Interview de Laurent Paganelli
Par Paris sportifs
dansPolyglotte, imprévisible et adepte des expressions cultes, Paga inverse les rôles pour répondre à nos questions. Homme de terrain et twittos néophyte, ce petit jugador vit sa passion à fond.
Qu’est-ce qu’un « grandé jugador » ?
C’est un joueur capable de tout, même de te surprendre en interview ! Quelqu’un de complètement disjoncté, plein de folie, autant sur le terrain que dans la vie.
Le « petit jugador », c’est le même, mais en petit. Moi j’ai toujours été un petit jugador, c’est pour ça que j’ai continué ma carrière de l’autre côté de la ligne blanche.
Combien de langues parles-tu ?
Sincèrement, je ne parle que la mienne ! Elle est faite de plusieurs langues... « Puedo parlar un poquito ingles et un poco francezes. » Je me suis toujours dit : Nelson Monfort, je l’adore, mais quand j’essaie de parler comme lui en anglais, il y a une personne sur dix qui comprend. Quand je parle ma langue qui ne ressemble à rien, tu en as neuf sur dix qui comprennent (rires). Sincèrement, tu le vois bien, je parle à peine le français. Heureusement que je n’ai pas passé le bac, j’aurais été recalé. J’aurais eu 2 en maths et 0 en langues !
Qu’est-ce qui a changé dans ton métier depuis 1997 ?
Ce qui a changé, c’est qu’on a mis des interdits de partout ! Avant, on pouvait tout faire. On pouvait improviser des interviews sur le banc et rigoler, on pouvait aller sur le terrain quand le mec avait raté un but, on pouvait presque aller poser des questions au mec qui tirait le corner. C’est dingue, avant on se lâchait totalement. Maintenant, on est obligé de faire attention à tout.
Cela a donc forcément modifié ta façon de travailler...
Bien sûr. Faire une interview devant un panneau publicitaire, ça ne ressemble à rien ! Le foot, ce n’est pas ça ! En réalité, une interview, c’est une conversation à un moment bien précis, un instant choisi émotionnellement. Ça doit rester naturel, spontané, on ne se pose pas de question mais on parle franchement. Un panneau, de suite, ça te met un barrage. Aujourd’hui, ce n’est plus pareil.
Je regrette tout cela. Le foot, que ce soit à la télé, dans un bar ou dans une cour de récréation, c’est de la spontanéité, le fait de pouvoir dribbler ou parler comme on le veut, quand on le veut et où on le veut. Désormais, c’est l’inverse.
Comment prépares-tu un match ?
(Éclats de rire). Je vais te faire rigoler mais… je ne prépare pas ! Le malheur avec moi, c’est que quelques fois si tu me demandes les noms des 22 joueurs, je ne peux pas te les dire ! C’est aberrant comme truc, les prénoms ce n’est même pas la peine… Des fois à Canal, ils me disent « ça nous embête, tu poses des questions à quelqu’un et tu ne nous dis pas son nom ». Mais moi je ne le connais pas les gars ! (rires) J’ai du respect envers la personne, je la croise souvent, on s’aime bien, on s’embrasse avant et pendant la rencontre mais c’est pas pour autant qu’on connait nos noms ou prénoms. C’est ça le foot aussi !
Et donc ce que je prépare… Bon ben je regarde un peu la compo de l’équipe sur le match d’avant, des choses comme ça. Sinon, je fais un footing en me disant « je ne dois pas être plus gros que celui que j’ai au micro ! » (rires) Les joueurs c'est impossible, ce sont des athlètes mais au moins l’entraineur ou le directeur sportif. Le président, ce n’est pas possible, il est souvent plus gros que moi.
Pour moi le foot est comme une partie d’échecs, c’est un plaisir. À Canal, on me dit que j’arrive toujours au dernier moment, c’est faux ! J’arrive quatre heures à l’avance mais je vais dans un bar et je discute avec des supporters qui m’apprennent en cinq minutes plus que ce qu’on dit en une heure et demie à l’antenne. J’aime bien ça, découvrir les choses de manière spontanée. Et après le match, je ferme le stade à clé, je suis le dernier à partir avec le seul supporter qui reste.
Ton arrivée sur Twitter a été un véritable tremblement de terre. Raconte-nous.
Ecoute, je vais te dire, c’est un truc aberrant pour moi et je ne sais pas si les gens pourront le comprendre mais j’ai perdu mon père deux jours après la finale de la Coupe du Monde. Il m’a dit « reste comme tu es, amuse-toi, fais les choses que tu as envie de faire et ne prends pas les choses au sérieux ». Je me suis dit « bon, ce qui m’éclate c’est ce que je fais avec Canal mais je travaille que les jours qui ne terminent pas par [i] donc je ne m’amuse que le dimanche ». J’ai essayé de trouver quelque chose d’autre et j’ai réalisé que Twitter pouvait être ce truc-là. J’ai un pote qui maitrisait les choses alors que moi pas du tout, à part recevoir les appels et en émettre je ne sais rien faire avec le téléphone. Il m’a dit « je te monte le truc et toi tu l’animes ! » et c’est ce que l’on a fait. Je fais des conneries, des vidéos, des trucs qui me passent par la tête au moment où j’ai envie de le faire. Je suis parti dans ce trip comme quand j’ai commencé ma carrière à Canal, en me disant que le premier serait peut-être le dernier. 20 ans après, je suis encore là. Ça peut s’arrêter demain, comme ça peut continuer, je ne sais pas. J’ai rendu cet hommage à mon père et je continue à le faire, tout simplement.
Finalement, Twitter est une forme de thérapie...
C’est tout à fait ça ! Twitter est une façon de s’exprimer, chacun le fait à sa façon, c’est ça qu’il y a de bien. Je tombe souvent sur la télé où on annonce des mauvaises nouvelles, sur des gens assez tristes dans la rue, qui ont des problèmes… Je me suis dis « si on peut amener de la gaieté aux autres, alors faisons-le ! » C’est comme quand tu donnes un cadeau, tu veux faire plaisir mais tu en prends également à le faire. Comme tu dis, c’est aussi une forme de thérapie. C’est bien pour les autres, moi j’aime bien le créneau, on rigole, on s’éclate. Les gens regardent et se marrent quand ils ont envie. C’est de cette manière que je traduis ce phénomène Twitter.
C'est aussi une façon de te mettre à nu, une habitude chez toi puisque ton bouquin sorti en 2009 s'intitule « Paga à nu ».
Absolument. Il faut aller au fond des choses, s’exprimer pleinement, sans limite, sans calcul et sans se poser trop de questions. Les gens aimeraient aussi parfois décompresser, moi je me défoule et je prends un pied pas possible ! C’est difficile à traduire, c’est une dépense intérieure d’énergie, un peu de la folie que j’ai en moi et que j’ai envie de traduire comme ça. On n’a pas tout le temps la possibilité de le faire, Twitter est un bon moyen. Ça me vient comme ça, je ne me dis pas « ça il ne faut pas le faire », je le fais.
Te verrais-tu faire autre chose, comme du théâtre ou du cinéma par exemple ?
Carrément, ça c’est mon truc ! J’ai décidé de faire un truc au festival l’été prochain avec un pote. Ça me plait parce que je trouve qu’on est une génération pleine de vie et d’anecdotes, les gens et les choses m’enrichissent. Il y a un truc à faire autour de ça, je ne sais pas si j’irai au bout, si j’aurai le talent ou les capacités de pouvoir le faire mais je vais essayer. Mélanger la comédie avec de la musique, ça me plairait. J’adore Brassens, Renaud, des mecs qui s’expriment. Acteur, je ne sais pas car il faut être patient. Puis franchement quand je me vois faire et que je m’entends, je me dis que je suis vraiment nul (rires). Je n’irai pas jusque là pour ne pas fâcher le septième art !
Puisque nous sommes dans la fiction : le PSG peut-il gagner la Ligue des Champions ?
Oui, sincèrement. Je regarde grandir cette équipe, j’aime bien son président. C’est quelqu’un de très cool, qui observe, qui voit et qui essaye. Il aime ses joueurs et son club et je pense que quand on aime à ce point, à un moment on y arrive. Ce n’est pas facile mais ils ne se prennent pas la tête, ils n’ont pas cette obligation qu’a le public. Eux, ils font les choses à leur façon, chaleureusement. Je n’entends personne dire de ce club « je m’en vais, je n'aime pas cet environnement ». Ils cherchent la formule mais comme me dit toujours Franck Sauzée qui l’a gagnée : « Il faut avoir de la chance à un moment. » Ils ne l’ont pas encore eu. Même si tu as le talent, la tactique, l’entraineur, il te faut aussi ce petit brin de chance. Le Real l’a eu chaque année. Je pense que le PSG va y arriver un jour.
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Quel serait ton Top 5 en Ligue 1 ?
C’est bien simple, tu prends les cinq plus gros budgets et tu fais le classement. Saint-Étienne a peut-être un coup à jouer parce qu’il y a un mec extraordinaire à la tête de l’équipe. Jean-Louis (Gasset) je le connais, je l’adore, c’est un renard, malin, doué. Les présidents sont ce qu’ils sont mais c’est bon enfant, puis il y a Rocheteau à l’intérieur. Il y a un public qui vaut le coup. Depuis que Gasset est là, l’équipe tourne bien et progresse. J’y crois. Je ne sais même pas s’ils ne vont pas gagner la Champions League avant le PSG tiens ! (rires)
En tout cas, on te le souhaite… Mais quoi ?
D’être toujours heureux, de ne jamais être seul ni malade. C’est la priorité. Je souhaite cela à tous les gens, de vivre chaque jour comme si on découvrait les choses pour la première fois.
Session one-shot « Homme de terrain »
Ta meilleure interview ?
Hum, j’en ai tellement fait… Je vais dire Joe Cole en anglais ! Enfin, lui en anglais, moi… (rires)
Ton pire match au bord du terrain ?
Tu sais, c’est con à dire mais au bord du terrain c’est jamais pire. Mais je dirais le 5 à 5 entre Lyon et Marseille. Moi je me suis éclaté mais c’était le pire match que j’ai connu pour le travail car aucun des deux entraineurs ne voulait répondre à mes questions (rires). Ils faisaient la gueule tous les deux, tout le monde avait perdu ce soir-là.
Et le meilleur ?
Un Marseille contre des Italiens en demi-finale de Coupe d’Europe… Ils s’étaient qualifiés sur un penalty de Laurent Blanc à trois minutes de la fin. Rolland Courbis était à genoux sur la pelouse et il priait, je ne sais qui d'ailleurs car il ne croit pas en Dieu. Ça c’était un bon souvenir.
Le joueur que tu aimerais interviewer ?
(Il hésite) Iniesta. Parce qu’il est plus petit que moi (rires) !
Le joueur qui pourrait prendre ta place ?
Je pensais vraiment que Ludo Giuly pouvait le faire. Il est pétillant, vivant, il connait les joueurs… Mais bon il a trouvé une planque à Monaco, en tant que quoi déjà ? Il se balade. (rires) Sinon je voyais bien Ibrahimovic, mais pas sûr qu’il voudra le faire !
On pensait aussi à Rami...
Ah bah oui bien sûr, Adil ! Il est pire que moi. C’est mon idole, il dégage quelque chose de fort, il amène du plaisir.
Les pages à suivre