusieurs mois, ça c’est bien passé pour moi. On est rentré en France, puis Clément a rejoint Benjamin Chalot à Budapest. J'y suis allé aussi, temporairement, mais au final on s’est très bien entendu, alors je suis resté. Ils ont créé leur Team ATM. Je suis loin d’avoir leur niveau, ce sont des gros compétiteurs et des énormes bosseurs, mais j’ai créé le tchat Discord de la Team, je connais les membres, je fais partie de la famille. Avant de rencontrer Clément, je n’étais pas un très gros gagnant, il m’a fait progresser. Avant cela, j’ai un peu tout essayé, et après Macao, je me suis mis aux MTT avec Clément et Ben pendant un an ou deux. Maintenant, je ne fais que du cash game. Je fais aussi des parties dans des clubs privés américains sur Internet.

Tu es donc à bonne école pour progresser, en colocation avec deux gros grinders français. Sont-ils des sources d’inspiration pour toi ?

Clément et Benjamin sont des gens inspirants, car ils sont passionnés et ce sont des bosseurs. La rencontre des deux m’a fait step up dans beaucoup d’aspects, pas seulement au poker mais aussi humainement. Mais j’imagine que quelqu’un de plus sérieux que moi aurait progressé bien davantage… Moi, je marche assez à l’envie, même si le poker est mon métier. C’est en jouant que j’ai appris, en parlant avec certaines personnes, et en réfléchissant. La plupart des progrès qu’on peut faire à des limites raisonnables, c’est cela et de la logique. Et l’un de mes problèmes est que je suis assez fainéant. Eux sont très compétitifs, surtout Benjamin, qui n’a pas de temps mort par exemple, qui ne va pas lancer une partie de League of Legends par hasard. Il a une faim en MTT… Il joue extrêmement cher, mais il s’est remis récemment au Prime Time sur Winamax : il veut juste le gagner, par simple esprit de compétition !

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Suis-tu les mêmes codes que la nouvelle génération de pros, en terme de sérieux dans ton activité ?

Je n’ai jamais vraiment été un fétard, mais mon hygiène de vie n’est pas irréprochable, car j’ai un rythme un peu changeant : je ne fais rien de fou, mais je ne suis pas un athlète de haut niveau. Je n’ai pas la prétention d’avoir l’éthique d’un joueur de haut niveau.

As-tu d'autres passions ?

J’aime beaucoup les échecs. Parfois on se fait des parties avec Clément Richez, mais je ne m’y mets pas à fond. Je veux juste m’amuser, je ne suis pas le plus compétitif de la bande. Je me considère comme quelqu'un de simple, je n’ai pas de hobby un peu extravagant. J'ai une petite vie sympathique, avec quelques bons restos, quelques amoureuses, c'est assez chill. J’ai quelques passions temporaires : en ce moment, c’est le padel.

Au niveau français, on a connu deux joueurs qui ont rasé les parties de variantes high-stakes sur Internet dans les années 2010 : Alexandre Luneau, un temps Team Pro Winamax, et Sébastien Sabic. Ont-ils aussi été des modèles pour toi ?

Il y a très longtemps sur le .com, je regardais les plus grosses parties de variantes, et j’ai appris par la suite que c'était eux que je regardais. Avec Alexandre Luneau, c’était dingue qu’un des tops joueurs au monde en mixed games soit un Français à l’époque. Pour cela, le film Nosebleed est incroyable, d’autant plus pour moi qui aime les variantes. S’il y a un joueur que j’aimerai battre en heads-up du Poker Players Championship des WSOP un jour, je signerais pour que ce soit Alex Luneau. Récemment, j'ai croisé Luneau er Sabic à des tables de Limit assez petites. Apparemment, ils étaient là pour se dérouiller un peu avant le PPC, qu’ils n’ont pas joué finalement.

En live, tu t'es aussi frotté aux parties de Macao. Qu’en penses-tu ?

Je jouais les parties les moins chères, équivalentes à la NL 600. Les fields n'étaient pas très bons, mais c’était loin d’être un eldorado. Une table de Vegas en 3/6 $ serait plus folle qu'une table similaire à Macao... Pour les gros fish et les baleines, on les retrouve probablement sur des parties semi-privées, aux enjeux loin de ce qu’on peut imaginer lorsqu'on regarde les parties streamées en Asie.

Exergue 2

Aujourd'hui, quelle est ton activité de joueur live ?

Au début, je jouais de temps en temps dans des casinos pour changer d’air, mais j’ai vraiment commencé à Macao. J’ai eu la chance d'aller deux fois à Vegas, et récemment de deeprun le Battle Royale du Winamax Poker Open Bratislava [runner-up pour 17 370 €, son meilleur score en tournois live, NDLR]. C’était ma première table télévisée ! Une super expérience, avec une super ambiance, entouré des gens du Team ATM… J’ai eu l’impression d’être plus stressé en demi-finales. Une fois que t'es en TF, le job est fait, alors j’en ai profité et j’ai vraiment bien joué. Je ne serais pas venu si les tournois ne se jouaient pas en 6-Max ! Déjà que je ne suis pas un grand fan de Hold’em…

Comptes-tu faire plus de tournois live à l’avenir ?

Je suis allé faire le tournoi de 8-Game à l’EPT Prague [où il a fini 9e, NDLR], et je serai à l'EPT Paris pour le FPS. Quand je me déplace, c’est surtout pour être avec les gens que je connais, rarement pour grinder beaucoup. Je n’ai jamais monté une vraie bankroll, donc je n’ai jamais trop pu jouer de gros tournois de variantes, même si maintenant je me force à faire un peu de volume, donc ça va beaucoup mieux à ce niveau. Pendant longtemps, je vivotais. J’étais content de ma vie et je lançais une session quand j’étais “short”...

Lamy 1Tu as également deeprun le Main Event des WSOP en 2021 [765e sur 6 650 inscrits, NDLR]. Que retiens-tu de cette expérience ?

C’était mon seul Main Event. Si je le voulais, je pourrais trouver des stakeurs pour le refaire, c’est un très beau tournoi, mais contrairement à beaucoup de gens, il ne m’a jamais spécialement excité, ça n’a jamais été un but en soi. Je ne cours pas spécialement après le one time, ce n'est pas ce qui me motive. Si je dois jouer un EPT à 5 000 €, je me dis que j’ai mieux à faire, je ne suis pas millionnaire. Je préfère faire le FPS à 1 000 € avec mon argent que le Main Event en étant staké pour 4 000 €. J’étais beaucoup plus excité à l'idée de faire les tournois de variantes aux WSOP ! J’ai fait 20 ou 25 tournois en variantes, mais il a fallu que j’attende Prague pour enfin faire un ITM live en variantes. J’ai aussi joué un peu en Dealers Choice au Rio et au Wynn, de la 10/20 $ Limit, mais même si ce ne sont pas les meilleurs joueurs du monde en face, l’expérience joue beaucoup et ce sont des jeux que l’on ne trouve pas online. On voit des trucs bizarres, ils inventent des jeux…

Justement, tous ces tournois de variantes, ça ne te donne pas des idées pour un bracelet WSOP ? En voilà un beau trophée…

J’aimerai bien un gagner un bracelet, mais je n’ai pas encore la bankroll pour en faire un objectif. Me dire maintenant qu’il faut absolument que je gagne un bracelet, ça n'a pas de sens pour moi, je ne peux pas me permettre de claquer 50k. Je préférerai 1 000 fois gagner en variantes qu’en NLHE… C’est surtout un objectif pour les Wina Series ! Je ne suis pas amoureux du live à ce point-là.

As-tu tout de même d’autres objectifs dans le poker ?

Je n’ai pas vraiment d’objectif dans ma carrière, c’est pour ça que je n’ai jamais décollé. Je n’ai pas tant d’ambitions que ça. Je gagne de l'argent, je prends ce qui arrive, je n'ai pas spécialement besoin d’avoir d’objectifs de tournois pour l’instant. Quand je lance les Wina Series, je me dis "super je vais jouer tous les tournois de variantes", mais c’est dans l’instant. Me dire "je joue tant d’heures par jour pendant six mois" pour aller chercher un bracelet, c’est trop lointain. Je n’ai pas cette discipline. Je paye mon loyer, je remplis le frigo, je suis heureux. Mes objectifs, c’est de mettre de l’argent de côté. Mais je ne te cache pas que comme je gagne en variantes sur les Series, ça commence à me titiller dans le sens ou avant je ne gagnais pas, et maintenant j’ai l’impression que j’ai une place à défendre : je dois montrer que je suis encore là, que je ne suis pas arrivé ici par hasard. Pour l’instant, j’apprécie encore le jeu, mais je fais attention car les MTT m’ont lassé, et j’ai un peu la bougeotte, j’ai du mal à faire la même chose très longtemps. En tout cas, je suis content de jouer au poker : il n’y a pas de raison que ça s’arrête !

Propos recueillis par Rootsah

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