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[ITW Deepstack] Matthieu Duran, live is life

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Le boss du live chez Winamax vous ouvre les coulisses de ses festivals, et bien plus encore. Sans oublier une petite exclu pour le futur...

ITW Deepstack Matthieu Duran Facebook

Le Winamax Poker Open, le SISMIX ? C’est lui. Le Beer Pong Open, le Midnight Déglingo ? C’est lui aussi. Oui, quand Wina part en live, Matthieu Duran est l'architecte en chef de nos projets, ayant créé de toutes pièces des festivals poker devenus des références dans leur genre sur le circuit. Alors que son concept électro-poker fait son grand retour dans quelques jours à Marrakech, l’occasion était belle de réaliser un entretien XXL avec notre Live Event Manager, qui en a des choses à raconter après douze années de boîte. Les rouages de l’organisation d’un festival, les spécificités du poker live en France, la naissance de nos événements phares, son background, ses petites et grosses galères, ses meilleurs souvenirs, sans omettre quelques savoureuses anecdotes : Matthieu n’élude aucun sujet. Alors soyez attentif : en bonus, un scoop s’est glissé dans cette interview… Bonne lecture !

Le SISMIX 2023 est imminent… Ça fait plaisir de réorganiser un festival Winamax à Marrakech ?

Oui, et particulièrement un SISMIX ! C’est un concept tellement unique et particulier. Le WPO est déjà le tournoi le plus fun de l’année, mais le SISMIX, c’est une sacrée folie. J’adore l'appeler "le festival du dilemme", car le programme est tellement chargé que tu ne sais jamais si tu vas te poser, faire la fête, aller à la piscine ou jouer au poker ! L’origine du SISMIX, c’est d’ailleurs de recréer un Las Vegas à trois heures de Paris, sur ses piliers : une ville qui ne dort jamais, une hôtellerie de luxe, le gambling 24h/24 et la teuf non-stop. Tu peux venir avec ton copain ou ta copine, ou pas...

Pourquoi finalement revenir au Maroc, après une dernière édition à Lloret de Mar en 2019 ?

On avait arrêté le SISMIX au Es Saadi car les dates du ramadan ne correspondaient pas à nos créneaux, et tu sais qu’on a des créneaux très serrés pour organiser nos events : il faut tenir compte des autres événements internationaux avec le Team Pro W ainsi que des calendriers online, les nôtres et ceux des autres opérateurs de poker en ligne. Et lors du dernier SISMIX en 2018 à Marrakech, on avait dû capper des tournois, il y avait trop de monde. Pour revenir ici, il fallait donc aussi doubler le nombre de tables, ce qu’on a quasiment réussi : on jouera sur 120 tables, contre 65 précédemment. On a monté deux chapiteaux extérieurs, et on pousse les murs… On veut accueillir un maximum de joueurs. Il y aura deux dômes en cristal, un plancher surélevé au dessus de la fontaine derrière le Palace avec une tente dessus [les habitués des festivals du Es Saadi reconnaîtront]. On va se serrer dans la grande salle Jean Bauchet, vider le salon égyptien… On a aussi déplacé les tables télévisées et les tables secondaires sur le solarium de la piscine du Palace, sous un autre dôme. L’accueil des joueurs sera également unique… On en fout partout ! Il était hors de question de revenir à Marrakech pour "s’étrangler", j’ai été exigeant sur les conditions de retour. Mais le souvenir du SISMIX est tellement fort que les "boss" m’ont dit banco.

Duran 1Plus généralement, quelles sont les grandes étapes de l’organisation d’un festival de poker live ?

Les premiers contacts ont lieu un ou deux ans avant, le temps de faire connaissance, de repérer. Certains interlocuteurs connaissent le Winamax Poker Open par exemple, mais il faut que l’organisateur soit conscient de ce qui va lui arriver : car quand on déboule, on ne fait pas semblant, on ne va pas juste rajouter 30 tables ! On ne prend personne en traître par rapport à ça : tu donnes les chiffres, le nombre de croupiers nécessaires, tu montres un aftermovie du WPO Dublin. Il y a une logistique importante. Le délai le plus court, c’est entre neuf mois et un an, et encore il faut être un peu "Fangio" pour le faire. Le WPO Bratislava par exemple, ça a démarré un an avant. Il faut mettre tout le monde d’accord, rencontrer le directeur de l'hôtel et du casino, s’assurer du nombre de chambres disponibles. C’est important que les joueurs puissent se loger à proximité et à des tarifs raisonnables. La vraie différence entre nos events et les autres, c’est que ce sont des events globaux : la base est un tournoi de poker super carré et sérieux en 6-max, dans un casino safe et fiable, pour employer un mot soft. Et il y a le reste.

Est-ce que cette grosse machine a déjà pu effrayer certains de tes interlocuteurs ?

Avant, cela n’effrayait personne mais maintenant… Le casino de Lloret de Mar, par exemple, nous a dit en 2019 : “Désolé, on ne le refera plus, c’est trop dur à gérer, on n’est pas assez staffés ; il faudrait des chefs de projets dédiés à ça pendant quelques mois et une grosse RH .” La dernière fois, ils ont embauché 320 extras. Tout se démultiplie… Le directeur m’a dit en rigolant : “Tu fais trois events de 1 000 joueurs je te dis oui, mais un de 3 000, ce n’est pas possible !” Et il faut bien prendre conscience des coûts cachés : j’ai toujours une dernière ligne "imprévus" intégrée dans le budget que je présente, qui dès le départ, englobe plus ou moins 10% de dépassement par rapport aux prévisions initiales.

Exergue 1
Comment alors convaincre un casino de nous accueillir ?

Il y a aussi la médiatisation. À Marrakech, il y aura 28 postes en salle de presse, on va devoir monter un chapiteau pour ça. Il y a aussi 26 personnes pour les équipes vidéos. Paris-Match se déplace au Es Saadi, mais d’habitude c’est plutôt pour parler du spa du Palace ! Nos festivals sont les seuls à générer autant de retombées. Les premiers mots que j’ai avec les directeurs de casinos, c’est : "Je n’arrive pas avec l’événement le plus rentable de l’année, mais l’un des plus visibles. Si vous voulez gagner de l’oseille, faites un EPT ou un Triton. Nous, c’est 30 € de rake moyen…" Certains casinos attendent aussi une forme de légitimité avec ces événements, du fait que la "big room" européenne les ait choisis.

Combien de fois te déplaces-tu sur le lieu d’un event avant son lancement ?

Au moins trois ou quatre fois. Même si pour le WPO Bratislava, c’était un peu plus. La première fois, pour mettre tout le monde d’accord, la seconde pour prendre des mesures et établir les programmes. La troisième se fait avec le pôle live, avec Laura qui vient s’occuper de toute la partie branding, Alvar qui vient rencontrer les interlocuteurs poker, Benoit qui gère l’aspect logistique… Mine de rien, on vient avec trois ou quatre semi-remorques sur chaque festival, et il faut les garer et les décharger ! C’est tout un panel de différentes problématiques. Pour finir, j’y vais deux semaines avant le coup d’envoi, et on passe 48 heures à tout revoir, à régler les derniers détails, les plannings.

Duran 2Est-il possible d’ajuster les programmes des festivals au dernier moment ? Au cas où vous avez une bonne idée ou une obligation de dernière minute ?

On a un gros canevas dès le début, avec le poker. On connaît notre Main Event et nos tournois. Après, il y a un Side du jeudi après-midi dont on peut changer la formule : on sait juste que c’est un tournoi qui débute à 16h avec 300 joueurs. Il y a aussi les incontournables : on sait qu’on doit faire un tournoi de Beer Pong, et la TF le dimanche soir avec une grosse teuf derrière [exceptionnellement, sur ce SISMIX 2023, elle se jouera le lundi, qui est férié]. Pour le reste, on ajuste, on échange, on rencontre, on se laisse des créneaux… Le Bongo Loco, c’est cela, car c’était une opération online à la base. On a aimé le concept, alors on s’est dit qu’on allait l’intégrer, l’habiller à la sauce Winamax, lui trouver un nom. Tu veux l’anecdote à ce sujet ?

Vas-y !

On est avec le directeur du casino de Madrid, on fait le programme des animations pour le WPO. On voulait faire un bingo le soir, mais le truc, c’est que le bingo est un jeu de casino officiel. Je lui demande : “Est-ce que ça te pose problème qu’on fasse un bingo freeroll dans ton casino ?” Il me répond que c’est délicat. Je lui dit : “Si c’est un bongo, ça va ?” Il éclate de dire, et me dit OK. On a ajouté "Loco", car en espagnol ça montre que ce n'est pas une activité standard, mais un truc un peu fou !

Au SISMIX 2023, il y aura également des nouveautés au programme fiesta

On s’interrogeait, puis on a décidé de lancer cette soirée "We are Back", qui aura lieu le mercredi. On voulait faire un truc pour se retrouver. Si elle connait un grand succès, on la refera peut-être à Bratislava. Pour le Beer Pong, on a même pensé faire un Day 1A, un Day 1B…

Duran 11On ne doute pas que ce SISMIX se passera mieux que la dernière Grande Finale du WiPT en mars, qui a été un peu dépassée par son succès. À froid, quel bilan tires-tu de cet événement ?

Il y a un côté frustrant, car on s’est donné beaucoup de moyens, et malgré ça on s’est fait déborder. Il y a eu plein de soucis techniques, de choses qui auraient pu être davantage anticipées, des choses qui auraient pu mieux marcher. C’est incontestable. On se pose la question aujourd’hui : s’il n’y avait pas eu de limites, combien de gens seraient venus jouer ? 1 730 personnes se sont présentées au Palais des Congrès le mercredi… Mais ils voulaient jouer quoi ? Nous on était prêt pour un Jour 1 à 600 joueurs, mais je ne peux pas organiser un Side Event un mercredi à 1 000 joueurs… Je n’aurai jamais les croupiers, la place, les tables. Et ce même avec une loi assouplie, des ordinateurs qui ne pètent pas, et suffisamment d’hôtesses à l’entrée. S’il n’y avait pas eu de contraintes, quel score aurait-on fait ?

Comment remédier à ces problèmes ?

La question qu’on se pose pour le futur, c’est : faut-il plutôt faire des tournois fermés où tu es préinscrit, comme à l’époque des finales au Cercle Clichy-Montmartre, avec 31 tables par jour, mais sans avoir forcément l’ambiance Winamax ? On n’a pas encore la réponse mais on a plusieurs pistes : la plus probable, c’est de déterminer les moyens optimums qu’on est capable de proposer, et de l’annoncer. Mais ça ne nous plaît pas : le joueur de poker aime sa liberté, il aime se pointer avec sa bankroll dans sa poche, pouvoir s’inscrire où il veut, arriver en retard, changer d’avis… Et je le comprends. Mais d’un autre côté, il y a des contraintes. Bref, c’est touchy. On sait que la bonne décision n’est pas forcément cool… Et Winamax est cool de nature. Il y a plein de solutions sur la table et quelle que soit celle qu’on en prendra, elle ne fera pas l’unanimité, mais je pense que les gens comprendront. Capper les tournois ? Je ne vois pas comment on pourrait faire autrement… Il y a aussi une autre solution, mais je la garde en off.

Exergue 2
Est-il plus compliqué d’organiser un event à l’étranger qu’en France aujourd’hui ?

En France, on a cette facilité d’un côté qui est le déport de licence : les casinos ou les clubs de jeux ont le droit, dans la limite de leur commune, de déporter leur tournoi. La contrainte est qu’il faut déplacer aussi les mesures de sécurité de l'établissement, et le cahier des charges est super lourd : coffre-forts, caméras, vérification des pièces d’identité… Et les casinos en tant que tels n’ont pas de surfaces monumentales, 40 ou 50 tables maximum. Sauf que pour Wina, ce n’est pas moins de 120 tables, et il n’y a peut-être qu’à La Grande-Motte que tu peux en mettre autant, voire à Aix-les-Bains. Et l’un des trucs du WPO et du SISMIX, c’est le 6-max : avec les charges sur les croupiers en France, ce n’est pas jouable. Il faudrait un rake que les joueurs ne sont pas prêts à payer. La France, ça coûte cher.

Le déport de licence, ça se passe comment à l’étranger ?

Chaque pays a sa législation. En Espagne par exemple, tant que tu rentres par l’entrée du casino via la physio, comme à Lloret, c’est OK. Tu rentrais par en bas, tu montais à la salle des events, et l’immense chapiteau était collé, donc tu y allais sans ressortir de l’espace casino. On avait aussi une dérogation très exceptionnelle pour la piscine. Il y a quelques années, sur l’EPT Barcelone, qui a lieu à l'hôtel Arts qui abrite un casino, les clients de l'hôtel devaient d’abord sortir de l'hôtel pour y re-rentrer par le casino… Ils ont fini par avoir une dérogation. À Bratislava, c’est un peu plus souple, tu peux jouer dans le bâtiment d’en face par exemple.

Duran 9C’est quoi pour toi, la règle à changer qui faciliterait l’organisation des tournois live en France ?

Assouplir et/ou accélérer l’obtention des agréments de croupiers. Pour faire de grands évènements internationaux, il faut recourir à de la main d’œuvre qualifiée dans toute l’Europe. Et les délais, les papiers demandés, les traductions assermentées, etc. sont très compliquées et en découragent beaucoup de faire le déplacement. Le délai est long, les services ne sont pas calibrés pour recevoir autant de demandes à la fois. Mais l’agrémentation, c’est indispensable : le joueur doit avoir une réelle confiance dans les équipes poker sur un event.

Le recrutement de croupiers est donc une problématique majeure pour l'organisation de tournois live. Comment cela se gère t-il ?

Dans l’absolu, on pourrait mettre 300 tables sur nos tournois, mais il faudrait 400 croupiers. Ils existent bel et bien dans toute l’Europe, mais il ne faudrait aucun autre tournoi à la même date ! Pendant l’EPT Paris, j’ai demandé à un croupier : “On se voit la semaine prochaine pour le WiPT ?” Il me répond : “Non, je dois aller à Tallinn…” Ils nous ont "braqués" 30 croupiers comme ça ! L’an passé à Bratislava, on jouait en même temps que le Battle of Malta, qui est un gros événement à 100 croupiers, On a dû aller en chercher en Pologne, en Hongrie, en Roumanie… Heureusement, on a des "Dealers Coordinators" qui les connaissent : ce sont des intermédiaires, qui ont leur carnet d’adresse. Ils s'appellent les uns les autres pour s’envoyer du staff. Ce sont eux que je vais voir en premier quand je prépare un tournoi, pour annoncer mon calendrier et leur demander de venir avec leur pool de croupiers. Et il n’y a pas que l’argent qui compte : certains croupiers auraient adoré venir à Bratislava, mais à Malte ils avaient un hôtel avec la piscine… Je fais quoi, moi ? (sourire). En tout cas, si tu es un jeune qui cherche du boulot, forme-toi : tu vas voir du pays, et il y a du taff, tu vas être courtisé !

Duran 4Venons-en maintenant à toi, Matthieu Duran. Peux-tu nous raconter ton parcours avant d'atterrir chez Winamax ?

Pour commencer, j’ai fait une école de commerce. L’alternance n'existait pas, je l’ai inventée, je travaillais dans une agence de com spécialisée dans l’événementiel sportif en parallèle. J’ai eu un mentor exceptionnel qui m’a pris sous son aile. Après l’armée, il m’a dit : Maintenant que t’as payé un diplôme cher, va te casser les dents dans les grosses boites et reviens quand tu veux. J’ai fait 4 ans et demi chez Unilever, 5 ans chez Carrefour, où j’ai fini directeur de réseaux de Carrefour Voyages. Puis je suis revenu à mes amours de l’événementiel à Bordeaux, où j’ai fait tous les métiers du séminaire, du congrès, de l’audiovisuel, du sport, des traiteurs… Et j’ai découvert le poker au casino de Gujan-Mestras. On était en 2008, on voyait Patrick Bruel à la télé, et on commençait à parler des jeux en ligne. On était en plein boom…J’étais un joueur amateur gagnant à l’époque, des 20 balles online, la NL50, mais c’était plus facile en 2010 (rires). Puis j’ai créé Planète Poker qui est ensuite devenu PokerSphère avec Yann Roudaut, qui était directeur de tournoi au casino de Gujan. Lui voulait tirer le côté associatif, moi l’événementiel…

Comment as-tu été recruté par Wina ?

Winamax cherchait un responsable live, et je suis arrivé en 2011 : j’avais le côté événementiel, le poker, le côté cadre, gestion de projets… Au final, les deux métiers qui m’ont le plus servi, c’est déjà le traiteur : aménager une salle de poker comme à La Villette pour le WiPT et monter un mariage, c’est la même logique. Le traiteur dresse ses tables, avec ses couverts, ses serveurs, ses chefs de rang. Nous, on pose nos tables de poker, nos tapis brandés, nos cartes, nos jetons, chaque joueur à la bonne place, nos floors autour en parallèle... Et l’autre métier, c’est la logique des congrès : le poker, c’est pareil, avec 1 000 mecs qui arrivent du monde entier pour jouer, à qui il faut donner un cadeau, un badge… Il y a aussi l’organisation de concerts rocks : quand tu fais le SISMIX, tu sais comment installer un jeu de lumière, des platines, une scénographie, tu connais les exigences des artistes.

Exergue 3
Comment se sont passés tes débuts chez nous ?

Il n’y avait strictement personne pour s'occuper à plein temps du live. J’étais seul jusqu’en 2015, avant l’arrivée de Laura pour son stage de fin d’études. Certains se détachaient pour m’aider, Polly par exemple qui gérait [déjà] les qualifiés. Les premiers WPO, c’était trois personnes pour l’orga, et Guignol [Aurélien Guiglini] bien sûr. Pour boucler le premier Winamax Poker Tour, je bossais le soir et les week-ends.

Ton métier te fait voyager énormément…

Je me suis jamais amusé à compter mon bilan carbone, mais je n’en suis pas fier. Entre les repérages et les tournois, je passe environ 30 à 40% de mon temps en déplacement. Et quand je suis en vacances, je voyage aussi (rires). J’aime voyager, mais quand tu voyages pour le boulot, tu voyages seul, c’est différent. Par exemple à Prague, je me retrouve avec mon verre de vin chaud au marché de Noël, mais t’es tout seul, et quand tu voyages, tu aimes aussi partager. 

Duran 12Qu’est-ce que tu préfères dans ton travail ?

J’aime la dimension créative. Par exemple, Bratislava pour moi, c’est un super kiff. Tu commences par traîner sur Internet, voir où on peut organiser des tournois, et là tu te dis : "J’ai trouvé un spot". À la base, c'est trop petit… Mais en étant un peu créatif, tu pousses le casino et l’hôtel dans leurs retranchements, et tu crées des espaces. Puis quand tu annonces la ville, qu’on te pose plein de questions, et qu’après l’événement se réalise et que les gens surkiffent… Créer un festival urbain, jouer sur quatre étages et dans le bâtiment d’en face alors que les mecs n’y avaient pas forcément pensé, voir tout ça rouler… C’est ce que j’adore. Le premier Beer Pong Open, le Bongo Loco, personne ne l’avait fait avant. Les contraintes ? J’ai passé l'âge d’aller au bout de la nuit, mais les jeunes font ça très bien. Je ne suis pas en position de whine.

Quelle a été l’évolution de ton équipe dans le pôle Live Events ? Comment les tâches sont-elle réparties ?

Laura est donc arrivée comme assistante en 2015, dans le cadre de son MBA Tourisme Evènementiel. L’équipe s’est étoffée petit à petit, avec Jean, Benoit, Alvar qui était joueur au SISMIX pour produire le WiPT Espagne, Oliver… Là, deux autres personnes vont arriver, on va être huit. Ça s'est accéléré : il y a les événements internes qui prennent du temps, les events VIP, Corporate, la finale de la Ligue des Champions pour les 500 meilleurs joueurs et leurs conjoints, le Trophy, le Merguez Tuning Show de nos partenaires Vilebrequin, l’accueil des qualifiés à Vegas…On n'a pas le temps de s’ennuyer !

Comment avez-vous vécu la période Covid, avec l’annulation de tous les événements de poker live ?

C’était dur. Au début, comme tout le monde, on a été super naïfs. On s’est dit qu’en reportant nos tournois d’un mois ou deux, ce serait bon… On n’a rien annulé, on a travaillé non-stop pour tout reprogrammer. Arrivés en été, on s’est dit que ça allait durer. On est allés bosser dans d’autres services, tout en se tenant prêt pour le moment où ça redémarrerait. On a aussi beaucoup travaillé à la reprise des tournois live, plutôt qu’à la création : ce qui sera accepté par les joueurs, masques ou pas, la distanciation, les parois sur les tables… On a décidé de recommencer uniquement quand on pourrait refaire du live "à la sauce Winamax". Au moins, maintenant, on joue avec de l’eau dans les verres pour le Beer Pong, c’est plus propre, on ne boit plus des bières avec des balles qui ont trainé par terre ! (rires)

Exergue 4
Tu t’attendais à ce que tout aille aussi vite chez Wina ?

Non, non. C’est un pari que tu prends. J’ai eu une opportunité, car Winamax j’y croyais. Mais que ça évolue aussi vite, aussi fort... Tu te dis que tu as choisi le bon cheval ! Je remercie Christophe et Alex [les fondateurs] de cette confiance, de laisser ce niveau d’autonomie, de donner les moyens à nos ambitions en live, alors que nous sommes une room online. Il y a aussi plein de destinations où on a tenté d’organiser quelque chose, pour finalement le pas le faire, et personne ne me l’a reproché.

Justement, dis-nous : c’est quoi le festival Wina inédit qui a été à deux doigts de se faire ?

Il y en a eu un. Mais je ne peux pas te dire où, car je ne désespère pas qu’on y arrive un jour !

Y-a-t-il une destination où tu rêverais d’organiser un event Wina, mais où en revanche ce sera impossible ?

Outre-mer ! J’adorerais. Mais c’est trop compliqué quand le prix du billet d’avion dépasse celui du buy-in. On saurait gérer la logistique, mais on ne s'adresserait qu’aux grosses bankrolls… Tous les ans, je reçois des mails de Martiniquais, de Guadeloupéens, de Réunionnais et de Guyanais pour qu’on organise quelque chose, et la population de joueurs est hyper cool. Mais ils ne sont pas assez nombreux sur place. Pourtant, un festival dans les DOM-TOM, ce serait énorme ! T’imagines un “Rhum-Pong”? (rires)

Duran 7Mais pour l’ambiance île paradisiaque, il y a d’autres lieux plus proches, non ?

Sur l’île de Ré ? Mais il n’y a pas de casino (rires). À Malte, les trois casinos sont trop petits. J’ai rêvé de les faire bosser conjointement, avec une finale chaque année dans un casino différent, mais c’est compliqué de mettre d’accord des mecs qui se tirent dans les pattes le reste de l’année, de désigner qui gère le côté financier… Les Canaries ? C’était un des projets du WiPT Espagne, mais le casino a fait une erreur administrative, et 48 heures après la publication du calendrier, on a dû annuler l’étape. Mais c’est jouable, le billet n’est pas cher, il y a des casinos, l’offre hôtelière est infinie… sauf que la législation locale est très complexe, avec des limites de taille. Mais, un jour, va savoir (rires).

Quelle est ta meilleure expérience d’organisation d’événement poker ?

Il y a eu le WPO Bratislava bien sûr, mais aussi le premier SISMIX Marrakech. Il s’est monté en trois mois ! C’est le truc le plus fou que j’ai eu à faire. J’ai rencontré Jean-Alexandre Bauchet-Bouhlal pendant la finale du WiPT 2014, et je suis revenu avec une idée, un concept, ce festival électro-poker. J’ai dit aux boss : “Il y a un Marrakech Poker Open en mai, j’irai y faire les repérages pour l’année prochaine…” Ils me répondent : “Vas-y demain, et on le fait dans trois mois, à la place !” La finale du WiPT venait à peine de se terminer, et deux jours plus tard j’étais à Marrakech ! Et si tu ajoutes en plus au milieu une intervention chirurgicale qui a mal tourné, qui m’a fait passer trois semaines au lit avec la jambe en l’air…(rires). Ils m’ont fait faire un truc de fou. Mais on l’a fait, et c’est resté. On avait des interlocuteurs qui y ont mis toute leur énergie, et au final, on a fait un gros score. Il y a aussi le WiPT à la Villette. Nous, on s’est habitués à voir autant de joueurs, à poser nos 260 tables, mais en fait… Par exemple, Leo Margets, qui n’est pas une newbie du circuit live, est venue pour la première fois cette année, et quand elle s’est approchée de la rambarde de la mezzanine privée, elle a scotché ! Elle m’a dit : “Es brutal !” Davidi Kitai avait eu exactement la même réaction, dix ans plus tôt.

Duran 5D’ailleurs, parles-nous un peu de la genèse du plus grand circuit de poker live du monde.

C’est le premier projet que j’ai mené chez Winamax. On s’est inspiré du France Poker Tour qui existait déjà à l’époque, et le concept est un peu basé sur La Nouvelle Star : un casting dans toute la France pour trouver les meilleurs chanteurs amateurs. Le WiPT c’est ça : enlevons la notion d’argent, et faisons le tour de France pour recruter les 200 meilleurs joueurs récréatifs et les inviter pour une grande finale. Ceux qui n’ont pas forcément la bankroll pour la jouer, mais qui pourraient la gagner… Quand je vais à la réunion de la TDA à Las Vegas tous les deux ans et que j’explique le concept, les Américains hallucinent… Ça n'existe pas ailleurs dans le monde. Il faut aussi avoir le financement pour le faire. Et cette fois on n’attire pas les clients vers le site web, c’est nous qui allons les voir à côté de chez eux.

Concernant le contenu des festivals, les Midnight Déglingos sont également très vite devenu une institution des events live Winamax. D'où vient cette idée ?

J’ai créé deux monstres : le Beer Pong Open, et ça (rires). Au départ, le concept vient de D4Event [partenaires de Winamax pour les premiers WPO Dublin], avec leurs Midnight Madness, un rapide shootout flash organisé à minuit. Mais il fallait l’adapter à la sauce Winamax. À la base, c’est donc juste un flash rigolo, et c’est là où j’ai mis en place ce système de fête foraine : comme au manège, tu vas acheter tes jetons rouges, et quand il y a de la place dans le manège tu t’assois, et il y en a un qui attrape la queue du mickey. Mais le vrai secret, c’est que cela représente une heure de liberté. Pendant une heure, t’as le droit d’appeler les cartes, de gueuler comme un bourrin, de taper sur la table, tes potes peuvent te secouer derrière... Même les croupiers ont le droit de trash-talk. Au début, c’était les mégaphones, et maintenant il y a carrément des floors qui rappent ou qui slamment ! On a aussi rajouté un DJ ! On n’est jamais dans le casino à côté des tables de jeu, souvent au bar un peu excentré. C’est aussi ça qui participe à la folie du truc. Les Déglingos, c’est unique au monde. Et en plus, tu peux vraiment gagner une tonne ! Il y a déjà eu 5 000 € à la win, pour 10 balles d’inscription. Des évolutions ? On m’a longtemps réclamé un Déglingos Highroller… Je peux dire que j’y réfléchis (sourire).

Exergue 5
Un concept de festival dont tu rêverais, mais impossible à mettre en place ?

C’est un concept de tournoi : l’épreuve par équipes, que nous avions expérimentée à la grande finale du WiPT en 2014. On ne l’a fait qu’une année, ça me tenait vraiment à cœur. Ça fonctionnait super bien en freeroll, mais dès qu’on met de l’argent pour s’inscrire… Le concept a trouvé ses limites.

Duran 8Au final, il y a des opérateurs qui cherchent à être rentables en organisant des events live, et d’autres, non. Où se situe Winamax dans tout ça ?

Wina ne gagne jamais d’argent sur les festivals live. Avec tout ce qu’on met en place, c’est impossible. Dans le deal qu’on passe avec le joueur, le rake ne sert qu’à payer les croupiers. On a un niveau de rake relativement modéré pour des tournois 6-max, il ne faut pas l’oublier, et les casinos gardent 100% des recettes du cash-game et de la restauration. Les casinos équilibrent leurs festivals à la fin en rentrant ces recettes-là. Les autres organisateurs viennent pour gagner de l’argent, mais comme expliqué précédemment nous on demande au casino un gros effort au niveau de la logistique. On ne peut rien demander de plus ! On vient aussi montrer notre marque, car la majorité de nos joueurs jouent un festival par an. Et on leur fait un tournoi à 500 €, avec les prestations d’un 5 000 €. Pour certains, faire un WPO c’est leur Las Vegas à eux, le tournoi de l’année, c’est marquant. On veut qu’ils s’en souviennent et reviennent ! Je me rappelle qu’à Dublin, une année, il y a eu une rumeur comme quoi c’était la dernière édition du WPO. Des mecs sont venus nous voir les larmes aux yeux pour nous demander : “Non, c’est pas vrai… C’est pas le dernier ?” Bon, j’avoue que j’avais un peu laissé filer la rumeur sans la démentir. C’était juste le dernier… dans cet hôtel-là !

Au final, peut-on dire que l’ADN de Winamax, c’est le poker online, et que le live, c’est son âme ?

Ça me va ! Le live, c’est la partie "humaine" de Winamax. Je crois que les joueurs ne s’y trompent pas. Maintenant, on est sur-staffés sur les events, mais c’est une volonté de montrer cette dimension humaine. Les joueurs de poker peuvent se dire que le staff de Winamax, c’est cool, que Polly Morrison existe en vrai, voir les différentes personnes qui composent les équipes. Ce n’est pas innocent !

Exergue 6
Passons maintenant au calendrier des events live Winamax. Et on va commencer avec le WiPT 2023/2024, car tu as un petit scoop à nous livrer…

Déjà, on va relancer le WiPT, en France et en Espagne. Pour l’étape d’ouverture, on quitte La Villette : ça se passera à... Marseille ! Il y aura aussi des évolutions dans la formule. En France, on a constaté que les grosses étapes rencontraient un très fort succès, mais que l’affluence se tassait dans les petites. Alors on a décidé de partir sur huit ou neuf grosses étapes, plus grosses que ce qu’on fait actuellement. C’est notamment une question de situation géographique. Concernant la Grande Finale, c’est encore en réflexion.

Duran 6Le Winamax Poker Open à Dublin n’a laissé que des bons souvenirs… N’est-il pas envisageable qu’il reprenne sa place un jour ?

Ce n’est pas d’actualité. Le Citywest est toujours mobilisé, pour une problématique plus importante que le poker [l’accueil de réfugiés de guerre ukrainiens]. Et Dublin n’est en réalité plus une ville low cost : le tarif des chambres, c’est comme Paris maintenant. Au début, quand le WPO ne s’appelait même pas encore comme ça, les chambres coûtaient 65 € et il y avait des avions sur Ryanair à 20 € tous les jours. Si on ne devait plus aller à Dublin, ce serait un crève-cœur, mais il faut regarder les choses objectivement, et le but est vraiment de trouver des destinations abordables pour nos joueurs récréatifs. C’est dans cet objectif que je suis allé prospecter dans les pays de l’Est de l’Europe. Et encore, à Bratislava, il faut s’attendre à des logements notablement plus chers dès cette année avec l’augmentation des prix de l’énergie notamment.

As-tu d’autres projets pour 2024 ?

On en a plein, mais ils sont tous secrets ! Je peux juste te dire qu’on étudie le Portugal… On pourrait aussi aller ailleurs en Irlande, mais c’est un problème d'accessibilité en avion, comme pour Chypre. Il faut imaginer que 1 000 Français puissent se déplacer en avion sur une période relativement courte, et rentrer. Londres ? C’est trop cher.

Serait-il un jour envisageable de voir Winamax créer un festival live à destination d’une clientèle plus balla ?

Non. Je ne vais jamais dire jamais, mais on a déjà évoqué le sujet, avant et après le Covid, et il y avait l’idée d’imaginer deux SISMIX : un SISMIX "high-roller" à Marrakech, et un SISMIX plus "populaire" à Lloret. Mais on a souhaité rester populaire, au sens noble du mot. Peut-être qu’on aura un tournoi à 3 000 € sur un festival dans deux-trois ans. Mais aujourd’hui ce n’est pas la tendance.

Dublin
Pour finir, tu nous racontes des moments qui t’ont particulièrement marqué sur les festivals live Winamax ?

Il y en a deux. Le premier, c’est lors du WPO Dublin 2016, avec Antonin Teisseire en finale (photo). Des kops de supporters ont commencé à se monter dans les tribunes ! D’un côté, les supporters d’Antonin, les Niçois avec Guignol en tête et Jean-Marie Peyron notamment, et de l’autre côté, des mecs de Poitiers, de mémoire, qui se prenaient au jeu de crier pour soutenir le finaliste dijonnais, le tout en lançant des chants d’une vulgarité absolue (rires). À ce moment, on s’est regardé avec Thomas Gimie, le directeur du tournoi, en se demandant : “Qu’est-ce qu’on fait ?” Et là Thomas prend la parole, dans toute sa splendeur : “Chers spectateurs, nous allons mettre en place une chose, que nous allons appeler la règle Roland-Garros : comme au tennis, je vous demande de faire silence absolu à partir du moment où le croupier donne la première carte. Quand les jetons sont attribués, lâchez-vous.” On se serait vraiment cru à Roland Garros ! L’ambiance ressemblait à l’époque où la table finale du Main Event WSOP se jouait dans l’amphithéâtre du Rio, sauf que là, on est au Regency à Dublin, c’est fou. Et le lendemain, quand Tonin est venu encaisser ses gains, on était en train de démonter la salle. Il a décrété à ma place une pause générale, parce qu’il tenait à inviter toute l’équipe d’organisation à manger ! Il a offert la pause dej' à tout le monde. L’autre anecdote ? Elle s’est passée à Marrakech… Mais en fait, elle doit rester off, désolé !

Propos recueillis par Rootsah

Crédits photos : Caroline Darcourt, Guillaume Gleize et rédaction Winamax

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