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[ITW Deepstack] Mehdi Chaoui : les high stakes, et vite !

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La dernière recrue du Team Winamax passe le grand oral de la rédaction.

Mehdi Chaoui Team Winamax Interview DeepStack
En début d'année, on l'avait glissé dans notre short list des joueurs à interviewer le plus vite possible, tant la quantité et la qualité de ses performances en 2022 nous avaient laissé sur le cul. Et puis, quelques jours après sa neuvième place sur l'étape EPT de Paris, un message du coach Stéphane Matheu : "Mehdi Chaoui va rejoindre le Team Winamax". Inutile de vous dire que lorsque le Marocain a débarqué dans nos locaux pour la signature de son contrat et son premier shooting photo, c'est une liste de questions longue comme son palmarès qui l'attendait. Son coup de foudre pour le Texas Hold'em, ses premiers pas en ligne durant le confinement, son ascension folle, ses méthodes de travail et ses velléités high stakes : Carence en L nous dit tout.

Entretien réalisé le 4 avril par Flegmatic, Rootsah et Benjo.

Tu as 22 ans, ce qui fait de toi l'une des plus jeunes recrues de l'histoire du Team Winamax. Avoir vécu une ascension aussi rapide, ça t'inspire quoi ?

C'est vrai que ma progression a été assez exponentielle, j'ai commencé à jouer il n'y a pas si longtemps. Dès le début, ça s'est bien passé. Du coup, j'ai pu jouer assez cher, assez rapidement. C'est assez fou... et c'est cool que Winamax soit venu me voir. Mais paradoxalement, je trouve qu'il y a une sorte de continuité, comme une logique dans les événements, par la rapidité de ma progression. Mais attention, c'est tout de même un rêve qui se réalise, hein ! Le premier contact que j'ai eu avec le poker, c'est Dans la Tête d'un Pro. Alors quand je me dis aujourd'hui qu'un jour, peut-être, je vais en tourner un... c'est dingue !

Quels sont les joueurs qui t'ont marqué quand tu as commencé à regarder DLTDP ?

Davidi a toujours été en tête ! Avec les copains, on parlait sans cesse de lui, tel bluff, tel hero call [rires]. Et aussi, tous les épisodes centrés sur le bracelet d'Ivan [Deyra] sont difficiles à oublier. À l'époque je jouais à peine au poker, je regardais ça avec des yeux ébahis.

Intégrer le Team Winamax, ça s'enclenche comment ? Le téléphone sonne, et...

C'est arrivé de manière totalement inattendue. J'étais à Madrid, chez un copain. Je reçois un message de Steph [Stéphane Matheu]. « Call demain 14h ? » Sans plus d'explications ! Sachant qu'on n'avait jamais été en contact auparavant ! On dirait que Steph a une manière de procéder particulière... [rires] J'ignorais complètement être sur une quelconque short-list ou quoi que ce soit de ce genre. C'était complètement inopiné, une vraie surprise.

Avant le coup de fil fatidique, tu t'étais déjà imaginé dans la peau d'un joueur sponsorisé ?

C'est quelque chose qui trottait au fond de ma tête. Mais pour le coup, ces derniers temps, j'étais plongé dans complètement autre chose : construire un projet poker, en équipe avec un ami pro. C'est pour ça que j'étais filmé durant l'EPT Paris. C'était en bonne voie. Et puis Winamax a toqué à la porte... En revanche, il y a un truc qui est certain : j'aurais refusé les propositions des autres rooms françaises. C'est sûr ! Ce n'est pas une question d'argent, de montant du contrat. Plutôt d'image. C'était vraiment : Winamax ou rien.

Interview Mehdi Chaoui WinamaxWinamax, c'est le site des joueurs que tu admires. Comme Davidi...

Avec Dav', ça fait une petite année qu'on est en relation. Il a déjà eu l'occasion de me financer sur des tournois. On discute pas mal, on se croise. Maintenant, ça va s'intensifier. Je suis assez pote avec Romain [Lewis] aussi. Et concernant Pierre [Calamusa], j'ai une petite anecdote marrante à son sujet...

Vas-y !

C'était il y a genre deux ans. Je commençais à beaucoup jouer sur Wina, et à perfer. J'avais en tête de potentiellement jouer un peu plus cher. Pierre me suivait sur Instagram, donc je lui ai envoyé en MP une proposition pour du staking. Il me dit qu'il va y réfléchir. Un peu plus tard vient sa réponse : « Viens au Jardin des Tuileries à 14 heures. Et mets des baskets ! » Résultat : il m'a fait courir pendant une heure et demie ! C'est comme ça qu'on a appris à se connaître : par un footing.

Le test a été concluant ?

Non ! [rires]

Vu tes résultats, c'est dommage pour lui ! Il aurait dû mettre la barre un peu moins haute ! [rires]

En vrai, je m'en suis pas trop mal tiré. J'ai réussi à le suivre. Mais il m'a tué quand même !

Tu vas pouvoir discuter un peu plus facilement avec les Mateos, les Vieira...

En vrai, je ne sais pas ! Je ne veux pas m'imaginer trop de choses à l'avance sur ce qui sera possible ou non dans le Team. J'espère qu'ils seront ouverts à la discussion. Ils sont à un niveau tellement différent... Peut-être qu'ils ne communiquent pas si facilement leur savoir-faire. Je ne sais pas dans quelle optique ils sont, s'ils considèrent la concurrence potentielle... On verra. C'est sûr que ce sont des mecs que j'admire. J'ai déjà joué Mateos une fois, sur un 25K à Monaco. Et sur Winamax, forcément, je les ai déjà croisés souvent.

Quand on intègre le Team Winamax, la tradition est de se fixer des objectifs bien précis...

Les miens sont clairs, et élevés : aller jouer le plus vite possible les tournois high stakes. Actuellement, quand je regarde le stream d'un festival Triton [un circuit de tournois très, très chers, NDLR], je me dis : c'est ça. C'est ça qui me fait vraiment envie. J'ai eu l'occasion d'y goûter en jouant le tournoi de lancement de l'étape de Chypre. C'était un 25K « seulement » - c'est assez drôle, dit comme ça ! J'étais énormément staké sur ce tournoi. Ça m'a permis de confirmer que je me sentais à l'aise sur ces fields-là. J'ai envie de tout faire pour y retourner le plus vite possible, et de manière régulière. Et pour ça, il va me falloir une grosse perf' sur un Main Event, sur un tournoi moins relevé qu'un High Roller.

C'est un objectif qui s'accompagne d'une échéance ? Tu t'es fixé une deadline ? Ou tu conditionnes cette transition à une victoire préalable sur un Main Event ?

En tout cas, ce n'est pas une question d'argent ou de bankroll, puisque j'ai la possibilité d'être staké pour aller jouer les High Rollers. C'est plutôt une question de se sentir prêt d'un point de vue technique et mental. Quand, au fond de moi, je le sentirai, et que ça ne sera pas un « one shot » mais une installation durable, j'irai. Peut-être que ça passera par une grosse victoire qui me donnera confiance en moi. Mais en tout cas, c'est définitivement une histoire de préparation mentale et technique plutôt qu'une histoire de bankroll.

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Et en ligne ?

Aujourd'hui, tu ne peux pas être compétitif sur les grosses parties live si tu ne l'es pas en ligne. Donc l'objectif online est le même qu'en live : jouer le plus cher possible.

Ce contrat, il bouscule ton programme des mois à venir ?

Je vais découvrir pour la première fois les événements Winamax, à commencer par le SISMIX. À part ça, je vais continuer les EPT, avec Monaco [actuellement en cours, NDLR, jetez-vous sur le coverage]. Et potentiellement les Triton, mais avec un gros point d'interrogation. En ce qui concerne Vegas et les WSOP, ça va être compliqué, comme l'an passé. Comme je suis Marocain, l'obtention du visa et les aspects administratifs, c'est pas simple.

On a parlé des objectifs du joueur sponsorisé. L'autre face de la pièce, ce sont les obligations. Rentrer dans le Team, c'est un peu comme commencer un nouveau job, non ?

Je pense que certaines choses se feront naturellement. Ou tout du moins : j'arriverai à m'habituer et m'adapter. Comme le fait de communiquer quotidiennement sur mes déplacements, les tournois, être présent sur les réseaux sociaux et médiatiquement... J'aime bien le contact humain. Quand des gens viennent me parler sur les events, je suis toujours très ouvert à la discussion, je réponds, ça me fait vraiment plaisir. Là-dessus, il n'y a rien qui change.

Interview Mehdi Chaoui WinamaxTu as déjà coaché des joueurs ?

Ça m'est déjà arrivé. La plupart du temps, c'étaient des récréatifs, des joueurs dont l'ambition était d'être breakeven dans un premier temps.

Si demain tu te retrouves en stream sur notre chaîne, on peut penser que beaucoup parmi les viewers ont un objectif similaire...

On verra ce que ça va donner, mais je pense pouvoir être à l'aise. Je n'ai jamais eu l'occasion de faire un stream. Ça fait deux ans que je me dis « Ouais, bon, pourquoi pas essayer », mais je ne l'ai jamais fait, parce que je suis un flemmard dans le fond.

Rien à voir, mais en fait si : tes parents sont dans l'enseignement, non ?

Oui ! Mon père a ouvert une école supérieure dans le domaine des technologies. Ma mère était prof. Mes parents sont très pédagogues, avec l'aisance pour parler en public qui va avec le métier.

Tu n'as jamais envisagé de les suivre dans cette voie ?

Je blague souvent avec mon père : un jour je reprendrai son école, et je la transformerai en école de poker [rires].

Les études, ta jeunesse : tu as habité longtemps à Casablanca...

J'ai fait le lycée français de Casablanca. Après le bac, je suis arrivé à Paris pour intégrer Dauphine et faire une licence d'éco-gestion. Que j'ai eue l'an passé.

Tu es devenu un joueur régulier au milieu de tes études. Avant d'aller tester la vie de pro, c'était quand même important pour toi de finir le cursus que tu avais entamé ?

C'était plus important pour mes parents que pour moi ! C'était plus ou moins une obligation...

Interview Mehdi Chaoui WinamaxD'ailleurs, le fait d'intégrer une équipe pro, avec la structure qui va avec, cela change quelque chose, côté familial ?

Oui, je pense que ça apporte un peu de légitimité à ce que je fais et à mes choix. Du genre : voilà, maintenant j'ai un boulot, il y a une structure, on va dans une direction, je ne suis plus tout seul devant mon ordi. Le fait qu'un séminaire soit organisé chaque année pour le Team, avec des discussions, des intervenants, des coachs mentaux : ça parle à ma mère, elle apprécie. Et mon père, il a accepté ce que je fais. Il est très content, maintenant on parle de poker assez facilement. On a rigolé à propos du contrat : il a comparé ça à un salaire de sortie d'école ! « Bon, OK, ça va... » [rires]

Ça été difficile de faire accepter ce choix de carrière ?

Au début, oui. Avec mon père, surtout. Ma mère, elle est très portée sur le coaching, le développement personnel, ça lui a été un peu plus facile de comprendre et accepter ce milieu. Même s'il y a une barrière culturelle, voire religieuse, assez importante, elle a vite dépassé ça et m'a soutenu. C'est la première à se brancher sur les streams quand je suis en TF et à regarder pendant huit heures alors qu'elle ne comprend pas un mot de poker ! Un de mes meilleurs potes reste au téléphone avec elle pour lui expliquer ce qui se passe. Et mon père, il prend des nouvelles, il sait à peu près ce qu'il se passe.

L'idée de devenir pro, elle est venue rapidement ? Pendant tes études, tu as considéré t'orienter vers une carrière plus traditionnelle ?

J'ai été un joueur gagnant dès mes premières parties. Mes premiers home games avec les potes, ils permettaient de financer les sorties en boîte de nuit [rires]. Mais l'envie d'être pro, elle est venue de fil en aiguille, je ne me suis pas posé pour y réfléchir du jour au lendemain. En revanche, j'ai rapidement su que le salariat, travailler pour quelqu'un, ce n'était pas pour moi. J'avais plutôt l'âme d'un entrepreneur. Et en fin de compte, un joueur de poker, c'est un entrepreneur, qui gère du risque, de l'argent. Donc, quand je me suis rendu compte que le poker pouvait être mon aventure auto-entrepreneuriale à moi, j'ai foncé.

Tu fais partie de la « génération confinement ». Tes premières parties devant un ordinateur, elles se jouent en 2020...

Oui, je n'avais jamais joué en ligne avant le confinement.

Et avant le Covid, c'était quoi ton activité poker ?

Je jouais avec des copains, à la maison. Des home games, comme un peu tout le monde. Ça a commencé durant ma deuxième année d'études. Ensuite, j'ai commencé à tester les clubs à Paris, en cash-game, en petites limites. J'ai eu la chance de trouver un stakeur assez rapidement pour jouer en 5 € / 10 €, et ça c'est assez bien passé. Puis j'ai rencontré Arthur Conan. C'est lui qui m'a dit « Viens, tu vas aller tester les tournois. » On est allés à Cannes ensemble. Et depuis, je suis un joueur de tournois exclusivement. C'est très rare que je rejoue en cash-game, si je le fais c'est qu'il y a un pote à table.

Les Expresso ?

Je me suis auto-exclu ! Depuis une certaine soirée malencontreuse... [rires]. Mais c'est un format qui se travaille. Si je m'y mets un jour, que j'ai l'envie de me pencher dessus, pourquoi pas. Les tournois MTT, ils correspondant à ma motivation personnelle. En comparaison, le cash-game et les Expresso sont des formats où l'on joue principalement pour gagner de l'argent, le côté vénal prime. Les MTT ont un truc en plus. L'aspect compétitif, l'envie de terminer premier, c'est une motivation en soi, ça m'excite plus.

Interview Mehdi Chaoui WinamaxRevenons au confinement. Mars 2020 : le monde s'arrête. Tu commences à jouer en ligne. On peut dire que tu as été forcé de t'y mettre. C'était ça, ou ne plus jouer du tout.

J'étais censé suivre des cours en ligne... mais c'était un peu « bullshit ». Il ne se passait pas grand-chose. Du coup, ouais, j'ai commencé à passer mes journées en ligne. Je me réveillais à onze heures ou midi et à treize heures, je commençais à jouer. J'y étais encore à deux heures du mat', sur des 20 balles, des 50 balles, des 100 balles. Mais j'ai eu cette chance, juste avant le confinement, de terminer deuxième d'un tournoi à 400 € sur le WPT Paris. J'avais ce budget de disponible. Dans ma tête, je me disais : ça va me servir à voir ce que je vaux sur les tables en ligne. Et il faut être honnête, au début je me suis fait pas mal défoncer. Je ne comprenais rien ! Enfin, pas rien, mais... vous voyez ce que je veux dire. Le niveau était assez élevé, surtout que j'ai directement été jouer les tournois à 50 et 100 €. Quand tu compares avec le niveau en live, c'est beaucoup plus difficile. C'était ma période d'apprentissage, disons. Je n'ai pas gagné d'argent online durant ce premier confinement. Mais ça m'a forgé, c'est à ce moment-là que j'ai commencer à bosser, j'ai vraiment appris le jeu.

Tu as procédé comment, tu as persévéré sur les limites élevées, ou tu es redescendu un peu ?

Non, je n'ai jamais baissé de limite. Mentalement, je ne pensais pas y arriver, je n'aurais pas été motivé. J'ai juste persévéré. D'ailleurs, ce qui est drôle, c'est que ma toute première victoire en tournoi, c'est sur le Highroller à 250 € de Winamax.

Durant cette période d'apprentissage, tu as fait des percées stratégiques ? Il y a eu des moments « eureka » ?

J'avais la chance d'avoir fait connaissance avec pas mal de top joueurs français : Arthur Conan, Arnaud Enselme, YoungFanta, des mecs comme ça, qui ont été très sympa avec moi dès le début, et m'ont expliqué des trucs, détaillé des mains. Donc j'ai pu très vite me comparer à ces joueurs, voir ce que faisaient des pros accomplis. Je me suis imposé une routine : tous les jours, regarder le replayer d'au moins un de mes tournois, même si la session a été catastrophique. C'est comme ça que j'ai appris : beaucoup de reviews, de temps en temps un peu de solvers, et bosser sur mes erreurs. Et aussi, je regardais tous les replayers de finale publiés sur Winamax. Absolument tous ! D'ailleurs, je trouve que c'est un contenu assez ouf, qu'on ne retrouve presque nulle part ailleurs. Ça vaut de l'or ! C'est certain que ça m'a fait progresser.

Aujourd'hui, tu travailles ton jeu comment ?

J'ai conservé la même routine. Mais j'ai un peu plus de monde autour de moi, donc je discute davantage. Le travail technique avec les solvers, même si ce n'est pas ma spécialité, je suis obligé de le faire un peu, car je joue cher. Mais en comparaison d'autres joueurs, j'y vais beaucoup plus modérément.

Dans le grand débat « GTO ou exploitant ? », on devine un peu ta position...

J'ai une bonne base théorique... mais je ne serai jamais le meilleur technicien à une table. Donc oui, je vais plutôt pencher pour un style de jeu exploitant. Mais si tu compares mon style de jeu en ligne et mon style de jeu en live, c'est drastiquement différent. Des top joueurs me l'ont déjà dit : online, on a l'impression que tu es un robot, en live tu joues complètement autrement.

Tu es conscient de jouer différemment ?

Pour moi, live et online, ce sont deux disciplines à part. En live, tu vas snap fold préflop une main qui sera un call évident online. Il y a plein de petits ajustements qu'il faut être capable de faire en fonction du field, des tendances des joueurs, des tells que tu vas repérer. En live, il y a plus de variables à prendre en compte.

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En live, tu sembles super à l'aise. Ça a toujours été comme ça ?

C'est l'impression que j'ai. Même sur ma première TF début 2020, je me sentais bien, ça allait, alors que c'était peut-être mon troisième tournoi live. Même si j'ai perdu en heads-up, je me sentais globalement assez à l'aise. Et aujourd'hui, si la finale est un peu médiatisée, ou filmée, ça ne me pose pas de problème. Au contraire, j'ai l'impression que ça me galvanise. J'aime bien les caméras, le regard de l'autre me pousse à faire de mon mieux.

L'EPT Paris, ce n'est pas ton plus gros gain à ce jour. Mais en termes de perf', au vu de la durée du tournoi, du nombre de joueurs, c'est sûrement le moment le plus marquant.

C'est sûr. Pour moi, les Main Events EPT, ce sont les tournois les plus durs que j'ai joués. Même s'il y a beaucoup de récréatifs qui participent, il y a aussi les meilleurs joueurs européens. Et aujourd'hui, je pense que les Européens sont les meilleurs joueurs du monde. Contre eux, il faut être prêt à batailler. Ce n'est pas contre eux qu'on va faire des folds exploitants, il faut jouer comme il faut, on doit se bagarrer. Donc ouais, en termes d'accomplissement, c'est quelque chose. J'avais à cœur de perfer. En plus, c'est à Paris. Dans ma tête, je m'étais dit qu'il fallait qu'il se passe quelque chose. Au final, ça été une neuvième place.

Interview Mehdi Chaoui WinamaxQuand tu es éliminé, quel sentiment domine ? De la frustration ? Ou tu te sens encouragé, tu te dis « c'est très bien, je sais que je ferai mieux la prochaine fois » ?

Honnêtement, quand je bust, j'étais juste content. Je ne ressens jamais de frustration dès que j'estime avoir fait de mon mieux. En revanche, une semaine avant, je sors du tournoi à 2K€ en 20e place et là, j'étais beaucoup plus énervé. Parce que j'ai pris une décision avec laquelle je n'étais pas totalement en accord. Mais sur le Main, je me suis fait confiance tout du long, ça s'est bien passé, et arrivé en demi-finales, je n'ai pas eu trop de spots, il n'y a pas vraiment eu de moment où je me suis dit que je pouvais gagner. Donc j'étais juste content. C'est encourageant. Faire la TF d'un EPT dès mon troisième ou quatrième... J'espère que j'en gagnerai un un jour.

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En t'écoutant, on a l'impression que tu ne te mets pas du tout la pression. Alors que tu joues des gros tournois, des grosses finales... C'est un trait de caractère chez toi ?

Je me rappelle que ça énervait ma mère, elle me reprochait de ne pas assez m'en faire ! [rires] La veille du Bac, je suis parti voir mes potes. Le lendemain, je me suis pointé tranquille. Je ne me suis jamais mis la pression pour quoi que ce soit. C'est mon caractère. Après, évidemment, je peux avoir des doutes, je peux me remettre en question, mais au final j'essaie de ne pas être atteint par les choses, et d'être bien dans ma tête. Ce qui doit se passer se passe. En fait, le truc, c'est que je ne suis pas pressé. J'ai l'impression que certains joueurs sont pressés, il veulent faire les choses trop vite.

Attends, c'est facile de dire que tu n'es pas pressé, avec les résultats que tu as eus en 2022 ! [rires]

C'est sûr ! Mais c'est vrai, je ne suis pas pressé de gagner un EPT, je ne suis pas pressé de faire un gros résultat. Ça va arriver.

C'est de la confiance en soi ? Ça veut dire que tu es sûr de tes forces et de tes qualités ?

Oui, j'ai confiance en moi. Mais je travaille pour ça. Je sais ce que je peux accomplir. Après, c'est à moi de faire en sorte que ça se passe. Il faut être un peu chanceux. Et j'ai l'impression d'avoir une bonne étoile au-dessus de ma tête...

Un peu superstitieux, donc...

Non, c'est pas ça, je dirais que c'est plus le fait d'être entouré des bonnes personnes. Les bonnes ondes. J'y crois beaucoup, à ça. Les ondes positives venant des gens qui t'entourent. L'environnement dans lequel tu te mets. Si tu es dans un bon environnement avec de bonnes personnes, tout se passera bien.

Et à part cette capacité à mettre de côté la pression, tu penses avoir d'autres qualités qui font la différence ?

En live, je pense avoir une bonne compréhension émotionnelle des gens, des situations, de comment les personnes réagissent à la pression, de ce qu'ils dégagent, des tells, etc. Ce sont des sujets que j'aborde souvent avec Julien Sitbon. Ça, couplé au fait de jouer assez cher en ligne, de bien comprendre les bases théoriques, ça aide, forcément. Lorsqu'en live, il faut allier les deux compétences, être exploitant parce qu'il y a 50 % de récréatifs, aller chercher d'autres variables pour prendre une décision, et que les 50 % du field restants sont des top joueurs avec un average buy-in online de 500 €, il faut être à même de se bagarrer sur les deux plans.

Le jeu online, c'est quoi ? Un terrain d'entraînement pour le live ?

Oui, c'est sûr. D'autant plus que jouer en ligne coûte moins cher. L'espérance de gain est moindre, et on peut faire plus de volume. Donc clairement, le poker online, ce sont les exercices que tu fais avant d'aller passer l'exam en live. Des gros tournois live, il y en a 4, 5 ou 6 dans l'année et ce sont des moments très particuliers. Ce n'est pas comme si on pouvait faire 50 tournois EPT au cours d'une seule année... Donc il faut être prêt. Et la préparation, c'est le online. Alors évidemment, on essaie d'être gagnant en ligne aussi, mais si j'étais perdant sur Internet, ça ne serait pas grave. Parce que ça aurait quand même l'utilité de solidifier et consolider des bases qui te permettront de gagner en live.

Tu dis qu'on ne peut pas faire un si gros volume en live, mais tout de même : tes stats sur 2022 sont juste dingues. 29 ITM en live, 2 victoires, 5 deuxièmes places, 4 troisièmes places. 11 podiums en tout, et tu finis dans les trois premières places sur plus d'un tiers de tes ITM.

Et pourtant, je n'ai pas l'impression d'avoir joué tant que ça au final... [rires]

On doit probablement pouvoir trouver plein de joueurs qui ont joué plus de tournois pour des résultats moins bons !

J'ai une stratégie en live qui fait que je vais soit sauter rapidement, soit monter un vrai gros tapis pour vraiment deep run. Donc quand j'entends ces stats, je me dis que ça conforte ma stratégie. Des fois, je vais être frustré, je vais tenter un gros bluff et me planter, je me dis après coup que 20 blindes c'est énorme et que j'aurais pu les économiser sur la rivière. Mais d'un autre côté, c'est ce qui me permet de deep run très souvent et de viser le top 3. J'aime faire des gros plays, prendre des spots, etc. Quand ça passe, je deep run vraiment.

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On n'a pas encore parlé d'argent. Dans ton interview avec Loïc Xans, tu as une formule intéressante : dans le poker, l'argent c'est comme les points de vie dans un jeu vidéo.

Je n'ai jamais eu de vraies ambitions financières avec le poker. Je ne me suis jamais dit un truc du genre : l'objectif, c'est de monter à 10 millions. Non, mon objectif c'est d'être le plus performant possible, et de jouer cher le plus vite possible. Et comme le poker est un jeu d'argent, pour en arriver là il faut monter une bankroll. Il faut des munitions pour être à même d'affronter les mecs des High Rollers, les milliardaires over-rollés. Donc ouais, il faut d'abord gagner sur les 1K, les 2K, les 5K, pour ensuite pouvoir se permettre d'aller jouer les 25K.

Tu évoquais ton attrait pour la compétition. Les titres, un Main Event EPT, un bracelet WSOP : ça te motiverait plus que l'argent ?

C'est certain. J'ai toujours préféré les trophées à l'argent. C'est ce qui me motive à me pointer sur chaque Main Event qui commence et qui fait que j'essaie de faire de mon mieux. Psychologiquement, il y a un truc en plus sur les gros tournois, les épreuves majeures avec un trophée réputé.

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Tu as beaucoup joué à Paris. La capitale, c'est une bonne école du live ? C'est l'endroit idéal pour se former avant d'aller sur les gros Main Events internationaux ?

En termes de niveau, je ne pense pas que ce soit l'endroit le plus formateur. En fait, l'important c'est comment se comportent les joueurs récréatifs. Et à Paris, ils ont une tendance plutôt passive. Donc ce n'est pas ça qui va vraiment te forger. Alors que par exemple, aux Pays-Bas, les joueurs récréatifs sont des fous furieux ! Ils vont te 3-bet et mettre les trois barrels derrière. Et toi tu te dis : bon, c'est un fish – même si je n'aime pas ce mot – donc il est forcément en value sur la rivière. Et en fait : pas du tout ! Donc au final, je dirais que le live à Paris ce n'est pas forcément le terrain de jeu qui va te rendre meilleur. En revanche, pour consolider une bankroll, c'est bien, il n'y a pas énormément de variance. Jouer à Paris, c'est quelque chose que je recommande à tous les grinders online qui veulent tenter leur chance en live. La preuve : l'année dernière, il y en a plein qui ont essayé et pour qui ça a marché. Par exemple le petit Alan [Goasdoue] sur le FPS, Thibault Reverdito qui était aussi sur cette finale, que des mecs qui jouent online sur Wina et qui ont compris qu'à Paris il y avait moyen de monter une bankroll. Un joueur dont l'average buy-in en ligne est de 50 €, il peut parfaitement s'en sortir sur des tournois 1K€ à Paris, ça va très bien se passer.

Ton énorme année 2022, plus l'intégration dans le Team Winamax : cela va faire de toi un joueur beaucoup plus scruté. L'effet logo : il va falloir prendre ça en compte.

Je vais essayer de m'adapter, mais j'ai déjà pas mal conscience de mon image. Après, ce n'est pas parce qu'on en a tout le temps conscience qu'on va s'adapter sur le moment. Même si tu sais que le mec en face pense que tu bluffes tous les spots, tu vas quand même finir par le bluffer le spot, et faire la CS [rires]. Bon, il faut quand même faire preuve de finesse et être intelligent au moment opportun. Globalement, je pense que ça va aller.

Dans une autre interview, tu as évoqué l'importance du coaching mental.

Cela fait quelques temps que je ne suis plus coaché mentalement, mais le Team Winamax va peut-être me donner l'occasion de m'y remettre. Ça a été quelque chose de très important en 2022. Pour me structurer, fixer des objectifs, faire sauter quelques croyances limitantes, des barrières mentales, des a priori sur ce que je suis capable de faire ou non. C'est quelque chose qui m'a fait gagner en maturité, qui m'a compris de comprendre ce que je voulais, où je voulais aller. C'est vital pour tout joueur de poker qui aspire à atteindre le haut niveau.

Le SISMIX arrive bientôt. C'est spécial pour toi, de jouer à Marrakech ?

J'ai eu l'occasion d'y jouer pour la première fois en janvier. Il y avait quelque chose de spécial. Mes parents étaient avec moi, ils sont venus au Es Saadi, c'était assez drôle. Je n'ai jamais participé à un événement live Winamax. Le fait que mon premier soit à Marrakech, à la maison, ça va être particulier, ça va être sympa à vivre.

Interview Mehdi Chaoui WinamaxRejoindre une équipe pro, c'est un accomplissement ou une étape ?

Les deux, je pense. Ça ouvre plein d'autres perspectives. Et c'est une reconnaissance de l'envie que j'ai : être performant.

Tu penses pouvoir apporter quoi au Team ?

Question compliquée ! Honnêtement, je ne sais pas. Je pense que j'aurai des affinités naturelles avec certains d'entre eux. Mais ça va dépendre aussi de mon intégration et de mon évolution. Si je perfe et que je progresse, alors les discussions seront plus intéressantes et plus riches. Et avec mes ambitions, je pense pouvoir être un bon complément à l'équipe.

Et eux, qu'est-ce qu'ils peuvent t'apporter ?

Évidemment, il y a le fait de pouvoir discuter avec des joueurs qui sont bien meilleurs que moi techniquement. Et puis l'esprit d'équipe. C'est quelque chose d'assez unique, qui peut apporter une vraie stimulation et un edge au niveau mental. Ça manque souvent dans le quotidien d'un joueur, où on est assez solitaires. Tu as beau raconter le spot sur lequel tu as bust, le mec en face est déjà en train de penser à celui qu'il va te raconter ! [rires].

Quand tu ne fais pas du poker, quels sont tes centres d'intérêt ?

Je suis très football. Fut un temps, je jouais beaucoup. Aujourd'hui, je suis plus porté sur le padel. Sinon, je m'intéresse à tout ce qui est crypto, finances.

Tu as réinvesti un peu tes gains du poker ?

Oui, j'ai un copain qui est à fond dans ce domaine, on discute pas mal, il s'occupe un peu de moi. J'ai passé pas mal de temps sur Sorare aussi. Mais c'est vrai que ces dernières années, c'est surtout le poker qui m'a occupé l'esprit. Quand j'étais plus jeune, je lisais beaucoup, j'écrivais. Aujourd'hui, j'ai moins le temps de me poser et d'avoir autant de passions. Mon temps libre, je le passe avec mes potes, avec ma copine, avec ma famille. Après un festival live, si je peux déconnecter trois jours, je joue à FIFA et j'écoute des podcasts de philo.

Une recommandation en particulier ?

Charles Pépin, sur Spotify. Très, très sympa.

Le blog du Team Winamax va te redonner l'occasion d'écrire !

Dans un coin de ma tête, il y a toujours eu l'idée d'écrire un bouquin un jour. Faire des blogs, des articles, ça me va très bien, j'ai hâte de le faire. D'ailleurs, mon pseudo sur Winamax, Carence en L, ça vient d'un poème que j'ai écrit pour ma copine quand on était au lycée !

En attendant de lire Mehdi sur le blog, rendez-vous sur le coverage de l'EPT Monte Carlo, qui vit ses deux dernières journées. Notre nouvelle recrue s'est qualifiée pour le Day 2 du monumental High Roller à 25 000 €, en compagnie de Davidi, Romain, Adrian, et les autres...

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Benjo DiMeo

Triple vainqueur VSOP à Cognac.

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