[ITW Deepstack] LURAKEN, opération coup de poing
Par Général Life Style
dansIl a préféré les études à une carrière de footballeur, avant de lâcher un job d'ingénieur pour se consacrer au poker. Et après avoir braqué les Wina Series, Simon Wiciak s'attaque maintenant au live. La tête sur les épaules, comme toujours.
Footballeur prometteur, étudiant brillant, et maintenant top reg sur Winamax... Simon Wiciak alias "LURAKEN", star des dernières Wina Series (trois victoires et une première place méritée au Leaderboard du festival), semble faire partie des privilégiés qui transforment tout ce qu'ils touchent en or. Une affirmation à tempérer : s'il a déjà amplement fait ses preuves online, le joueur basé à La Rochelle apprend progressivement à apprivoiser le jeu en live. Avec tout le sérieux qui le caractérise, Simon s'est longuement posé avec nous au printemps, avant les WSOP, afin de nous expliquer comment il parvient à être performant dans sa nouvelle vie et nous raconter ses différentes carrières. L'interview d'une tête bien faite, complétée ensuite en juillet au retour de son premier voyage à Las Vegas.
Bonjour Simon. En avril, tu as donc réussi des Winamax Series d’anthologie. Deux semaines après ces exploits, quel est ton sentiment ?
Les résultats sont venus naturellement, dans la continuité du grind. Cela fait plus de trois ans maintenant que je joue à plein temps, et j'avais déjà perfé sur plein de tournois Wina Series, sous d’autres pseudos. Ce sont des événements qu’on attend tout le temps quand on est joueur pro. En plus, comme les gros gains sont arrivés dès le premier soir, cela signifiait que j’allais au moins breakeven le festival. Après, il faut absolument run good pour atteindre ce genre de résultats. Dire l’inverse serait mentir. Ce qui est certain, c’est que j’étais dans la zone, dans mon A-Game, et dans ce cas il faut battre le fer quand il est chaud. Je suis content de la gestion de mes sessions, je n’ai pas eu le FOMO, j’ai été discipliné, je n’ai pas dépassé les 20 tables en simultané. Après, j'ai déroulé. Et réaliser des bons résultats, ça booste, notamment pour le Leaderboard : quand j’ai commencé à perfer, que je voyais mon pseudo dans les articles quotidiens, mon esprit de compétition a parlé. J'y jetais constamment un œil, et quand j'ai vu que j’étais bien placé au milieu des Series, ce classement est devenu une autre source de motivation. Tous les voyants étaient au vert, c'est un tout.
Comment ça se prépare, un grind si intensif ?
Déjà, il faut un peu moins jouer les jours précédant le coup d'envoi. Cela ne m’a pas posé de problèmes car je fais aussi du foot : avec les entraînements et les matches, je peux couper entre les sessions. Il faut aussi être prêt physiquement, et c’était mon cas. Sinon, ça démarre un dimanche, ce n’est pas différent des autres sessions. Concernant ces Wina Series, j’étais bien préparé, je venais de commencer à me faire coacher, et c’est toujours un marqueur de confiance quand quelqu’un te dit qu’il veut te coacher car il pense qu'il y a un potentiel. La routine n’a pas changé, j’étais focus, la préparation de mes sessions était toujours aussi bien faite. J’étais prêt en amont.
Et après la préparation pré-Series, comment as-tu fait pour optimiser ton rendement pendant le festival ?
Je n’ai pas joué durant un jour ou deux, car je sais très bien qu'après une grosse perf, inconsciemment, on est amené à jouer un peu moins bien : quand on vient de prendre 60 000 €, notre cerveau a des tendances plus loose ou spewy. Et j’ai fait l’impasse en semaine sur une session du samedi soir, car j’avais un match. Finalement, c’est une question de ressenti : certains ont tout joué, d’autres moins, mais dans tous les cas on se prépare pour jouer un maximum d'events, car on sait qu’il y a beaucoup d’EV. Mais en fait, dès qu’on est dedans, on ne sait pas comment ça va se passer. Le plus dur je pense est de parvenir à gérer le nombre de tables en simultané, car il y a tout le temps quelque chose à jouer quand on peut se permettre tous les niveaux de buy-ins. Il faut bien sélectionner ses tables. J’ai aussi insisté sur la nutrition pour ne pas être dérangé par les livraisons de nourriture.
Jusqu'à ces fameuses Series d'avril, tu sévissais donc sur Winamax sous le pseudo Sur2soi, mais tu a changé juste avant pour devenir LURAKEN. Pourquoi ?
Le premier argument, c’est de passer sous les radars au début des Series, même si quelques regs savaient qui j'étais. Un nouveau pseudo crée une EV différente : on est davantage respecté sur les 3-bets lights par exemple, car sinon les adversaires ont déjà des notes sur nous. Pour LURAKEN, j'avais envie d’asséner un coup de poing salvateur, de montrer que je voulais m’imposer, mais toujours avec un peu d’humour… Je trouvais que la référence à Johnny Cadillac était intéressante, ça me fait rire et le pseudo est cool. Oui, je réfléchis un peu avant de choisir mes pseudos !
Bien avant de passer pro au poker, tu as tenté de faire carrière dans le football. Raconte-nous.
En fait, j’étais fort en sport, mais je n'ai commencé à m’intéresser au football qu’à dix ans. Ce qui est tardif. Ça s'est bien passé dans mes clubs de village, et j'ait donc fait la sélection pour intégrer le sport-études des Chamois Niortais, à 12 ans. J'ai commencé au début de mon année de 5e, en internat. Il y avait ensuite des tests pour continuer en sport-études en seconde. Un passe-droit pour y entrer était notamment de jouer la Coupe nationale de ma catégorie d'âge, et d'intégrer l’équipe du centre-ouest de la France. J’ai été pris dans l'équipe de ma région, je jouais arrière central. Et une fois en terminale, on te fait signer un contrat pour intégrer l’équipe réserve : moi on m'a proposé un contrat aspirant. Si tu fais tes preuves, tu peux faire des entraînements et des matches en équipe première. Mais rien de sûr, évidemment.
Comment ça se passe dans un sport-études ?
C’est comme un centre de formation, mais où les études prennent plus de place. Au collège, on a des horaires aménagés, on est dans des classes avec des judokas, des pongistes, des plongeurs ou des gens qui ont une dérogation car ils ont une activité de haut niveau. On commence les cours tôt le matin et on finit tôt l’après-midi, pour ensuite pratiquer notre sport. C’était environ 10 heures par semaine de foot, en s'entraînant quatre jours par semaine, et une activité sportive avec l’école le mercredi. Le week-end, c'était les matches. Comme j’ai commencé tard, j’étais plus faible techniquement que les autres. Mes qualités principales, et elles le sont toujours, ont toujours été le physique, la vitesse, l’endurance. À l'époque, j’avais été pris 12e sur 12 au sport-études car techniquement j’étais juste, et les formateurs avaient hésité. Mais la formation a comblé mes manques, et j’avais le minimum à ce niveau. Ma famille habitait à une heure de Niort, donc ce n’était pas un trop grand dépaysement : mais la première année, c’est très dur de quitter ses parents, on pleure tout le temps. Il m’a fallu un an avant de ne plus être triste de partir. L'environnement ? Il n’est pas si concurrentiel : nous étions des jeunes qui vivions de notre passion, même si parfois nous n'étions pas toujours gentils les uns envers les autres. Mais tout de même, ce n’est pas comme en médecine, où on ne donne pas ses cours aux autres, on cache son travail… Nous on se donnait à fond, et quand la composition de l’équipe était mise sur le tableau le week-end, on n’en voulait pas aux autres si on y était pas.
À 19 ans, tu as un choix à faire entre le foot et les études. Tu es capitaine en U19 Nationaux, ce qui est tout de même la preuve d’un bon niveau et d'une vraie possibilité de devenir pro, mais tu décides de tout arrêter pour partir en prépa. Pourquoi ?
Ce n’est pas faire injure à mes confrères footeux de dire que généralement ils ne sont pas très bons à l’école, et donc que beaucoup font le choix du sport. Mais pour moi, ça se passait très bien à l’école, j’étais en filière Scientifique, j’aimais beaucoup les maths, et je voulais aussi briller là-dedans. Du coup, j’ai réfléchi longtemps pour choisir ma voie. Évidemment, le choix a été très difficile, j'ai vu plein de conseillers d'orientation. On n'a pas toutes les cartes en mains à 19 ans. Au foot il y a beaucoup d'appelés pour peu d’élus, il n’y avait pas beaucoup de chances que j’arrive à percer : signer ce contrat aspirant et aller en centre de formation, c’était un pari risqué. Je suis capitaine, on me fait confiance... mais pour passer pro, il y a une marge. Il n’y a plus de catégorie d’âge : il faut que tu montres que tu es meilleur qu’un mec qui a 22 ou 27 ans. Et dans un centre de formation, on ne fait que du foot, il y a très peu d’études. Moi, j'avais un problème avec ça. J’aime le foot, mais je ne regarde pas les matches à la télé : c’est bizarre à dire, mais je ne suis pas mordu. Simplement, j’adorais jouer, et j’ai l’esprit de compétition. Et le week-end, quand on est en centre de formation, c’est 100% foot : tu regardes Téléfoot, tu joues à FIFA, au baby-foot… C’est foot foot foot. Je pense que j’avais les capacités physiques et mentales - techniques, je ne sais pas. Mais il faut en vouloir ! Si tu n’es pas suffisamment amoureux du foot… Il y a cette motivation footballistique que je n’avais pas forcément, et d'un autre côté cette envie de pousser plus loin les études, car il y avait d’autres choses intelligentes à faire dans la vie. Peut-être que si j’avais eu plus d’envie, j’aurai pu choisir cette vie-là. Mais au final, une carrière dure dix ans, tu peux te blesser, galérer et ne jamais réussir, ne pas pouvoir reprendre tes études après. On me disait aussi : la prépa, c’est la voie royale, après tu peux faire ce que tu veux… J’ai donc écouté la voix de la sagesse : j'ai été en prépa Math Sup / Math Spé. Et comme on ne peut pas évoluer au foot au haut niveau en faisant une prépa, j’ai arrêté le foot : on ne me proposait qu'un bac pro vente en parallèle si je signais ce contrat. On ne te propose pas grand-chose, ça me paraissait léger... Je serais donc allé jusqu’en U19 Nationaux avec Niort, et c'est pas mal d’avoir pu jouer contre Nantes, Toulouse, Lorient, ce fut une bonne expérience. Mais le foot s’est arrêté là pour moi.
Certains joueurs de ta promotion ont-ils percé au plus haut niveau ?
Il y a Kevin Rocheteau, qui joue en Ligue 2, à Niort donc. De l’année au-dessus, il y a Benjamin Lecomte, le gardien de l'Espanyol Barcelone. Chez les Chamois, pas grand-monde n’a connu la Ligue 1, plutôt la Ligue 2 ou le National. Certains ont côtoyé de gros clubs pro, mais n’ont pas percé derrière. Mon plus gros accomplissement restera d’avoir été appelé dans les 23 de la sélection du centre-ouest, j’ai joué contre Thauvin qui était à Bourges, Pogba qui était au Havre…
Pourtant, tu as continué à jouer à un bon niveau régional.
Je jouais en Régional 1 à l'ES La Rochelle jusqu'à cette année. Mais ça me prends trop de temps, avec trois entrainements par semaine, plus les matches. Même en 6e division, il faut s’investir, car il y a un peu d’argent en jeu : chaque victoire est récompensée de 150 €, le nul 50 €. On joue le soir, donc cela entame ma session et je suis fatigué, et pour la récup' ce n’est pas bien de se coucher hyper tard. J’ai déjà privilégié la prépa au foot : ce n'est pas maintenant que je vais remettre le foot devant le poker ! Mais quitter l'équipe en pleine saison, ça ne se fait pas. Je ne peux pas partir jouer aux cartes pendant un mois et revenir comme une fleur. Alors je préfère arrêter, plutôt que de faire les choses à moitié. Une fois que l'équipe sera montée, j’en serai fier, j’aurai fait le job, pour finir en beauté. [L'ES La Rochelle est finalement montée provisoirement en National 3 dans des circonstances plutôt spéciales, NDLR]
C’est durant tes années de formation au football que tu as découvert le poker.
On jouais de temps en temps, en misant des chewings-gums. J’aimais bien le jeu, mais contrairement à d’autres je n’ai pas tout de suite accroché. Et c’est une période qui a duré longtemps. Cela a vraiment décollé pendant mes études d’ingénieur. Je jouais des Double or Nothing, qui étaient un bon moyen de me libérer du stress de la prépa. J’ai dû perdre 300 ou 400 balles, mais j'aimais bien ouvrir des tables, regarder combien de Miles je gagnais. Plus tard, j’ai commencé à essayer de comprendre le jeu, à regarder des vidéos, je jouais dans l'asso de l'école, et cela m'a permis d'améliorer ma vie étudiante, même si je n'avais pas de gestion de bankroll. Par exemple, je me souviens que j'étais en classe de neige au ski, et un site organisait un événement gratuit, tu pouvais jouer une table finale le soir dans un bar, avec un iPad à gagner. Je gagne, je revends la tablette pour 400 €. Derrière, je gagne un Monster Stack sur Winamax pour 1 700 €. Je commence à perfer régulièrement. Ça a commencé à prendre.
Après tes études, tu trouves un "vrai" boulot chez Air Liquide. Comment ça se passe ?
Pendant un an, le poker est resté quelque chose d'occasionnel, même si j'ai arrêté de donner des cours de maths car je gagnais assez aux tables. Air Liquide, c’est mon premier boulot, j’ai envie de bien le faire. J’étais RTE, basé à Bruxelles, et je devais veiller à ce que la production de gaz des usines soit bien matchée avec les demandes des clients, car on parle de gros volumes. Je faisais les trois-huits. J’ai aussi voyagé aux Pays-Bas.
Comment prends-tu la décision de te consacrer uniquement au poker ?
J'entame ma seconde année au travail, mais j’essaie de me professionnaliser au poker, pour voir si je peux en vivre. Et dans les entreprises comme Air Liquide, il faut beaucoup de temps pour grimper dans la hiérarchie… À la fin de l’année, mon contrat d'ingénieur que je ne voulais pas renouveler se terminait, et l'histoire avec ma copine aussi : je décide alors que je peux devenir joueur pro de poker. Je me suis dit que je pourrai aller plus vite dans ce secteur. Il y avait tout ce que j’aime : optimisation, argent, compétition, liberté... Le poker cochait beaucoup de cases. Et au pire, je me disais que je retrouverais un job. C’était la première vraie décision que j’ai prise de ma vie. Je m’inscris alors au club élite de YoH_ViraL, durant un an. Ça m’a boosté, et j’ai essayé de professionnaliser les choses. À ce moment, j’ai abandonné les Double or Nothing et je jouais des MTT à 1 ou 2 €.
Comment tes proches ont-ils réagi à cette décision ?
Cela a été compliqué. Aujourd’hui, ils ont changé d’avis car ils voient que je vais bien, que je ne suis pas en mode gamble, qu’il y a des gains. Je publie sur mes réseaux sociaux juste pour que ma famille puisse me suivre. Ils croisent des gens au marché qui leur parlent de moi, ça leur a confirmé que ce n’était pas du pipeau.
Tu as donc fait Math Sup / Math Spé, avant de passer au poker, un jeu où les maths sont partie prenante. Ces années de prépa t'ont-elles aidé à progresser dans ton jeu par la suite ?
Oui, mais pas forcément grâce au côté chiffres : plutôt au niveau organisationnel. Réfléchir vite, avoir un sens logique... Je n’ai pas retenu une seule formule de maths de cette période : en revanche, les méthodes et la discipline me sont restées, et c’est applicable au poker. Je connais plein de joueurs qui ne sont pas bons en maths et qui sont très bons au poker.
Cela a t-il tout de même davantage orienté ton jeu vers un style GTO ?
Oui, ma marque de fabrique au début, c’était de jouer GTO, peut-être trop. J’ai "mangé" beaucoup de solvers, mon côté matheux est ressorti. J’aimais ça. Mais j'ai énormément évolué en rencontrant des groupes de travail, ou directement aux tables, notamment avec plusieurs joueurs de Winamax. J’ai aussi appris à être exploitant et j’ai commencé à voir le poker différemment : par exemple si la théorie te dit de ne pas bluffer, il faut savoir se dire : “Mais si, tu peux !” Ça enlève des carcans. Mais ces dernières années, j’ai continué à bosser la GTO car je sais que je dois être bon là-dessus pour atteindre le top niveau.
Pour en revenir au lancement de ta carrière de joueur pro, tu avais décidé de partir à l’Île Maurice. Pourquoi ce choix alors que les grinders français s'exilent plutôt en Angleterre, à Malte, au Portugal ou au Mexique ?Yoh_Viral avait un groupe Facebook, j'y ai posté que j'étais chaud pour une coloc poker. Un gars dit qu’il a un spot à l'ÎIe Maurice. Fiscalement c’est bien, les paysages sont super... Le 27 février, je suis dans l’avion, et je reste deux fois trois mois avec mon visa de touriste. Ça a été positif, j’ai fait de belles perfs. En rentrant en France, je me suis établi à La Rochelle. J’avais envie de me poser un peu avec ma famille : j’ai fait Sport-Études à Niort, prépa à Bordeaux, école d’ingé à Paris, six mois en Malaisie, un an au Mexique, deux ans à Bruxelles, l'ÎIe Maurice... J’ai d'ailleurs refusé une coloc avec des bons joueurs à Lisbonne. Aujourd'hui, j'entame ma 4e année en tant que pro de poker, et j’envisage de partir à Budapest. Londres, je trouve que c’est très cher, et je ne suis pas encore un joueur du .com, ça demande un temps d’adaptation. Les joueurs qui vivent à Londres sont souvent des joueurs aguerris, qui ont gagné beaucoup d’argent, qui sont des tops regs, et je ne suis pas à ce niveau-là. Je préfère me tester dans d’autres pays moins chers, sympas, sans trop de joueurs de poker autour de moi, pas comme à Malte par exemple, qui est un milieu différent. Il y a quelques grinders de Winamax de bon niveau que je connais à Budapest et avec qui je serai en coloc. On progresse plus vite en étant entouré de bons joueurs, on se soutient, on se comprend. À l'Île Maurice, on était juste deux amateurs. Là j’ai passé des caps, c’est plus concret, les intentions sont claires.
Tu sembles avoir besoin d'autre chose que le poker dans ta vie, comme cela avait pu être le cas avec le foot. Un argument de plus pour Budapest ?
Bien sûr. J’ai très envie de découvrir culturellement la Hongrie, tout comme les pays limitrophes, car je ne connais pas les pays de l’est. Et il y a beaucoup plus de poker dans ces régions, je suis moi-même dans des groupes avec des Slovaques, des Slovènes et le niveau est intéressant. Là où je vis en France, tous les casinos ferment leurs salles de poker car ce n’est pas assez rentable. Ici, c’est prédominant, il y a des gambleurs. Culturellement et socialement parlant, ça va être différent. En plus je suis trilingue, j’ai toujours aimé l’étranger.
Au final, comment se passe ton début de carrière en tant que pro de poker ?
C’est sûr que le confinement m’a aidé. Ca a été un boom pour moi, mais ce n’était pas dans mes plans. Pour monter de buy-in, il faut le niveau et la bankroll. Mes premières grosses perfs ont été les victoires d’un Wina Series pour 20k, et celle du Grand Tournament Funday pour 40k, qui m’a permis de passer un cap. Je pensais avoir à peu près le niveau, mais en plus j’avais l’argent pour. En 2021 j’ai perdu 35 000 € sur les six premiers mois, je les ai rattrapés pour finir quasiment breakeven. Comme quoi il ne faut jamais lâcher. Aujourd'hui, je joue tous les tournois à 20 € ou plus sur Winamax.
Tu fais de la méditation, de la sophrologie, du yoga... Est-ce une démarche pour te sentir mieux au quotidien, ou simplement dans le but de te mettre dans les meilleures conditions possibles pour perfer aux tables ?
Je le fais seulement pour optimiser ma performance au poker. Malheureusement, je ne peux pas faire de yoga à haute fréquence, car les cours sont le soir, et comme vous le savez, le soir soit j’ai entraînement soit je grinde. La sophrologie c’est 4-5 heures par semaine, car je peux prendre plusieurs rendez-vous. Tout cela pour être meilleur mentalement et physiquement, être prêt à prendre des bonnes décisions.
Ton palmarès en live est vierge de titres. Est-ce un objectif pour toi à moyen terme ?
Avant les WSOP 2022, je n'avais jamais trop joué en live. J’ai fait quelques jours à Namur, des FPS au Havre, et au CCM pour des Texapoker Series en décembre 2021, mais je n’ai pas beaucoup d’expérience. Je suis allé à l'EPT Monaco et à Madrid [Simon a d'ailleurs terminé dans l'argent au WPO Madrid, NLDR] pour avoir plus d’expérience en live et préparer mon Vegas. Avec ce que j’ai gagné, j'ai plus d'assurance en live. C’est pareil pour des joueurs comme Chevre.Miel : quand on a monté une bankroll suffisante, on veut se frotter au live car ce sont des sensations différentes. Mais faire le déplacement sur des petits events live avec une petite bankroll en habitant à La Rochelle comme moi, ça faisait trop de frais, c'est contre-productif dans la construction d'une bankroll. Aujourd'hui, je peux me permettre de jouer des gros events. Mon premier objectif sera donc de breakeven, cela voudra dire que j’ai fait quelques ITM. Je n’ai aucun objectif financier, car sur une période aussi courte c’est dur de se dire "Je vais gagner X ou Y €". Mais je veux arriver à me sentir à l’aise, me dire que je crush les tables autant que quand je joue online, ressentir que je domine une partie du field. En live, j’ai encore du mal à interpréter certaines choses, et c'est intéressant d'essayer de progresser sur ce plan pour le futur. Je ne pense cependant pas aller à Barcelone pour l'EPT, et je ne sais pas encore si j'irai au WPO Bratislava.
Tu es arrivé à Vegas à la mi-juin pour tes premiers WSOP... Comment s'est déroulé ton séjour ?
J'étais en coloc avec Antoine Saout, Adrien Allain, Jean Montury, Joffrey Lhote et Lorenzo Lavis. Lorenzo, je le connais depuis trois ou quatre ans, c'est grâce à lui que j'ai pu intégrer cette coloc. Pour mon premier Vegas, je voulais être entouré de joueurs d’expérience : ils savaient mieux que moi ce qu’il faut faire pour bien vivre à Vegas, et on m’a dit que la villa était mieux que l’hôtel, alors même si ça me coûtait un peu plus cher, je voulais bien faire les choses. C'était génial, on s’est vraiment bien entendu et on a pu faire des petites activités ensemble comme du golf, des sorties... Concernant Vegas, les casinos étaient grandioses et j’aimais vraiment ce côté tout en grand, avec les Américains qui sont des personnes plutôt sympathiques aux tables et qui sont atypiques par moments. On croise toutes sortes de gens. J’ai aimé les tournois qui étaient magnifiques dans tous ces superbes casinos, c’était vraiment un kiff de pouvoir jouer tout ça. Niveau poker, mon programme était très simple : jouer tous les tournois en dessous de 3k de buy-in, aux WSOP et au Venetian. Je ne savais pas encore si j'étais capable de jouer douze heures d'affilée, mais j’avais un avantage car je suis sportif. Je n'avais pris qu'un billet aller... Au final, j'ai joué une trentaine de tournois pour une moyenne de buy-in à 2 200 $, et 66 000 $ de buy-ins totaux. J'ai cash pour 25 000 $, donc avec les frais et la villa je suis down d'un bon 50 000 $. Mais je suis content de mon jeu, même si j’ai fait des erreurs d'adaptation au live, surtout en début de tournoi ou contre des récréatifs. J’ai bien appris et j’ai été bien entouré. Tous les regs français étaient super sympas, que ce soit pour parler poker ou même en dehors pour le foot - on a d'ailleurs gagné la Coupe du Monde des joueurs de poker ! - et les sorties. J'ai aussi joué le Main Event. Je suis très content de cette expérience. Je reviendrai plus fort.
Tu comptes rester pro à long terme ?
Globalement, je suis très motivé, j’envoie beaucoup de volume, j’aime beaucoup grinder. Je compte bien encore grimper de limites durant les cinq prochaines années. On me parle d’addiction, mais c’est comme un patron qui veut faire marcher son entreprise : je ne vois que des côtés sains à ce que je fais dans le poker, je ne suis pas happé par le jeu, j’aime mon quotidien. Le joueur de poker peut s’adapter, ce n’est pas quelqu’un qui sait seulement jouer aux cartes. À long terme, je veux montrer que je vis bien du poker, que mentalement ça se passe bien. Je veux que ce soit une fierté pour mon entourage, avoir une bonne image : une fille peut par exemple trouver que tu es manipulateur au premier abord, mais finalement te voir comme quelqu'un d'organisé. Je sais qu’en étant sérieux et humble ça va bien se passer. Après, il faut trouver de la motivation.
Toi qui a déjà connu plusieurs carrières, envisages-tu de te réorienter vers autre chose par la suite ?
Est-ce que mon objectif de vie est de jouer les tournois les plus chers comme un Adrián Mateos ? Pour l’instant, pas du tout. Le but est de monter quelques millions pour pouvoir investir sur d’autres choses par la suite. Une fois que j’aurai réussi cela, je réfléchirai. J’aime bien le parcours de Ludovic Lacay par exemple [qui après sa carrière poker a travaillé pour Facebook avant de fonder une assurance vétérinaire en Angleterre, NDLR]. Je trouve que c’est intéressant de passer dans d’autres domaines, de se trouver d'autres passions. Je sens que je peux monter une boîte. On verra quand j'aurai plus d'idées...
Propos recueillis par Rootsah
Crédit photo foot : J.-C. Sounalet/SUD OUEST
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