Interview de Didier Roustan
Par Paris sportifs
dansChroniqueur à l’Équipe 21, Didier Roustan porte un regard critique sur sa profession et les reproches adressés contre Unai Emery.
Le meilleur youtubeur français ne parle ni de mode ni des profs de son lycée mais de football : Roustan TV, le blog vidéo du journaliste sportif, attire entre 50 000 à 100 000 fans à chaque épisode. Cet amoureux du beau jeu pourrait parler des heures de Marcelo Bielsa ou de l’Argentine. "Je me régalais en voyant jouer l’OM." Et nous nous régalons de l'écouter.
Quel est ton secret pour tenir 30 à 50 minutes, seul, face caméra ?
C’est un exercice assez flippant. Je lis beaucoup, je m’efforce de trouver des sujets. Je ne fais qu’une prise, j’ai des hésitations, je bafouille… Ce n’est pas de la télé, je peux me le permettre.
Aurais-tu aimé être acteur ?
Non. C’est un métier différent. J’aurais pu être un acteur basique et chercher à progresser, mais bon… J’ai connu des acteurs dont les débuts étaient pitoyables – je ne citerai pas de noms – et qui sont aujourd’hui très doués. Et puis cela m’aurait ennuyé d’être dirigé par un réalisateur, l’entendre dire « à gauche, voilà, bien » et patienter deux heures pour tourner cinq minutes. Le théâtre serait sans doute davantage fait pour moi. Du vrai théâtre, attention ! Beaucoup de gens me disent : « Didier, tu devrais faire du one-man show » mais ce n’est pas non plus mon truc.
Et footballeur ? Tu as joué à l’AS Cannes jusqu’à tes 16 ans…
Jusqu’à 17 ans et demi, plus précisément. À 16 ans, je me suis entraîné avec l’équipe première. Un an plus tôt, j’avais failli disputer un match avec l’équipe de France cadet : quelqu’un avait besoin d’un avant-centre et d’un libéro… et je jouais libéro. Finalement, je me suis battu avec un gars…. J’étais comme ça, du genre à traîner dans les rues, quoi. Je ne faisais de mal à personne mais j’avais une rage intérieure. Quand le coach me demandait de m’entraîner, ça me faisait chier… La notion du plaisir, du foot avec les potes, avait disparu. Pour moi, le football doit rester un plaisir. Aujourd’hui, il y a une robotisation de ce sport et des esprits. Tenez : Saint-Étienne avait dix-sept blessés contre Lyon et leur jeu n’a pas fondamentalement changé ; chacun de leur joueur est interchangeable, faute de qualités. Enlevez des joueurs au FC Barcelone, on remarque tout de suite la différence !
Te retrouves-tu encore dans le football d’aujourd’hui ?
C’est compliqué. Avant l’arrêt Bosman, les grands joueurs étaient répartis dans vingt-cinq équipes : à Magdebourg, en Europe de l’Est… Maintenant, le très haut niveau ne concerne que huit équipes et elles se ressemblent toutes. Tout est uniformisé. J’aime Riquelme, j’aime Pastore. Quand je les vois évoluer sur un terrain, il se passe toujours quelque chose. Je ressens des trucs. Des sentiments. De l’émotion. Cette émotion, aujourd’hui, je ne la retrouve que dans les gestes techniques ou la dramaturgie d’un match.
Te sens-tu en décalage avec tes confrères ?
Oui, peut-être. J’ai toujours été à la marge – à la marge, hein, pas marginal. Je peux deviner à l’avance ce que vont dire certains journalistes. Deux fois par semaine, sur TV5 Monde, je commente la L1 à ma manière : je peux chanter, parler d’histoire, de géographie ou de cinéma, et les gens semblent aimer ça.
Une méfiance s’est déjà installée autour du travail d’Unai Emery. Qu’en penses-tu ?
Emery semble avoir beaucoup d’ennemis auprès des journalistes. C’est le cas avec chaque entraîneur étranger qui débarque en France ; ce fut le cas avec Bielsa et, à un degré moindre, avec Ancelotti. Il y a un déferlement de rage que je n’explique pas. Je peux comprendre certaines critiques sur ses choix, et alors on en discute, on échange… mais là il s’agit quasiment d’insultes. Le mec, on le fait passer pour un tocard parce qu’il n’a pas gagné la Ligue des champions. Oh ! Et la Ligue Europa, alors ? Si un entraîneur français gagnait cette compétition, il deviendrait la référence ultime.
Avec le recul, que gardes-tu du passage de Bielsa en L1 ?
On a tous pris Bielsa dans la gueule. D’un seul coup, il est arrivé quelque chose de frais à ce championnat. Je me régalais en voyant jouer l’OM. Tout n’était pas parfait, mais j’ai pris du plaisir, un plaisir rare de nos jours quand on voit le niveau général de la L1. On a critiqué ce type qui est une référence pour de nombreux entraîneurs étrangers, adoubé par les plus grands… Putain, j’ai honte ! Pour vous enlever du crédit, on vous disait : « Les gens qui supportent Bielsa font partie d’une secte. » C’était fou ! Le débat n’existait pas.
Est-ce difficile de bien parler de foot à la télé ?
Tout au début de l’Équipe TV, j’animais Enfin du Foot, une émission de débat avec notamment Pierre Ménès et Karim Nedjari. Nous parlions du football autour d’une table, avec une pointe d'humour. Les retours étaient très bons. Aujourd’hui, la mode est à l’acharnement médiatique : les émissions sont trop nombreuses, il faut remplir, parler à tout prix… Il y a actuellement une tendance au bla-bla, à la petite phrase qui n’apporte rien.
Pays-Bas - France a lieu lundi. Les Bleus vont-ils se qualifier ?
À partir du moment où pratiquement toutes les équipes d’un groupe se qualifient… À force de faire des compétitions avec 32 ou 48 pays, les qualifications n’ont plus d’intérêt pour une nation comme la France. Elle sera éliminée une fois tous les cinquante ans. Ce que je pense des Bleus ? Si je ne peux pas faire autrement, je regarderai le match… C’est mon métier, je n’ai pas le choix. Je n’ai aucune idée de la valeur de cette équipe qui a battu l’Allemagne sur un penalty généreux à la fin d’une mi-temps où elle fut totalement dominée. Durant l’Euro, j’aurais bien aimé que l’on affronte l’Espagne ou l’Italie avant de défier l’Allemagne, par exemple au premier tour.
Quel est ton pronostic ?
Une victoire française 2-1.
Session one-shot maillots
Le plus beau maillot de ta collection ?
Celui de l’AS Cannes porté lors de mon entraînement avec les pros. Il a une connotation affectueuse.
Le plus moche ?
Je préfère les maillots sans publicités dessus. Avec tout le fric que génère le foot, c’est dommage d’en ajouter.
Le plus cher ?
J’en ai acheté beaucoup, des joueurs m’en ont donné… Aucun ne se dégage en particulier.
Le plus beau en Ligue 1 ?
Monaco. Et l’ancien maillot du PSG.
Le maillot parfait pour aller en boîte ?
Un vieux maillot peut-être… Flashy ? Oh, non… contrairement aux apparences, je suis discret comme gars.
Les pages à suivre